Le sort de l’associé-caution d’une SCI en liquidation judiciaire

Un associé-caution d’une SCI en liquidation judiciaire est-il nécessairement qualifiée de caution avertie en raison de sa seule qualité d’associé de la société emprunteuse ? l’associé-caution peut-il opposer à la banque un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde lorsque l’engagement de caution est disproportionné ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre 2018 qui vient aborder la problématique du sort de l’associé-caution d’une S.C.I.

Dans cette affaire, le 4 mars 2009 Madame X associée d’une S.C.I s’est rendue caution du remboursement d’un emprunt d’un montant de 70 000 euros souscrit par cette dernière auprès d’une banque.

La S.C.I ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance auprés des organes de la procédure collective et a assigné en paiement Madame X en sa qualité d’associé-caution.

L’associé caution invoque la décharge de son engagement en raison de son caractère disproportionné et recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.

L’arrêt est intéressant sur ce point car il vient rappeler que l’associé-caution d’une S.C.I est parfaitement en droit de se défendre contre l’établissement bancaire et est parfaitement en mesure de lui opposer un certain nombre de griefs qui viennent caractériser sa responsabilité.

Tout laisse à penser, (car l’arrêt ne le précise pas), que la S.C.I était propriétaire d’un bien.

Il serait quand même intéressant de savoir dans quelles circonstances le bien aurait été vendu et de savoir si dans le cadre de la liquidation judiciaire, le gérant de la SCI, bien souvent associé et caution par ailleurs, a pris soin de contester les créances.

Il est toujours intéressant de savoir si dans le cadre de liquidation judiciaire l’actif a été vendu et dans quelles conditions.

La Cour de Cassation est venue casser l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Besançon qui avait été sévère à l’encontre du débiteur en exonérant la banque de toute responsabilité.

La Cour d’Appel avait condamné Madame X, en tant qu’associé-caution, à payer à la banque la somme de 66 162,25 euros, à titre principal, outre intérêts au taux contractuel de 7,65 % l’an à compter du 21 mars 2012, rejeté sa demande de dommages-intérêts dirigée contre cette dernière.

La Cour d’Appel a considéré qu’il appartenait à Madame X, associé-caution, de rapporter la preuve de la disproportion de son engagement de caution, le crédit litigieux ayant été souscrit en mars 2009,

Pour la Cour d’appel, Madame X se devait d’exposer sa situation financière et patrimoniale au jour de son engagement de caution et qu’à défaut, elle mettait la Cour d’Appel dans l’impossibilité d’apprécier le caractère disproportionné de son engagement de caution.

Pour autant Madame X, associé-caution, soutenait que son patrimoine n’avait pas évolué depuis la situation examinée par la cour d’appel dans son arrêt de 2014, son endettement antérieur s’étant seulement alourdi en raison du cautionnement litigieux.

L’associé-caution souligne le fait que consentir ce prêt alors que la situation de la société était déjà obérée et que le prêt proposé n’était pas forcément en adéquation avec la situation de la S.C.I qui avait déjà donné en garantie l’immeuble qu’elle possédait et qu’elle devait faire face au paiement de trois factures importantes ce que la banque n’ignorait pas.

La Cour souligne qu’au jour de l’octroi du prêt la S.C.I n’avait envers la banque qu’un seul engagement résultant d’un emprunt souscrit le 10 août 2007 pour un montant de 90 000 euros et garanti par une inscription hypothécaire.

Il s’évince d’un commandement de payer valant saisie en date du 6 avril 2012 que la première échéance impayée au titre de ce crédit remontait déjà au 6 mai 2011,

L’analyse des relevés du compte de la S.C.I produits aux débats révèlent qu’au jour de la souscription du crédit, le solde dudit compte n’était pas débiteur ;

Concernant les trois factures en litige, tout laissait à penser qu’elles n’étaient pas encore dues et qu’elles n’étaient même pas destinées à la société.

Pour autant Madame X, associé-caution, considère qu’elle est bien fondée à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation aux termes duquel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation »

La Cour de Cassation considère que la disproportion de l’engagement de l’associé-caution s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution à la date de son engagement.

Que dès lors en se bornant à retenir, pour écarter le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution de Madame X, associé-caution, et pour apprécier la situation financière et patrimoniale de cette dernière la Cour d’Appel de Besançon s’est placée dans son arrêt à la date de souscription des différents crédits, c’est-à-dire respectivement en 2006 et 2008 tandis que le crédit litigieux a été souscrit en mars 2009, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si effectivement la situation financière et patrimoniale n’avait pas évolué depuis 2006-2008, la Cour d’Appel n’avait pas tiré les conséquences légales des dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation.

Enfin et surtout, il importe de préciser que Madame X, associé-caution, ajoutait que sa situation patrimoniale n’avait pas évolué par la suite et se trouvait donc identique lors du cautionnement litigieux.

Se posait la question de savoir si Madame X était associé-caution avertie ou non.

La Cour souligne que la caution avertie s’entend d’une personne qui a la compétence nécessaire, de par sa formation et l’expérience acquise, de par son activité passée, pour apprécier l’ampleur des engagements souscrits et en mesurer les risques ; que le seul statut d’associé de la société cautionnée ne suffit pas à établir la qualité de caution avertie.

Pour débouter Madame X, associé-caution, de sa demande tendant à voir condamnée la banque à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde, la cour d’appel a retenue qu’en sa qualité d’associé de la S.C.I elle ne pouvait sérieusement soutenir avoir méconnu la situation exacte de la société ou s’être engagée en qualité de caution profane,

La Haute juridiction sanctionne cette décision et considère que la Cour d’Appel s’est prononcée par des motifs insuffisants à caractériser la qualité de caution avertie de Madame X.

La décision est heureuse.

Cet arrêt est intéressant car il vient rappeler que l’associé-caution d’une S.C.I peut opposer à la banque un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde,

Plus précisément, la haute juridiction précise qu’il y a matière à vérifier si l’engagement de l’associé-caution est ou non disproportionné par rapport à sa situation financière et patrimoniale au moment de la signature de l’engagement.

Il considère qu’un associé-caution ne peut être qualifiée d’avertie en raison de sa seule qualité d’associé de la société emprunteuse.

Cette jurisprudence est heureuse,

En premier lieu, elle met fin à l’amalgame trop fréquemment constaté devant les juridictions de fond entre gérant-caution et associé-caution quant à la caractérisation du critère juridique de caution avertie.

En deuxième lieu, elle rappelle à l’associé-caution qu’il dispose bien de nombreux moyens juridiques et judiciaires de se défendre contre la banque lorsque la SCI est en liquidation judiciaire.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Absence du débiteur et vérifications d’office du juge de l’orientation

Alors que les textes invitent de plus en plus le juge à procéder à des vérifications d’office, la question se pose de savoir si le débiteur absent à une audience d’orientation peut espérer voir trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance de la banque, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui été rendu par la Cour de Cassation en début d’année qui vient aborder la problématique de la mission d’office et des vérifications d’office du juge dans le cadre d’une saisie immobilière.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution de vérifier que le créancier poursuivant dispose bien d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Dès lors, le juge de l’orientation serait tenu de procéder à des vérifications d’office,

Pour autant, la Cour considère également que le juge de l’orientation n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle la rigueur propre au droit de la saisie immobilière et le fait qu’il est extrêmement important pour tout débiteur de se défendre sans avoir à espérer un regard bienveillant du juge à son endroit.

En tout état de cause, si le débiteur est absent il aura immanquablement tort et sera sanctionné par le juge de l’orientation.

Dans cette affaire, la banque avait poursuivi une saisie immobilière à l’encontre de Monsieur X tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de son épouse.

Par jugement d’orientation réputé contradictoire, faute pour le débiteur d’avoir pu être présent, la vente aux enchères publiques avait été ordonnée.

Il ressort des débats, que Monsieur X dont l’épouse était décédée, avait été assigné par acte d’huissier du 12 janvier 2015.

La régularité de l’acte n’était pas discutée puisqu’il contenait le rappel des textes de procédure applicables à cette audience, spécialement sur le principe de la représentation obligatoire et la possibilité pour la partie saisie de demander une autorisation de vente amiable oralement à l’audience.

Le débiteur saisi disposait donc d’un délai de deux mois et huit jours pour préparer sa défense.

Pour la Cour, le débiteur ne justifiait pas des difficultés qu’il aurait pu rencontrer auprès d’un avocat alors que ce débiteur avait pris soin d’écrire directement au juge de l’orientation en ces termes :

« La procédure dans le VAR, à plus de 900 km de mon domicile, ne m’a pas permis de préparer ma défense considérant que la maison dans le golfe de Saint Tropez inachevée n’est pas habitable, mon âge 80 ans, mon état de santé (traitement de longue durée).

Aussi je suis au regret de ne pouvoir me présenter à l’audience d’orientation ni de me faire représenter par un avocat.

Cependant, la possibilité étant offerte par l’assignation au visa de l’article R 322-17 je sollicite d’être autorisé de vendre le bien saisi à l’amiable.

Je fais valoriser le bien.

J’ai demandé à l’agence immobilière de vous communiquer directement sa proposition de vente par FAX à votre secrétariat

Je vous serais obligé de bien vouloir prendre ma demande en considération. »

Étaient fournis aux débats plusieurs certificats médicaux montrant bien les problématiques de santé de Monsieur X et les traitements qu’il suivait.

Pour autant, la Cour d’Appel procède à une approche particulièrement sévère de cette correspondance est estime que ladite correspondance ci-dessus ne contenait pas de demande de renvoi et n’évoquait ni des difficultés rencontrées pour faire assurer sa défense par un avocat, ni la perspective de la désignation d’un avocat par la partie.

La Cour considère encore que les termes du certificat médical ne traduisaient pas l’existence d’un état de santé entravant l’exercice des droits de la défense.

D’autre part, la Cour considère que la partie saisie avait été régulièrement informée par l’énoncé complet dans l’assignation des textes régissant la représentation obligatoire, le risque associé au défaut de comparution, ainsi que du texte de l’article R 322-17 qu’elle cite, du fait qu’elle était dispensée du ministère d’avocat pour demander une autorisation de vente amiable et que cette demande pouvait être formulée verbalement à l’audience.

La Cour est sévère.

Elle considère que la lettre du débiteur ne peut s’entendre que comme une excuse du défaut de comparution et une autorisation de vente amiable qui est tardive et irrégulière faute d’avoir été présentée à l’audience et oralement.

Enfin, la Cour considère que le débiteur qui n’avait pas constitué avocat ne prétend pas avoir sollicité communication des pièces adverses dont la liste est annexée à l’assignation et se prévaut vainement d’un manquement au principe de la contradiction des débats.

Cette jurisprudence est regrettable car force est de constater que le débiteur qui croit au sacrosaint principe de l’accès au juge et des principes d’équité qui pourraient aller de pair, ne peut qu’être déçu.

En effet, cette jurisprudence rappelle combien la présence du débiteur est importante à l’audience d’orientation ou sa représentation par un avocat afin d’assurer la défense de ses intérêts.

L’absence du débiteur est source d’interrogations.

En effet, quid de l’attitude du juge pourtant amené de plus en plus a se saisir d’office d’un certain nombre de vérifications lorsque le débiteur n’est pas présent,

Pourquoi le juge de l’orientation ne pourrait pas procéder à des vérifications d’office du bien fondé de la créance de la banque ?

Le corolaire de cette absence est de savoir dans quelle mesure le juge peut s’interroger sur la validité de la saisie immobilière et trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

En premier lieu, la Cour rappelle que le défaut de comparution du débiteur ne le décharge pas de son office et qu’en vertu de l’article 472 du Code de Procédure Civile, il lui incombe de faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Ainsi, le juge de l’orientation pourrait procéder à des vérifications d’office,

Il est fort regrettable de constater que la Cour de Cassation retient le fait qu’aux termes de l’article 2247 du Code Civil, les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription, même résultant d’une disposition d’ordre public .

Pour autant, il convient de rappeler que l’article L. 141-4 du Code de la Consommation admet que les prêts litigieux relèvent des dispositions du Code de la Consommation, édicte que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application.

Cela peut laisser à penser que si le juge peut soulever d’office les dispositions du Code de la Consommation et dans la mesure où le juge de l’orientation a vocation à trancher les problématiques de fond, il serait à même de soulever d’office les dispositions de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dont l’appelant prétend se prévaloir.

Pour autant, la Cour de Cassation ne retient pas cette approche et considère que si le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R. 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, de procéder à des vérifications d’office et de vérifier que le créancier poursuivant dispose d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, il n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Une telle jurisprudence est à mon sens parfaitement critiquable et elle est même en contradiction avec l’avis qui a été rendu par la Cour de Cassation en avril 2018 qui laisse à penser que le juge doit procéder aux vérifications d’office sur le bien fondé de la créance.

Cette jurisprudence souligne dans un deuxième temps qu’il résulte de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

L’absence du débiteur peut s’expliquer par son grand âge, par la maladie et parfois dans l’incapacité de trouver un avocat, alors que le débiteur est classiquement dans de grandes difficultés financières.

Si comme à chacun sait les absents ont toujours tort, l’adage ne se vérifie que trop en droit de la saisie immobilière,

Il y a un véritable paradoxe entre les pouvoirs de plus en plus octroyés au juge en terme de vérifications d’office et pour lequel le juge de l’orientation se refuse encore à pareille analyse,

Pourtant le Droit l’y invite fortement,

Surtout, l’Equité l’impose complétement,

Ceci d’autant plus que la dernière réforme en droit de la saisie immobilière consistait notamment à « rééquilibrer les rapports de force » entre débiteur et créancier,

Cependant, entre la théorie et la pratique le fossé est énorme,

Il est tout aussi impitoyable pour le débiteur.

Immanquablement le débiteur doit se défendre,

Plus que jamais, l’intervention de l’avocat en droit de la saisie immobilière est fondamentale.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Péremption et prorogation des effets du commandement de payer

Le juge de l’orientation peut il constater d’office la péremption du commandement de payer valant saisie et rejeter la demande d’office la prorogation des effets du commandement de payer demandé par l’établissement bancaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en octobre dernier qui vient aborder la problématique récurrente de la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

Dans cette affaire, la banque aux droits de laquelle venait une société de titrisation avait fait délivrer à Mme Y un commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 23 avril 2013, et l’avait ensuite fait assigner, par acte du 20 juin 2013, à une audience d’orientation.

Par jugement d’orientation du 17 mars 2015, le Juge de l’Exécution avait déclaré nul le commandement, mis fin aux poursuites de saisie immobilière, ordonné la mainlevée et la radiation dudit commandement et avait dit n’y avoir lieu à prorogation de ses effets.

La banque a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 31 mars 2015 et a été autorisée, par ordonnance du 8 avril 2015, à faire assigner pour l’audience du 23 septembre 2015 Madame Y devant la Cour,

Par ordonnance du 24 avril 2015, le Premier Président de la Cour d’Appel, saisi en application de l’article R. 121-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, avait ordonné le sursis à exécution du jugement d’orientation.

La banque faisait grief à l’arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il avait mis fin aux poursuites de saisie immobilière, ordonné la mainlevée et la radiation du commandement ainsi qu’avoir dit n’y avoir lieu à la prorogation des effets du commandement de payer.

Celle-ci considérait que le Juge de l’Exécution ne pouvait aborder la problématique de la prorogation du commandement de payer valant saisie immobilière. 

Elle reprochait au Juge de l’Exécution d’avoir vérifié si le délai prévu à l’article R. 321-20 était expiré lors de la demande de prorogation des effets du commandement de payer.

La banque est venue soulever un certain nombre de moyens.

Elle considère, en premier lieu, quele commandement de payer valant saisie avait cessé de produire effet et que le juge aurait dépassé le champ des contestations émises par les parties.

Elle considère ensuite que sil’expiration du délai prévu à l’article R. 321-20 est acquis, il n’en demeure pas moins que c’est à une partie intéressée de demander au juge de l’exécution de constater la péremption du commandement de payer valant saisie et d’ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier mais qu’en tout état de cause, le juge ne pouvait le relever d’office.

Dans l’hypothèse où ce dernier serait saisi d’une demande de prorogation, celui-ci n’aurait pas vocation à se prononcer sur cette demande, il devrait d’abord se prononcer sur la demande de prorogation et ensuite sur la demande de constat de la péremption.

Le dernier argument soulevé par la banque est de considérer que la demande de sursis à l’exécution proroge les effets attachés à la saisie si la décision attaquée a ordonnée la main levée de la mesure.

Il en va de même de l’ordonnance qui prononce ce sursis,

A bien y comprendre selon la banque, en matière de saisie immobilière, la prorogation des effets attachés à la saisie implique la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie.

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

La Cour rejette le pourvoi en considérant qu’en application de l’article R. 321-20, alinéa 1, du Code des Procédures Civiles d’Exécution, le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi,

Dès lors, il appartient au juge, saisi d’une demande de prorogation des effets du commandement de payer, de vérifier, au jour où il statue, que le délai prévu à l’article R. 321-20 n’est pas expiré.

Enfin, la Haute Juridiction considère qu’au visa del’article R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution que la suspension ou la prorogation des effets du commandement de payer ne pouvait résulter que de la publication d’une décision de justice et relève  que la seule décision publiée ne l’avait été que le 28 avril 2015, soit postérieurement à l’expiration du délai de deux ans de l’article R. 321-20 susmentionné, la Cour d’Appel en a exactement déduit que le commandement avait cessé de produire effet le 24 avril 2015.

Immanquablement cette jurisprudence est intéressante.

Elle illustre la réflexion portée devant la Cour de cassation sur l’office du juge, tant de manière générale, devant toutes les juridictions de fond, que de manière plus spécifique devant le juge de l’orientation,

La saisine d’office du juge d’orientation et les vérifications d’office que celui-ci doit effectuer, tant en présence d’un débiteur à la défense « incomplète » que tant en l’absence du débiteur, demeure une interrogation d’actualité.

A mon sens il est important que la jurisprudence s’affine sur cette question et finalise son raisonnement,

En effet, il convient de rappeler l’avis de la Cour de cassation d’avril 2018 qui autorise le juge de l’orientation de vérifier d’office l’exigibilité de la créance de la banque qui veut saisir le bien immobilier de son débiteur, tout comme cette jurisprudence qui précise que le juge de l’orientation n’est pas tenu de vérifier le caractère prescrit ou non de la créance de la banque.

Désormais la Cour de cassation invite le juge a tirer toutes conséquence de la péremption de la publication d’un commandement de payer valant saisie immobilière.

Cette jurisprudence est salutaire,

Elle doit inviter le juge de l’orientation à procéder à un minimum de vérification sans croire « sur parole » l’établissement bancaire.

Elle doit surtout inviter le débiteur et son conseil à se défendre et aider le juge dans son office.

Elle rappelle enfin au débiteur que les moyens de défense contre la banque sont nombreux et doivent tous êtres vérifiés et utilisés.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

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