Dans le cadre d’une assignation aux fins de report de la date de cessation des paiements, le mandataire liquidateur doit-il assigner le chef d’entreprise en son nom personnel ou bien es-qualité de dirigeant de la société dont il était le représentant légal.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu récemment et qui vient aborder la problématique des conditions dans lesquelles la demande de report de la date de cessation des paiements est envisagée puis effectuée par le mandataire liquidateur.

Dans cette affaire le 7 mai 2014, la société Z, qui avait pour dirigeant Monsieur V a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement par le tribunal de commerce au 18 avril 2014.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 28 mai 2014.

Par un acte du 10 mars 2015, le liquidateur a assigné Monsieur V, le chef d’entreprise, en report de la date de cessation des paiements.

En défense, le chef d’entreprise a soulevé la nullité de l’assignation, au motif qu’elle lui avait été délivrée à titre personnel, et non en qualité de représentant légal de la société débitrice.

Mais un jugement du 11 janvier 2017 a rejeté cette exception de procédure et accueilli la demande de report.

À la suite de l’appel interjeté contre ce jugement, et à hauteur de Cour, le conseiller de la mise en état a, par une ordonnance du 15 juin 2017, déclaré recevable l’appel formé par Monsieur V à titre personnel et ordonné la mise en cause de la société débitrice « prise en la personne de son représentant légal ».

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis et rappelle que le jugement ouvrant le redressement judiciaire de la société Z. avait été rendu par la juridiction commerciale le 7 mai 2014, de sorte qu’à la date de son ordonnance, le délai d’un an fixé par l’article L. 631-8 du Code de Commerce pour agir en report de la date de cessation des paiements était déjà expiré et qu’aucune régularisation de la procédure n’était donc plus possible.

En effet, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 631-8 du Code de Commerce, la date de cessation de paiement peut être reportée dans les conditions fixées à cet article qui prévoit que le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public et qu’il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.

La question était de savoir s’il convenait d’assigner le débiteur en son nom personnel ou es qualité de dirigeant de la société dont il était le représentant légal.

L’acte d’assignation, n’avait été délivré qu’à Monsieur V sans aucune mention relative à la société et elle ne spécifiait même pas sa qualité de représentant de la société.

Monsieur V considérait qu’il avait été attrait en son seul nom personnel et qu’ayant soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de l’absence d’assignation non seulement de la société liquidée, mais également de ce dernier, es qualité de dirigeant de ladite société liquidée,  il ne saurait être retenu qu’il aurait comparu volontairement pour le compte de cette dernière.

Il considérait que l’assignation avait été mal dirigée et devait être considéré comme nulle au visa des articles 112 et 117 du Code de Procédure Civile.

Il convient de rappeler que l’article 648 du Code de Procédure Civile relatif à la « forme des actes d’huissiers de justice » prévoit effectivement à peine de nullité que : « l’acte contient, s’agissant d’une personne morale destinataire la dénomination et le siège social de la personne morale »

Or Monsieur V considérait qu’en l’occurrence, la personne morale n’avait pas été assignée en première instance de sorte que l’acte d’assignation litigieux était nul.

Le mandataire liquidateur, quant à lui, considérait que la régularisation ayant été faite, Monsieur V ne pouvait plus solliciter la nullité de l’assignation et ne pouvait pas plus se prévaloir de quelques griefs que ce soit.

Cette jurisprudence rappelle qu’il convient non pas d’assigner le dirigeant à titre personnel mais le représentant légal de la société.

Surtout, cette jurisprudence précise qu’aucune régularisation ne peut être effectuée passée le délai d’un an.

La demande de modification de la date de cessation des paiements doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure et la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir ne peut être régularisée que si elle intervient avant toute forclusion.

De telle sorte que le conseiller de la mise en état ne pouvait ordonner, le 15 juin 2017, l’appel de la société Z dans la procédure de report de la date de cessation des paiements, puisque plus d’un an s’était écoulé depuis le jugement d’ouverture de la procédure collective prononcé le 7 mai 2014, sans violer les articles 126 du Code de Procédure Civile et L. 631-8 du Code de Commerce.

Cette défense est d’importance,

D’autant qu’il ne faut pas perdre de vue que l’assignation en report de la date de cessation des paiements demeure un préalable important à une action en responsabilité pour insuffisance d’actif que le mandataire liquidateur risque fort d’engager par la suite pour engager la responsabilité du chef d’entreprise et pour s’en prendre à son patrimoine propre…..

A bon entendeur…..

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

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