Local commercial, engagement de caution et bailleur professionnel, qu’en est-il?

Laurent Latapie avocat procédure de référé

Le bailleur d’un local commercial ou professionnel qui exige un engagement de cautionnement doit-il être considéré comme un créancier professionnel ? Surtout lorsque ce dernier est propriétaire de plusieurs locaux commerciaux tant en nom personnel qu’au travers ou une plusieurs SCI. L’engagement de cautionnement doit-il dans ce cas respecter le formalisme ad validitatem ou la caution peut reprocher le non-respect de ce formalisme ?

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Sort de la caution et extinction de la créance en procédure collective

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

La caution est-elle encore exposée lorsque le créancier voit sa créance annulée et rejetée par le juge commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en début d’année et qui vient aborder la problématique du sort de la caution lorsque la créance est éteinte et fait l’objet d’une ordonnance de rejet du juge commissaire lorsque le débiteur principal est en liquidation judiciaire, sous le coup d’une procédure collective.

La Cour de Cassation rappelle que la décision par laquelle, le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif, est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

Qu’en est-il alors de l’opposabilité de cette extinction de créance pour la caution ?

La décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l’extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision.

Dans cette affaire, la banque avait accordé à la société C sa garantie, Monsieur X s’était porté caution envers elle du paiement de toutes sommes que la société C pourrait lui devoir après mise en jeu de la garantie financière.

La société C ayant été mise en liquidation judiciaire le 17 juin 2009, la banque avait déclaré à cette procédure le montant appelé au titre de l’exécution de sa garantie et assigné Monsieur X en paiement.

Un arrêt avait été rendu le 9 avril 2013 condamnant Monsieur X à payer les sommes résultant de son engagement et un arrêt du 27 juin 2013 avait par la suite déclaré irrecevable la déclaration de créance de la banque.

Fort de cette situation juridique et de son parc judiciaire, et nonobstant l’annulation de la créance dans le cadre de la procédure collective, la banque a cru bon entrer en exécution de la condamnation prononcée le 9 avril 2013, faire inscrire une hypothèque judiciaire sur des immeubles dont Monsieur X était propriétaire indivis.

De même suite, la banque a alors assigné Monsieur X, caution, ainsi que l’ensemble des indivisaires, aux fins de voir ordonner le partage de l’indivision et la licitation des biens et droits immobiliers.

Dans le cadre de cette procédure de licitation partage, Monsieur X, ainsi que les autres co-indivisaires, ont opposés l’extinction de la créance garantie en faisant valoir qu’elle avait été rejetée du passif de la procédure collective du débiteur principal.

Il ressort d’ailleurs des circonstances de la cause que dans le cadre de la condamnation de Monsieur X en paiement, ce dernier avait demandé le sursis à statuer au motif que la Cour était parallèlement saisie d’un appel d’une ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la créance de la banque dans la procédure de liquidation judiciaire de la société C

Pour autant, la Cour d’Appel avait rejeté cette demande de sursis à statuer considérant que la décision à intervenir était sans incidence sur la régularité et le bien fondé des demandes de la banque à l’égard de ses propres cautions.

Il convient de rappeler que par arrêt du 4 mai 2017, la Cour de Cassation avait jugé que « la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait »,

La Haute juridiction interprétait ainsi l’article L. 624-2 du Code de Commerce comme permettant à la caution de se prévaloir, pour échapper à toute poursuite, du rejet d’une créance à raison de l’irrecevabilité de la déclaration.

De telle sorte que, pour Monsieur X, caution, la Cour d’Appel ne pouvait ordonner le partage et la licitation de biens appartenant notamment à Monsieur X caution de la société C en liquidation judiciaire, sur la circonstance qu’un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 de la Cour d’Appel de Lyon avait prononcé une condamnation à son encontre sans tenir compte de la décision rendue le 27 juin 2013 dans laquelle la même cour avait déclaré irrecevable la déclaration de créances de la banque créancier poursuivant.

La Cour de cassation retient cette argumentation.

En effet, la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel qui a condamné Monsieur X en qualité de caution, n’a pas tenu compte de l’intervention, entre la condamnation et les poursuites engagées pour en obtenir l’exécution, de la jurisprudence nouvelle de la Cour de Cassation, et a portée une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la caution et a ainsi violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, 480 du Code de Procédure Civile, 815-17 du Code Civil et L. 624-2 du Code de Commerce.

Mais surtout, la Cour de cassation rappelle ainsi que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, ce qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

De telle sorte que la caution peut s’en prévaloir et opposer ce rejet de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal au créancier qui tente de l’exécuter.

A bon entendeur…..

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Débiteur principal, débiteur décédé, caution, recours de la caution,

Quel est droit de la caution de se retourner contre le débiteur principal, lorsque celui-ci est malheureusement décédé ? Analyse d’une jurisprudence lorsque la caution décide de se retourner contre les héritiers de son débiteur principal décédé,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en septembre 2018 qui vient aborder la problématique spécifique du sort de la caution lorsque le débiteur principal est décédé.

Par acte sous seing privé en date du 29 juin 2011, Monsieur C s’était porté caution de Madame P dans le cadre d’un contrat de location qui lui avait été consenti le 1er juin 2011 par Monsieur D propriétaire.

Madame T avait été défaillante dans un premier temps puis est malheureusement décédée.

C’est dans ces circonstances que par jugement en date du 30 décembre 2013, Monsieur C avait été condamné solidairement avec Madame P à payer au bailleur les sommes de :

Or le jugement faisait bien état que Madame P, débiteur principal, était décédée en décembre 2012.

Le bailleur s’est donc retourné contre la caution sans se préoccuper du sort des éventuels héritiers du débiteur principal,

La caution a fait face à ses engagements et s’est retrouvée à désintéresser complètement le bailleur.

S’est alors posée la question de se retourner contre les parents du débiteur principal afin que ces derniers supportent les obligations de leur fille.

Monsieur C a fait assigner les parents du débiteur principal devant le Tribunal d’Instance et par jugement en date du 15 décembre 2016, ils ont été condamnés solidairement à payer à Monsieur C l’ensemble des sommes réglées.

Les parents du débiteur principal ont frappé d’appel la décision et ont sollicité la réformation du jugement déféré en demandant à la Cour d’Appel de déclarer inopposable le 1er jugement du 30 décembre 2013 au motif que Madame P était décédée en cours de procédure sans que ces derniers ne soient assignés en intervention forcée.

Ils considéraient que dans la mesure où Monsieur C, ancien compagnon de Madame P avait été parfaitement informé du décès de cette dernière, il aurait dû en informer la juridiction et son bailleur.

Il est assez spécieux qu’ils viennent reprocher à la caution de ne pas avoir informé le tribunal et le bailleur du triste sort du débiteur principal, afin de les faire appeler en cause en qualité d’héritiers.

Pour autant cette argumentation ne saurait prospérer.

Sur le terrain factuel, Monsieur C avait quitté Madame P bien avant son décès et celle-ci occupait seule le bien.

Elle était donc bel et bien le débiteur principal,

Il est particulièrement curieux de constater que les parents du débiteur principal considéraient que n’ayant pas été assignés en intervention forcée lors de la première procédure, le jugement ne pouvait qu’être déclaré inopposable à leur encontre et donc Monsieur C ne pouvait les poursuivre.

Pour autant la Cour d’Appel ne s’y trompe pas,

Elle considère que c’est à bon droit, au visa de l’article 2309 du Code Civil, que le premier juge a rappelé que la caution qui a fait l’objet d’un jugement de condamnation pour la somme totale de 9 990 euros est fondée à se retourner contre le débiteur principal en l’espèce ses héritiers et que ces derniers ne sont pas fondés à solliciter l’inopposabilité du jugement du 30 décembre 2013.

Ainsi le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

Cet arrêt est intéressant car il explique bien lorsque le débiteur principal est décédé, la caution a le droit de se retourner contre ses héritiers.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr