Prêt en francs suisses et le pouvoir du juge en cas de déséquilibre significatif

Il convient de s’intéresser à deux arrêts qui ont été rendus par la Cour de Cassation en ce printemps 2017 et qui viennent apporter une précieuse lumière sur la problématique du prêt en francs suisses, considéré, par un nombre très importants d’emprunteurs lésés, comme étant un prêt abusif,

 

Ce sentiment d’abus découlait plus particulièrement de plusieurs clauses de ces contrats qui abordaient la question spécifique des frais de change attachés aux modalités de règlement des financements en question car l’évolution des taux de change au détriment des emprunteurs a crée en pratique un véritable déséquilibre financier bousculant l’économie des prêts en litige,

 

Il est vrai que longtemps réputé pour sa stabilité, le franc suisse a connu une dépréciation importante par rapport à l’euro, et ce à compter des années 2010, qui a emporté un bouleversement des contrats de prêts stipulant une monnaie de compte en francs suisses.

 

Ce prêt en francs suisses, prêt également appelé « Helvet Immo » ont alors fait grand bruit, générateurs d’un grand nombre de contentieux qui avaient été engagés tant sur le terrain civil que sur le terrain pénal et qui sont en cours.

 

L’année 2017 vient apporter un certain nombre de lumière sur le prêt en francs suisses puisque dans un premier arrêt rendu en janvier 2017, la Cour d’Appel de Nancy venait valider la clause « monnaie de compte » au motif pris que l’analyse de cette stipulation en clause d’indexation était illicite au regard de l’article L 112-2 du Code Monétaire et Financier et ce dans la mesure où le lien avec l’activité de la banque et l’absence de manquement de celle-ci à ses devoirs, afin d’assurer une mise en garde, permettait de valider la clause en question.

 

Cette jurisprudence de la Cour d’Appel relative au prêt en francs suisses, venait aborder l’exercice par l’emprunteur de la faculté d’option pour une conversion du prêt en euros à taux fixe ce qui avait, quand même, pour conséquence de rééquilibrer à temps, autant que faire ce peux, le déséquilibre généré par le recours à la monnaie de compte en francs suisses.

 

En marge de ces nombreux procès civils, il convient de rappeler que la procédure pénale est quant à elle toujours en cours,

 

Nonobstant l’adage suivant lequel le pénal ne tient pas le civil en l’état, cette procédure pénale risque fort de jouer un rôle important sur le terrain civil, car elle éclairera quand même les juges du fond pour savoir si oui ou non la banque avait parfaitement appréhendé le risque financier qui pouvait résulter à l’encontre des emprunteurs, réputés non avertis et surtout non avertis sur les conséquences financières spécifiques à un prêt en francs suisses qui, à mon sens, nécessitait une obligation de conseil renforcée tant les conséquences financières peuvent être désastreuses.

 

Or, la Cour de Cassation, dans ses deux arrêts, vient apporter des informations concrètes et rassurantes sur ce type de prêt en francs suisses pour l’emprunteur qui subissait de plein fouet ces clauses indexant le montant du prêt sur le franc suisse.

 

Tout comme le souligne le Professeur Thierry BONNEAU, la haute juridiction édicte que les juges doivent rechercher d’office si les clauses indexant le montant du prêt en francs suisses mettent exclusivement à la charge des emprunteurs un risque de change et si, par conséquent, ces clauses n’ont pas pour objet ou pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur.

 

Il a également recherché si en raison de ce type de clauses, il n’existe pas un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt en francs suisses au regard des capacités financières des emprunteurs justifiant sa mise en garde par la banque.

 

C’est en invoquant l’irrégularité de la clause du contrat prévoyant la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change ainsi qu’à un manquement de la banque (ainsi que du courtier) à leur obligation d’information et de mise en garde, que les consorts C ont assigné, en annulation de la clause litigieuse ainsi qu’en responsabilité et en indemnisation, l’établissement bancaire et ledit courtier.

 

Dans ce contentieux, la Cour de Cassation rappelle, qu’en application de l’article L 112-2 du Code Monétaire et Financier, la validité d’une clause d’indexation fondée sur une monnaie étrangère est subordonnée à l’existence d’une relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties de telle sorte que l’établissement bancaire considère que la relation directe du taux de change dont dépendait la révision du taux d’intérêt initialement stipulé avec la qualité de banquier qu’est la société BNP était suffisamment caractérisée.

 

En suite de ce rappel, la Haute juridiction consacre l’obligation de conseil et de mise en garde qui pèse encore plus sur l’établissement bancaire dans le cadre d’un pareil montage financier,

 

 

En défense, si ce n’est en tentative d’exonération de sa responsabilité, l’établissement bancaire, ainsi que son courtier, soutient que le Juge ne pouvait relever d’office la disproportion manifeste d’une clause dans un contrat de consommation au motif pris que les parties au procès n’avaient pas allégué dans leurs conclusions d’appel ce moyen de droit et cette demande et que celle-ci n’avait été alléguée pour la première fois que devant la Cour de Cassation.

