Comment éviter une saisie immobilière ?

Laurent LATAPIE reflet avocat 2025
Laurent LATAPIE reflet avocat 2025
Laurent LATAPIE reflet avocat 2025

Comment éviter une saisie immobilière avec son avocat en droit immobilier

Article :

La saisie immobilière est une procédure légale par laquelle un créancier peut obtenir le remboursement de ses créances en vendant le bien immobilier d’un débiteur. 

C’est une situation stressante pour le propriétaire qui risque de perdre son logement. Heureusement, des solutions existent pour que les propriètaires évitent cette issue. 

Avec l’aide d’un cabinet d’avocats spécialisé en droit immobilier, il est possible de mettre en place des stratégies efficaces. 

Cet article explore comment éviter la saisie immobilière grâce à des démarches amiables et judiciaires.

Éviter la saisie immobilière grâce à son cabinet d’avocats

Comprendre la saisie immobilière

La saisie immobilière est initiée par un commandement de payer délivré par un huissier de justice, suivie de la procédure d’exécution forcée. 

Le créancier, souvent une banque, souhaite récupérer les sommes dues par la vente du bien immobilier (maison, appartement, immeuble, etc.) aux enchères. 

Une fois le commandement de payer émis, les débiteurs ont un délai de deux mois pour s’acquitter des dettes auprès de la banque ou du commissaire de justice. 

Si ce délai n’est pas respecté, la procédure de vente immobilière est lancée pour la personne qui doit s’acquitter de sa créance.

Rôle de l’avocat en droit immobilier et Code civil

Le rôle du cabinet d’avocats en droit immobilier et Code civil est crucial au terme de ces situations. 

Il conseille et représente les débiteurs devant les juges et lors des audiences. Il peut aussi négocier avec le créancier pour trouver des alternatives à la saisie.

Voici comment un cabinet d’avocats en droit immobilier comme Maître Latapie peut aider à mettre en place chaque étape de la procédure :

  1. Évaluation de la situation : L’avocat Me Latapie commence par une analyse approfondie de la situation financière du débiteur. Cela inclut une évaluation des dettes, des revenus et des perspectives au niveau des remboursements de la somme due.
  2. Négociation avec le créancier : L’avocat Me Latapie contacte le créancier pour discuter de possibilités pour la mise en place des paiements échelonnés ou de réduction de la créance. Un accord amiable peut souvent être trouvé !
  3. Recours judiciaires : Si les négociations échouent, l’avocat Me Latapie peut demander des délais supplémentaires au juge. Le droit français permet au magistrat d’accorder des délais de paiement pouvant aller jusqu’à deux ans.
  4. Rachat de crédit : L’avocat Me Latapie peut aider à organiser un rachat de crédit, regroupant toutes les dettes en un seul prêt avec des mensualités réduites.

Alternatives à la saisie immobilière

Plusieurs options peuvent être envisagées pour que les débiteurs évitent la saisie immobilière :

  1. Négociation amiable : La première étape consiste souvent à tenter des négociations amiables avec le créancier. Cela peut inclure une demande de délai au niveau des paiements, une restructuration de la dette, ou une réduction du montant total dû.
  2. Plan de remboursement : Les débiteurs peuvent proposer un plan de remboursement détaillé, montrant la capacité à rembourser la somme de la créance sur une période prolongée.
  3. Réméré : La vente à réméré est une option où le propriétaire vend son bien avec la possibilité de le racheter plus tard. Cette solution permet de récupérer des liquidités tout en gardant la possibilité de retrouver son logement.
  4. Procédure de surendettement : Si les débiteurs sont dans une situation de surendettement, ils peuvent saisir la Commission de surendettement. Cette commission peut proposer un plan de redressement, suspendre les procédures d’exécution, et même effacer une partie des dettes.
  5. Prêts de consolidation : Des prêts de consolidation ou rachat de crédit permet de regrouper plusieurs dettes en une seule, avec des mensualités réduites et une durée des remboursements plus longue.

Étapes de la procédure judiciaire

Lorsque la négociation amiable échoue, la procédure judiciaire suit plusieurs étapes :

  1. Commandement de payer : Le créancier fait délivrer un commandement de payer par un huissier de justice. Ce document donne aux débiteurs un délai de deux mois pour régler la dette.
  2. Assignation : Si la dette n’est pas payée, le créancier assigne le ou les débiteurs devant le juge de l’exécution. Le cabinet d’avocats peut alors intervenir pour défendre les intérêts des débiteurs.
  3. Audience : Lors de l’audience, le juge examine les arguments des deux parties. Le cabinet d’avocats des débiteurs peut demander des délais supplémentaires ou contester la validité de la créance.
  4. Ordonnance de vente : Si le juge ordonne la vente du bien, une date d’audience est fixée pour déterminer les conditions de la vente aux enchères.
  5. Vente aux enchères : Si aucune solution n’est trouvée avant cette date, le bien est vendu aux enchères. Le produit de la vente est utilisé pour rembourser les créanciers.

Le Rôle du juge et des audiences

Le juge a un rôle central dans la procédure de saisie immobilière. 

Il peut accorder des délais de paiement, suspendre la procédure, ou valider la vente du bien. 

Les audiences devant le juge permettent au débiteur et à son avocat de présenter leurs arguments et de chercher des solutions pour éviter la vente forcée.

Attention en droit de la saisie immobilière, la représentation est obligatoire. 

Les créanciers et leurs droits

Les créanciers ont des droits légaux pour récupérer les sommes qui leur sont dues, mais ils doivent suivre des procédures strictes. 

Ils peuvent accepter des négociations amiables pour éviter des procédures longues et coûteuses. L’avocat du débiteur peut exploiter cette préférence pour trouver des solutions avantageuses.

La vente à réméré

La vente à réméré est une solution où le propriétaire vend son bien tout en conservant la possibilité de le racheter plus tard. 

Cela permet de récupérer des liquidités immédiatement tout en gardant une option de rachat. 

Cette solution nécessite une bonne évaluation de la valeur de la maison et des conditions de rachat.

Cette solution, parfois proposée par des courtiers, reste dangereuse à mettre en place.

Pour résumer sur comment éviter la saisie immobilière de sa maison ou de son appartement :

C’est possible avec une bonne stratégie et l’aide d’un cabinet d’avocats compétent en audience d’orientation et saisie immobilière. 

Que ce soit par des négociations amiables, des recours judiciaires, ou des alternatives comme la vente à réméré, il est crucial de réagir rapidement et de manière proactive. 

Les situations financières des débiteurs peuvent être redressées avec des démarches appropriées, évitant ainsi la perte de son logement et permettant de retrouver une certaine sérénité à la personne concernée par sa créance.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Saisie pénale immobilière et tiers propriétaire d’un bien confisqué

laurent latapie avocat divorce et séparation
laurent latapie avocat divorce et séparation
laurent latapie avocat divorce et séparation

En droit de la saisie pénale, qu’il s’agisse de la confiscation d’un bien immobilier ou d’un véhicule, la question de la propriété du bien par une personne morale distincte de la personne physique, est abordée par la Cour de cassation dans 3 décisions. Entre la qualité de propriétaire économique réel des biens confisqués et la notion de bonne foi du tiers propriétaire, qu’en est-il ? 

Article :

Il convient de s’intéresser aux dernières jurisprudences qui ont été rendues par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ce 04 septembre 2024 à travers trois arrêts distincts : 

  • N°23-85.217,
  • N°23-81.981
  • N°23-81.110

Qui reviennent sur l’évolution de la jurisprudence concernant les droits des tiers propriétaires lorsque le bien est confisqué.

Qu’en est-il du tiers propriétaire lorsque son bien est confisqué ? 

Ces jurisprudences sont intéressantes puisqu’elles viennent, dans un premier temps, rappeler que le tiers dont le titre est connu ou qui vient réclamer cette qualité en cours de la procédure qui prétend avoir des droits sur un bien dont la confiscation a été ordonnée sans qu’il n’ait été partie à la procédure est recevable à soulever un incident contentieux de l’exécution devant la juridiction qui a prononcé la peine afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée de la décision de confiscation.

Cette problématique avait déjà été abordée par plusieurs jurisprudences précédentes, notamment, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2021, N°21-80.487.

Quels sont les faits ?

Dans ces trois jurisprudences distinctes, les faits sont un peu différents bien que découle une même mécanique finalement.

Dans la première jurisprudence, et par ordonnance du 14 janvier 2021 rendue suivant la procédure de comparution sur la reconnaissance préalable de culpabilité confirmée en appel, le Juge délégué avait homologué notamment une peine de confiscation d’un véhicule JEEP proposé en répression des délits de conduite malgré la suspension et de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique en récidive commis par Monsieur M, gérant de la société E.

Dans la deuxième procédure, et à l’issue d’une information judiciaire portant sur des escroqueries à la TVA sur les droits carbone, Monsieur D avait été envoyé devant le Tribunal correctionnel des chefs de blanchiment en bande organisée, d’escroquerie en bande organisée et recel d’escroquerie en bande organisée.

Ainsi, par arrêt du 06 mars 2020, la Cour d’appel avait confirmé le jugement du Tribunal correctionnel ayant déclaré Monsieur D coupable de blanchiment en bande organisée et escroquerie en bande organisée, l’ayant condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, 1 000 000.00 € d’amendes et une interdiction définitive de gérer, elle avait également confirmé la peine de confiscation de deux immeubles situés à Marseille appartenant à une société I, précisant que la confiscation interviendrait en valeur à hauteur de la somme de 11 000 000.00 €, ce qui était le produit de l’infraction reprochée au prévenu.

Dans la troisième procédure, le Tribunal correctionnel avait condamné Monsieur F du chef du refus d’obtempérer aggravé à trois mois d’emprisonnement avec sursis et la suspension de son permis de conduire, avait ordonné la confiscation d’un véhicule Audi RS3 appartenant à la société qu’il conduisait au moment des faits.

Confiscation d’un bien immobilier ou d’un véhicule, mêmes enjeux ? 

Or, qu’il s’agisse de confiscation pénale d’un bien immobilier ou encore de véhicule terrestre à moteur, il n’en demeurait pas moins que la question se posait de savoir si le tiers propriétaire, notamment les sociétés appartenant aux dirigeants, avait vocation à contester cette saisie pénale qui avait été réalisée alors même que ces derniers n’avaient finalement pas été invités à se positionner sur cette saisie pénale et cette confiscation devant les juridictions pénales.

Or, à chaque fois, la société en question propriétaire, tantôt du véhicule, tantôt des biens immobiliers, envisageait une procédure en relèvement afin d’obtenir la main levée de la mesure de confiscation à ordonner.

Le contentieux ayant été porté dans ces trois affaires jusqu’à hauteur de Cour de cassation afin de déterminer dans quelles conditions le tiers pouvait être recevable à demander une main levée de la mesure de confiscation et dans quelles conditions celui-ci pouvait être considéré comme étant de bonne ou de mauvaise foi.

Comment comprendre la notion de bonne foi pour le tiers propriétaire ? 

La Cour de cassation apporte des réponses importantes.

Elle juge que le tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, qui prétend avoir des droits sur un bien dont la confiscation a été ordonnée, sans qu’il n’ait été partie à la procédure est recevable à soulever un incident contentieux de l’exécution de cette peine devant la juridiction qu’il a prononcé afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que ne puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée et de la décision de confiscation, prouvant qu’il avait déjà été confirmé par la jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle du 04 novembre 2021, N°21-80.487.

De telle sorte que le tiers est admis dans le cadre de ce recours à critiquer la libre disposition du bien par le condamné et à faire valoir sa bonne foi.

L’appréciation de la bonne foi de la personne morale propriétaire du bien confisqué

Dès lors, immanquablement, à partir du moment où le tiers propriétaire est recevable à faire une procédure, la question va se porter sur l’appréciation de la bonne foi de la personne morale propriétaire du bien confisqué lorsque, comme en l’espèce de ces trois jurisprudences, il a servi à commettre l’infraction en question.

La Cour de cassation considère que pour répondre à l’appréciation de la bonne foi il convient de déterminer au préalable dans quelles conditions il peut être retenu que le condamné a la libre disposition du bien dont les Juges ordonnent la confiscation.

Selon l’article 131-21 du Code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit sur les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement sur une durée supérieure à un an et peut porter sur tous biens meubles ou immeubles appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition, qu’elle qu’en soit la nature meuble, immeuble, divis ou indivis.

La Loi du 05 mars 2007 venant quant à elle instituer la possibilité de confisquer au condamné un bien dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi lorsque ledit bien a servi à commettre l’infraction ou était destiné à la commettre.

La notion de libre usage du bien de la personne morale par la personne physique

Jusqu’alors et sur la base de jurisprudences anciennes, la Cour de cassation retenait sur ce fondement que la libre disposition s’entendait du libre usage du bien, la bonne foi de son propriétaire résidant dans l’ignorance par ce dernier des faits commis par ce dernier.

Or, la possibilité de confisquer au condamné un bien dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi a été étendue par le législateur, notamment par la Loi du 27 mars 2012 au confiscation du patrimoine prévu aux articles 5 et 6 de l’article précité, puis, par une deuxième Loi du 06 décembre 2013 à la confiscation en valeur.

Il ressort notamment des travaux parlementaires ayant précédés l’adoption de la Loi du 27 mars 2012 que cette extension poursuivait l’objectif de lutter contre les recours à des montages des structures sociales, pratiques permettant au condamné de ne pas paraitre comme juridiquement propriétaire des biens dont il a la disposition et dont il est le propriétaire économique réel, interprétant la lumière de ces travaux et les dispositions en questions, la Cour de cassation a mis en œuvre la notion de libre disposition comme propriété économique réelle du condamné sur un bien sous la fausse apparence de la propriété juridique d’un tiers, raisonnement qu’elle a confirmé à travers notamment deux jurisprudences : 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2020, N°19-86.979, 
  • Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2024, N°22-87.468.

Par la suite, à travers un arrêt rendu le 28 juin 2023, la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette évolution sur la notion de bonne foi en approuvant la Cour d’appel qui, après avoir énoncé les motifs propres à établir que les biens dont elle envisageait la confiscation sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal étaient à la libre disposition du prévenu pour établir que les tiers propriétaires desdits biens n’étaient pas de bonne foi, retient que ces derniers savaient que le prévenu était le propriétaire économique réel des biens confisqués.

La propriété économique réelle du bien confisqué et le tiers de bonne foi

La Cour de cassation revient donc sur cette approche de manière un peu plus souple en infléchissant donc sa jurisprudence, en retenant que le Juge qui envisage de confisquer un bien sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal doit établir que le condamné en a la propriété économique réelle et que le tiers n’est pas de bonne foi, ce qui est établi dès lors qu’il sait ne disposer que d’une propriété juridique apparente.

La Cour de cassation considère que cette nouvelle position est conforme aux dispositions de l’article 6 de la directive Européenne 2014/42/UE du Parlement et du conseil du 03 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union Européenne qui prescrit aux États membres de permettre la confiscation de produits ou de biens dont la valeur correspond à celle des produits qui ont été transférés directement ou indirectement à des tiers par un suspect ou une personne poursuivie ou qui ont été acquis par des tiers auprès d’un suspect ou d’une personne poursuivie, au moins, dans les cas où les tiers savaient ou auraient dû savoir que la finalité du transfert de l’accusation était d’éviter la confiscation.

D’autre part, cette évolution permet de mettre fin à la coexistence au sein même de l’article 131-21 du Code pénal de deux conceptions différentes, de la libre disposition et de la bonne foi selon le fondement ou les modalités de la confiscation dans la mesure où le législateur n’a, quant à lui, pas entendu introduire de distinction.

La confiscation du bien au détriment du tiers propriétaire économique réel

Enfin, pour la Haute juridiction, le tiers propriétaire économique réel d’un bien qu’il a mis à la disposition du condamné en connaissance de son utilisation aux fins de commission et d’infraction est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée et la confiscation dudit bien prononcée dans son patrimoine au titre de la complicité.

En l’espèce, ainsi pour rejeter une requête en difficulté d’exécution ou en mainlevée d’exécution, il appartient au Juge du fond, non pas de s’arrêter au simple fait que la société en question ne contestait pas que son dirigeant avait la libre disposition des actifs en question ou du véhicule en question lorsqu’il en faisait un usage personnel lors de son interpellation mais, pour autant, la Cour de cassation revient sur la problématique des véhicules en précisant que si les Juges retiennent que Monsieur F est non seulement gérant de la société bénéficiaire de la location mais également cogérant comme son frère, Monsieur V, de la société qu’il peut donc engager sans restriction, les Juges du fond en ont conclu que la société 1 avait nécessairement connaissance des faits de refus d’obtempérer par un de ses gérants et qu’elle ne peut donc être regardée comme de bonne foi.

Pour autant, la Cour de cassation considère que, en statuant ainsi, la Cour d’appel a méconnu le texte susvisé en omettant notamment de rechercher si Monsieur F était le propriétaire économique réel du véhicule confisqué, seule circonstance de nature à caractériser la libre disposition au sens de l’article 131-21 du Code pénal et qu’il ne peut résulter du seul fait que le condamné use librement d’un véhicule loué par la société qu’il dirige.

La Cour de cassation précisant encore qu’il appartenait aux Juges du fond de rechercher si la société 1 avait connaissance de ce que Monsieur F était le propriétaire économique réel du véhicule afin de déterminer si oui ou non la société était de bonne ou de mauvaise foi.

La détermination du propriétaire économique réel du bien et sa bonne foi

Cette approche transpire tout encore dans la deuxième jurisprudence concernant le deuxième véhicule puisque la Cour de cassation précise que pour rejeter la requête en restitution du véhicule saisi la Cour d’appel, après avoir précisé que ce véhicule avait servi à commettre les infractions reprochées, relevait que Monsieur E avait été interpellé à trois autres reprises au volant du véhicule.

Ce qui permettait de démontrer qu’il avait bien la libre disposition dudit véhicule.

Les Juges du fond observant encore que la bonne foi de la société propriétaire ne peut être retenue puisque Monsieur en est le propriétaire légal et que, en s’attribuant l’usage visiblement permanent d’un véhicule de sa société, il croyait se mettre à l’abri de la peine complémentaire de confiscation dont il n’ignorait pas le risque contenu de ses nombreux antécédents en matière d’infraction routière.

L’attribution du bien à une personne morale pour échapper à une confiscation ? 

Les Juges du fond en concluant que le fait que Monsieur E n’est pas actionnaire de la société est sans incident sur l’appréciation de la bonne foi de la société puisqu’il en est bien le gérant et que, de surcroit, les deux associés propriétaires de la société sont ses deux enfants respectivement âgés de 24 et de 21 ans.

La Cour de cassation confirmant la décision des Juges du fond en considérant que les Juges s’étaient déterminés par des dénonciations dont il résultait que Monsieur E ne bénéficiait pas seulement d’un droit d’usage mais était le propriétaire économique réel du véhicule et n’en avait laissé la propriété juridique à la société qu’afin de le faire échapper à la confiscation, ce que celle-ci ne pouvait ignorer.

La propriété économique réelle du bien immobilier

Concernant le bien immobilier, la Cour de cassation rejoint les Juges du fond en ce qu’ils ont considéré à juste titre que le condamné était le propriétaire économique réel des immeubles confisqués en valeur au titre du produit de l’infraction, ce que la société 1 ne pouvait ignorer dès lors qu’elle était indirectement détenue par le condamné effectivement contrôlé par lui et que ce dernier décidait seul de la désignation des immeubles litigieux composant son patrimoine.

Dès lors, l’absence de la bonne foi de la société résultait de la seule circonstance qu’elle savait ne pas être le propriétaire économique réel des biens confisqués.

Cette jurisprudence est très intéressante puisqu’elle vient aborder la double problématique de la notion de bonne foi mais également de la qualité de propriétaire économique réel des actifs qui font l’objet de la confiscation.

De telle sorte que, si une personne physique est condamnée à une peine principale assortie d’une peine complémentaire de confiscation d’actifs appartenant à des personnes morales dont il est gérant ou associé et pour lequel lesdites personnes morales n’ont pas été appelées dans la cause, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont fondées et sont recevables à soulever un incident contentieux de l’exécution de cette peine devant la juridiction qui l’a prononcé afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée de la décision de confiscation.

Pour autant, le tiers doit être admis dans le cadre de ce recours, outre à faire valoir sa bonne foi, à critiquer la libre disposition du bien par le condamné, celui-ci étant susceptible de restreindre l’étendue des prorogatives attachées au droit de propriété qu’il revendique.

Ainsi, le tiers de bonne foi doit alors démontrer que celle-ci est bel et bien la propriétaire économique réelle du bien confisqué et non pas le prévenu, personne physique, qui a été condamné à cet effet.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Parent séparé et enfant qui part avec lui en voyage à l’étranger

laurent LATAPIE Avocat droit international de la famille 2025

Dans l’hypothèse ou un parent séparé souhaite partir en voyage avec son ou ses enfants à l’étranger, qu’il soit français ou en binationalité ou encore de nationalité étrangère, la question peut se poser des formalités spécifiques à satisfaire pour permettre ce voyage sans être empêché ou mis en difficulté à la frontière

Article :

Lorsqu’un parent séparé souhaite voyager à l’étranger avec un enfant mineur, plusieurs aspects juridiques doivent être pris en compte. Les lois varient selon les pays, mais en général, elles visent à protéger les droits de l’enfant et à prévenir les enlèvements internationaux. 

Un cabinet d’avocats en droit international est en mesure de vous fournir toute information juridique capitale à la procédure ou d’accompagner toute personne à obtenir un Cerfa IST, un Cerfa OST ou un Cerfa AST en ligne ou auprès de la préfecture.

Le contexte légal des voyages à destination de l’étranger pour les enfants mineurs

Autorité parentale et autorisation de sortie du territoire

C’est un ensemble de droits et de devoirs exercés par chaque parent en vue de protéger l’enfant et de veiller à son bien-être. 

En cas de divorce ou de séparation avec un conjoint français et/ou de nationalité étrangère, l’autorité parentale peut être partagée ou attribuée à un seul parent. 

Dans ce contexte, les autorisations pour sortir d’un pays est souvent nécessaire pour qu’un enfant mineur puisse voyager dans un autre état.

Décret n° 2016-1483 du 2 novembre 2016 relatif à l’autorisation de sortie du territoire d’un mineur non accompagné par un titulaire de l’autorité parentale

Article 1

« L’autorisation de sortie du territoire par un titulaire de l’autorité parentale prévue à l’article 371-6 du code civil est rédigée au moyen d’un formulaire dont le modèle est fixé par un arrêté conjoint du ministre de l’intérieur, du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre des outre-mer.
Ce formulaire comporte les mentions suivantes :
1° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance de l’enfant mineur autorisé à quitter le territoire ;
2° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance du titulaire de l’autorité parentale signataire de l’autorisation, la qualité au titre de laquelle il exerce cette autorité, son domicile, sa signature ainsi que, le cas échéant, ses coordonnées téléphoniques et son adresse électronique ;
3° La durée de l’autorisation, qui ne peut excéder un an à compter de la date de signature. »

En France, par exemple, une autorisation de sortie du territoire (AST) est requise pour tout enfant mineur voyageant sans l’un de ses parents ou tuteurs légaux. 

Cela nécessite une lettre de consentement du parent qui ne voyage pas avec l’enfant, et une copie de la carte d’identité ou une copie du passeport du parent signataire. 

Cas spécifiques en Belgique

En Belgique, les réglementations varient entre les régions (Bruxelles-Capitale, Wallonie, et Flandre). 

Chaque région peut avoir ses propres règles concernant ces autorisations pour les mineurs. 

Par exemple, dans la Région de Bruxelles-Capitale, autoriser par écrit par le parent qui n’accompagne pas l’enfant est également nécessaire.

Opposition et interdiction de sortie du territoire

Il existe des situations où un parent peut s’opposer aux sorties de l’enfant du territoire. 

Cela peut être formalisé par une lettre pour obtenir une opposition ou une interdiction de sortie du territoire (OST ou IST)

En France, ceci peut être demandée par l’un des parents auprès du juge des affaires familiales JAF en cas de risque d’enlèvement ou de non-retour de l’enfant.

CADA, Conseil du 11 janvier 2018, Préfecture de l’Isère, n° 20175414 (Affaire OST)

Le rôle de l’avocat en droit familial et droit international

L’avocat tout public en droit de la famille joue un rôle crucial pour les couples séparés dans le cadre des voyages dans d’autres pays avec des mineurs. Voici quelques-unes des principales fonctions d’un cabinet d’avocats dans ce type de contexte.

Conseils juridiques et représentation 

Un avocat est en mesure de fournir un conseil juridique essentiels à la personne concernée sur les droits et les devoirs des parents en matière de voyages à l’étranger avec leurs enfants

Il aide à comprendre la procédure à suivre et les documents nécessaires, tels que les autorisations de sortie du territoire et les lettres de consentement.

En cas de litige, le cabinet d’avocats représente les intérêts de son client devant les tribunaux, que ce soit pour obtenir une AST ou pour une IST.

Préparation des documents

Votre conseil aide à préparer les papiers nécessaires pour les voyages hors sol français y compris la lettre de consentement et les demandes d’autorisation de sortie du territoire. 

Il s’assure que tous chaque document est conforme aux exigences légales et qu’ils protègent les intérêts de l’enfant et de chaque parent.

Gestion des litiges internationaux et le risque d’enlèvement d’enfant

Les litiges de type internationaux peuvent survenir lorsque les ex conjoints sont en désaccord sur les voyages à destination d’autres États avec leur enfant. 

Le professionnel du droit dans le domaine international intervient pour résoudre ces conflits, que ce soit par la médiation ou par des actions en justice. 

Il peut également aider à mettre en œuvre une décision judiciaire internationale concernant la garde et les voyages des mineurs.

Protection contre les enlèvements internationaux

Un aspect crucial du rôle du professionnel du droit est de protéger les enfants contre les risques d’enlèvement international. 

Cela peut inclure la mise en place de mesures préventives, telles que l’inscription de l’enfant sur le fichier des personnes recherchées (FPR) ou l’obtention d’une interdiction de sortie du territoire.

Considérations pratiques pour les parents séparés

Planification et communication

Une bonne planification et une communication ouverte entre les parents sont essentielles pour éviter les conflits liés aux voyages à l’étranger

Les parents doivent discuter et convenir des destinations, des dates de voyage et des mesures de sécurité pour l’enfant.

Obtention de documents nécessaires

Les parents doivent s’assurer qu’ils disposent de chaque document nécessaire avant le voyage. 

Cela inclut les passeports, les cartes d’identité, les lettres de consentement et les autorisations de sortie du territoire. 

Il est recommandé de consulter un avocat pour vérifier que tous les papiers sont en règle.

Considérations régionales et internationales

Les parents doivent être conscients des différences régionales et internationales en matière de droit de la famille et de voyages avec des enfants mineurs. 

Sensibilisation aux risques

Les parents doivent être conscients des risques potentiels liés aux voyages à l’étranger, notamment en ce qui concerne la sécurité de l’enfant et les risques d’enlèvement. 

Ils doivent prendre des mesures pour minimiser ces risques, telles que l’inscription de l’enfant sur le fichier des personnes recherchées en cas de suspicion de départ non autorisé.

Pour résumer !

Voyager hors sol français avec un enfant mineur pour un parent séparé est un processus qui nécessite une compréhension approfondie des aspects juridiques. 

Votre avocat en droit de la famille et droit international de la famille joue un rôle indispensable en fournissant des conseils, en préparant les documents nécessaires et en représentant les intérêts d’un parent demandeur et de l’enfant en cas de litige. 

En fin de compte, le bien-être et la sécurité du mineur doivent toujours être au cœur de décision prise par les parents et les autorités judiciaires.

L’application des lois varie selon les régions et les États, ce qui rend le rôle du professionnel du droit encore plus crucial pour naviguer dans les complexités juridiques et assurer que toutes les parties respectent les droits et les devoirs en matière de voyages à l’étranger avec des enfants mineurs. 

Chaque parent doit donc s’assurer d’avoir une communication ouverte, de bien planifier les voyages et de consulter leur conseil pour éviter les conflits et garantir la sécurité de leurs enfants.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Vente de véhicule et escroquerie au vrai faux chèque de banque ?

laurent LATAPIE Avocat droit australie 2025

Analyse jurisprudentielle d’une escroquerie au vrai faux chèque de banque. Un vendeur met sur internet son annonce, un acheteur est intéressé par le véhicule, sauf que, entre les deux, une tierce personne vient s’immiscer et va créer un faux profil d’un acheteur pour le vrai vendeur et un faux profil de vendeur pour le vrai acheteur sollicitant ainsi des informations au vrai acheteur, notamment carte d’identité et chèque de banque qu’il va ensuite présenter comme le faux acheteur au vrai vendeur et va répercuter les informations. En pareille escroquerie le vendeur escroqué peut-il imaginer se retourner à la fois contre la banque qui a émis le vrai chèque de banque et à la fois contre la banque qui a encaissé le vrai faux chèque de banque ? 

Article :

Il convient de s’intéresser à une décision de justice qui a été rendue, une fois n’est pas coutume, par le Tribunal judiciaire de Draguignan ce 03 juin 2025, N°RG22/06047, et qui vient aborder la problématique des faux chèques de banque utilisés par un escroc dans le cadre d’une vente de véhicule.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Monsieur A a acquis en 2020 un véhicule d’occasion Audi A3 près d’un concessionnaire.

En 2022, ce dernier souhaitant céder ce véhicule a passé une annonce sur le site Le boncoin pour une cession au prix de 47 500.00 €.

Contacté par un acquéreur se présentant comme Monsieur O, il a cédé le véhicule au prix négocié de 45 000.00 €.

Or, préalablement à la finalisation de la cession, Monsieur A a transmis à son interlocuteur la copie de la carte grise du véhicule et a exigé en retour la copie du chèque de banque pour sécuriser le paiement du prix.

Suite à la réception de la copie du chèque de banque tiré sur la BPA sous le numéro 928297 établi à hauteur de 44 000.00 €, la cession du véhicule s’est effectuée en date du 08 janvier 2022 à Fréjus contre remise en mains propres à Monsieur A dudit chèque outre 1 000.00 € versés en espèces.

Le même jour, le certificat de cession de la vente a été enregistré sur le site de l’ANTS par Monsieur A.

Puis, le 10 janvier 2022, Monsieur A a déposé le chèque de banque auprès de son établissement bancaire.

Le 11 janvier 2022, la somme de 44 000.00 € a ainsi été créditée sur son compte par la banque.

L’escroquerie au vrai faux chèque de banque

Pour bien comprendre l’escroquerie en question, il convient de s’intéresser aussi au cas de l’acheteur potentiel, Monsieur O.

En effet, ce dernier, le 18 janvier 2022, avait effectivement fait établir un chèque de banque pour un montant de 44 000.00 € en vue de l’acquisition de ce fameux véhicule Audi dont la description correspondait à l’annonce établie par Monsieur A.

Se déclarant sans nouvelle de son vendeur qui ne s’était pas présenté au rendez-vous, Monsieur O a restitué ledit chèque de banque à son établissement bancaire, la BPA.

Par suite, le 21 janvier 2022, la somme de 44 000.00 € a été contrepassée du compte de Monsieur A par son établissement bancaire, le CIC, au motif que le chèque déposé était un faux.

C’est dans ces circonstances que le 22 janvier 2022 Monsieur A déposait plainte pour vol de son véhicule Audi suite à la remise d’un chèque falsifié lors de la vente et, le même jour, Monsieur O déposait plainte pour faux en écriture dont il se déclarait victime au motif que la cession du véhicule et le chèque avaient été réalisés en utilisant frauduleusement son identité.

Plainte déposée pour vol de véhicule

Ainsi, la mécanique est bien rodée dans le cadre de ce genre d’escroquerie très spécifique, un vendeur met sur internet son annonce, un acheteur est intéressé par le véhicule, sauf que, entre les deux, une tierce personne vient s’immiscer et va créer un faux profil d’un acheteur pour le vrai vendeur et un faux profil de vendeur pour le vrai acheteur sollicitant ainsi des informations au vrai acheteur, notamment carte d’identité et chèque de banque qu’il va ensuite présenter comme le faux acheteur au vrai vendeur et va répercuter les informations.

Le chèque de banque étant émis par le vrai acheteur, l’intermédiaire escroc ne fait que le répercuter au vrai vendeur, qui va vérifier les informations bancaires et qui ne pourra que constater que ces informations sont vraies puisque le vrai acheteur veut vraiment acheter mais là où le bât blesse c’est que lorsque le rendez-vous de vente a lieu, c’est le faux acheteur qui se présente avec un vrai/faux chèque de banque qui va amener à laisser penser au vrai vendeur que celui-ci est bien en présence du vrai acheteur.

La remise du véhicule contre un vrai faux chèque de banque 

De telle sorte que le vrai vendeur remet le véhicule contre remise du chèque qu’il a fait certifier par avant en croyant qu’il avait affaire au vrai acheteur alors qu’il ne s’agissait que d’un faux acheteur et, de l’autre côté, le vrai acheteur se retrouve seul devant un rendez-vous où le faux vendeur n’est jamais venu car sa seule préoccupation était de récupérer des informations confidentielles lui permettant d’escroquer le vrai vendeur.

Sollicité à cette fin, l’assureur du véhicule de Monsieur A, le vendeur, a opposé un refus de prise en charge de sinistre au motif qu’il n’y avait pas eu de soustraction frauduleuse mais une appropriation frauduleuse du véhicule, risque non garanti par le contrat.

Appropriation frauduleuse ne vaut pas soustraction frauduleuse de véhicule

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier en date du 08 septembre 2022, Monsieur A a fait assigner le CIC, la BPA et Monsieur O, sollicitant leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 44 000.00 € à titre de dommages et intérêts, outre 5 000.00 € à titre d’article 700 du Code de procédure civile.

La question se posait de savoir si la banque CIC engageait sa responsabilité contractuelle.

Quelle responsabilité contre l’établissement bancaire ? 

Rappelons par soucis de clarté qu’il s’agit de la banque qui a encaissé le chèque, soit, celle de Monsieur A.

Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 1231-1 du Code civil que le débiteur d’une obligation contractuelle qui, du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier s’oblige à réparer.

Il revient au créancier qui réclame l’exécution de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage résultant.

Or, en l’espèce, Monsieur A reproche à la banque CIC, détenant son compte bancaire, d’avoir manqué à son obligation de vigilance en ne procédant pas aux vérifications utiles pour s’assurer de l’authenticité du chèque de banque.

Quelle anomalie apparente pour un vrai faux chèque de banque ? 

La banque est en effet tenue de relever les anomalies apparentes d’un chèque qui lui est présenté et elle doit assumer les conséquences des risques qu’elle prend en s’en abstenant.

Il résulte des éléments de l’espèce, comme le souligne très justement la juridiction de fond, que Monsieur A a remis à son établissement bancaire un chèque de banque de 44 000.00 € tiré sur la BPA établi le 06 janvier 2022, chèque qui lui avait été remis au paiement du prix de vente de son véhicule.

Il ressort des relevés bancaires de Monsieur A que le montant du chèque a été crédité par sa banque sur son compte dès le 12 janvier 2022, puis, contrepassé en date du 21 janvier 2022 au motif que le chèque était faux.

Comment reconnaitre un vrai faux chèque de banque ? 

Le constat du commissaire de justice établi en date du 30 novembre 2023 relève que le chèque falsifié de banque remis à son analyse présente au toucher un faible grammage et une mauvaise qualité.

L’impression du chèque est grossière et la qualité du papier qualifiée d’inférieur à la qualité du papier d’un chèque de banque.

L’officier ministériel relève également, après comparaison du chèque contrefait et du chèque original, effectuée le 06 février 2024, de nombreuses différences entre les deux chèques et l’absence de tampon humide outre la présence de deux signatures différentes sur le chèque contrefait et le décollement du papier.

Si, comme le souligne la banque CIC, la jurisprudence considère que seules les anomalies apparentes sont susceptibles d’engager la responsabilité d’un banquier qui ne les aurait pas décelé, les caractéristiques du chèque de banque tel que relevées par le commissaire de justice ne s’analysent pas en de simples différences mais bien en des anomalies matérielles multiples qui ne pouvaient échapper à la vigilance d’un employé d’établissement bancaire, celui-ci doit en effet être réputé spécifiquement formé à la détection des faux dès lors qu’il est habilité à recevoir les chèques de banque.

Les caractéristiques décelables d’un vrai faux chèque de banque

Il ressort également de l’examen attentif de l’original du chèque de banque contrefait remis sur l’audience qui figure au dossier de la société BPA que la mauvaise qualité du papier du chèque de la banque contrefait apparait immédiatement au toucher, ce qui aurait dû alerter l’établissement bancaire.

Cette anomalie, aisément détectable par un professionnel, aurait dû conduire la banque à une appréciation plus rigoureuse des nombreuses autres caractéristiques et anomalies relevées par le commissaire de justice sur le chèque contrefait comme notamment l’absence de tampon humide, la présence de deux signatures, la mauvaise qualité de l’impression, la mention de chèque de banque absente alors que ces nombreuses caractéristiques sont pointées par les recommandations de la banque de France.

L’obligation de vérification de la banque qui encaisse le vrai faux chèque de banque

Si la banque CIC soutient qu’elle a été vigilante en s’assurant auprès de la BPA de la réalité de l’émission de ce chèque de banque, notamment en l’interrogeant sur la présence de deux signatures, il convient de souligner que l’attestation qu’elle verse aux débats n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité, outre le fait que cette attestation n’émane pas de l’employé qui a effectué leur vérification auprès de la banque BPA, force est de constater que sa force probante est relative puisqu’elle fait état d’une vérification effectuée le 24 janvier 2022, soit, postérieurement à l’encaissement du chèque de banque. 

En revanche, il ne résulte pas des éléments de l’espèce contrairement à ce que soutient Monsieur A que la banque aurait failli à son obligation de conseil alors même que, dès le 14 janvier 2022, elle l’a informé du délai à respecter sur la disponibilité effective des fonds et a porté à sa connaissance le 21 janvier 2022 l’avis de rejet du même jour par la banque émettrice du chèque de banque, soit, avant l’expiration du délai de bon encaissement. 

S’agissant du comportement de Monsieur A, s’il n’est effectivement pas établi par les éléments du dossier que celui-ci a procédé à la vérification de l’identité de l’acquéreur qui s’est présenté comme étant Monsieur O, sa négligence n’est pas de nature à exonérer la banque de sa responsabilité vis-à-vis de ses obligations particulières de vérifications de l’authenticité des instruments de paiement qui lui sont présentés. 

La vérification de l’authenticité des instruments de paiements

En effet, Monsieur A, particulier non averti, a pu légitimement croire à l’identité de l’acquéreur qui l’a contacté via le réseau WhatsApp et a répondu à son annonce Le boncoin en se présentant sous l’identité de Monsieur O et en fournissant une copie du chèque au même nom.

De même, s’il ne peut être valablement soutenu que Monsieur A, particulier non averti, qui s’est vu remettre un chèque accompagné d’une somme de 1 000.00 € en espèces au moment de la transaction pouvait se convaincre de la contrefaçon du chèque tandis que celle-ci a échappé à la vigilance de l’établissement bancaire lui-même.

L’obligation de vigilance de la banque qui encaisse un vrai faux chèque de banque

Ainsi, la banque CIC, qui a encaissé le chèque, a donc manqué à son obligation de vigilance en procédant à l’encaissement du chèque sans avoir procédé aux vérifications préalables de son authenticité lors de sa remise et en procédant à son encaissement sur le compte de son client.

Le lien de causalité entre la faute reprochée à la banque et le préjudice revendiqué par Monsieur A est établi dès lors qu’en ne procédant pas aux vérifications de l’authenticité du chèque qui s’imposaient au vu de ses anomalies apparentes, Monsieur A n’a pas été alerté immédiatement de l’escroquerie dont il était victime et a déposé plainte avec retard, ce qui a diminué ses chances de récupérer son véhicule, le véhicule n’a jamais été retrouvé.

De telle sorte que la responsabilité contractuelle de la banque CIC sera retenue.

Quid de la responsabilité de la banque qui a émis le vrai chèque de banque ?

Concernant la responsabilité délictuelle de la banque BPA qui a émis le chèque, 

Il résulte des dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

Ainsi, en matière banquière et financière, les produits et services fournis par la banque doivent présenter dans des conditions normales l’utilisation des conditions raisonnablement prévisibles, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

En l’espèce, dans cette affaire, Monsieur A reproche à la société BPA, émettrice du vrai chèque de banque, de ne pas avoir assuré la sécurisation et l’inviolabilité de l’instrument de paiement mis à la disposition de son client.

La banque émettrice du vrai chèque de banque doit-elle assurer la sécurisation et l’inviolabilité de l’instrument de paiement ?

Il ressort ainsi du constat d’huissier établi à la requête de Monsieur A que le chèque émis par la banque BPA présentait plusieurs caractéristiques de nature à assurer son inviolabilité et notamment présenter une clef de sécurité imprimée, un filigrane imprimé dans la masse, une impression de sécurité document original à l’encre nacrée au verso du chèque difficile à reproduire.

Il ressort de l’examen de l’original du chèque émis par la banque la présence au verso de plusieurs caractéristiques de sécurité détaillant les éléments permettant de déceler une tentative de fraude et notamment l’impression « chèque de banque » lisible par transparence ainsi que la mention « document original » à l’encre nacrée et l’alerte sur l’existence d’indicateur chimique intégré au papier en cas de falsification avec des encres courantes ainsi que le relève à juste titre la banque émettrice du chèque, le chèque qu’elle a émis n’a pas été ni falsifié ni altéré, l’escroc ayant établit un autre chèque comportant des mentions et une apparence différentes en se servant uniquement des données figurant sur la copie recto du chèque que Monsieur O, le vrai acheteur, a transmis par WhatsApp en vue de la finalisation de la vente du véhicule au faux vendeur.

Ainsi, la banque émettrice du chèque n’est pas à l’origine de la transmission de cette copie du chèque.

Ainsi et alors que le chèque qu’elle a émis était conforme aux normes de sécurité en vigueur, la banque émettrice du chèque ne peut être tenue responsable de la confection d’un faux chèque à partir de données qui figuraient sur la copie d’un chèque transmis par son client à son vendeur.

Par ailleurs, si Monsieur A soutient qu’il a été vigilant et s’assurant auprès de l’établissement bancaire de l’émission de ce chèque de banque lors de la transaction, il convient de souligner qu’il n’en rapporte pas la preuve.

En toute hypothèse, un chèque de banque ayant bien été émis par cette banque, il ne s’agit pas d’un élément portant à conséquence pour démontrer la vigilance de Monsieur A ni à l’inverse pour incriminer l’établissement bancaire.

S’agissant de l’attestation du directeur de la banque CIC, banque qui a encaissé le chèque, relatant qu’un agent de la banque émettrice du chèque aurait confirmé l’émission d’un chèque comportant deux signatures, outre le fait que cette attestation n’est pas établie par l’employé qui a effectué la vérification auprès de ladite banque, elle fait état d’une vérification téléphonique effectuée le 14 janvier 2022 sans lister les nombreuses anomalies de ce chèque qui auraient pu alerter la banque émettrice d’un risque de contrefaçon.

Il résulte par ailleurs des éléments de l’espèce que Monsieur O a restitué le chèque de banque que celle-ci avait émis, elle a procédé à son annulation, de sorte que l’établissement bancaire de Monsieur A en a été informé le 21 janvier 2022, soit, avant l’expiration du délai de bon encaissement fixé au 27 janvier 2022.

De telle sorte que, pour la juridiction de fond, aucune faute de la banque émettrice du chèque n’est établie dans cette affaire.

La responsabilité de l’acheteur manipulé face à un vrai faux chèque de banque

La question se posait également de savoir si oui ou non le vrai acheteur aurait commis une faute.

Il résulte de l’article 1231-1 du Code civil que le débiteur d’une obligation contractuelle qui, du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer.

Il revient au créancier qui réclame l’exécution de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.

L’attitude de l’acheteur évincé lors de l’escroquerie au vrai faux chèque de banque

En l’espèce, Monsieur A reproche à Monsieur O d’avoir tardé à restituer le chèque de banque original auprès de son établissement bancaire, ce qui a retardé la découverte de l’escroquerie et le dépôt de plainte subséquent.

Il ressort pour autant des éléments de l’espèce que, alors que la vente est intervenue le 08 janvier 2022 entre Monsieur A et le tiers qui s’est présenté sous l’identité de Monsieur O, Monsieur O a, quant à lui, restitué le chèque de banque original à son établissement bancaire le 18 janvier 2022, soit, dans un délai de dix jours.

Lors de son dépôt de plainte, Monsieur O explique que le vendeur lui a fait faux bond, qu’il a tenté de le rappeler le lendemain et il a restitué le chèque à sa banque quelques jours plus tard en raison de circonstances personnelles, tenant notamment à son état de santé.

Aucun délai n’est prévu pour la restitution d’un chèque de banque et, en l’espèce, aucune faute n’est caractérisée de la part de Monsieur O, la durée de dix jours constituant malgré tout un délai raisonnable et, contrairement à ce qui avait été soutenu par Monsieur A, le vendeur, aucun élément de l’espèce ne permet d’établir que Monsieur O aurait eu connaissance de l’escroquerie et y aurait participé de près ou de loin.

En conséquence, la responsabilité délictuelle de Monsieur O, le vrai acheteur, a été écartée.

Sur le préjudice du vrai vendeur escroqué

Monsieur A réclame à titre principal l’indemnisation du préjudice subit du non-encaissement de la somme de 44 000.00 € correspondant au montant du chèque.

Or, si la responsabilité contractuelle de la banque qui a encaissé le chèque a été retenue pour manquement à son obligation de vigilance lors de l’encaissement du faux chèque de banque, il ne saurait lui être imputé cette réparation intégrale qui relève de la seule responsabilité de l’auteur de l’escroquerie dont Monsieur A a été victime.

En l’espèce, le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi par Monsieur A s’analyse en réalité à une perte de chance, le manque de vigilance de la banque ayant diminué les chances de récupérer le véhicule en raison du délai de réaction de la banque qui a différé la date du dépôt de la plainte.

Monsieur A produit des statistiques ARGOS établies en 2023 mentionnant que 38,9 % des véhicules volés ont été retrouvés en 2022.

Cette étude indique que si un tiers des véhicules volés sont retrouvés dans la première semaine après le vol, ce taux s’élève à deux tiers dans le premier mois après le vol.

Il est établi par les pièces versées aux débats que le véhicule de Monsieur A a été verbalisé à Paris pour non-paiement d’un horodateur le 11 janvier 2022.

Il sera rappelé qu’il avait vendu le véhicule le 08 janvier 2022 et n’a été informé de l’escroquerie par sa banque que le 21 janvier 2022.

La quantification du préjudice en cas d’appropriation frauduleuse d’un véhicule

Si la notion de temps est déterminante dans la découverte des véhicules volés, il est manifeste que le fait pour Monsieur A de déposer plainte quatorze jours après la transaction a réduit ses chances de voir son véhicule retrouvé ainsi, bien qu’il ne soit pas certain qu’il aurait récupéré son véhicule s’il avait déposé plainte rapidement, l’éventualité de le retrouver existait d’autant plus en l’espèce que ce véhicule a fait l’objet d’une contravention à Paris le 11 janvier 2022.

Par suite, il y a lieu d’évaluer la perte de chance de Monsieur A de récupérer le véhicule à 35 % et, par même conséquence, de fixer le préjudice en découlant à hauteur de 35 % du montant du chèque correspondant à la partie de la valeur du véhicule non réglée au moment de la vente, soit, la somme de 15 400.00 €, la banque étant ainsi condamnée à réparer le préjudice à hauteur de ce montant.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du dirigeant au jour de la liquidation judiciaire

Laurent LATAPIE reflet avocat 2025

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur entend remettre en question l’insaisissabilité de l’immeuble de la résidence du dirigeant sous réserves que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire celui-ci était bien au sein de sa résidence principale. Comment le dirigeant doit s’organiser pour rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale ? 

Article : 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 19 juin 2025, N°RG 24/11624, et qui vient aborder la question spécifique de la présence du dirigeant dans sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Quels sont les faits ?

Monsieur E exerçant l’activité d’artisan maçon a été propriétaire d’un bien immobilier situé sur la commune de Fréjus dont il avait fait l’acquisition suivant acte notarié en date du 08 décembre 2011.

Il s’agissait d’un terrain nu sur lequel a été bâtie postérieurement une maison d’habitation avec piscine.

Par jugement en date du 09 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Fréjus avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Monsieur E, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 04 novembre 2019.

La vente aux enchères publiques de la résidence principale du dirigeant

Le mandataire liquidateur, Maître P, a saisi le Juge commissaire aux fins de se faire autoriser à vendre par adjudication judiciaire la résidence principale du dirigeant, Monsieur E, et, par ordonnance en date du 23 septembre 2024, le Juge commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à procéder à la vente par adjudication judiciaire des droits et biens de la résidence principale appartenant à Monsieur E avec une mise à prix de 220 000.00 € avec faculté de baisse du quart, puis, du tiers en cas de carence d’enchères.

C’est dans ces circonstances que Monsieur E a interjeté appel de cette décision.

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du dirigeant

Il convient de rappeler que l’article L 626-1 alinéa 1 du Code du commerce précise que toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante soumise à une procédure collective peut opposer au liquidateur l’insaisissabilité de droit qu’elle détient sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale.

Pour autant, le mandataire liquidateur avait cru bon évoquer différentes jurisprudences au motif pris de ce que ces jurisprudences viendraient consacrer l’idée suivant laquelle il incombe au débiteur de rapporter la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure des biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale.

A qui pèse la charge de la preuve pour caractériser la résidence principale ?

Dans cette affaire, le principal élément apporté par le mandataire liquidateur était l’avis de situation au SIREN qui indique que Monsieur E avait créé une nouvelle activité qu’il avait domicilié à Cannes et ce, au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Ce qui est certain est qu’effectivement la jurisprudence rappelle bien que  lorsque le mandataire liquidateur entend remettre en question l’insaisissabilité de l’immeuble de la résidence du dirigeant sous réserves que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire celui-ci était bien au sein de sa résidence principale, la jurisprudence est venue rappeler qu’il appartenait bien au débiteur de rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale.

Le dirigeant doit rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale

En effet, la Cour de cassation précise, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, N°22-18.795 : 

« Qu’il incombe à celui qui se prévaut des dispositions de l’article L 526-1 du Code du commerce de prouver qu’à la date de l’ouverture de la procédure collective l’immeuble constituait sa résidence principale. »

Ce n’est que dans cette hypothèse que la résidence principale ne rentre pas dans le gage commun des créanciers.

Une autre jurisprudence confirme la même chose.

« Il résulte de la combinaison de ces textes que si les droits d’une personne physique sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne, il appartient à cette personne physique, si elle entend faire obstacle à la mesure de vente aux enchères publiques mise en œuvre par le liquidateur dont l’action vise à la reconstitution du gage des créanciers, de démontrer que le dit immeuble lui appartenant est insaisissable comme constituant le lieu de sa résidence principale au cours de son jugement d’ouverture. »

Cour de cassation, Chambre commerciale

25 octobre 2023, N°21-21.694

Bien plus encore, une autre jurisprudence vient également retenir cette même argumentation puisque la Cour de cassation rappelle que : 

« Qu’il incombe au débiteur de rapporter la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure les biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale. »

Cour de cassation, Chambre commerciale

14 juin 2023, N°21-24.207

Que, dès lors, c’est bel et bien sur ce terrain qu’il appartenait de démontrer pour le dirigeant que celui-ci était bien présent.

Ainsi, Monsieur E invoque ainsi les dispositions de l’article L 526-1 alinéa premier du Code du commerce, lesquelles disposent que, par dérogation des articles 2284 et 2285 du Code civil, les droits d’une personne physique immatriculée au registre national des entreprises sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont, de droit, insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors, il appartient au débiteur qui se prévaut de ces dispositions de s’opposer à l’action du liquidateur qui vise à reconstituer le gage des créanciers de rapporter la preuve qu’à la date du jugement ouvrant la procédure collective soit, en l’espèce, au 09 septembre 2019, les biens dont la vente par adjudication est requise constituaient sa résidence principale.

La reconstitution du gage des créanciers par le mandataire liquidateur

À cet égard, on ne peut que féliciter la démonstration faite par Monsieur E qui a rapporté un très grand nombre de pièces, ce que souligne d’ailleurs la Cour puisque celle-ci précise que, sont versées aux débats par l’appelant, Monsieur E, diverses pièces qui établissent que celui-ci est bien propriétaire du bien situé sur la commune de Fréjus.

Une preuve rapportée par tous moyens par le dirigeant

En effet, l’appelant est considéré par l’administration fiscale comme ayant fixé sa résidence tel que cela ressort des différents avis d’imposition sur les revenus, taxes foncières, qui ont été adressés également à cette adresse le certificat d’assurance de ses véhicules, l’attestation d’assurance scolaire de ses enfants ou encore l’assurance de sa résidence principale.

Que son fils, lui-même, est bien scolarisé à l’école élémentaire du ressort de ce domicile et c’est également à cette adresse que, en l’état de la liquidation judiciaire, la banque qui avait financé l’achat et la construction de la résidence principale va notifier la résiliation du prêt immobilier.

À cela s’ajoutent aux débats de nombreuses factures d’eau, d’électricité couvrant les années 2018 et 2019 au nom de Monsieur E à la bonne adresse ainsi qu’une mise en demeure par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 04 février 2019 d’une société pour des factures impayées et à cela vient s’ajouter également la démonstration des avis d’amende forfaitaire adressés à cette adresse.

Le mandataire liquidateur, quant à lui, contestait le fait que Monsieur E avait résidé à cette adresse en 2019 et verse pour preuve un avis d’imposition, à savoir, une taxe foncière de Monsieur E à une adresse située non plus sur Fréjus mais sur Saint-Raphaël (il s’agissait de son ancienne résidence).

Une sommation interpellative délivrée à Madame E, son épouse, aux termes de laquelle celle-ci répondait à la question du commissaire de justice venant délivrer cette sommation interpellative : 

« Est-ce que Monsieur E réside avec vous à cette adresse ? »

Celle-ci répond : 

« Oui, depuis janvier 2003. »

Elle indique en outre que des travaux sont en cours au rez-de-chaussée de la villa pour l’aménagement d’une partie de l’immeuble et ne pas être en instance de divorce.

Or, par la suite, contacté téléphoniquement par le commissaire de justice, Monsieur E confirme adresser à cette adresse depuis janvier 2003.

Le mandataire liquidateur fournissait également un procès-verbal de carence dressé en novembre 2018 dans le cadre de commandements de payer délivrés par l’URSSAF à Monsieur mais également un second procès-verbal de carence dressé le 05 décembre 2018 par lequel le commissaire de justice relate avoir rencontré dans l’immeuble situé à Fréjus d’autres locataires ayant loué les lieux à Monsieur E et qui ont déjà réglé leur loyer et n’avoir trouvé dans les lieux aucun mobilier saisissable.

Les justificatifs suffisants du dirigeant de son occupation de la résidence principale

Pour autant, la Cour d’appel considère qu’il en résulte que Monsieur a justifié qu’à la date du 09 septembre 2019 sa résidence principale était fixée à Fréjus nonobstant les éléments produits par le mandataire liquidateur qui, s’ils établissent que le bien immobilier a été loué jusqu’à la fin de l’année 2018 à des tiers, ils ne démontrent pas son occupation par d’autre personne que Monsieur E et sa famille à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective qui date du 09 septembre 2019.

Par conséquent, Monsieur E est fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L 526-1 du Code du commerce pour ce qui concerne le bien immobilier où est fixée sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour s’opposer à la requête en autorisation par vente par adjudication formée par le liquidateur judiciaire.

Ainsi, la Cour d’appel décide que l’ordonnance du Juge commissaire en date du 23 septembre 2024 sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions et le mandataire liquidateur débouté de l’ensemble de ses demandes, ce qui est extrêmement satisfaisant.

Cette jurisprudence est intéressante à plusieurs titres.

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur

Elle vient rappeler que l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur n’est pas forcément si acquise puisque le mandataire liquidateur peut envisager la vente de cet actif immobilier et reconstituer le gage des créanciers en considérant que le débiteur n’était pas, au jour de l’ouverture de la procédure collective, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, présent sur place.

Dès lors, s’en suit une possible menace du mandataire liquidateur qui peut assigner en considérant que vous n’étiez pas sur place.

À charge pour le débiteur, cela est très important, de rapporter la preuve de ce que celui-ci est bien l’occupant de sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure collective.

La charge de la preuve préparée du dirigeant pour préserver sa résidence principale

La démonstration est essentiellement factuelle et probatoire puisqu’il consiste à ce moment-là à justifier par tous moyens de la présence du débiteur à son domicile.

Cela passe bien sûr par des justificatifs fiscaux (taxe foncière, avis d’imposition), mais également par les factures d’eau et d’électricité relatives à l’utilisation du bien, toutes correspondances jusqu’aux amendes qui peuvent être délivrées ainsi qu’un constat d’huissier qui avait été fourni dans cette affaire par le dirigeant qui reprenait des photos de famille qui avaient été prises à la même période sur le téléphone de l’épouse de Monsieur E et qui démontrait bien que le téléphone avait bien été géolocalisé à cette adresse.

Dès lors, cela peut amener à une réflexion finalement en qualité de conseil de chef d’entreprise en difficulté qui consiste à se demander s’il n’est pas opportun finalement d’envisager d’établir un constat d’huissier au jour de l’ouverture de la procédure pour bel et bien démontrer que la résidence qui est la sienne est bien sa résidence principale, qu’il en est bien l’occupant et que, par conséquence, aucune mesure de saisie n’est envisageable.

À bon entendeur…

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Responsabilité de la banque, anomalie dans un virement et fraude au président

Laurent latapie avocat divorce international Australie 2025
Laurent latapie avocat divorce international Australie 2025
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Dans quelles conditions la banque engage t’elle sa responsabilité en cas de virement anormal et en cas de fraude au président ? L’analyse par la banque des habitudes de son client n’imposerait-elle pas la banque d’alerter son client afin d’obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance ? En cas de « fraude au président », la banque n’aurait-elle pas dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider ?

Article : 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, en octobre 2024, qui vient aborder la problématique de la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente dans le cadre d’un virement effectué par un client.

Le principe de non-immixtion

En effet, comme à chacun sait, la banque a toujours pour habitude de se retrancher derrière le sacrosaint principe de non-immixtion afin de rappeler et de considérer que le client est à la libre disposition de ses comptes (bien que ce soit extrêmement relatif en pratique) et que, dès lors, la banque n’a pas à s’immiscer quant aux opérations de dépenses que ce dernier peut faire.

Dès lors, lorsqu’un client se fait arnaquer et que celui-ci réalise une opération inhabituelle, la banque se retranche derrière cette non-immixtion pour se laver les mains de toute forme de responsabilité, laissant ainsi le malheureux client assumer les conséquences de cette anomalie.

Or, fort heureusement, des jurisprudences comme celle-ci méritent d’être saluées en ce qu’elles viennent justement consacrer la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente, tant bien même celle-ci découle d’un virement effectué par le client.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le comptable de la société C et B avait adressé à sa banque sept ordres de virement d’un montant total de 2 121 903.81 € au profit du compte d’une société située à Hong Kong.

Le 17 novembre 2020, affirmant que ses salariés avaient agis en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l’identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.

Pour autant, la banque entendait clairement échapper à ses responsabilités et considérait qu’il appartenait à la seule société d’en supporter toutes les conséquences sans avoir à chercher de quelque manière que ce soit la responsabilité de la banque.

En effet, la banque qui se pourvoit en cassation faisait grief à la Cour d’appel de l’avoir condamné à payer à la société la somme de 1 060 951.90 € en réparation de son préjudice.

La banque considérait qu’elle était tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, de telle sorte que le devoir de vigilance lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l’opération de paiement qui lui est demandé d’exécuter.

Un devoir de vigilance pour déceler les anomalies apparentes

Pour la banque, cela implique qu’elle n’a vocation à se borner qu’à un contrôle prima facie et non à une étude approfondie des habitudes du compte de son client.

Or, la Cour d’appel avait toutefois considéré que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2016 ainsi que des tableaux analytiques qu’elle avait réalisé des virements qu’elle effectuait et que, en dehors des virements adressés à la société D, sa société mère, elle n’effectuait quasiment aucun virement supérieur à 100 000.00 € et qu’elle n’effectuait pas de virement vers des sociétés basées en Chine et que les ordres de virement litigieux par leur caractère rapproché et répété de l’année au cours de laquelle ils intervenaient, leur montant élevé par rapport aux ordres habituellement donnés et le fait qu’ils étaient établis au bénéfice de deux sociétés ne faisait pas partie des relations d’affaires de la société C et B et situé dans un espace géographique avec lequel la société C et B n’avait pas pour habitude de travailler, aurait dû amener la banque à sursoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité.

Un historique des opérations devant amener la banque à s’interroger sur les ordres de virement

Le banquier considérant encore que l’opération des opérations antérieurement inscrites au débit du compte ne devait pas conduire la banque à s’interroger sur deux ordres de virement d’un montant plus élevé au risque de s’immiscer de la sorte dans les affaires de son client.

Elle considérait encore que la banque n’est pas plus tenue de tenir la liste des bénéficiaires habituels des ordres de paiement de ses clients.

Dès lors, la banque faisait clairement grief à la Cour d’appel d’avoir également considéré que, en cas d’anomalie apparente, celle-ci n’avait pas vocation à obtenir un nouvel ordre de paiement.

La banque faisait grief, là-encore, à la Cour d’appel d’avoir retenu que les ordres de paiement litigieux auraient dû amener la banque à sursoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité directement auprès du signataire, eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible fraude au Président dont le mécanisme est bien connu des banques.

La responsabilité de la banque et la fraude au président

Or, la banque effectivement s’était contenté d’appeler Madame Y, ce qui ne pouvait être suffisant, celle-ci n’étant pas la détentrice du pouvoir de validité de virement et qu’il appartenait à la banque dans cette situation de contacter, non seulement le comptable de la société, mais bel et bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n’était pas contractuellement prévue.

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas les tentatives d’exonération de la responsabilité de l’établissement bancaire.

La notion d’anomalie et les analyses des opérations bancaires du client

Elle vient rappeler qu’après avoir constaté que la société établissait n’avoir effectué presque aucun virement supérieur à 100 000.00 € et ne pas effectuer de virement vers des sociétés situées en Chine, la Cour d’appel retient à bon droit que les ordres de virement litigieux par leur caractère rapproché, répété, par la période de l’année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et par le fait qu’ils étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d’affaires de la société et situées en dehors de l’espace habituel de son activité, aurait dû conduire la banque à se renseigner sur la validité directement auprès du dirigeant supposé.

L’ensemble de ces constatations et appréciations faisant ressortir l’existence d’anomalies apparentes affectant les ordres de virement.

L’obligation de la banque d’alerter la société pour obtenir la confirmation des ordres litigieux

C’est donc à bon droit que la Cour d’appel a exactement reconnu que la banque était tenue d’alerter la société afin d’obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance.

Bien plus encore, la Cour de cassation précise qu’ayant retenu l’existence de circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissant suspecter une possible fraude au Président, en a exactement déduit sans exiger l’obtention d’un nouvel ordre de paiement, que la banque aurait dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider.

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient consacrer une nouvelle fois la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente sur un virement litigieux, tout comme elle vient caractériser la responsabilité de la banque en cas de fraude au président qui laisse d’ailleurs suspecter une possible fraude au Président.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr