Distribution des fonds par le mandataire liquidateur au mauvais créancier, comment se faire rembourser ? 

Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol
Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol

Un mandataire liquidateur procède à une saisie conservatoire entre ses propres mains de fonds devant pourtant revenir au dirigeant. Par la suite le dirigeant sollicite la restitution de ses fonds mais apprends que le mandataire liquidateur a inopinément versé cet argent à l’UNEDIC au titre du super privilège des salaires. Le mandataire liquidateur, fautif, peut-il obtenir le remboursement ? Engage t’il sa responsabilité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser, une fois n’est pas coutume, à un jugement qui a été rendu par le Tribunal de commerce de Fréjus ce 08 juillet 2024, N°RG 2022003685 et qui vient aborder la problématique particulière du sort de fonds qui ont été encaissés par le Mandataire liquidateur, qui ont été, par la suite, redistribués à l’ensemble des créanciers, et pour lequel le Mandataire liquidateur a commis une erreur de distribution.

 

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle est rattachée à plusieurs chroniques effectuées par votre serviteur concernant les problématiques de comptes-courant associés débiteurs pour lesquels le Mandataire liquidateur avait effectivement envisagé des actions en responsabilités.

 

En effet, un rappel des faits s’impose dans cette affaire qui va opposer l’UNEDIC AGS au Mandataire liquidateur et au débiteur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, suivant jugement du Tribunal de commerce de Fréjus en date du 20 avril 2015, la société A avait bénéficié de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire suivant jugement en date du 22 juin 2015.

 

Maître X ayant été désigné Mandataire liquidateur de la société A.

 

Dans le cadre de cette procédure, l’UNEDIC (délégation AGS, UNEDIC AGS) a avancé pour le compte des salariés de cette entreprise la somme globale de 194 639.79 € dont 113 686.03 € à titre super privilégié.

 

Au titre des opérations de liquidation judiciaire, et au mieux de ce qu’il lui permettait des fonds entre ses Maître X, Mandataire liquidateur, a adressé à l’UNEDIC AGS la somme de 65 000.00 € au titre de sa créance super privilégiée.

 

Le super privilège des salaires remboursé en premier

 

Cette trésorerie avait été constituée notamment à hauteur de 19 877.00 € sur une somme versée le 27 avril 2016 par erreur entre les mains du liquidateur par le Trésor Public alors même que celui-ci devait revenir, à titre personnel, au dirigeant de la société s’agissant d’un simple remboursement de son impôt sur le revenu.

 

Pour autant, Maître X, à la réception de ces 19 877.00 € en son temps, soit, en 2016, avait toutefois, sur autorisation du Président du Tribunal de commerce de la faillite, saisi à titre conservatoire cette somme entre ses propres mains à la sûreté du paiement des sommes qui réciproquement lui seraient dues par ledit gérant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

 

Une saisie conservatoire du mandataire liquidateur sur ses propres fonds

 

C’est ainsi que cette action en responsabilité pour insuffisance d’actif avait d’ailleurs fait l’objet de deux publications de votre serviteur, notamment à hauteur de Cour d’appel, puis, à hauteur de Cour de cassation.

 

L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

 

En effet, celle-ci posait la problématique toute particulière du sort de comptes-courant associés débiteurs d’une société.

 

En effet, si le Tribunal de commerce de Fréjus avait, dans un premier temps, effectivement condamné les dirigeants par jugement du 17 juillet 2017 à payer à ce titre une somme de 133 698.00 € entre les mains du mandataire liquidateur, la Cour d’appel d’Aix en Provence avait en suite, par arrêt du 16 janvier 2020, infirmée ledit jugement et débouté Maître X de toutes ses demandes dirigées contre le dirigeant.

 

Un pourvoi en cassation avait été fait mais, par ordonnance de rejet, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi du mandataire liquidateur.

 

La restitution des fonds saisis à tort par le mandataire liquidateur

 

Il appartenait par conséquent au mandataire liquidateur de restituer à Monsieur P, le dirigeant de la société A, la somme de 19 877.00 € qu’il avait fait saisir entre ses propres mains et qu’il avait, avec les autres sommes en sa possession, adressé à tort à l’UNEDIC AGS avant le paiement des créanciers inscrits.

 

En effet, tout laisser à penser que l’un des collaborateurs du mandataire avait oublié cette saisie conservatoire faite par le mandataire liquidateur entre ses propres mains et avait donc libéré à tort l’ensemble des fonds, en ce compris les 19 877.00 € entre les mains de l’UNEDIC AGS.

 

Tout laisser à penser que, de par une simple demande de répétition de l’indu d’une somme qu’il n’aurait pas dû percevoir, l’AGS aurait restitué les fonds à première demande.

 

Il n’en est strictement rien.

 

Une répétition de l’indu impossible ?

 

C’est dans ces circonstances que le mandataire liquidateur a assigné l’AGS aux fins de répétition de l’indu de cette somme de 19 877.00 € et le dirigeant, parfaitement informé de la situation car ce dernier souhaitait récupérer son argent ce qui peut parfaitement se comprendre, a également pris soin d’intervenir volontairement à la procédure en considérant que de deux choses l’une,

 

  • Soit, l’AGS restituait au mandataire liquidateur la somme de 19 877.00 €, à charge pour le mandataire liquidateur de lui restituer les fonds qui étaient les siens,
  • Soit, le mandataire liquidateur ne les récupérait pas et ce dernier avait clairement commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité personnelle et, à ce moment-là, c’était au mandataire judiciaire de rembourser sur ses deniers personnels la somme de 19 877.00 €.

 

Ainsi, dans le cadre de la procédure, le mandataire liquidateur se fondait sur les dispositions des articles L 625-8, L 122-17 et L 641-13 du Code du commerce ainsi que de l’article 1103 du Code civil pour demander à l’UNEDIC de reverser la somme de 19 877.00 € entre ses propres mains pour qu’il puisse les verser au débiteur.

 

L’UNEDIC, quant à elle, évoquait les articles 1342 et 1302 du Code civil ainsi que les articles L 625-8 du Code du commerce pour soutenir l’irrecevabilité des demandes présentées par le mandataire liquidateur.

 

Ainsi, il convient de rappeler les dispositions de l’article 1342 du Code civil,

 

« Le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due.

Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.

 

Il libère le débiteur à l’égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier. »

 

L’article 3253-16 du Code du travail dispose,

 

« Les institutions de garantie mentionnées à l’article L. 3253-14 sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances :

 

1° Pour l’ensemble des créances, lors d’une procédure de sauvegarde ;

 

2° Pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et les créances avancées au titre du 3° de l’article L. 3253-8, lors d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures leur sont remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure. Elles bénéficient alors des privilèges attachés à celle-ci. »

 

Ainsi, il ressort de la combinaison de ces deux articles que l’UNEDIC AGS est totalement subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances pour les créances super privilégiées lors d’une procédure de liquidation judiciaire.

 

L’article L 625-8 du Code du commerce précise enfin que les créances super privilégiés doivent donc être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

 

Le paiement préférentiel du super privilège des salaires

 

En l’espèce, l’UNEDIC a avancé pour le compte des salariés la somme globale de 194 639.79 €, dont 113 686.03 € à titre super privilégié.

 

Aux regards des dispositions de l’article L 3253-16 du Code du travail, l’UNEDIC AGS est ainsi totalement subrogé dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé ces avances.

 

Dès lors, et comme le précise l’article L 625-8, le liquidateur a l’obligation de rembourser cette créance super privilégiée sur les premières rentrées de fonds.

 

C’est ce qu’a fait le mandataire liquidateur qui a payé cette créance super privilégiée à hauteur de 65 000.00 €, 30 000.00 € en date du 05 novembre 2016, 20 000.00 € en date du 17 août 2018 et 15 000.00 € en date du 06 septembre 2018.

 

Au motif que la dette est parfaitement causée et qu’un paiement volontaire est alors définitif, l’UNEDIC considère que la demande de remboursement du mandataire liquidateur est irrecevable.

 

Une créance de super privilège causée et un paiement volontaire

 

De son côté, le mandataire liquidateur relève que, suite à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence qui la déboute de son action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre du dirigeant de cette société, une partie des fonds qu’elle a versé à l’UNEDIC n’entrait pas dans le cadre de la liquidation et devait donc être restitué au dirigeant.

 

De telle sorte qu’il y avait lieu de déclarer le mandataire liquidateur recevable dans ses demandes.

 

Toutefois, le Tribunal de commerce reprend l’argumentation du mandataire liquidateur qui demande le remboursement de la somme de 19 877.00 € qu’elle a versé au titre de sa créance super privilégiée au motif qu’elle était indisponible.

 

Le mandataire lui explique que le Trésor lui a adressé cette somme par erreur en date du 27 avril 2016 alors même qu’elle revenait à Monsieur P, gérant de la société A, s’agissant du remboursement d’un trop-perçu sur son impôt sur le revenu.

 

À titre conservatoire et sur autorisation du Tribunal de commerce de Fréjus, le mandataire liquidateur a saisi cette somme entre ses propres mains à la sûreté du paiement des sommes qui, réciproquement, lui seraient dues par ledit gérant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

 

Or, comme nous l’avons déjà évoqué, si dans un premier temps le Tribunal a effectivement condamné Monsieur P à payer à ce titre la somme de 133 968.00 € entre les mains du mandataire liquidateur suivant jugement du 17 juillet 2017, la Cour d’appel d’Aix en Provence a, dans un arrêt du 16 janvier 2020, infirmé ledit jugement et débouté le mandataire liquidateur de ses demandes dirigées contre Monsieur P.

 

Si il est incontestable que le mandataire liquidateur a versé 65 000.00 € à l’UNEDIC, il l’a fait pour désintéresser une créance super privilégiée de 113 686.03 € sur les fonds dont il disposait et ce, conformément aux dispositions des articles L 3253-16 du Code du travail et L625-8 du Code du commerce.

 

À l’appui de sa demande, le mandataire liquidateur se fonde sur les dispositions des articles L 625-8, L 622-17, L 641-13 du Code du commerce et sur l’article 1103 du Code civil.

 

Mais, pour le Tribunal de commerce de Fréjus, aucun de ces articles ne prévoient le remboursement d’une somme versée volontairement alors qu’elle n’entrait pas dans l’actif de la procédure.

 

L’impossible remboursement d’une somme versée volontairement par le mandataire

 

Dès lors, le Tribunal prend acte de ce que le mandataire liquidateur soutient que la récupération du super privilège des salaires cède devant le paiement des créances dont font partie les émoluments et honoraires des AJMJ et ceux des intervenants de procédure.

 

Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, des frais de justice ont bien été payés à l’échéance et il est important de souligner que la demande de remboursement du mandataire liquidateur ne tinet pas au paiement d’une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire mais d’une représentation de fonds qui n’étaient pas disponibles entre ses mains.

 

De telle sorte que le Tribunal de commerce considère qu’il ne peut être sollicité la restitution du paiement d’une créance super privilégiée en dehors des dispositions de l’article L 643-7-1 du Code du commerce prévoyant une restitution exclusivement à la suite d’une erreur sur l’ordre des privilèges.

 

Une restitution possible en cas d’erreur dans l’ordre des privilèges

 

De telle sorte que la demande de répétition du liquidateur n’est pas une erreur sur l’ordre des privilèges mais sur le fait qu’il a versé au créancier des fonds qu’il aurait dû conserver dans l’attente de l’issue de l’action en responsabilité et de l’obtention d’une décision irrévocable.

 

Le Tribunal de commerce considère alors que le mandataire liquidateur a finalement manqué de prudence en reversant à l’AGS la somme de 19 877.00 € qu’elle avait autorisé à saisir entre ses mains à titre conservatoire par le même Tribunal sans attendre l’issue complète de la procédure et l’épuisement de tous les recours.

 

Dès lors, le Tribunal de commerce souligne encore que le mandataire liquidateur ne rapporte pas la preuve de ce que cette somme de 19 877.00 € a été utilisée pour payer l’AGS alors que durant cette procédure de liquidation elle a également réglé des frais de justice avant l’échéance pour un montant total de 23 285.71 €.

 

En conséquence, le Tribunal de commerce fait le choix de débouter le mandataire liquidateur de sa demande de remboursement de la somme de 19 877.00 € à l’encontre de l’AGS.

 

Cependant, restait encore un point en suspens.

 

Celui de la demande de remboursement de Monsieur P.

 

En effet, il convient de rappeler une fois de plus que le mandataire liquidateur avait été destinataire par erreur d’un versement par le Trésor Public d’une somme de 19 877.00 €, qui ne revenait pas à la société A dont il était gérant mais revenait à Monsieur P directement entre ses mains puisqu’il ne s’agissait que d’un remboursement de son impôt sur le revenu.

 

Il est vrai que la réception de ces fonds entre les mains du mandataire liquidateur l’avait motivé à engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif contre le dirigeant et, pour garantir le versement de cette somme de 19 877.00 € entre ses mains, avait pris soin de procéder à une saisie conservatoire entre ses propres mains.

 

Dès lors, le chemin procédural est, en l’état de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence rendu le 16 juin 2020 et de l’ordonnance de rejet de la Cour de cassation, que le mandataire liquidateur avait été débouté de toutes ses demandes dirigées contre Monsieur P.

 

Il appartenait dès lors au mandataire liquidateur de restituer à Monsieur P la somme de 19 877.00 € qu’il avait fait saisir entre ses mains.

 

C’est dans ces circonstances que, si le Tribunal de commerce déboute le mandataire liquidateur de sa demande de restitution de fonds à l’encontre de l’AGS, il n’en demeure pas moins qu’elle condamne, dans la même procédure, le mandataire liquidateur à payer au dirigeant la somme 19 877.00 € qu’il a fait saisir entre ses propres mains et qu’il s’est libéré à tort au profit d’un créancier.

 

La responsabilité du mandataire liquidateur qui doit payer le débiteur saisi ?

 

Ainsi, immanquablement cette décision est intéressante nonobstant l’appel qui a été frappé récemment de cette décision et qui va nous ouvrir d’autres perspectives procédurales, vu l’histoire fleuve de ce dossier, immanquablement une autre chronique.

 

Mais, cette jurisprudence est intéressante parce qu’elle vient clairement mettre en exergue le paradoxe de la procédure.

 

Ainsi, il convient d’apporter plusieurs observations pertinentes.

 

La première des observations est que je pense que, dans cette affaire, on peut aisément se servir de l’adage « Qui est pris qui croyait prendre ».

 

En effet, dans cette affaire, le mandataire liquidateur avait reçu des fonds à tort, qui revenaient directement entre les mains du dirigeant et ce dernier les avait reçus à tort, l’administration fiscale ayant fait une erreur et ayant transféré les fonds entre les mains du mandataire liquidateur.

 

Ce dernier cherchant à capter cette somme versée à tort entre ses mains, a alors fait une saisie conservatoire entre ses propres mains puis enclenché une action en responsabilité pour insuffisance d’actif contre son dirigeant.

 

Si dans un premier temps le dirigeant avait été condamné à payer la somme de 133 968.00 €, la Cour d’appel d’Aix en Provence a, par la suite confirmé par la Cour de cassation, débouté le mandataire liquidateur de l’ensemble de ses prétentions.

 

C’est donc à juste titre que finalement le dirigeant s’est retourné, par le truchement de son conseil, entre les mains du mandataire liquidateur pour pouvoir récupérer les fonds indûment conservés entre ses mains.

 

Telle n’a pas été la surprise du dirigeant d’apprendre que finalement le mandataire liquidateur avait commis, lui-même, une erreur en libérant les fonds au profit de l’AGS alors que ces fonds étaient initialement indisponibles de par les faits de la saisie conservatoire.

 

Le liquidé engageant la responsabilité du mandataire liquidateur

 

C’est dans ces circonstances que, tant bien même le mandataire liquidateur a cru bon engager une action contre l’UNEDIC devant le Tribunal de commerce de Fréjus pour obtenir le remboursement de cette somme, que le dirigeant est intervenu volontairement à la procédure pour voir condamné, tantôt, l’UNEDIC en remboursement des sommes indûment perçues, et voir condamné tantôt, le mandataire liquidateur au paiement d’une somme qu’il a conservé entre ses mains et libéré à tort au profit d’un autre créancier.

 

Ainsi, tel est pris qui croyait prendre.

 

Deuxièmement, cette jurisprudence est intéressante parce qu’elle vient effectivement poser le sort d’une pratique mise en place depuis de nombreuses années qui consiste à faire passer avant le super privilège des salaires les frais de justice du mandataire judiciaire, du Greffe et des autres intervenants de la procédure collective.

 

De telle sorte que la question pouvait légitimement se poser par le Tribunal de commerce de savoir si les 19 877.00 € n’avaient finalement pas été absorbés à tort par les frais de justice du Mandataire judiciaire ou par l’UNEDIC qui n’aurait pas dû percevoir ces fonds.

 

Le mandataire liquidateur a immanquablement interjeté appel, le dirigeant est immanquablement intimé dans cet appel et je pense que cet appel nous offrira d’autres perspectives de réflexion sur cette procédure qui méritait, par son caractère atypique et par son histoire et son ancienneté, une chronique clairement dédiée, fusse-t-il, sur la base d’un jugement rendu en première Instance par le Tribunal de commerce de Fréjus.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Saisie immobilière et procédure collective, à qui remettre le prix d’adjudication ?

avocat saisie immobilière
avocat saisie immobilière
le rôle de l’avocat en saisie immobilière

Une SCI faisant l’objet d’une saisie immobilière, décide, après l’adjudication de son bien immobilier, de se placer en redressement puis en liquidation judiciaire. Fort de l’arrêt des poursuites individuelles, le mandataire judiciaire souhaite récupérer le prix d’adjudication pour procéder à sa distribution. La banque s’y refuse. Quel est le juge compétent ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ce 06 mars 2024, N°22-22465, et qui vient aborder la problématique de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant alors que la procédure de saisie immobilière a pris fin et qu’une liquidation judiciaire a été ouverte.

 

La Cour de cassation considérant dans cette jurisprudence que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l’effet de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant, le Juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur l’action en restitution des fonds engagés par le mandataire liquidateur sur le fondement des articles L 622-21 et R 122-19 du Code du commerce, laquelle relève de la seule compétence du Tribunal saisi de la procédure collective.

 

Sort de la restitution des fonds et compétence du juge

 

Ces jeux de compétence demeurent malgré tout importants tant le droit de l’entreprise en difficulté est souvent une porte de sortie honorable dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière et il n’est rare de voir le débiteur saisi se retrancher derrière les dispositions protectrices du droit de l’entreprise en difficulté pour, tantôt limiter la « casse », tantôt sauver le bien immobilier, tantôt encore présenter un plan de sauvegarde ou de redressement afin, certes, de payer la créance bancaire mais de sauver surtout le bien immobilier, bien souvent d’ailleurs la résidence principale et foyer familial du débiteur saisi.

 

Cependant, il est bien évident que cette imbrication entre deux matières très techniques et très différentes peut amener à des problématiques de compétence et de jeux d’imbrication entre, d’un côté le droit de la saisie immobilière et toutes ses particularités, et de l’autre côté le droit de l’entreprise en difficulté qui brille également par des dispositions exorbitantes de droit commun qu’il n’est pas toujours facile à manier.

 

Ceci encore plus lorsque la procédure de saisie immobilière est finalement achevée.

 

Une liquidation judiciaire survenue après l’adjudication du bien saisi

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/liquidation-judiciaire-et-conditions-dexercice-de-la-surenchere-en-saisie-immobiliere/

En effet, dans cette affaire et par deux jugements d’adjudication du 08 juillet 2009 rendus sur les poursuites de la banque, créancier inscrit, des biens immobiliers appartenant à la SCI P ont été vendus et les prix de vente ont été consignés.

 

Pour autant, le 09 mars 2010, la SCI P a été placée en redressement judiciaire, puis, le 06 mai 2010, celle-ci a été placée en liquidation judiciaire, Maître R ayant été désigné successivement au mandataire judiciaire puis liquidateur judiciaire de la SCI P, désormais en liquidation judiciaire.

 

Dans ce même laps de temps, et plus particulièrement les 18 et 29 mars 2010, les prix d’adjudication découlant de la procédure de saisie immobilière avaient été remis à la banque, créancier unique au sens de l’article L 331-1 du Code des procédures civiles d’exécution, lequel article précisant :

 

« Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure, les créanciers énumérés à l’article 2377 et au 3° de l’article 2402 du code civil ainsi que les créanciers titulaires d’une sûreté publiée sur les immeubles par destination saisis avant la publication du titre de vente. »

 

Pour autant, le mandataire judiciaire, dès le 31 mars 2021 alors qu’il n’était encore qu’au stade du redressement judiciaire, faisait valoir que les fonds avaient été remis à la banque au mépris de l’arrêt des voies d’exécutions édictées à l’article L 122-21 du Code du commerce consacrant le sacrosaint principe de l’arrêt des poursuites individuelles.

 

L’arrêt des poursuites individuelles

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-immobiliere-projet-de-distribution-et-liquidation-judiciaire/

C’est dans ces circonstances que le mandataire judiciaire a assigné la banque en restitution des fonds devant le Tribunal ayant ouvert la procédure collective puisqu’il revendiquait notamment une plénitude de juridiction de la Chambre des procédures collectives ayant ouvert la procédure collective.

 

Contre toute attente, la Cour d’appel d’Aix en Provence, dans une décision qui avait été rendue le 08 septembre 2022, semblait privilégier la compétence du Juge de l’exécution, ce que ne partageait absolument pas le mandataire liquidateur qui s’était pourvu en cassation.

 

Une incompétence du juge de l’exécution au profit du tribunal de commerce ?

 

Ce dernier considérait que le Juge de l’exécution était incompétent, en considérant notamment que le Tribunal de la procédure collective dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur toute question relative à une procédure collective en cours qui prive le Juge de l’exécution de sa compétence de principe en matière de saisie immobilière.

 

Selon lui, la Cour d’appel s’était fourvoyée en jugeant incompétent le Tribunal de la procédure collective au profit du Juge de l’exécution quand l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur saisi et la remise du prix d’adjudication séquestré au créancier poursuivant après l’ouverture de la procédure collective avait vocation à revenir aux organes de la procédure collective,

 

De telle sorte cette violation des règles de procédure collective a amené à une saisine du Juge qui ne pouvait être autre que celle du Tribunal ayant ouvert la procédure collective en tant que telle et ce conformément aux dispositions des articles R 662-3 et R 622-19 du Code du commerce, auxquels s’ajoute l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

 

Ceci d’autant plus que la procédure de saisie immobilière était terminée puisque l’adjudication avait été faite et le prix de l’adjudication avait été remis à la banque, de telle sorte que le mandataire liquidateur considérait également que la compétence du Juge de l’exécution suppose l’existence d’une procédure en cours de saisie immobilière.

 

Or, la Cour d’appel ne pouvait raisonnablement juger incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du Juge de l’exécution alors même que la remise du prix d’adjudication séquestré au créancier poursuivant avait mis fin à la procédure de distribution, qui n’était plus en cours au jour où elle a statué, de telle sorte que le Juge de l’exécution n’était dès lors plus compétent.

 

La Cour de cassation rappelle dans cette jurisprudence, au visa des articles L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire et R 662-3 du Code du commerce, qu’il résulte du premier de ces textes que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin, le Juge de l’exécution ne peut plus connaitre des contestations et levées à l’occasion de celle-ci, ni statuer sur la demande reconventionnelle née de cette procédure ou s’y rapportant.

 

Il résulte de l’article R 662-3 du Code du commerce que relève de la compétence du Tribunal de la procédure collective l’action du liquidateur judiciaire tendant la restitution du prix d’adjudication prétendument distribué au mépris de la règle de l’arrêt des voies d’exécutions énoncées aux articles L 622-21 et R 622-19 du Code du commerce dès lors que cette action en née de la procédure collective et est soumise à l’influence juridique de celle-ci.

 

La restitution d’une partie du prix d’adjudication mal distribué

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-immobiliere-annulee-prescription-et-liquidation-judiciaire/

Pour la Cour de cassation, il s’en déduit que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l’effet de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant, le Juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur l’action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement de l’article L 622-21 et R 622-19 du Code du commerce, laquelle relève alors de la seule compétence du Tribunal saisi de la procédure collective.

 

L’arrêt de la Cour d’appel, qui retient que le litige s’insère dans la compétence de ce dernier, voulu exclusive en matière de saisie immobilière par le législateur et que la technicité de ce contentieux est comprise pour définir les critères de l’effet attributif en matière de saisie immobilière, nécessite de cerner à quel moment les fonds sont sortis du patrimoine du débiteur pour rejoindre celui du créancier.

 

Pour autant, comme le dit très justement la Cour de cassation, dans la mesure où elle relève que le prix d’adjudication a bien été remis au créancier poursuivant, la Cour d’appel aurait dû constater que le Juge de l’exécution n’était plus compétent, la procédure de saisie immobilière étant fini, de telle sorte qu’il y avait bel et bien une plénitude de compétence au profit de la Chambre des procédures collectives du Tribunal judiciaire ayant ouvert la procédure collective.

 

La plénitude de compétence du tribunal de la procédure collective

 

Cette jurisprudence est intéressante, certes, dans une approche extrêmement procédurale mais qui permet également de rappeler que, premièrement, le droit de l’entreprise en difficulté présente beaucoup d’avantages notamment pour une société civile immobilière qui a perdu, dans le cadre de la dernière réforme du Code de la consommation, bons nombres d’avantages de moyens de contestation des établissements financiers, mais que, bénéficiant du droit de se mettre sous le coup d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, voir même dans certains cas de liquidation judiciaire, celle-ci peut trouver grands nombres d’avantages au droit de l’entreprise en difficulté qui est immanquablement aux dispositions du droit commun et qui vient malmener le droit de la saisie immobilière en tant que telle.

 

Quel intérêt pour une SCI faisant l’objet d’une saisie immobilière de se placer en procédure collective ?

 

Ce qui ouvre pas mal d’opportunité pour contester la créance bancaire, pour la payer en plusieurs années, et surtout pour envisager de préserver le bien, objet de la saisie immobilière, qui est d’ailleurs bien souvent, dans le cadre de société civile immobilière familiale, la résidence principale du débiteur saisi est bien souvent leur foyer familial.

 

Cependant, il est vrai que l’imbrication des deux droits aux spécificités techniques remarquables que sont le droit de la saisie immobilière et le droit de l’entreprise en difficulté appelle immanquablement à appréhender avec justesse les spécificités procédurales car s’il est bien évident que le droit de l’entreprise en difficulté offre de nombreux avantages, il ne peut sembler que naturel de se diriger vers le Juge compétent, le Juge qui a ouvert la procédure collective, qui est peut-être même plus à même d’entendre le discours du débiteur que le Juge de l’exécution naturellement enclin à faciliter l’application des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution et par la même la saisie du débiteur au profit du créancier saisissant.

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Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Omission d’un créancier sur un état de collocation et restitution des fonds indûment perçus

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

 

A la suite de la vente d’un immeuble, le mandataire liquidateur établit un état de collocation. Cependant il omet l’UNEDIC AGS et désintéresse en premier lieu le créancier hypothécaire. Le mandataire liquidateur s’aperçoit de cette omission et sollicite la répétition de l’indu d’une partie de la somme perçue à tort. Le créancier hypothécaire peut-il s’y opposer ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 04 octobre 2023, N°22/15.456, et qui vient aborder la problématique de fonds versés par le mandataire liquidateur sur la base d’un état de collocation alors qu’un des créanciers aurait été omis et n’aurait pas été réglé alors qu’il aurait dû l’être, de telle sorte que le créancier ayant perçu les fonds n’aurait pas dû les recevoir et a donc vocation à les restituer.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, le 23 mai 2012, le Tribunal de commerce avait ouvert le redressement d’une société AI qui a été converti en liquidation judiciaire le 18 juillet suivant et un mandataire liquidateur a été désigné.

 

Le 02 août 2018, à la suite de la vente d’un immeuble et en vue de la distribution du prix, le mandataire liquidateur a établi l’état de collocation des créanciers en vertu duquel il a adressé à la société AF, créancier hypothécaire, un dividende de 268 955.52 €.

 

A la suite de la vente d’un immeuble le mandataire liquidateur établit un état de collocation

 

Le mandataire liquidateur a assigné la société AI en restitution d’une somme de 24 224.49 € qui aurait dû être réglée, selon lui, prioritairement à l’AGS.

 

Le mandataire liquidateur se pourvoyant en cassation, en suite de l’arrêt qui avait été rendu par la Cour d’appel de Grenoble, en considérant que le créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l’égalité des créanciers chirographaires ou par suite d’une erreur sur l’ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées.

 

Le mandataire liquidateur reprochait justement à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de restitution de l’indu malgré l’admission définitive au passif de la créance de l’UNEDIC CGEA au titre de l’AGS pour une somme de 24 224.49 € et son inscription sur l’état des créances privilégiées.

 

Le mandataire liquidateur soutient que ce créancier n’avait effectivement pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l’état de collocation dressé le 02 août 2018, pour le mandataire liquidateur, l’état de collocation n’avait pas été dressé en conformité avec l’état des créances privilégiées admises, qui aurait dû donc inclure l’UNEDIC CGEA.

 

Ainsi, la discussion était portée de savoir si oui ou non il était question d’une contestation d’un état de collocation au motif pris de ce qu’un paiement a été fait au détriment d’un créancier inscrit ou est-ce qu’il ne s’agissait non pas d’une erreur mais qu’il s’agissait plutôt d’une omission ?

 

En effet, la demande de restitution trouve son origine non pas dans l’erreur commise dans l’acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence mais dans le défaut d’un créancier au sein de l’état de collocation qui disposait donc du droit d’y participer.

 

Oubli d’un créancier dans l’état de collocation, erreur ou omission ?

 

Ce qui constitue en réalité une contestation de l’état de collocation alors que l’omission d’appeler un créancier privilégie la distribution du prix de vente ayant entrainé un indu au profit d’un autre créancier constitue plutôt une erreur sur l’ordre des privilèges.

 

Dans tous les cas de figure, pour le mandataire liquidateur, force est de constater que le créancier hypothécaire a bénéficié d’un dividende de 268 955.52 € alors qu’il aurait dû, en tout cas pour la seule somme de 24 224.49 €, ne pas percevoir cette somme qui aurait dû revenir prioritairement à l’AGS.

 

Le super privilège des salaires primant le créancier hypothécaire

 

Cependant, le créancier refusant de restituer cette somme en considérant, premièrement, qu’il en était de la responsabilité du mandataire liquidateur qui aurait mal rédigé son état de collocation et qu’en tout état de cause, le créancier hypothécaire désintéressé n’avait pas à pâtir d’un oubli d’un créancier sur l’état de collocation du mandataire liquidateur.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et tient à préciser que, selon l’article L 643-7-1 du Code du commerce, le créancier qui a reçu un paiement à la suite d’une erreur sur des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées.

 

Une obligation de restitution pour le créancier trop payé

 

Il en résulte que lorsque le paiement à un créancier privilégié a été effectué à la suite de l’omission sur l’état de collocation d’un créancier de meilleur rang, le liquidateur peut agir en restitution des sommes versées au créancier qui a reçu ce paiement.

 

Or, pour rejeter la demande de restitution, la Cour d’appel, après avoir énoncé qu’il résultait de la combinaison des articles R 643-6 et R 643-7 du Code du commerce, que le liquidateur procède aux règlements des créanciers sur le fondement de l’état de collocation dressé en conformité avec l’état des créances définitivement admises, relève que malgré l’admission définitive au passif de la créance de l’UNEDIC CGEA au titre de l’AGS pour une somme de 24 224.49 € et son inscription sur l’état des créances privilégiées, ce créancier n’a pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l’état de collocation dressé le 02 août 2018 et que le paiement adressé par le liquidateur à la société AI est intervenu dans le respect de l’ordre réglé par lui.

 

Le défaut de collocation d’un créancier,

 

Pour autant, la Cour d’appel en déduit que la demande de la restitution au liquidateur ne trouve pas son origine dans une erreur commise dans l’acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence mais bien dans le défaut de collocation d’un créancier qui disposait du droit d’y participer.

 

De telle sorte que la demande en restitution des fonds constitue en réalité une contestation de l’état de collocation qui doit intervenir dans le mois de la publicité de son dépôt devant le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire et que le paiement intervenu en vertu de l’état de collocation d’août 2018, dont il n’est pas justifié qu’il ait fait l’objet de contestation, n’est donc entaché d’aucune erreur dans l’ordre des privilèges qu’il a réglé.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne s’y trompe pas puisqu’elle considère qu’en statuant ainsi alors que la somme dont la restitution était demandée par le mandataire liquidateur à la société AI lui avait été versée à la suite de l’omission d’un créancier de meilleur rang, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

La Cour de cassation cassant ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble et renvoyant les parties devant cette même juridiction autrement composée.

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met en exergue le fait que si le mandataire liquidateur a commis une faute dans l’établissement de son état de collocation en omettant un créancier et, pour le coup, l’UNEDIC AGS.

 

Il n’en demeure pas moins que le créancier, qui aurait indûment perçu un dividende dans le cadre de l’établissement de l’état de collocation, ne peut se retrancher derrière le fait que l’état de collocation n’a pas été contesté et ne peut non plus se retrancher derrière le fait que le mandataire liquidateur aurait commis une erreur, bien que la jurisprudence est déjà venue sanctionner à plusieurs reprises la responsabilité du mandataire liquidateur qui aurait, à tort, réglé un créancier au détriment d’un autre.

 

Pour autant, cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle rappelle que, en cas d’oubli d’un créancier dans l’état de collocation qui primerait celui qui aurait été désintéressé, le mandataire liquidateur est bienfondé à se retourner contre le créancier ayant trop perçu afin que celui-ci restitue les fonds au profit du mandataire liquidateur, afin que celui-ci puisse payer le créancier ayant un meilleur rang sans que ce dernier ne puisse opposer le fait que l’état de collocation n’a pas été contesté dans les délais légaux.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Extension d’une liquidation judiciaire en raison d’un compte courant associé, est-ce possible ? 

Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement
Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement
Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement

Un mandataire liquidateur d’une société en liquidation judiciaire image engager une action en extension à l’encontre du dirigeant associé au motif pris de ce que le compte courant associé serait débiteur et que ce dernier se serait même offert le luxe d’une indemnité de gérance sans contrepartie. Quels sont les risques ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation de septembre 2023,  et qui vient aborder la problématique de l’action en extension engagée par le mandataire liquidateur afin d’agir en extension et ce en raison d’un compte courant d’associés débiteur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire et par un jugement en date du 09 mai 2017, la société B, dont Monsieur M était associé et cogérant, a été mise en liquidation judiciaire et un mandataire liquidateur avait été désigné.

 

Puis, ce mandataire liquidateur a assigné Monsieur M pour lui voir étendre à son encontrela liquidation judiciaire de la société B.

 

Les fondements de l’action en extension

 

Il convient de rappeler que l’action en extension, strictement réglementée par le Code du commerce, permet à un mandataire liquidateur qu’il constate des relations financières anormales ou des confusions de patrimoine entre deux entités commerciales et à la possibilité de procéder par voie d’extension afin d’absorber au profit de la liquidation judiciaire la société ou la personne visée par ladite extension et, par la même, faire rentrer son patrimoine personnel pour désintéresser les créanciers de la société initialement en liquidation judiciaire.

 

La présence de relations financières anormales

 

Or, dans cette affaire, le mandataire liquidateur a été débouté à hauteur de Cour d’appel et c’est dans ces circonstances que ce dernier s’est pourvu en cassation afin d’obtenir gain de cause sur son action en extension et ce au visa de l’article L 621-2 du Code du commerce.

 

Le mandataire liquidateur considérait que la procédure collective d’un débiteur pouvait être étendue à une personne en cas de confusion de son patrimoine avec celui du débiteur.

 

Et que cette confusion de patrimoine peut être caractérisée par l’existence d’une relation financière anormale entre le tiers et ledit débiteur.

 

Le mandataire liquidateur mettait en exergue que l’accroissement du solde débiteur du compte courant d’associés était un élément à prendre en considération et permettait de déduire l’existence d’une relation financière anormale entre la société débitrice et l’associé en question, caractérisant par la même une confusion de patrimoine et justifiant l’action en extension.

 

L’accroissement anormal du compte courant associé

 

Il est vrai que la notion de compte courant associé a déjà fait couler beaucoup d’encre.

 

Le mandataire liquidateur considérant que l’inscription en compte courant d’associés de Monsieur M d’une somme prélevée sans justification sur les comptes de la société débitrice faisant croitre le solde négatif de ce compte courant n’était pas de nature à exclure l’anormalité des virements et retraits opérés et que l’existence d’une confusion des patrimoines était caractérisée à la lueur de ses relations financières.

 

La Cour d’appel avait pourtant rejetée la demande du mandataire liquidateur, car celle-ci avait retenu que les retraits d’espèces et virements bancaires effectués au profit de Monsieur M au cours de l’année 2016 ne permettait pas d’établir une confusion de patrimoine au motif pris qu’ils avaient été inscrits à son compte courant d’associés pour porter le solde débiteur à la somme de 88 135.51 €.

 

De sorte que la société B demeurait simplement créancière de l’associés débiteur de son compte courant d’associé….

 

Le mandataire liquidateur persévère dans le cadre de son pourvoi en cassation et rappelle que si la procédure collective d’un débiteur peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de son patrimoine avec celui débiteur, cette confusion de patrimoine peut être caractérisée par l’existence d’une relation financière anormale entre le tiers et le débiteur, notamment lorsque la normalité des relations financières se déduit de l’absence de toute contrepartie.

 

Une indemnité de gérance injustifiée ?

 

Ainsi, le mandataire liquidateur critique l’octroi d’une indemnité de gérance non autorisée ou ne correspondant pas à un travail effectif.

 

De telle sorte que celui-ci constitue un élément susceptible de caractère existant d’une relation financière anormale et justifiant l’action aux fins de confusion des patrimoines.

 

Pour autant, la Cour d’appel avait rejeté sa demande en se bornant, selon le mandataire liquidateur, à retenir les retraits d’espèces ou virements bancaires effectués au profit de Monsieur M au cours de l’année 2016, ne permettait pas d’établir une confusion de patrimoine parce qu’ils avaient été inscrits en son compte courant d’associés.

 

Pour autant, le mandataire liquidateur dans son pourvoi considérait que la Cour d’appel avait commis une analyse tronquée puisqu’elle ne caractérisait pas l’existence d’une contrepartie aux virements et retraits en espèces effectués au profit de Monsieur M.

 

Cette approche est payante car la Cour de cassation apporte une réponse très claire.

 

Elle rappelle que, au visa de l’article L 621-2 du Code du commerce, qu’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur.

 

Ainsi, la Cour de cassation considère que pour rejeter la demande du mandataire liquidateur tendant à l’extension à Monsieur M de la liquidation judiciaire de la société B, la Cour d’appel a retenu que les retraits d’espèces et les virements bancaires réalisés au profit de Monsieur M au cours de l’année 2016 ont été inscrits à son compte courant d’associés, lequel était débiteur au 26 décembre 2016 à hauteur de 88 135.51 €.

 

Compte courant d’associé débiteur, infraction pénale ?

 

Et que, si l’existence d’un compte-courant débiteur est pénalement sanctionné, il n’en demeure pas moins que la société reste créancière de l’associé débiteur et que dès lors, une telle situation ne permet pas d’établir une confusion de patrimoine.

 

Pour autant, la Cour de cassation précise qu’en se déterminant ainsi alors que l’inscription en compte courant d’associés de Monsieur M des virements et retraits d’espèces qu’il avait opéré à son profit sur le compte de la société n’était, en absence de toute caractérisation d’une contrepartie justifiant, pas de nature à en exclure la normalité.

 

De telle sorte que la Cour d’appel, qui s’est fondée sur des motifs impropres à établir l’absence de relation financière anormale constitutif d’une confusion de patrimoine, n’a pas donné de base légale à sa décision, de telle sorte que la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Saint Denis et renvoi les parties devant la même Cour autrement composée.

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle doit attirer l’attention toute particulière du chef d’entreprise qui s’apprête à voir sa société placée en liquidation judiciaire, soit à la demande d’un créancier qui l’a assigné, soit dans le cadre d’une déclaration de cessation des paiements, de réfléchir au sort de ce compte courant associés qui est, à bien des égards, et bien souvent oublié par le chef d’entreprise.

 

Aborder le compte courant associé avant la liquidation judiciaire ?

 

Or, cette problématique de compte courant associés débiteur est extrêmement importante à aborder avant même de se placer en liquidation judiciaire.

 

A plus d’un titre.

 

Premièrement, le compte courant associés débiteur peut être constitutif d’une infraction pénale.

 

Deuxièmement, dans la mesure où l’associé est débiteur de la société qui demeure créancière, le mandataire liquidateur est parfaitement en droit de poursuivre le chef d’entreprise associé pour récupérer ces fonds et, pour une somme de 88 135.51 €.

 

Troisièmement, à la lueur de cette jurisprudence, le mandataire liquidateur serait bienfondé à considérer qu’en l’absence totale de contrepartie cet accroissement de solde débiteur ou l’octroi d’une indemnité de gérance non autorisée serait constitutif de relation financière anormale qui permettrait une confusion des patrimoines.

 

Or, n’oublions pas que la confusion des patrimoines est extrêmement lourde de conséquences puisqu’elle permet de détendre la liquidation judiciaire de la société B, en l’occurrence à Monsieur M qui serait lui-même placé en liquidation judiciaire et, dans l’hypothèse où Monsieur M serait propriétaire d’actifs divers et variés, la liquidation judiciaire toucherait l’intégralité de son patrimoine personnel qui pourrait alors être saisi afin de désintéresser les créanciers de la procédure collective et ce au-delà de la seule somme du compte courant débiteur à 88 135.51 €.

 

Dès lors, les conséquences sont non-négligeables.

 

Il est important, pour le chef d’entreprise, qui a consacré sa vie commerciale et professionnelle à ses clients, ses salariés, ses créanciers (URSSAF, Trésor public, Expert-comptable…), a désormais comme principale préoccupation de penser à lui et à lui seul.

 

Le dirigeant associé doit penser à se protéger avant même la liquidation judiciaire

 

Il doit s’assurer que, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société dont il était le dirigeant et associé, sa responsabilité personnelle ou que les actes de gestion qu’il a pu commettre avant, et ce, dans les derniers mois avant la liquidation judiciaire de sa société, n’expose pas sa responsabilité aussi bien au titre d’une interdiction de gérer ou de faillite personnelle, qu’aussi bien au titre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif engagée par le mandataire liquidateur et qu’aussi bien, comme le démontre cette jurisprudence, au risque d’une action en extension pour confusion de patrimoine avec celui de la société en liquidation judiciaire.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Surendettement des particuliers et arrêt des poursuites individuelles

Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol
Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol

Un débiteur en difficulté se place sous la protection d’une procédure de surendettement. Peu de temps après un créancier inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur sa maison. Le débiteur peut-il ordonner l’annulation de cette hypothèque judiciaire provisoire ? Est-ce à la commission de surendettement de le faire ? et devant quel Juge ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2024 qui vient aborder le droit spécifique du surendettement des particuliers et qui permet, en cas de difficulté, à la commission de surendettement de saisir le Juge du contentieux et de la protection aux fins d’annuler les mesures d’exécutions.

 

Il importe également de préciser que le débiteur, lui-même étant mis en difficulté par des créanciers qui essayent de l’exécuter, a aussi la possibilité de saisir lui-même, soit le Juge du contentieux et de la protection, soit le Juge de l’exécution afin de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles propres au droit du surendettement.

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/plan-de-surendettement-et-protection-de-la-residence-du-debiteur-pour-sa-retraite/

Juge du contentieux et de la protection ou juge de l’exécution ?

 

La Cour de cassation, dans sa jurisprudence, rappelant que lorsque la décision de recevabilité à la procédure de surendettement a été prononcée, il est interdit au créancier de prendre toute garantie, sûreté, ou mesure conservatoire sur les biens du débiteur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, par décision du 19 juin 2019, la commission de surendettement avait déclaré recevable la demande des consorts X tendant au traitement de leur situation financière.

 

Or, le 07 août 2019, soit à peine deux mois après, les consorts Y, créanciers des consorts X, ont pris, sur autorisation préalable du Juge de l’exécution, une inscription hypothécaire provisoire sur le bien appartenant à ces derniers.

 

Saisie d’une contestation par les consorts X, le Juge de l’exécution les a déboutés de leurs demandes d’annulation de l’hypothèque judiciaire provisoire.

 

C’est dans ces circonstances que les consorts X ont frappés d’appel la décision en litige et la Cour d’appel a ordonné la main levée de l’hypothèque judiciaire provisoire.

 

C’est dans ces circonstances que les consorts Y se pourvoient en cassation et tentent de combattre les effets pourtant protecteurs du droit du surendettement des particuliers.

 

À hauteur de Cour de cassation, les consorts Y faisaient griefs à la Cour d’appel de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir déclarer irrecevable la contestation de la mesure d’hypothèque judiciaire provisoire pris par les consorts X.

 

Ces derniers considéraient qu’il résulte de l’article L 761-2 du Code de la consommation que seule la commission de surendettement est compétente pour saisir le Juge des contentieux et de la protection d’une demande d’annulation de toute acte effectué en violation des articles L 722-2 et L 722-5 du Code de la consommation.

 

Une saisine du juge de l’exécution par la Commission de surendettement

 

Selon eux, cette compétence du Juge du contentieux et de la protection est une compétence exclusive, de telle sorte que les consorts X ne pouvaient valablement saisir le Juge de l’exécution afin justement de voir lever cette hypothèque judiciaire provisoire.

 

Or, la Cour d’appel avait considéré, à la lueur de l’article L 722-5 du code de la consommation,  qui instaure comme corolaire aux suspensions et interdictions dans le cadre de la procédure de surendettement des procédures d’exécutions diligentées à l’encontre des biens du débiteur, l’interdiction pour celui-ci d’aggraver son insolvabilité.

 

Pour autant, selon les consorts X, aucune disposition légale n’emporte un dessaisissement du débiteur pour agir en justice.

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/procedure-de-surendettement-et-verification-des-creances/

Par ailleurs, les consorts Y faisaient encore griefs à l’arrêt d’avoir déclaré leurs demandes tendant à voir déclarer inopposable la décision de recevabilité de la commission de surendettement à l’égard des intimés.

 

Une procédure de surendettement déclarée recevable

 

En effet, ces derniers considéraient qu’il appartenait à ces derniers, sur un terrain plus procédural et au visa des articles 908 à 910 du Code de procédure civile, de soulever avant toute prétention au fond des demandes tendant à voir déclarer l’adversaire irrecevable dans sa demande, ce qui n’avait pas été fait.

 

Pour autant, un pourvoi avait également été fait par les consorts X.

En effet, ces derniers reprochaient à la Cour d’appel de les avoir déboutés de leurs demandes d’annulation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire prise sur leur bien immobilier au profit des fameux consorts Y pour une somme de 51 932.00 €.

 

La demande de main levée de l’hypothèque judiciaire provisoire

 

 Les consorts X, débiteurs en surendettement, se fondaient sur les dispositions de l’article L 722-5 du Code de la consommation qui prohibe toute prise de sûreté ou de garantie sur un bien d’un débiteur postérieurement à la suspension des mesures d’exécutions consécutives à la recevabilité d’un dossier de surendettement du débiteur.

 

Selon les consorts X, cet article impose une interdiction générale de telle sûreté ou garantie sans limiter son application aux seuls actes pris par le débiteur.

 

L’interdiction générale de prise de sureté et de garantie en droit du surendettement

 

Or, force est de constater que par ordonnance sur requête en date du 02 juillet 2019, soit postérieurement à la décision en date du 19 juin 2019 prise par la commission de surendettement déclarant la procédure de surendettement recevable, une hypothèque judiciaire conservatoire avait été accordée aux consorts Y.

 

Ces derniers considéraient que c’était à tort que la Cour d’appel avait rejeté leurs demandes d’annulation de l’hypothèque judiciaire conservatoire, la Cour d’appel ayant retenu que l’interdiction était limitée aux seules sûretés et garanties accordées par le débiteur et que l’article L 722-5 du Code de la consommation n’interdisait pas la constitution d’une hypothèque conservatoire judiciaire à la demande d’un créancier.

 

Selon les consorts X, cette motivation de la Cour d’appel, relativement spécieuse il faut bien l’admettre, sont contraires à la lecture de l’article L 722-5 du Code de la consommation tout comme des objectifs de législateur en ce qu’ils permettaient justement l’acquisition par un créancier d’un droit de préférence sur un bien du débiteur postérieurement à la décision de recevabilité.


Or, cela est immanquablement contraire au sacrosaint principe de l’arrêt des poursuites individuelles édictées aussi bien en droit de la faillite au niveau commercial qu’en droit de surendettement des particuliers.

 

L’arrêt des poursuites individuelles en droit du surendettement

 

La Cour de cassation apporte un certain nombre de réponses constructives sur ce point et met en exergue le principe de l’arrêt des poursuites individuelles, ce qui n’est pas négligeable.

 

Concernant la question relative au choix procédural entre le Juge du contentieux de la protection saisi par la commission de surendettement ou le Juge de l’exécution saisi par le débiteur, la Cour de cassation rappelle que, selon l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserves des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention pour défendre un intérêt déterminé.

 

Plus précisément, il résulte de l’article L 761-2 du Code de la consommation que tout acte effectué en violation de l’article L 722-2 du même Code posant le principe de l’interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur peut être annulée par le Juge des contentieux de la protection à la demande de la commission de surendettement présentée pendant le délai d’un an à compter de la date du paiement de la créance.

 

La compétence du juge des contentieux de la protection

 

Au terme des deux premiers alinéas de l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le Juge de l’exécution connait de manière exclusive des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elle porte sur le fond du droit, à moins qu’elle n’échappe à la compétence des juridictions dès lors judiciaires.

 

Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connait des contestations relatives à leur mise en œuvre.

 

Il en résulte, pour la Cour de cassation, que la faculté pour la commission de surendettement de saisir le Juge du contentieux et de la protection afin d’annulation de la mesure ne fait absolument pas obstacle au droit du débiteur de contester une mesure conservatoire devant le Juge de l’exécution.

 

La compétence du juge de l’exécution saisi directement par le débiteur

 

Ainsi, les consorts X disposaient bien d’un intérêt légitime à voir ordonner la main levée de l’hypothèque judiciaire provisoire et retenu à bon droit qu’aucune disposition légale n’emporte dans les procédures de surendettement le dessaisissement du débiteur pour agir en justice car effectivement le débiteur demeure plénipotentiaire de ses droits, celui-ci n’est pas dessaisi au profit de la commission de surendettement.

 

Et, qu’à défaut de réponse dans les délais légaux de la commission de surendettement qui avait effectivement la faculté de saisir le Juge du contentieux et de la protection, rien n’empêche le débiteur de saisir le Juge de l’exécution pour faire état de cet arrêt des principes individuels et ordonner la main levée de l’hypothèque judiciaire provisoire.

 

Bien plus, la Cour de cassation précise encore, au visa des articles L 722-2 et L 722-5 du Code de la consommation qu’aux termes du premier de ces textes, la recevabilité de la demande de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécutions diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunérations consenties par celui-ci et portant sur les dettes autre que alimentaires.

Les effets attachés à la demande de surendettement

 

Selon le deuxième article, L 722-5 du Code de la consommation, la suspension à l’interdiction des procédures d’exécutions diligentées à l’encontre des biens du débiteur emporte interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer en tout ou en partie une créance autre qu’alimentaire y compris les découverts mentionnés au 10 et 11 de l’article L 311-1 nés antérieurement à la suspension à l’interdiction de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances  nées antérieurement à la suspension à l’interdiction de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine, elles emportent aussi interdiction de prendre toute garantie ou sûreté.

 

Pour la Cour de cassation, il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque la décision de recevabilité à la procédure de surendettement a été prononcée, il est interdit au créancier de prendre toute garantie, sûreté ou mesures conservatoires sur les biens du débiteur.

 

Dès lors, la Cour de cassation, dans sa sagesse, considère que la Cour d’appel a violé les textes susvisés en rejetant la demande de l’annulation de l’hypothèque judiciaire provisoire, ce qui est extrêmement satisfaisant.

 

L’annulation de l’hypothèque judiciaire provisoire ordonnée

 

Cette jurisprudence, certes un peu technique au niveau procédural, rappelle quand même que lorsque les créanciers s’acharnent contre un débiteur en difficulté et que celui-ci fait le choix stratégique et économique de se placer sous le coup des mesures de protection du droit du surendettement des particuliers ne doit justement pas permettre aux créanciers de poursuivre ces mesures d’exécutions et d’accentuer les difficultés à l’encontre du débiteur qui vient justement chercher un souffle devant la commission de surendettement et des solutions pratiques qui lui permettront de faire face à ses engagements tout en préservant en même temps ses actifs personnels et sa résidence principale si besoin était.

 

Les avantages du droit du surendettement

 

Dès lors, cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle permet de rappeler au débiteur en difficulté que le droit du surendettement offre des portes de sortie rassurantes, lui permettant bien sûr de faire face à ses engagements tout comme il peut aussi contester les créances réclamées par les différents créanciers qui peuvent être remises en question.

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Et, surtout, il peut obtenir des délais afin de faire face à ses engagements ou de trouver des solutions dans la longueur qui lui permettront surtout de conserver son actif personnel.

 

Ce qui est quand même intéressant et, dans l’hypothèse où par extraordinaire un créancier aurait l’idée saugrenue de s’acharner nonobstant la recevabilité de la procédure de surendettement, aussi bien la commission de surendettement pourra saisir le Juge du contentieux et de la protection pour obtenir la main levée de ces mesures prises par ce créancier acharné, mais à défaut, le débiteur sera aussi lui-même en mesure de saisir le Juge de l’exécution pour contester ces mesures d’exécutions acharnées.

 

Ce qui est extrêmement rassurant.

 

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Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Comment fonctionne une saisie immobilière lorsqu’elle ne couvre pas la dette ? 

Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol
Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol

Comment fonctionne une procédure de saisie immobilière ? Qu’en est-il en cas de vente du bien dont le prix d’adjudication ne couvre pas la créance du créancier dans son intégralité ? le créancier peut-il encore poursuivre le débiteur pour la dette résiduelle ? Quelles solutions pour le débiteur ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser aux problématiques spécifiques dans l’hypothèse ou une procédure de saisie immobilière est enclenché par un créancier afin de procéder à la réalisation du bien immobilier du débiteur, mais que le prix d’adjudication ou de vente amiable ne couvre pas la dette due par le débiteur saisi.

En effet, lorsqu’un débiteur ne parvient pas à honorer ses engagements financiers, une procédure de saisie immobilière peut être déclenchée par le créancier.

Toutefois, il arrive parfois que la vente du bien immobilier saisi ne couvre pas la totalité de la dette.

Cet article explore en profondeur les différentes étapes de la procédure de saisie immobilière, les rôles des intervenants, et les conséquences pour le débiteur lorsque la vente ne suffit pas à rembourser la créance.

La procédure de saisie immobilière

La procédure de saisie immobilière débute par un commandement valant saisie délivré par un huissier de justice. Ce document informe le débiteur qu’une procédure de saisie est engagée contre lui et qu’il dispose d’un certain délai pour régulariser sa situation.

Rappelons les dispositions de l’article L311-2 du Code des procédures civiles d’exécution, qui édicte que :


« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.« 

La procédure de saisie immobilière est constituée de plusieurs étapes importantes, savoir :

  1. Commandement de payer : Le débiteur reçoit un commandement de payer par voie d’huissier. Si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette dans le délai imparti, la procédure de saisie est enclenchée.
  2. Commandement valant saisie : Après l’expiration du délai, l’huissier délivre un commandement valant saisie, mentionnant la date et l’heure de l’audience d’orientation.
  3. Audience d’orientation : Le juge de l’exécution fixe les modalités de la vente du bien. Cette audience permet de décider si la vente sera amiable ou forcée.
  4. Vente du bien immobilier : La vente peut être réalisée aux enchères publiques ou de gré à gré si les parties sont d’accord.

Vente amiable ou vente forcée

  • Vente amiable : Si le juge et les parties s’accordent, le bien peut être vendu de gré à gré. Cette option peut parfois permettre d’obtenir un prix de vente plus élevé, réduisant ainsi l’impact de la dette résiduelle.
  • Vente forcée : À défaut d’accord, le bien est mis en vente forcée aux enchères publiques. Le prix de vente est souvent inférieur à celui du marché, augmentant le risque de non-couverture de la dette.

Quel est le rôle du juge de l’exécution ?

 

Le juge de l’exécution joue un rôle central dans la procédure de saisie immobilière.

Il fixe les modalités de la vente lors de l’audience d’orientation et veille au respect du code des procédures civiles d’exécution.

 

Le juge peut également accorder des délais de paiement supplémentaires au débiteur.

 

Quel est le rôle de l’huissier de justice et du commissaire de justice ?

L’huissier de justice est chargé de délivrer les commandements et de superviser la procédure de saisie.

Depuis la réforme de 2022, les commissaires de justice (fusion des huissiers et des commissaires-priseurs) peuvent également intervenir dans ces procédures.

Quel est le rôle de l’avocat ?

L’assistance d’un avocat est indispensable pour le débiteur et le créancier afin de défendre leurs intérêts respectifs durant la procédure.

Il convient de rappeler que la représentation par avocat est obligatoire de telle sorte que si le débiteur souhaite se défendre il doit impérativement prendre un avocat.

Si la vente immobilière ne couvre pas les dettes, quelles conséquences ?

Il est malheureusement fréquent que le prix de vente d’un bien immobilier saisi soit insuffisant pour couvrir la totalité de la créance.

Dans ce cas, le débiteur reste redevable du solde de la dette, appelé dette résiduelle.

Quels sont les recours du créancier ?

Le créancier dispose de plusieurs options pour recouvrer la dette résiduelle :

  • Poursuite de l’exécution forcée : Le créancier peut engager d’autres mesures d’exécution forcée, comme la saisie sur salaire ou la saisie de comptes bancaires.
  • Négociation amiable : Un accord peut être trouvé pour étaler le paiement de la dette résiduelle.

Le débiteur peut-il se protéger en se mettant en surendettement ?

Si le débiteur est dans une situation de surendettement, il peut saisir la commission de surendettement qui pourra recommander des solutions adaptées, voire effacer une partie de la dette.

En résumé, il convient de rappeler qu’une procédure de saisie immobilière est une procédure complexe et lourde de conséquences pour le débiteur.

Lorsque la vente du bien ne couvre pas la dette, les implications financières peuvent être sévères et durables.

Il est crucial pour les débiteurs de bien comprendre leurs droits et d’envisager toutes les solutions possibles, y compris la négociation amiable et les recours en cas de surendettement.

Les créanciers, quant à eux, doivent s’assurer que toutes les procédures sont scrupuleusement respectées pour maximiser leurs chances de recouvrer les sommes dues.

Par ailleurs, un certain nombre de questions sont régulièrement posées par les clients, à savoir :

1. Qu’est-ce qu’un crédit maison et comment est-il lié à un prêt hypothécaire ?

Un crédit maison est un type de prêt hypothécaire où le propriétaire utilise son bien immobilier comme garantie.

En cas de non-paiement, le créancier peut engager une saisie immobilière pour recouvrer la dette.

2. Quels sont les droits du propriétaire lorsque son bien est hypothéqué ?

Le propriétaire conserve le droit de disposer de son bien, mais il doit respecter les conditions du prêt.

En cas de défaut de paiement, le créancier peut engager une procédure de saisie immobilière.

Il est conseillé de consulter un avocat pour comprendre les implications légales et les options disponibles.

3. Comment se déroule la mise en œuvre d’une saisie immobilière ?

La saisie immobilière commence par un acte de commandement de payer délivré par un huissier, suivi d’une assignation devant le tribunal.

Un juge prend alors des décisions sur la vente du bien pour couvrir la somme due. Un titre exécutoire est nécessaire pour engager cette procédure.

4. Qu’est-ce qu’une assignation en saisies immobilières ?

L’assignation en saisie immobilière est un acte juridique par lequel le créancier invite le débiteur à comparaître devant le tribunal.

Elle détaille la nature des dettes et les raisons de la saisie.

Il est crucial de consulter des avocats spécialisés pour préparer sa défense.

5. Quelle est la somme minimale pour laquelle des saisies immobilières peut être initiée ?

Il n’y a pas de somme minimale légale pour initier une saisie immo.

Toutefois, les coûts associés à la procédure peuvent influencer cette décision.

En général, pour des dettes de plusieurs milliers d’euros, le créancier peut juger pertinent de recourir à cette mesure.

6. Quels sont les recours pour le recouvrement d’une dette hypothéquée ?

En cas de non-paiements, le créancier peut demander le recouvrement des dettes par la saisie du bien hypothéqué.

D’autres options incluent la négociation d’un nouveau plan de paiements ou la vente volontaire du bien par le débiteur pour éviter la saisie forcée.

Ces questions et réponses fournissent un aperçu des aspects essentiels liés aux crédits maisonprêts hypothécaires, et saisies immobilières.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

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L’articulation d’un plan de sauvegarde avec la déchéance du terme d’un prêt immobilier

Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement

Une SCI est en litige avec la banque ayant financé le prêt immobilier. Après une première déchéance du terme annulée, la banque fait tout pour prononcer une nouvelle déchéance du terme. Celle-ci est-elle valide ? La SCI a-t-elle intérêt à la contester ? La SCI a-t-elle intérêt à se placer en procédure de sauvegarde pour sauver son bien immobilier ? Exemple parfait d’une stratégie efficace du « temps procédural » pour contrer une déchéance du terme abusive.

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Responsabilité pour insuffisance d’actif et personne morale représentée par une personne morale, qui est responsable ? 

laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement

Lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par action simplifiée dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L 651-2 est encourue non seulement à l’encontre de cette personne morale dirigeant de droit mais aussi à l’encontre du représentant légal de cette dernière, personne physique.

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