 

La Cour de Cassation ne s’y trompe pas non plus,

 

Elle considère qu’il résultait des éléments de faits et de droit débattus devant elle que selon le contrat litigieux, les mensualités étaient susceptibles d’augmenter son plafond lors des 5 dernières années, de telle sorte qu’il incombe au Juge de rechercher d’office, notamment si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si en conséquence, la clause litigieuse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat au détriment des consommateurs.

 

Au visa de l’article L132-1 du Code de la Consommation, devenu article L 112-1 depuis la réforme du 14 mars 2016, la Haute juridiction précise que le Juge est en mesure de rechercher d’office si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si par la même voie de conséquence la clause en question n’avait pas pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties et ce, essentiellement au détriment du consommateur qui se retrouve avec un risque d’indexation l’amenant à un recul de la fin d’échéance à plus de 2 ans, ce qui crée un risque financier et un risque de disproportion particulièrement important à l’encontre de l’emprunteur.

 

Afin de mieux appréhender le risque de disproportion, il convient de reprendre les faits de l’espèce,

Dans cette affaire, suivant offre acceptée le 3 juillet 2009, la banque avait consenti à Monsieur P un prêt libellé en francs suisses remboursable en euros dénommé « Helvet Immo ».

 

Invoquant l’irrégularité de la clause du contrat prévoyant la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change ainsi qu’un manquement de la banque à son devoir d’information et de mise en garde, l’emprunteur l’a assigné en annulation de la clause litigieuse ainsi qu’en responsabilité et en indemnisation.

 

La Haute juridiction fait droit à l’emprunteur,

 

Elle rappelle à toute fin que la Cour de Justice de la Communauté européenne a dit que le Juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit ou de fait nécessaires à cet effet et que lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas sauf si le consommateur s’y oppose, conformément à la décision CJCE du 4 juin 2009 Panorama C24308.

 

Dès lors, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel, du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,

 

C’est immanquablement le cas dans cette affaire car effectivement la modification du taux de change est devenu particulièrement préjudiciable à l’emprunteur qui se retrouve avec un déplafonnement de son prêt, avec un recul jusqu’à près de 5 d’échéances complémentaires qui viennent s’ajouter au prix initial et avec des majorations d’intérêts et de frais de change extrêmement importants.

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation souligne que suivant le contrat litigieux toute dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse a eu pour conséquence d’augmenter le montant du capital restant dû et ainsi la durée d’amortissement du prêt d’un délai maximum de 5 ans de telle sorte qu’il incombe au juge de rechercher, même d’office, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l’emprunteur, si la clause litigieuse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatifs entre les droits et obligations des parties au contrat et ce au détriment du consommateur.

 

La Cour considère également qu’il y avait un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt au regard des capacités financières de l’emprunteur de telle sorte que la mise en garde était parfaitement justifiée et que dans la mesure où la banque a manqué à ses obligations, elle devait être condamnée.

 

Ces jurisprudences largement publiées sont salutaires,

 

En effet, ces deux arrêts sonnent le glas de ces prêts en francs suisses qui ont pour effet de majorer le délai de paiement des échéances bancaires qui s’allongent parfois de plus de 5 ans les échéances qui rendent l’investissement parfaitement inadapté et qui risquent même de créer un endettement excessif à l’emprunteur.

 

 

Déchéance du terme non valable et assignation en paiement, quelle efficacité ?

Il convient de s’intéresser à une nouvelle jurisprudence, rendue cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déchéance du terme d’un prêt bancaire lorsque l’emprunteur non commerçant est défaillant.

 

Cette jurisprudence rappelle que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier sur la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Les faits sont les suivants,

 

Le 24 novembre 2007, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier d’un montant de 277 635 euros, ce qui n’est pas rien, remboursable en 240 mensualités de 1897.92 euros au taux fixe de 4,95 % l’an.

 

Les échéances du prêt étant demeurées impayées, la banque se prévalant de la déchéance du terme à la suite d’une mise en demeure reçue par Madame X le 5 janvier 2010 et demeurée infructueuse, l’avait alors assignée en paiement de la créance.

 

La Cour d’appel considère que pour condamner Madame X à payer à la banque la somme de 298 381.22 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010 et la capitalisation de ceux-ci,

 

L’arrêt frappé de pourvoi retient que s’il ressort des vérifications d’écritures que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Madame X, l’assignation en paiement qui s’en est suivie vaut déchéance du terme.

 

La Haute juridiction ne retient pas cette solution et cette motivation de la juridiction du deuxième degré,

 

Elle rappelle avant tout que l’établissement bancaire ne peut se prévaloir d’une déchéance du terme automatique pour un emprunteur non commerçant,

 

Or, la pratique bancaire démontre que les établissements bancaires ont pour fâcheuse habitude de prévoir une telle déchéance automatique dans des contrats rédigés de manière obscure leur permettant de prononcer la déchéance du terme et d’envisager, dans la foulée, une saisie immobilière du bien dans un délai extrêmement court et sur la seule base d’un ou deux impayés,

Cette déchéance du terme automatique est dangereuse car elle permet à l’établissement bancaire d’entrer dans ses droits de manière quasi automatique et de pouvoir lancer toute procédure de saisie immobilière à cette fin,

 

Elle est d’autant plus dangereuse lorsque l’offre de prêt est réitérée par acte notarié, par acte authentique, lequel acte authentique est revêtu de la force exécutoire, permettant ainsi au créancier, sur la seule base d’une déchéance du terme automatique découlant parfois d’un ou de quelques impayés, d’envisager sans grande difficulté la saisie immobilière de l’emprunteur en difficulté,

 

Pour que la créance soit exigible, elle doit faire l’objet d’une déchéance du terme,

 

Cette déchéance du terme doit répondre aux exigences du contrat de prêt mais doit également répondre aux critères jurisprudentiels qui imposent à l’établissement bancaire de solliciter l’emprunteur afin que celui-ci puisse régulariser les impayés avant de subir la déchéance du terme de l’intégralité du prêt,

 

Or, la pratique démontre que les difficultés rencontrées par l’emprunteur en situation d’indélicatesse financière demeurent conjoncturelles,

 

La préoccupation majeure de l’emprunteur est de faire face à ses obligations financières, nonobstant des difficultés économiques le plus souvent plus conjoncturelles que structurelles,

 

Or, dans pareil cas, avant le prononcé de la déchéance du terme il n’est pas rare de se retrouver face à un établissement bancaire qui se refuse à faire droit à une suspension des échéances du prêt, sauf à grand renfort d’intérêts intercalaires quasi prohibitifs, laissant l’emprunteur seul face à ses difficultés et l’exposant directement à une déchéance du terme,

 

Déchéance du terme prononcée, et nonobstant les efforts très importants de l’emprunteur en difficulté afin de rattraper son retard dans le paiement des échéances impayés, il est encore plus rare de constater que la banque envisage dans ce cas de remettre en place le prêt en litige afin qu’il se poursuive et que la dite déchéance soit purement et simplement annulée,

 

Pour autant, il est important de rappeler au débiteur qu’il n’est pas démuni et peut tout à fait contester cette déchéance du terme.

 

Il peut, en cas d’impayés, naturellement solliciter la suspension judiciaire des échéances en cas de silence ou de résistance de la banque, afin d’obtenir, bien souvent au forceps d’ailleurs, une suspension judiciaire des échéances du prêt,

 

Il peut également contester la déchéance du terme proprement dite lorsque si celle ci était déjà prononcée, en remettant en question son existence et sa validité voire son inopposabilité à son encontre pour amener judiciairement l’établissement bancaire à remettre en place le crédit avec son échéancier,

 

Il est bien évident que si le débiteur vient contester la déchéance du terme et que celle-ci n’est pas conforme, rien n’empêche l’emprunteur pendant cette période de poursuivre les paiements au profit des échéances à remettre en place et de faire constater par la juridiction saisie que l’ensemble des échéances ont été poursuivies de telle sorte que le prêt aurait vocation à se poursuivre naturellement.

 

Dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas valable, il appartient à l’emprunteur, et son conseil, d’en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement d’échéances mensuelles,

 

Si la question de la déchéance du terme est génératrice de nombreuses jurisprudences et doctrines, cette nouvelle jurisprudence apporte une réponse complémentaire lorsque justement ladite déchéance du terme ne serait pas valable,

 

Cette jurisprudence de 2017 rappelle que peut constituer un abus la notification d’une déchéance du terme automatique à un débiteur de bonne foi sans avertissement préalable.

 

Mais surtout, elle précise, en sus que l’établissement bancaire ne peut palier sa déchéance du terme irrégulière en considérant que l’exigibilité de la créance en litige découlerait non plus de ladite déchéance du terme irrégulière mais de l’assignation qui s’en suivrait,

 

Ainsi, la jurisprudence étudiée rappelle que si le contrat d’un prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Mais surtout, elle précise, en ce que si la déchéance du terme peut-être remise en question, la banque ne saurait rattraper le « coche » en considérant que celle-ci a procédé à un commandement de payer par huissier ou bien encore en considérant que celle-ci en assignant en paiement vient consacrer l’exigibilité de la créance et donc sa déchéance.

 

Il ne faut pas s’y tromper,

 

Il est bien évident que l’assignation ne saurait entrainer par elle-même la déchéance du terme.

 

Dans la mesure où la déchéance du terme est subordonnée à l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception manifestant l’intention de la banque de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, il est bien évident que celle-ci ne peut-être compensée ou remplacée par une assignation ou même par un commandement de payer qui ne répond pas aux dispositions contractuelles du prêt.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où l’établissement bancaire aurait manqué à ses obligations ou aurait « raté » la validité de la déchéance du terme, ce dernier ne peut tenter de régulariser la situation en assignant le débiteur ou en faisant signifier un commandement de payer,

 

L’établissement bancaire serait plutôt fondé à revoir la problématique à sa base,

La banque ayant plutôt vocation à procéder à la signification d’une nouvelle déchéance du terme conformément aux dispositions du contrat de prêt dont il se prévaut, sans tenter de créer une validation « a postériori » en signifiant tantôt un commandement de payer, tantôt une assignation en paiement, tantôt une assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation aux fins de vente immobilière,

 

Ainsi, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainerait la déchéance du terme celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier selon délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

De même, l’établissement bancaire ne peut faire découler de l’assignation ou de la procédure qui s’en suivrait une validation a postériori d’une exigibilité erronée,

 

Il appartient à l’emprunteur en difficulté, devenu débiteur fort de cette déchéance du terme particulièrement contestable d’être particulièrement vigilant, et de combattre cette notion d’exigibilité et de déchéance du terme,

 

Cette contestation permettrait à l’emprunteur de reprendre son prêt en cours, de reprendre ses paiements, au besoin sur la base d’un prêt au seul taux légal si le taux effectif global du prêt est également contesté,

Indemnité de recouvrement et déclaration de créance bancaire en procédure de sauvegarde

Il convient de s’intéresser a un arrêt rendu en ce printemps 2017 qui vient aborder la question spécifique de l’indemnité de recouvrement dans le contenu d’une déclaration de créances établie par un établissement bancaire contre l’un de ses débiteurs, en difficulté économique, en cessation des paiements, et qui se place sous le coup d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire,

 

Or, dans pareil cas, l’établissement bancaire ne manque pas de déclarer sa créance et ne manque surtout pas de l’agrémenter d’un grand nombre de frais divers et variés, d’intérêts majorés ainsi que des pénalités ou bien encore indemnité de recouvrement.

 

Or, chacun sait que la phase de déclaration de créances est cruciale, notamment parce qu’elle est insérée dans un délai assez court sous peine de forclusion tantôt de la déclaration de créances elle même, tantôt du surplus non déclaré de la créance,

 

Ce délai court de déclaration de créance et la forclusion qui l’accompagne amènent les créanciers à déclarer des créances avec un montant presque toujours majoré, quitte à rectifier à la baisse par la suite, l’inverse n’étant juridiquement pas possible,

 

Cette pratique « logique » pour le créancier est toujours source d’inquiétude pour le chef d’entreprise qui se retrouve très souvent au mois de 3 mois de procédure collective avec un passif bien supérieur à ce qu’il avait initialement imaginé.

 

Cette pratique donne tout son sens à la phase de vérification des créances qui est le véritable nerf de la guerre économique et psychologique en procédure collective,

 

En effet, la fixation du passif au sein de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire détermine toujours la faisabilité du plan de sauvegarde ou de redressement qui sera présenté pour les 10 prochaines années sur la base d’un prévisionnel.

 

A défaut, si l’entreprise tombe en liquidation judiciaire, ce même passif devient un élément déterminant utilisé par le mandataire judiciaire, le Procureur de la République, le Juge Commissaire ou encore le Tribunal de Commerce pour envisager la responsabilité du chef d’entreprise face à l’insuffisance d’actifs importante de la procédure collective,

 

En tout état de cause, cette jurisprudence est salutaire car elle vient mettre à mal l’établissement bancaire qui croit bon pouvoir déclarer, en sus de la créance due, une indemnité de recouvrement,

 

Dans cette affaire la banque avait consenti un prêt à une société PT,

 

Cette dernière ayant été mise en sauvegarde le 6 avril 2011, la banque a déclaré une créance correspondant à l’intégralité du capital prêté à échoir, majoré d’une indemnité de recouvrement stipulée au contrat de prêt,

 

Cette indemnité avait été contestée par le débiteur,

 

De prime abord à juste titre,

 

Dans l’hypothèse où le Juge Commissaire n’était pas nécessairement compétent pour trancher cette difficulté en matière de vérification et d’admission des créances, le contentieux avait été renvoyé au fond afin que la créance soit clairement et définitivement fixée.

 

La Cour de Cassation rappelle qu’au terme de l’article L 620-1 du code de commerce ;

« Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. « 

Ces dispositions d’ordre public sont claires et rappellent que le recours à une procédure de sauvegarde doit nécessairement conduire à faciliter la survie de l’entreprise, prévenir l’état de cessation de paiements ou en tout cas y remédier.

Cela est d’autant plus vrai que l’article L 622-13 du code de Commerce précise que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

 

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture.

 

Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.

 

Des lors la décision de l’entreprise de se placer sous la protection judiciaire ne peut pas être librement envisagé si la conséquence immédiate consiste à se retrouver avec un passif majoré et une situation financière aggravée.

 

La Cour de Cassation est parfaitement fondée à considérer que : «  La clause qui alloue au prêteur une indemnité de 5 % de sa créance dans le cas où la banque serait obligée pour recouvrer sa créance de produire un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire ; que cette clause aggrave la situation du débiteur lorsque ce dernier n’est pas défaillant à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective, ceci d’autant plus quand il n’y a aucune échéance de retard et même dans cette hypothèse, cela n’implique pas nécessairement la résiliation du contrat ».

 

En effet par application de l’article L 622-13 du code de commerce le contrat a vocation à se poursuivre et l’établissement bancaire a vocation à déclarer sa créance au titre de l’arriéré.

 

En tout état de cause, il ne saurait y avoir droit à une indemnité de recouvrement sur la base d’un capital à échoir qui n’a pas été échu et n’a pas fait l’objet d’une quelconque déchéance du terme.

 

Pour autant la banque tente de combattre ce raisonnement juridique en rappelant en tant que de besoin que la clause contractuelle l’emporte et que la clause n° 10 prévoyait une indemnité de 5 % dans le cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire ou de produire celle-ci à un ordre judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire étant par ailleurs précisé qu’à ce stade, il ne s’agissait nullement d’un redressement judiciaire mais d’une procédure de sauvegarde.

 

La banque considère que le contrat de prêt s’entend comme un contrat en cours au sens de l’article l’article L. 622-13 du code de commerce et croit bon soutenir que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des actes qui leur sont soumis.

 

Pour autant la Cour de cassation ne s’y trompe pas et souligne qu’un contrat de prêt n’est pas un contrat « en cours », et qu’il est loisible de reprocher à la banque d’avoir calculé le montant de l’indemnité de recouvrement sur l’intégralité du contrat et non sur d’éventuelles échéances impayées au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde de l’emprunteur.

Cette décision est salutaire,

Sans quoi l’établissement bancaire pourrait imaginer que la simple ouverture d’une procédure de sauvegarde conduirait, in fine, à la résiliation du contrat en cours,

 

Fort heureusement, tel n’est pas le cas,

 

L’admettre serait donner force à la résiliation du contrat de prêt dans le cadre d’une procédure collective, dite résiliation du contrat qui serait de nature à rendre exigible le montant intégral de la créance ainsi que l’indemnité de recouvrement qui irait de pair,

 

Or, tel n’est pas le cas,

 

Si le juge commissaire a vocation à fixer la créance correspondant au capital prêté dans son intégralité et à échoir, il n’en demeure pas moins que le prêt n’est pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice et que cette dernière n’était pas défaillante dans l’exécution de ses obligations,

 

Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir relevé que, selon la clause litigieuse, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due si la banque se trouvait dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, et également si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur, en a exactement déduit qu’en l’espèce, une telle clause aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ;

Ce que confirme la Cour de cassation,

 

Cette décision est à mon sens salutaire, car elle vient rappeler en tant que de besoin que la banque ne peut avoir recours en permanence à ce reflexe détestable qui consiste à ne cesser de majorer sa créance d’intérêts, frais et pénalités diverses et variées en ce compris une indemnité de recouvrement qui n’a pas sa place en procédure de sauvegarde.

 

Il appartient au chef d’entreprise de vérifier les créances déclarées avec la plus grande rigueur possible afin de contester tout ou partie d’une créance qui ne paraît pas fondée en son principe,

 

Cela est parfaitement légitime en procédure de sauvegarde,

 

Cela doit également l’être en redressement judiciaire suivant ce que précisent les conditions générales ou particulières du contrat de prêt en litige,

 

Toujours est-il que cette attitude de la banque, visant à majorer les obligations du débiteur du simple fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, semble clairement contraire à l’esprit de la loi visant à permettre au débiteur de mieux faire face à ses obligations pour payer le passif tout en préservant son activité et les emplois qui y sont attachés,

Honoraires de l’avocat, entre diligences effectuées et diligences manifestement inutiles,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’été 2017 concernant la question délicate des honoraires de l’avocat au titre des diligences effectuées dont ce dernier doit rendre compte.

 

L’avocat exerce classiquement sous la forme de profession libérale dont les honoraires de l’avocat sont librement fixés avec son client.

 

Il est alors difficile de déterminer à l’avance quel pourrait être le coût de tel ou tel conseil ou de telle ou telle intervention tant de nombreux élements dans le cadre de la procédure sont encore inconnus.

 

Pour autant, depuis peu, l’avocat doit soumettre avant toute intervention une convention d’honoraires ce qui n’est pas forcément respecté dans la pratique.

 

Il n’en demeure pas moins que les critères de fixation des honoraires de l’avocat sont liés à la difficulté de l’affaire, au temps consacré au dossier, à la spécialisation et la notoriété de l’avocat ainsi que les frais qu’il engage.

 

Quatre modes de facturation sont classiquement utilisés par l’avocat.

 

  • En premier lieu, l’honoraire au temps passé dans lequel l’avocat précise quelle est sa rémunération au taux horaire bien que l’aléa demeure puisque plus le dossier est technique, plus l’honoraire au temps passé peut s’alourdir.

 

  • En deuxième lieu, l’honoraire forfaitaire qui peut être rassurant car l’avocat propose une rémunération globale pour traiter l’affaire.

 

  • A cela s’ajoute des honoraires complémentaires de résultat qui complètent immanquablement les honoraires de diligences.

 

  • En quatrième lieu, l’abonnement qui peut se faire notamment dans le cadre de consultations diverses et variés pour les entreprises.

 

A cela s’ajoute, des frais divers notamment les frais d’huissiers, les frais de débours et le droit de plaidoirie de 13 euros.

 

Toujours est-il que, depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques une convention d’honoraires entre l’avocat et son client est obligatoire afin de fixer clairement les honoraires de l’avocat,

 

L’avocat doit établir une convention d’honoraires qui devra définir le montant ou le mode de calcul des honoraires ainsi que les frais et débours susceptibles d’être exposés par l’avocat.

 

Les honoraires de l’avocat, sont de toute façon strictement réglementés dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et par l’article 11-2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat qui précise :

 

« La rémunération de l’avocat est fonction, notamment, de chacun des éléments suivants conformément aux usages :

  • le temps consacré à l’affaire,
  • le travail de recherche,
  • la nature et la difficulté de l’affaire,
  • l’importance des intérêts en cause,
  • l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient,
  • sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire,
  • les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci,
  • la situation de fortune du client. »

L’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l’informe régulièrement de l’évolution de leur montant.

Il l’informe également de l’ensemble des frais, débours et émoluments qu’il pourrait exposer.

Toujours est il qu’en cas de difficulté entre le client et l’avocat, une procédure spécifique est prévue pour trancher le sort des honoraires procédure dite de taxation d’honoraires de l’avocat article 174 et suivants du décret du 27 novembre1981.

Dans l’affaire qui nous occupe, il ressort des circonstances de la cause qu’entre 2004 et 2011, les demandeurs avaient confiés la défense de leurs intérêts à un avocat pour suivre un certain nombre de dossiers jusqu’à ce qu’ils saisissent en 2013 le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats afin de contester notamment les honoraires de l’avocat réclamées et facturés,

Le Bâtonnier avait alors rejeté leur demande au motif qu’elle relevait éventuellement du domaine de responsabilité et non de la fixation d’honoraires de l’avocat en tant que telle.

C’est dans ces circonstances qu’un recours a été formé à l’encontre de cette décision.

Deux points étaient sujets à discussion.

En premier lieu, la contestation des honoraires forfaitaires en tant que tel, et en deuxième lieu des honoraires de résultat.

Cette jurisprudence demeure intéressante dans la mesure où les honoraires contestés s’élevaient à initialement à 240 015, 22 euros, et qu’ils avaient augmentés devant la Cour d’Appel pour s’élever à la somme de 349 507,40 euros, ce qui est nettement supérieur au montant des demandes initiales formalisées devant le bâtonnier,

Pour autant, l’avocat en défense, usant de tous les moyens de procédure possibles et imaginables pour lutter contre la demande de restitution d’honoraires de ses clients tentait de soutenir que cette augmentation substantielle de restitution d’honoraires de l’avocat emportait une demande nouvelle au visa de l’article 565 du Code de Procédure Civile de telle sorte que celle-ci ne pouvait être formalisée devant la Cour.

La Cour de ne s’y trompe pas et rappelle qu’en statuant ainsi, alors que M. et Mme X… s’étaient bornés à augmenter le montant de leur demande de restitution d’honoraires de l’avocat, ce qui ne constituait pas une demande nouvelle, ces derniers étaient bel et bien fondés à revenir devant la Cour d’Appel réclamer la restitution de montants supérieurs.

Ces derniers maintenaient et justifiaient de l’augmentation substantielle de la restitution d’honoraires de l’avocat en cause,

La Cour y fait droit et considère, au visa de l’article L. 441-3 du Code de Commerce, et de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qu’il résulte de ces textes que ne peuvent constituer des honoraires de l’avocat librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences du second d’entre eux, peu important qu’elles soient complétées par des éléments extrinsèques en effet, il appartenait à l’avocat de détailler les factures afin d’éclairer le client ainsi que la juridiction saisie par la suite sur les diligences qu’il avait effectuées.

L’avocat en question ne se laisse pas abattre et tente de contester la décision de la Cour puisque l’ordonnance indique que le client qui a payé librement les honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l’honoraire la restitution des sommes versées,

Or, s’il est vrai qu’en l’espèce, toutes les factures contestées ont été réglées, les époux X… font valoir que les factures en question n’étaient pas précises et ne leur permettaient pas de se rendre compte si les sommes réclamées correspondaient à un travail effectué,

Si effectivement une grande partie des factures produites ne précisaient pas les diligences effectuées, elles étaient accompagnées d’un courrier de l’avocat expliquant ses diligences et le cas échéant de la copie des actes effectués (la plupart du temps des conclusions),

Il peut paraître tout aussi fondé pour l’avocat de soutenir que monsieur X… qui dirigeait plusieurs sociétés disposait les compétences nécessaires pour apprécier le travail fourni par son avocat, de telle sorte que c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a réglé pendant plusieurs années, de 2007 à 2010, les factures émises par l’avocat, pour plus d’une centaine de dossiers, la plupart de nature commerciale d’ailleurs.

L’avocat considère d’ailleurs le client avait continué à lui confier des dossiers au fil des ans ce qui démontre qu’il était satisfait de son intervention et qu’il n’estimait pas ses honoraires exorbitants.

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et rappelle à la lueur des textes évoqués que l’avocat doit préciser l’ensemble des diligences effectuées et lui fait grief de ne pas l’avoir fait.

Qu’en statuant ainsi, alors que les factures de l’avocat ne précisaient pas les diligences effectuées ce dont il résultait que le client pouvait solliciter la réduction des honoraires, le premier président a violé les textes susvisés, ce dernier ayant refusé de faire droit à la demande de contestation d’honoraires et restitution d’honoraires.

La Cour de Cassation a donc cassé l’arrêt.

Des lors la Cour de Cassation considère qu’il entre dans les pouvoirs du Bâtonnier et sur recours, du premier Président de la Cour d’Appel, saisis d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat,

Qu’en statuant comme il a fait, au motif impropre que les époux X… auraient mis en cause la qualité, l’efficacité et l’opportunité des prestations fournies par l’avocat, quand ces derniers faisaient précisément valoir les règles relatives aux contestations d’honoraires telles que résultant des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 174 du décret du 27 novembre 1991 et que, dans le cadre de cette contestation, le juge devait distinguer les diligences utiles de celles qui étaient manifestement inutiles, ce dont il s’est abstenu, le premier président de la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier légalement sa décision au regard des dispositions susvisées.

Ainsi, cette décision est salutaire puisqu’elle rappelle que les factures de l’avocat doivent préciser les diligences effectuées de telle sorte qu’en cas de défaillance sur ce point, le client peut solliciter la réduction des honoraires devant le Bâtonnier et à défaut devant le 1er Président e la Cour.

La Cour de Cassation vient rappeler, par cet arrêt, qu’il appartient à l’homme de Loi, même si son client paye des honoraires librement déterminés, de justifier et préciser les diligences effectuées même si celles-ci sont accompagnées d’une lettre de l’avocat et de la copie des actes effectués.

Sort du prêt bancaire et nullité de la vente immobilière

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’été 2017 qui aborde la question spécifique du sort du prêt bancaire, prêt immobilier accessoire à un contrat de vente immobilière et pour lequel un contentieux est engagé aux fins de nullité de la vente.

 

La Cour de Cassation considère qu’à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt bancaire accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indeMnisée au titre de la restitution des intérêts échus et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plusieurs égards car il n’est pas rare de voir dans le cadre d’un compromis de vente, apparaitre des incidents entre acquéreurs et vendeurs qui font que la réitération de la vente ne se réalise finalement pas, dès lors qu’il y a un désaccord entre eux à titres divers : informations cachées, fosse septique, problématique de voisinage, règles d’urbanisme, carence du notaire, etc….

 

Dans pareil cas l’acquéreur peut se sentir malaisé de confirmer ou d’annuler la vente alors même que ce dernier a obtenu son prêt bancaire et que la banque a d’ores et déjà reversé les fonds entre les maIns du notaire pour assurer la réitération de la vente par acte authentique qui, finalement, ne se réalise pas.

 

Dans cette affaire, par acte authentique du 5 mai 2004, dressé par Maître  X notaire, la société PCC a vendu à Monsieur et Madame Y. deux lots de copropriété d’un immeuble devant être réhabilité.

 

Pour financer cette acquisition et le montant des travaux, ils ont souscrit un prêt bancaire auprès d’un établissement bancaire.

 

Or les travaux de réhabilitation de l’immeuble n’ayant pas été réalisés, les acquéreurs ont, après expertise, assigné la société PCC, depuis lors en liquidation judiciaire et son mandataire judiciaire, Maître X (notaire) et la banque en annulation de l’acte de vente et en dommages-intérêts.

 

Cet arrêt est intéressant à plus d’un titre car il vient déterminer les droits et prétentions que peut avoir un établissement bancaire dans le cadre d’une vente qui ne se fait pas dans la mesure où les conditions suspensives ne sont pas levées.

 

Le temps que l’annulation de la vente se fasse sur le terrain judiciaire, la banque qui a versé le montant du prêt bancaire entre les mains du notaire, serait bien fondé à prélever intérêts, échéances ainsi que primes d’assurance,

 

Pour autant, il est bien évident que la procédure de nullité de la vente a vocation à générer un préjudice puisque la banque se retrouve à financer, par un prêt bancaire, un achat immobilier remis en question et devant être annulé judiciairement.

 

Cela crée également un préjudice à l’acheteur qui se trouve à la fois pris dans un contentieux en nullité de la vente avec un vendeur qui a manqué à ses obligations tout en devant faire face à des obligations bancaires.

 

Cet arrêt vient également caractériser la responsabilité du notaire qui a manqué à ses obligations et qui vient créer un préjudice tant à l’acheteur qu’à l’établissement bancaire qui a financé l’opération,

 

Cette responsabilité du notaire vient à point nommé dans la mesure où le vendeur est en liquidation judiciaire.

 

Le notaire s’en défend et fait grief à l’arrêt de dire qu’il sera tenu solidairement avec la société PCC (en liquidation judiciaire) à réparer toutes les conséquences dommageables résultant de l’annulation de la vente et de le condamner Solidairement avec celle-ci à payer diverses sommes.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne S’y trompe pas,

 

Elle rappelle qu’il résultait de l’acte préliminaire de vente sous conditions suspensives que la vente et les travaux de rénovation assurés par un financement global étaient indissociables et que la convention de vente ne comportait aucune des mentions légales imposées pour une vente en l’état futur d’achèvement,

 

La Haute juridiction retient souverainement que Maître X, notaire, n’avaIt pas assuré l’effectivité de l’acte juridique qu’il recevait alors que son attention aurait dû être d’autant plus mobilisée qu’il était le seul notaire à intervenir pour cette opération.

 

Dès lors la Cour de Cassation Considère que la Cour d’Appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire qu’il devait être condamné à réparer solidairement avec le vendeur, fut il en liquidation judiciaire, le préjudice des acheteurs mais aussi de l’établissement bancaire.

 

En effet, l’opération consistait bien En une vente en état de futur achèvement pour laquelle le vendeur devait se doter d’une garantie financière d’achèvement répondant à une obligation des articles L 231-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation afin de garantir à l’acquéreur que l’achèvement de l’immeuble serait réalisé.

 

Or, la convention de vente en question ne portait aucune des mentions légales imposées de telle sorte que celle-ci n’était même pas conforme aux diSpositions des articles L 261-11 à L 261-14 du Code de la Construction et de l’Habitation,

 

La vente n’avait pas les qualités requises pour une vente en état de futur achèvement ce qui justifie en soi la nullité de la vente.

 

Dans pareil cas, le vendeur n’est pas seul à exposer sa responsabilité,

 

En effet, le Notaire, quant à lui, se Devait d’assUrer l’effectivité de l’acte juridique qu’il recevait.

 

Ce qu’il n’a pas fait,

 

C’est donc à juste titre que la Cour d’Appel a Retenu que son attention aurait dû être d’autant plus mobilisée qu’il était le seul notaire à intervenir pour cette opération passant plusieurs ventes sur le même programme immobilier.

 

La Cour de Cassation considère que l’étendue de l’obligation d’assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente incombant au notaire dépend de ce qu’il sait ou doit savoir ;

 

Qu’en déduisant la faute du notaire de ce que l’acte instrumenté aurait dû être soumis au régime de la vente en l’état futur d’achèvement, sans établir que l’officier ministériel aurait eu connaissance de la collusion frauduleuse entre la venderesse et l’entreprise chargée des travaux et de tout autre élément de nature à établir que le notaire aurait pu suspecter que, malgré les termes de l’acte qui ne comportait aucune obligation de réaliser des travaux incombant à la venderesse, ce qui excluait la qualification de vente en l’état futur d’achèvement, la cession correspondait à une telle opération, la Cour d’appel ne pouvait qu’engager la responsabilité du notaire et prononcer la nullité de la vente.

 

Certes la motivation semble fastidieuse,

 

Pour autant, l’essentiel est dit,

 

En premier lieu, l’arrêt vient considérer que le notaire a vocation à subir les conséquences de la liquidation judiciaire du vendeur puisque la Cour d’Appel précise que si la restitution du prix, par suite de l’annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le notaire peut être condamné à en garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée des vendeurs puisque ces derniers sont Justement En liquidation judiciaire.

 

Concernant les acheteurs lésés, immanquablement le noTaire est responsable et a vocation a être condamné à la restitution du prix de vente en raison de l’insolvabilité de la société PCC, placée en liquidation judiciaire,

 

Mais surtout la Cour de Cassation considère que le vendeur doit fAire face aux conséquences et au préjudice découlant de l’annulation de la vente.

 

Ainsi que le notaire par rIcochet,

 

En effet, la Cour souligne qu’à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indeMnisée au titre de la restitution des intérêts échus,

 

Mais bien plus, la banque demeure aussi fondée à se prévaloir de la pertE de chance de percevoir les intérêts à échoir.

La Cour de Cassation fonde sa décision au visa de l’article 1382, devenu 1240, du Code Civil,

Elle considère que pour rejeter la demande de l’établissement bancaire de condamnation du notaire à lui payer le remboursement des frais de l’emprunt, l’arrêt retient à tort que la nullité du contrat principal de vente s’étendant au contrat accessoire de prêt, elle ne saurait invoquer un préjudice tiré de la non-application des dispositions de celui-ci jusqu’à son terme pour solliciter des sommes au titre des intérêts contractuels non perçus ou de frais de l’acte annulé, même de la part du notaire ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des frais, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

La haute juridiction considère que lorsque la nullité d’un contrat de vente a pour conséquence la nullité d’un prêt bancaire accordé par un établissement de crédit, cet établissement de crédit a droit, de la part de celui qui, par sa faute, a été à l’origine de la nullité du contrat de vente, à la réparation du préjudice résultant de la perte des intérêts conventionnels auxquels il avait droit

Elle rappelle encore que lorsque la nullité d’un contrat de vente a pour conséquence la nullité d’un prêt bancaire accordé par un établissement de crédit, cet établissement de crédit a droit, de la part de celui qui, par sa faute, a été à l’origine de la nullité du contrat de vente, à la réparation du préjudice résultant de son obligation de restituer à l’emprunteur les frais du contrat de prêt annulé.

 

Si la Cour de Cassation vient une fois de plus protéger l’établissement bancaire, elle ne le fait cette fois-ci non pas au détriment de l’acheteur lésé qui vient engager une action en nullité de la vente mais à l’encontre du vendeur qui n’a pas réalisé les travaux dans la cadre d’une vente en l’état de futur achèvement.

 

Elle vient également sanctionner le notaire qui a manqué à ses obligations.