Inexécution d’un plan de surendettement et reprise des poursuites

Qu’en est-il du droit de reprise des poursuites du créancier en cas d’inexécution par le débiteur de son plan de surendettement ? Le débiteur peut-il opposer au créancier le fait que le plan de surendettement n’a pas pris fin, ni par décision du juge statuant sur la défaillance du plan, ni par l’effet d’une clause résolutoire prévue ab initio ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en janvier 2020 et qui vient aborder la problématique de la reprise des poursuites par un créancier en cas d’inexécution d’un plan de surendettement des particuliers.

La Cour de Cassation laisse à penser que lorsque le débiteur n’exécute pas des mesures recommandées et homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan, soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement, soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant.

Dans cette affaire, Monsieur R avait fait l’objet d’une procédure de surendettement.

Le 8 janvier 2013, le Juge du Tribunal d’Instance avait homologué les mesures recommandées par la commission de surendettement, consistant, notamment pour le prêt souscrit par Monsieur et Madame R par acte notarié, le 21 avril 2010, à la mise en place d’un échéancier sur 96 mois, ainsi qu’un effacement partiel à l’issue.

Cependant, en raison du non-paiement d’une échéance du plan, la banque, après avoir, le 20 avril 2015, mis en demeure Monsieur R de payer ladite échéance impayée, a dénoncé le plan le 19 mai 2015, puis a prononcé la déchéance du terme le 26 mai 2015.

Le 19 octobre 2015, la banque a fait délivrer à Monsieur R un commandement afin de saisie-vente pour la totalité de sa créance en application de l’acte notarié.

C’est dans ces circonstances que Monsieur R a saisi un Juge de l’Exécution afin de voir déclarer nul le dit commandement.

La banque considérait que l’ouverture d’une procédure de surendettement ne produit pas d’effet sur l’exigibilité des créances conformément aux dispositions contractuelles.

La Cour d’Appel avait constaté que la banque avait délivré au débiteur une première mise en demeure le 20 avril 2015, suivie, le 19 mai 2015, d’un courrier l’avisant de la dénonciation du plan, la déchéance du terme ayant été prononcée sept jours plus tard le 26 mai 2015, et considérait que la déchéance du terme et la reprise des poursuites serait valable.

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne partage pas cette argumentation.

La Haute Juridiction vient rappeler, au visa de l’article L. 331-9 du Code de la Consommation, qu’en cas d’inexécution par le débiteur des mesures recommandées homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan, soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant.

Il convient de retenir de cette jurisprudence qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

En effet, que le débiteur en surendettement se retrouve en difficulté est une chose, mais pour autant il ne peut pour autant être exécuté à moins d’une semaine de la prétendue défaillance.

Il convient de rappeler que si l’ouverture d’une procédure de surendettement ne produit pas d’effets sur l’exigibilité des créances elle impose un minimum de respect des procédures.

Ainsi, en vertu de l’article L 331-9 du Code de la Consommation alors applicable, les créanciers auxquels les mesures recommandées par la Commission et rendues exécutoires sont opposables ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures.

Dans la mesure où l’ordonnance du Juge de l’Exécution du 8 janvier 2013 a rendu exécutoire les mesures recommandées par la Commission, cette ordonnance est opposable à la banque qui ne l’avait pas contestée, et s’oppose à ce qu’elle délivre un commandement de payer pendant le cours de l’exécution de ces mesures.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Sort de la caution et extinction de la créance en procédure collective

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

La caution est-elle encore exposée lorsque le créancier voit sa créance annulée et rejetée par le juge commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en début d’année et qui vient aborder la problématique du sort de la caution lorsque la créance est éteinte et fait l’objet d’une ordonnance de rejet du juge commissaire lorsque le débiteur principal est en liquidation judiciaire, sous le coup d’une procédure collective.

La Cour de Cassation rappelle que la décision par laquelle, le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif, est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

Qu’en est-il alors de l’opposabilité de cette extinction de créance pour la caution ?

La décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l’extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision.

Dans cette affaire, la banque avait accordé à la société C sa garantie, Monsieur X s’était porté caution envers elle du paiement de toutes sommes que la société C pourrait lui devoir après mise en jeu de la garantie financière.

La société C ayant été mise en liquidation judiciaire le 17 juin 2009, la banque avait déclaré à cette procédure le montant appelé au titre de l’exécution de sa garantie et assigné Monsieur X en paiement.

Un arrêt avait été rendu le 9 avril 2013 condamnant Monsieur X à payer les sommes résultant de son engagement et un arrêt du 27 juin 2013 avait par la suite déclaré irrecevable la déclaration de créance de la banque.

Fort de cette situation juridique et de son parc judiciaire, et nonobstant l’annulation de la créance dans le cadre de la procédure collective, la banque a cru bon entrer en exécution de la condamnation prononcée le 9 avril 2013, faire inscrire une hypothèque judiciaire sur des immeubles dont Monsieur X était propriétaire indivis.

De même suite, la banque a alors assigné Monsieur X, caution, ainsi que l’ensemble des indivisaires, aux fins de voir ordonner le partage de l’indivision et la licitation des biens et droits immobiliers.

Dans le cadre de cette procédure de licitation partage, Monsieur X, ainsi que les autres co-indivisaires, ont opposés l’extinction de la créance garantie en faisant valoir qu’elle avait été rejetée du passif de la procédure collective du débiteur principal.

Il ressort d’ailleurs des circonstances de la cause que dans le cadre de la condamnation de Monsieur X en paiement, ce dernier avait demandé le sursis à statuer au motif que la Cour était parallèlement saisie d’un appel d’une ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la créance de la banque dans la procédure de liquidation judiciaire de la société C

Pour autant, la Cour d’Appel avait rejeté cette demande de sursis à statuer considérant que la décision à intervenir était sans incidence sur la régularité et le bien fondé des demandes de la banque à l’égard de ses propres cautions.

Il convient de rappeler que par arrêt du 4 mai 2017, la Cour de Cassation avait jugé que « la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait »,

La Haute juridiction interprétait ainsi l’article L. 624-2 du Code de Commerce comme permettant à la caution de se prévaloir, pour échapper à toute poursuite, du rejet d’une créance à raison de l’irrecevabilité de la déclaration.

De telle sorte que, pour Monsieur X, caution, la Cour d’Appel ne pouvait ordonner le partage et la licitation de biens appartenant notamment à Monsieur X caution de la société C en liquidation judiciaire, sur la circonstance qu’un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 de la Cour d’Appel de Lyon avait prononcé une condamnation à son encontre sans tenir compte de la décision rendue le 27 juin 2013 dans laquelle la même cour avait déclaré irrecevable la déclaration de créances de la banque créancier poursuivant.

La Cour de cassation retient cette argumentation.

En effet, la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel qui a condamné Monsieur X en qualité de caution, n’a pas tenu compte de l’intervention, entre la condamnation et les poursuites engagées pour en obtenir l’exécution, de la jurisprudence nouvelle de la Cour de Cassation, et a portée une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la caution et a ainsi violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, 480 du Code de Procédure Civile, 815-17 du Code Civil et L. 624-2 du Code de Commerce.

Mais surtout, la Cour de cassation rappelle ainsi que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, ce qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

De telle sorte que la caution peut s’en prévaloir et opposer ce rejet de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal au créancier qui tente de l’exécuter.

A bon entendeur…..

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr