Rejet du plan de sauvegarde, quelles alternatives pour le chef d’entreprise?

Laurent LATAPIE Avocat Docteur en Droit

Une entreprise en sauvegarde de justice qui voit son projet de plan sauvegarde rejeté par le Tribunal de commerce, peut-il présenter un nouveau plan de sauvegarde ou bien se diriger inévitablement vers un redressement ou une liquidation judiciaire ? Lorsque le Droit de l’entreprise en difficulté se retrouve à avoir horreur du « vide ». Exemple jurisprudentiel du Tribunal de Commerce de Fréjus.

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Faillite personnelle et interdiction de gérer du chef d’entreprise

Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution

Analyse d’une jurisprudence exposant le chef d’entreprise à une mesure de faillite personnelle au motif pris d’une absence de tenue de comptabilité, d’un retard dans la déclaration de cessation des paiements et finalement au motif pris d’un passif trop important. Quels sont les moyens de défense pour éviter une mesure de faillite personnelle ?

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Arrêt des poursuites individuelles et exequatur d’une sentence arbitrale

Laurent LATAPIE Avocat Bankruptcy
Laurent LATAPIE Avocat Bankruptcy
Laurent LATAPIE Avocat Bankruptcy

Un créancier, bénéficiant contre son débiteur en procédure de sauvegarde de justice, d’une sentence arbitrale étrangère, suisse en l’occurrence, doit-il engager une procédure d’exequatur pour faire valoir ses droits ? Ou bien sa demande d’exequatur s’oppose t-elle au principe d’arrêt des poursuites individuelles, le créancier devant d’abord suivre l’étape de la vérification des créances devant le juge commissaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient aborder l’imbrication particulière entre le droit de l’exequatur qui consiste à faire appliquer en France une décision de justice rendue par une juridiction étrangère afin de poursuivre un débiteur alors que ce dernier est placé sous le coup d’une procédure collective et bénéficie donc de l’arrêt des poursuites individuelles tel que le rappelle l’article L 622.21 du Code de Commerce

La question qui se posait dans cette jurisprudence était de savoir si un créancier dont la créance était fixée par une décision étrangère rendue sous sentence arbitrale pouvait en demander l’exequatur.

Quels sont les faits ?

Le 12 novembre 2014, la société V a engagé une procédure d’arbitrage pour régler un différend relatif au paiement des compléments de prix.

Le tribunal arbitral a rendu à Zurich, le 23 décembre 2016, une sentence condamnant la société I à payer à la société V une somme de 3 310 399,16 euros en principal et intérêts, outre intérêts ultérieurs, frais et dépens.

Or, dans le même laps de temps, le 9 janvier 2017, une juridiction française a ouvert la procédure de sauvegarde de la société I,

La société V a alors déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire,

Laquelle créance a été contestée.

Le 8 mars 2017, la société V, en liquidation amiable, a déposé une requête aux fins d’exequatur de la sentence arbitrale en demandant la délivrance d’une expédition revêtue de la formule exécutoire.

Il y a été fait droit par une ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 10 mars 2017 qui a déclaré la sentence exécutoire.

Pour autant, la société I et le mandataire judiciaire ont fait appel de l’ordonnance.

Sur l’appel de l’ordonnance d’éxéquatur et le pourvoi,

Ainsi, par une ordonnance du 22 mai 2018, le juge-commissaire, saisi de la demande d’admission de la créance de la société V a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour d’Appel statuant sur l’appel de l’ordonnance d’exequatur.

A hauteur de Cour de Cassation, il n’échappera au lecteur attentif que, dans cette décision, les deux parties faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris d’avoir rendu une décision insatisfaisante et chacune avait fait un pourvoi.

La société V faisait grief à l’arrêt d’infirmer l’ordonnance d’exequatur en ce qu’elle rendait exécutoire une condamnation à paiement de sommes d’argent, alors que l’exequatur n’étant pas un acte d’exécution, l’ouverture en France d’une procédure collective à l’égard d’un débiteur condamné par un tribunal arbitral à l’étranger était sans incidence sur l’exequatur de la sentence arbitrale.

Quel sort pour l’exequatur ?

Or, la Cour d’appel avait considérée, pour infirmer l’ordonnance d’exequatur du 10 mars 2017 en ce qu’elle rendait exécutoire une condamnation en paiement de sommes d’argent, que l’exequatur ne pourrait avoir pour objet que la reconnaissance et l’opposabilité en France de la sentence,

De telle sorte que la procédure d’exequatur ne méconnaissait nullement le principe d’arrêt des poursuites individuelles,

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et considère que la procédure d’exequatur, qui consiste justement à rendre exécutoire une condamnation à paiement, est une mesure d’exécution forcée, par nature contraire au principe d’arrêt des poursuites individuelles.

L’exequatur, mesure d’exécution forcée ?

La société I, et le mandataire judiciaire faisaient en effet grief à l’arrêt de confirmer l’ordonnance d’exequatur en ce qu’elle emportait reconnaissance de la sentence,

Alors qu’il résultait des articles L. 622-21, L. 622-22 et L. 624-2 du Code de Commerce qu’en l’absence d’instance en cours à la date du jugement d’ouverture de la sauvegarde du débiteur, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne pouvait faire constater le principe de sa créance et fixer son montant qu’en suivant la procédure de vérification des créances,

Le respect de la procédure de vérification des créances

Seule une décision par laquelle le juge-commissaire se déclarait incompétent ou constatait son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation relative à une créance déclarée pouvait inviter les parties à saisir la juridiction compétente.

Qu’il s’ensuit qu’après avoir déclaré sa créance, un créancier ne pouvait saisir directement le juge d’une demande d’exequatur ou de reconnaissance d’une sentence arbitrale.

Il devait attendre la décision du juge-commissaire l’invitant à saisir le juge compétent si besoin était, dans l’hypothèse ou la contestation ou la créance ne releverait pas, a priori, du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire

Les pouvoirs du juge commissaire en vérification des créances

Ainsi, la société I et le mandataire judiciaire faisaient grief à la Cour d’Appel d’avoir constaté que la société I avait été placée en sauvegarde par un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 9 janvier 2017, que la société V avait déclaré sa créance au passif de la société I le 16 février 2017 et ensuite déposé une requête aux fins d’exequatur de la sentence le 8 mars 2017, sans attendre la décision du juge-commissaire qui avait seul le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance, lequel ne s’était prononcé que par une ordonnance du 22 mai 2018 ordonnant un sursis à statuer.

Ils considéraient que l’objet du litige était déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge devait se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui était demandé.

Dès lors en confirmant l’ordonnance du 10 mars 2017 rendue par le président du Tribunal de Grande Instance de Paris, en ce qu’elle emportait reconnaissance de la sentence rendue le 23 décembre 2016, la société V sollicitant pourtant uniquement, dans ses dernières conclusions, la confirmation de cette ordonnance en ce qu’elle avait conféré l’exequatur à la sentence arbitrale, sans en demander la reconnaissance, la cour d’appel avait violé les articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile.

Enfin, la société I et le mandataire judiciaire rappelaient que le juge devait observer et faire observer le principe de la contradiction et qu’en relevant d’office le moyen tiré de ce que dans les circonstances de l’espèce, l’exequatur ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et l’opposabilité en France de la sentence, sans préalablement inviter les parties à s’expliquer sur ce moyen, la Cour d’Appel avait violé l’article 16 du Code de Procédure Civile.

Ils venaient également reprocher le bien-fondé de la décision du tribunal Suisse.

Les critères d’exequatur contestés

Ils faisaient valoir que la méconnaissance du principe de la contradiction par le tribunal arbitral résultait de ce que sa décision relative aux postes de dépenses, dans la seconde partie de sa sentence arbitrale, avait été prise en considération de critères qu’ils avaient définis dans la première partie de cette sentence, qui ne correspondaient ni à la position du demandeur à l’arbitrage, la société V, pour laquelle toutes les charges devaient être traitées de la même manière, sans distinction, ni à celle du défendeur à l’arbitrage, la société I ,

Cette dernière estimait que toutes les dépenses exceptionnelles relatives à la gestion de la société avant le closing devaient être exclues du calcul du plafond de dépenses, puisque le tribunal arbitral avait au contraire jugé que ces dépenses ne devaient être exclues du calcul du plafond des dépenses que si elles résultaient de violation des déclarations et garanties prévues au contrat,  

Ainsi, la société I reprochait au tribunal arbitral, de ne pas l’avoir mise en mesure de fournir sa propre argumentation poste par poste s’agissant de ces dépenses, au regard des critères préalablement retenus dans la sentence ne correspondant pas à ceux proposés par les parties.

A bien y comprendre la société I et le mandataire judiciaire considéraient que la demande d’exequatur pouvait être contestée au motif pris du non-respect du contradictoire dans le cadre de la procédure initiée devant le tribunal suisse.

Sur l’ensemble de ces points, la Cour de Cassation apporte un certain nombre de réponses.

La consécration principe de l’arrêt des poursuites individuelles

L’arrêt énonce que le principe de l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers est à la fois d’ordre public interne et international et, après avoir relevé que la sentence litigieuse du 23 décembre 2016, revêtue dès sa reddition, de l’autorité de chose jugée, avait condamné la société I à payer diverses sommes à la société A, et que le tribunal avait ouvert la procédure de sauvegarde de la société I  le 9 janvier 2017, la Cour d’Appel avait exactement retenu que l’exequatur ne saurait, sans méconnaître le principe susvisé, rendre exécutoire une condamnation du débiteur à paiement de sommes d’argent.

La sentence ne pouvant être contestée, conformément aux dispositions de l’article 1525 du Code de Procédure Civile, que par la voie de l’appel de l’ordonnance d’exequatur et pour les motifs limitativement énumérés par ce texte.

Dès lors, il appartenait au créancier de solliciter l’exequatur lorsque la vérification des créances faisait apparaître une contestation à l’égard de laquelle le juge-commissaire n’était pas compétent, et l’exequatur prononcé dans de telles circonstances ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et l’opposabilité en France de la sentence.

L’ordonnance d’exequatur rendue le 10 mars 2017, postérieurement à la déclaration de la créance résultant de la sentence, échappait au grief de violation du principe d’ordre public international de l’arrêt des poursuites individuelles du débiteur par les créanciers en ce qui concernait ce seul effet de reconnaissance.

Cette jurisprudence est intéressante et elle rappelle que les principes de l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers, du dessaisissement du débiteur et de l’interruption de l’instance en cas de procédure d’insolvabilité, sont à la fois d’ordre public interne et international.

Pour autant elle reconnait que c’est le seul moyen efficace pour le créancier en cas de contestation de la créance d’obtenir la reconnaissance d’une décision de justice étrangère et le bien-fondé de la créance en droit français.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Banqueroute pour détournement d’actifs et prescription de l’action publique

 

En cas de liquidation judiciaire, le chef d’entreprise peut-il être poursuivi pour délit de banqueroute pour détournement d’actifs ? La prescription diffère t’elle selon qu’il s’agisse d’une banqueroute occulte ou d’une banqueroute dissimulée ? Qu’en est-il en cas de dénonce de banqueroute pour détournements d’actifs post-liquidation judiciaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en novembre 2020 qui vient aborder le point de départ de la prescription de l’action publique en matière de banqueroute pour détournement d’actifs en cas de faillite de l’entreprise,

Quels sont les faits ?

Le 18 novembre 2011, un créancier de l’entreprise individuelle de maîtrise d’œuvre gérée par Monsieur V a adressé un courrier au Procureur de la République pour l’informer d’un litige l’opposant à cette entreprise.

L’enquête a révélé que cette entreprise avait été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis qu’une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte le 27 mars 2009, l’entreprise ayant fait faillite,

Les investigations avaient notamment mis en évidence que des virements avaient été effectués entre avril 2008 et mars 2009, pour un montant total de 52 300 euros par l’entreprise individuelle Monsieur V au profit de la société D, également gérée par Monsieur V ayant pour activité l’acquisition, construction, administration, location et vente d’immeubles.

Cette société dont les parts étaient réparties entre Monsieur V et ses enfants avait obtenu en 2006 un crédit immobilier de 245 300 euros lui permettant d’acquérir, dans le cadre de son activité, un terrain et d’y faire édifier une maison d’habitation, devenue à la fois le siège social de la société D et la résidence principale de Monsieur V et son épouse.

Délit de banqueroute pour détournement d’actifs

Monsieur V avait été condamné pour ces faits par le Tribunal Correctionnel du chef de banqueroute et la société D du chef de recel.

Monsieur V, la société D et le Procureur de la République ont formé appel de cette décision et contestait la sanction prononcée,

Quel point de départ pour le détournement d’actifs ?

Il convient de dissocier l’infraction instantanée à un jour précis, pour laquelle la prescription commençant à courir dès le lendemain et l’infraction sous forme d’actes réitérés.

Dans ce cas le point de départ de la prescription est alors le dernier acte frauduleux

Cependant en matière de banqueroute, il convient de préciser que le point de départ de la prescription peut être décalée lorsque l’infraction constituée par des remises à un caractère occulte ou parfaitement dissimulé.

Le point de départ de la prescription en matière de banqueroute est alors reporté au jour où l’infraction a été constatée dans des conditions permettant au Ministère Public de s’y intéresser.

Autre particularité de cette jurisprudence est que tout laissait à penser que la banqueroute avait été commise avant le jugement de procédure collective.

Banqueroute et liquidation judiciaire ? avant ou après ?

Se posait la question de savoir si nous étions en présence d’une infraction occulte ou dissimulée et si le jugement prononçant la liquidation judiciaire était une cause d’interruption de la prescription.

L’ensemble de ces critères pouvaient ils modifier la caractérisation de l’infraction,

Il convient de rappeler qu’au visa de L.654-16 du Code de Commerce, la prescription de l’action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date.

Monsieur V considérait que le délai de prescription de l’action publique n’est reporté au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique qu’à l’égard des infractions occultes ou dissimulées,

Or, par définition, est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte,

Tandis qu’est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire,

Dans tous les cas, cela semblait synonyme de sanction pour le Ministère public.

Or, dans cette affaire, pour estimer que la prescription des faits de banqueroute par détournement d’actif visée à la prévention, concernant des transferts de fonds qui auraient été opérés du mois d’avril 2008 au mois de mars 2009, à hauteur de la somme de 52 300 euros, n’a commencé à courir qu’à compter du 18 novembre 2011,

En effet c’était à cette date qu’un créancier de l’entreprise individuelle V, a écrit au procureur de la République afin de dénoncer le comportement de Monsieur V dont le train de vie paraissait disproportionné par rapport à la situation de son entreprise,

Qu’importe le prononcé de la liquidation judiciaire le 27 mars 2009,

La dénonciation de la banqueroute, point de départ ?

Monsieur V considérait que c’était à partir de cette dénonciation que l’infraction pouvait être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique de telle sorte que la Cour d’Appel ne pouvait considérer que les transferts de fonds litigieux avaient été dissimulés

Banqueroute et transfert de fonds

Ceci d’autant plus qu’aucune démonstration n’avait été faite que toute trace de ces transferts avait été retirée par le prévenu des documents comptables portés à la connaissance de la juridiction ayant prononcé la liquidation judiciaire de l’entreprise,

Il n’était pas plus précisé en quoi les conditions dans lesquelles ces transferts de fonds ont été opérés auraient empêché le juge de la procédure collective d’en constater l’existence au jour du prononcé de la liquidation judiciaire.

Monsieur V rappelait que le délai de prescription de l’action publique n’est reporté au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique qu’à l’égard des infractions occultes ou dissimulées

Rappelons qu’est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte,

En l’espèce, pour estimer que la prescription des faits de banqueroute par détournement d’actif visée à la prévention, concernant des transferts de fonds qui auraient été opérés du mois d’avril 2008 au mois de mars 2009, à hauteur de la somme de 52 300 euros, n’a commencé à courir qu’à compter du 18 novembre 2011, la cour d’appel a relevé que c’était à cette date qu’un créancier de l’entreprise individuelle V qui avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire prononcée le 27 mars 2009, avait écrit au Procureur de la République afin de dénoncer le comportement de Monsieur V.

Pour autant Monsieur V considérait que rien dans l’existence des transferts de fonds litigieux, n’étaient de nature à démontrer que ceux-ci avaient été dissimulés par le prévenu ou opérés dans des conditions occultes.

La Cour de Cassation est attentive à ces problématiques.

Banqueroute occulte ou banqueroute dissimulée ?

La Haute juridiction considère qu’en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif du débiteur.

Dans cette hypothèse, au regard de ses éléments constitutifs, ce délit ne constitue pas une infraction occulte par nature.

En matière de banqueroute, la prescription de l’action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date.

Le report du point de départ de la prescription est justifié par le fait que l’exercice de poursuites du chef de banqueroute est subordonné à l’ouverture d’une procédure collective.

 Il en résulte que lorsque les faits frauduleux sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision

Il se déduit que lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.

Banqueroute postérieure à la liquidation judiciaire

En l’espèce, pour écarter l’exception de prescription soulevée par le prévenu, poursuivi pour des faits qualifiés de banqueroute, commis entre avril 2008 et mars 2009, l’arrêt attaqué relève que l’entreprise individuelle V a été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis que la liquidation judiciaire a été prononcée le 27 mars 2009, se retrouvant ainsi en faillite.

Les juges retiennent que le délai de prescription de l’action publique a commencé à courir le 18 novembre 2011, jour de la dénonciation des faits au Procureur de la République effectuée par l’un des créanciers de l’entreprise, date à partir de laquelle le ministère public a fait diligenter une enquête.

La Cour d’Appel en conclut que la période de prévention antérieure à cette date ne pouvait être atteinte par les délais de la prescription et que les différents actes d’enquête accomplis à compter de cette date ayant interrompu la prescription jusqu’à la citation renvoyant les prévenus devant le Tribunal Correctionnel, la prescription n’a donc jamais été acquise.

Pour autant, si l’action publique est recevable, la Cour de cassation considère que le délit de banqueroute, par dissimulation, n’est pas caractérisée,

Ainsi, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le chef d’entreprise poursuivi pour délit de banqueroute dispose de plusieurs cordes à son arc,

En effet, en premier lieu la question de la prescription de l’action demeure un point important,

Par ailleurs, en deuxième lieu, il appartient au chef d’entreprises de vérifier si, oui ou non, le Ministère Public est en mesure caractériser le délit de banqueroute, tantôt banqueroute occulte, tantôt dissimulée,

Le chef d’entreprise peut également remettre en question l’idée même d’une banqueroute pour détournement d’actifs, celui-ci devant encore être prouvé,

Ainsi, même en faillite, les options de défense sont nombreuses.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/constitutionnalite-dune-interdiction-de-gerer/

Retrait du concours bancaire et liquidation judiciaire, la banque est-elle responsable ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’établissement bancaire engage t’elle sa responsabilité de la même manière à l’encontre de l’entreprise en difficulté tant en cas de soutien abusif, qu’en cas de rupture abusive du concours initialement octroyé ? La caution peut-elle engager la responsabilité de la banque pour ses deux fautes ? Sur quel fondement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et vient aborder la problématique de la responsabilité civile de la banque lorsque celle-ci retire son concours.

 

Et ce, plus particulièrement, lorsque l’entreprise débitrice se retrouve en liquidation judiciaire.

 

La question se pose alors de savoir si la banque engage finalement sa responsabilité au visa des dispositions de l’article L650-1 du Code du commerce, qui sont liées au concours octroyé ou si finalement, le fondement juridique de la responsabilité de la banque est distinct car, finalement il est question de reprocher à la banque d’avoir retiré abusivement son concours ?

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte du 30 mars 2011, les consorts U s’étaient rendus cautions du prêt consenti à la société C par la banque.

 

Par la suite, malheureusement, la société a été mise en redressement, puis après résolution du plan en liquidation judiciaire respectivement les 18 juillet 2013 et 02 juillet 2015.

 

La banque, ne perdant pas de temps, a alors assigné en paiement les cautions.

Ces derniers, reconventionnellement, ont recherchés la responsabilité de la banque pour rupture abusive du crédit.

 

Dans le cadre de cette procédure, les cautions avaient opposé des moyens de défense classiques à l’encontre de la banque et avaient notamment soulevé le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.

Ils avaient également soulevé différents manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mises en garde.

 

Le caractère disproportionné

 

Concernant le caractère disproportionné des engagements, la fiche de renseignements avait été étudiée par la banque et ne montrait pas une disproportion manifeste au sens de l’article 341-4 du Code la consommation, devenu désormais L332-1 et L343-4 du même code.

 

Il n’y avait donc pas de caractère disproportionné de l’engagement de caution. Ces derniers étant en mesure d’honorer leur engagement de caution à hauteur de la somme de 94 436 €, somme pour laquelle ces derniers avaient été condamnés.

 

Pour autant, était-il question d’en rester là ?

 

Les cautions maintenaient que la banque était tenue d’un devoir de mises en garde à l’égard des cautions, de telle sorte qu’au ljour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution.

 

En effet, il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, de telle sorte qu’il résulterait de cet engagement, une inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et de la caution.

 

Les cautions n’en restèrent pas là et soutenaient par ailleurs que le seul statut de dirigeant ou d’associés de la société cautionnée était impropre à caractériser la qualité de caution avertie.

 

Le devoir de mise en garde

 

De telle sorte que banque ne pouvait s’exonérer de son devoir de mise en garde.

 

Sur ce deuxième point, les juges au fond ne suivent pas l’argumentation des cautions et considèrent qu’ils doivent être considérées comme des cautions averties, dès lors qu’à la date de leur engagement ils étaient propriétaires à 100 % des parts sociales de la SCI C, débiteur principal.

 

La rupture abusive du crédit

 

Mais surtout, cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient aborder la problématique de la rupture abusive du crédit par l’établissement bancaire.

 

En effet, dans le cadre de leur pourvoi, les consorts U faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy de les avoir déboutés de leur demande reconventionnelle relative à la mise en jeu de la responsabilité de la banque.

 

En effet, ces derniers considéraient que la banque engageait sa responsabilité à l’égard de la caution aussi bien pour l’octroi abusif d’un concours octroyé à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure collective que pour le cas ou le même établissement bancaire a rompu abusivement le concours.

 

Cependant la Cour d’Appel ne cède pas à l’amalgame entre deux champs de responsabilité bien distincts,

 

La Cour d’appel considérait que cette responsabilité de la banque pour un octroi abusif de concours était régie par les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce qui n’ouvre pas droit à réparation en cas de rupture abusive de crédit.

 

En effet, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, il appartient à la caution qui entend rechercher la responsabilité de la banque non pas au titre d’une action qui lui est propre en vertu du caractère accessoire de son engagement au titre d’une faute commise par le comportement de l’emprunteur débiteur principal, il appartient à la caution de rapporter la preuve soit d’une fraude soit d’une exécution caractérisée dans la gestion du débiteur soit que les garanties prises en contrepartie des concours soient disproportionnés.

 

La question qui se posait était de savoir si oui ou non, la responsabilité de la banque devait être assujettie aux dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, alors qu’il n’était pas question d’octroi de crédit, ni de soutien abusif, mais bel et bien de rupture abusive de crédit.

 

Pour autant, il est vrai que de prime abord tout semble lié.

 

En effet, dans un premier temps, les consorts U reprochaient à la banque d’avoir complaisamment donné son concours financier à la société C sans aucune vérification.

 

Puis, dans un deuxième temps, d’avoir brutalement révoqué ce concours en décidant de ramener l’autorisation de découvert bancaire qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €.

 

Acculant le débiteur principal à l’impayé, et exposant d’autant les cautions.

 

Dès lors, les cautions considéraient que la banque devait aussi voir sa responsabilité engagée pour avoir brutalement rompu le concours consenti à la société C.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation est sensible à cette problématique.

 

Tout dépend, cependant, du fondement juridique évoqué à cette fin.

 

En effet, s’il est vrai que la Cour d’appel a été sensible au fait qu’après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque avait, par la suite, brutalement révoqué son concours en décidant de ramener son autorisation de découvert qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €,

 

Si faute il y avait, il n’en demeurait pas moins que le fondement juridique n’était plus le même.

 

En effet, à juste titre, la Cour rappelle que les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce ne concernent que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait du concours qu’elle a consenti.

 

Sur la base de ce texte, seul l’octroi estimé est fautif de ceux-ci et non leur retrait peut donner lieu à l’application de ce texte.

 

Pour autant, l’établissement bancaire ne serait pas responsable en cas de rupture abusive de crédit ?

 

Bien sûr que si.

 

En effet, la Cour de cassation casse et annule puis renvoie les parties devant la même Cour d’appel autrement composée, en précisant que l’article L650-1 du code du commerce est réservé à l’établissement bancaire qui a commis une faute en octroyant un crédit.

 

Mais, dans le cas contraire, en cas justement de rupture abusive de crédit, si l’article L650-1 du Code du commerce ne trouverait à s’appliquer, il n’en demeure pas moins que le droit commun de la responsabilité a vocation à s’appliquer en cas de rupture abusive du crédit.

 

Cela est heureux.

 

En effet, cette jurisprudence est salutaire.

 

La Cour de cassation souligne que la rupture abusive du crédit ne peut être protégée par les critères extrêmement fermés de l’article L650-1 du code du commerce qui demeurent des dispositions dérogatoires et protectrices de l’établissement bancaire.

 

Par voie de conséquence, tant le débiteur principal, que la caution peuvent donc se retourner contre la banque en cas de rupture abusive de crédit.

 

Et venir ainsi sanctionner une pratique malheureusement trop courante lorsque notamment les découverts bancaires sont réduits à néant sans autre forme de procès, par l’établissement bancaire, quasi du jour au lendemain, sans aucune raison valable par ailleurs.

 

Il importe à ce moment-là au chef d’entreprise qui se trouve en difficulté, d’imaginer engager la responsabilité de la banque dès le début de la procédure collective sans avoir besoin d’attendre le prononcé de la liquidation judiciaire, véritable épée de Damoclès, exposant tant le débiteur principal que sa caution.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Créance prescrite, entre surendettement et saisie immobilière

Laurent LATAPIE avocat famille 2021
Laurent LATAPIE avocat famille 2021

9 ans après la déchéance du terme, un établissement bancaire peut-il engager une procédure de saisie immobilière ? Le créancier ne serait-il pas prescrit ? Quelles sont les incidences des deux procédures de surendettement initiées par le débiteur dans ce laps de temps ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en juin dernier qui vient aborder la problématique de l’enchevêtrement d’une procédure de saisie immobilière avec une procédure de surendettement afin de savoir s’il est possible d’évoquer la prescription de la créance nonobstant les actes liés à la procédure de surendettement et au plan qui a été octroyé en son temps.

Quels sont les faits ?

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entreprise par la banque à l’encontre des époux L concernant un bien situé dans le Var, le Juge de l’Exécution de l’Immobilier avait, le 22 novembre 2019 :

  • validé la procédure,
  • constaté une créance de 227 315,97 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2017
  • ordonné la vente forcée des biens.

Le titre exécutoire invoqué était un acte authentique de prêt établi le 18 novembre 2005, pour un montant emprunté de 205 644 euros.

Les consorts L entendaient soutenir la prescription de la procédure de saisie immobilière alors même qu’ils avaient fait l’objet de deux procédures de surendettement.

Prescription de la créance

La question était de savoir si l’enchevêtrement des actes permettait d’envisager une prescription.

En effet la déchéance du terme était intervenue le 19 février 2009 sur la base d’un acte notarié du 18 novembre 2005 et l’on ne pouvait que légitimement s’interroger sur la prescription de la procédure de saisie immobilière initiée sur la base d’un commandement de payer, signifié le 16 février 2018 soit 9 ans plus tard.

Les consorts L considéraient que la banque était prescrite en ses demandes sur le fondement de l’article L 137-2, du Code de la Consommation qui précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La créance de la banque au titre de l’acte notarié du 18 novembre 2005 avait été fixée au passif des époux L à hauteur de 193 196,46 euros au principal avec intérêts au taux contractuel à compter du 19 février 2009 et de 13 523,75 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la même date, par jugement contradictoire du 5 octobre 2010 rendu après citation délivrée le 2 avril 2010.

Qu’en est-il de la procédure de surendettement ?

Il résultait des documents versés aux débats que les époux L avaient déposé un dossier de surendettement le 24 juillet 2009 lequel a été déclaré recevable le 26 août 2009 et avait abouti à des recommandations, comprenant un rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois afin de permettre aux époux L de vendre leur bien immobilier, aujourd’hui saisi, estimé à 360 000 euros établies par la commission le 10 décembre 2011 et auxquelles le Juge d’instance avait conféré force exécutoire par ordonnance du 9 mai 2012.

Surendettement sur surendettement ne vaut ?

Par la suite, les époux L avaient de nouveau déposé un dossier de surendettement le 9 mai 2014, alors qu’ils venaient juste d’être destinataires d’une mise en demeure de la banque en date du 28 avril 2014.

Or, la commission de surendettement avait déclaré irrecevable ce nouveau dépôt de dossier de surendettement, irrecevabilité confirmée, malgré leur recours exercé le 30 juin 2014, par jugement du Juge d’instance en date du 17 décembre 2015, date à laquelle la prescription biennale avait recommencé à courir.

Par la suite, le créancier justifiait de la délivrance aux époux débiteurs d’un commandement aux fins de saisie-vente en date du 11 août 2016, et ce, bien avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré le 16 février 2018.

C’est dans ces circonstances que le Juge de l’Exécution avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de considérer que la prescription est acquise et les époux avaient été déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

A hauteur de Cour d’Appel, les consorts L avaient souhaité apporter des précisions complémentaires

 

Sur appel de cette décision, la Cour dans un arrêt en date du 22 octobre 2020 avait d’ailleurs ordonné une réouverture des débats et invité les parties à :

 

  • -s’expliquer sur le contexte dans lequel a été rendu un jugement le 5 octobre 2010 par le Tribunal d’Instance et à communiquer l’acte d’assignation, afin de vérifier s’il constitue un titre exécutoire en justifiant également de sa signification

 

  • -présenter leurs observations sur l’éventuelle modification du délai de prescription qui serait alors s’agissant d’un jugement de condamnation et donc d’un titre exécutoire, non plus biennale mais décennale

 

  • -à toutes fins dans le cadre de surendettement justifier d’un accusé de réception pour la lettre de caducité en date du 28 avril 2014

 

Il importe de préciser à ce stade que Monsieur L avait rencontré de graves problématiques de santé et pris du retard dans la défense de ses intérêts.

 

Problème de santé et validité de la procédure d’appel

 

L’ordonnance de clôture avait été rendue le 9 mars 2021 et ce n’est que postérieurement que les appelants avaient déposé de nouvelles conclusions, le 23 mars 2021.

 

Par requête, les époux L avaient sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, indiquant n’avoir pu se mettre en état en vue de l’audience, l’époux n’étant pas en capacité de s’occuper de ses affaires courantes, selon certificat de son médecin traitant en date du 16 février 2021.

 

Pour autant la Cour d’Appel a considéré que les termes du certificat médical étant imprécis sur la durée de l’incapacité, étant souligné que cette pièce est datée du 16 février 2021, soit plus d’un mois avant la date d’audience, que madame L, devrait être en mesure avec son conseil, même en cas de difficultés de santé de son époux, d’assurer le suivi de la procédure alors qu’il n’est pas évoqué une altération durable des capacités mentales de Monsieur L et de démarches entreprises en vue d’une mesure de protection.

 

Cette approche est particulièrement spécieuse et la Cour d’Appel aurait pu permettre à Monsieur L de faire valoir ses droits.

 

Caducité du plan de surendettement

 

La Cour d’appel souligne que certains éléments étaient insuffisamment exposés devant elle, en particulier, l’existence d’un jugement du 5 octobre 2010 prononcé par le Tribunal d’Instance non produit et explicité, et la nécessité de vérifier la caducité d’un plan de surendettement dont bénéficiaient les débiteurs, qui aurait alors interdit l’exercice des poursuites.

 

Cependant, à bien y regarder, le Tribunal d’Instance, par jugement en date du 5 octobre 2010 signifié le 29 octobre 2010, avait été saisi le 2 avril 2010, par la banque en paiement d’une ouverture de crédit du 13 avril 2007 et d’un prêt personnel en date du 6 ou 13 mars 2006 non remboursés. Monsieur L s’était présenté seul à l’audience pour lui-même et son épouse qu’il représentait.

 

En raison d’une procédure de surendettement, l’établissement financier avait alors sollicité uniquement la fixation de ses créances.

 

Ce qui semble logique.

 

Le Tribunal avait également statué sur un prêt immobilier, contracté le 18 novembre 2005, d’un montant initial de 205 644 euros remboursable sur 216 mois, au taux de 3.85 % l’an.

 

Ce prêt correspondant manifestement au prêt notarié basant actuellement la saisie immobilière poursuivie à l’encontre de Monsieur et Madame L

 

Au titre du prêt immobilier, le Tribunal avait fixé au passif du surendettement, le montant de 193 196.46 euros avec intérêt contractuel de 3.85 % l’an à compter du 19 février 2009 jusqu’à parfait paiement et 13 523.75 euros au titre de la clause pénale due, portant intérêt au taux légal à compter du 19 février 2009 également.

 

Les éléments du surendettement, ressortent désormais d’une ordonnance du même Tribunal, en date du 9 mai 2012, qui homologue la recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Var, laquelle préconise un rééchelonnement sur 2 ans, afin de permettre la vente de l’immeuble estimé à 360 000 euros sans prévoir de remboursement dans l’attente afin que le prix permette de désintéresser les créanciers, le passif étant estimé à 268 905,00 euros.

 

La banque a tenté de substituer le titre exécutoire en cours de procédure et la Cour d’Appel souligne que la banque, jusqu’à la réouverture des débats devant la Cour d’Appel  ne s’est pas prévalu du jugement rendu le 5 octobre 2010 et qu’elle a fait le choix, dans le commandement de payer valant saisie immobilière de ne viser que le prêt notarié du 18 novembre 2005 sans doute parce qu’il ne porte pas expressément condamnation au paiement et également pour les conditions dans lesquelles il a été prononcé par le Tribunal d’Instance.

 

La Cour d’Appel rappelle que la procédure de saisie immobilière ne lui permet pas de substituer un titre à un autre en cours d’instance.

 

Ce qui est heureux.

 

Cependant, dans le cas des consorts L, force est de constater que l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes procédures de surendettement n’ont pas permis d’acquérir la prescription de la créance bancaire, au titre du prêt immobilier.

 

Au contraire, ces procédures de surendettement ont été autant de prétextes à l’interruption de la prescription, permettant, in fine, à la banque, même plus de 9 ans après la déchéance du terme, d’envisager, et d’obtenir, la saisie immobilière de son débiteur.

 

L’enchevêtrement entre procédure de surendettement et procédure de saisie immobilière permettent dans certain cas de soulever la prescription de la créance bancaire.

 

Mais pas dans n’importe quelle condition.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Action en extension et confusion du patrimoine, comment se défendre ?

Laurent Latapie avocat Frejus
Laurent Latapie Avocat Fréjus

Quels sont les critères d’une action en extension avec confusion du patrimoine initiée par un mandataire liquidateur ? Le chef d’entreprise, propriétaire des murs de son exploitation au travers d’une SCI, et exploitant son fonds de commerce au travers d’une société commerciale, doit être extrêmement vigilant. Les relations financières anormales peuvent s’exprimer au travers de montant de loyers incohérents ou de comptes courants associés mal définis et organisés.

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente qui vient aborder la question spécifique de l’action du mandataire liquidateur aux fins d’extension d’une société en liquidation judiciaire à l’encontre d’une autre société afin d’obtenir la confusion du patrimoine.

Quels sont les faits ?

Aux termes d’un acte sous seing privé du 1er mars 2010, Monsieur et Madame B ont acquis un fonds de commerce de bar, journaux, artifices de divertissements, jeux automatiques électroniques mécaniques auxquels sont annexés la gérance d’un débit de tabac et un point de validation des jeux de la Française des Jeux.

 

Cette acquisition a été réalisée au prix de 380.000 euros s’appliquant aux éléments incorporels pour 355.000 euros et aux éléments corporels pour 25.000 euros financés à hauteur de 98.000 euros au moyen des deniers personnels de Monsieur et Madame B et à concurrence de 282.000 euros au moyen d’un prêt consenti par la banque.

 

Dans le même temps, Monsieur et Madame B ont constitué entre eux une SCI F destinée à l’acquisition des murs commerciaux, au prix de 180.000 euros, financé au moyen d’un prêt consenti par la même banque d’un montant de 189.000 euros avec des mensualités de remboursement de 1.428,51 euros

 

La SCI a également contracté un prêt travaux de 58.663 euros.

 

Le jour de l’acquisition du fonds de commerce par les époux B et des murs commerciaux par la SCI F, un nouveau bail commercial était signé entre la SCI d’une part et les époux B d’autre part, suivant acte sous seing privé du 1er mars 2010 portant le loyer à la somme de 16.800 euros annuel soit, 1.400 euros par mois.

 

Suivant avenant signé le 1er septembre 2011, la SCI F portait le montant du loyer à 3.910 euros par mois, soit 46.920 euros par an, compte tenu des travaux réalisés dans la réserve, le ravalement de l’immeuble et la rénovation du magasin.

 

Cependant, par jugement du 12 mai 2017, le Tribunal de Commerce a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de Madame B.

 

Par la suite, et par un jugement en date du 22 septembre 2017, le Tribunal de Commerce a prononcé l’extension des opérations de la liquidation judiciaire immédiate de Madame B à son époux Monsieur B.

 

Suivant acte du 9 mai 2018, le mandataire liquidateur de Monsieur et Madame B a saisi le Tribunal de Commerce pour voir :

 

  • Prononcer l’extension des opérations de la liquidation judiciaire ouvertes au bénéfice de Monsieur et Madame B à la SCI F en raison de la confusion des patrimoines
  • Fixer la date de cessation des paiements au 23 mars 2017 soit au jour de la première procédure collective
  • Donner un nouveau délai de deux mois aux créanciers pour déclarer leur créance au passif de la SCI F

 

Par jugement du 5 juillet 2019, le Tribunal de Commerce a débouté le mandataire liquidateur de Monsieur et Madame B de sa demande d’extension des opérations de liquidation judiciaire en raison de la confusion des patrimoines.

 

Le mandataire liquidateur a fait appel de la décision.

 

Quels sont les critères de l’action en extension avec confusion des patrimoines ?

 

Selon le mandataire liquidateur, il résultait des dispositions de l’article L 621-2 du Code de Commerce que la confusion des patrimoines ou la fictivité entraîne l’extension de la procédure collective, par l’effet de la loi, de telle sorte que le Tribunal doit prononcer l’extension lorsque les critères légaux sont réunis et l’intérêt à agir dans le cadre d’une telle action ne procède pas de la question de savoir à quel créancier elle profitera.

 

Les époux B n’ont produit aucune pièce probante permettant de déterminer le montant de l’actif et du passif de la SCI F.

 

Pour le mandataire liquidateur, les allégations selon lesquelles le prix de vente de l’immeuble ne permettrait pas de régler le solde du prêt ne sont pas démontrées.

Dès lors, il est de l’intérêt collectif des créanciers de centraliser le passif et l’actif afin de neutraliser le plus possible les effets des flux financiers anormaux qui ont été démontrés, et d’élargir le gage des créanciers de chacune des sociétés.

 

Selon le mandataire liquidateur, pour appliquer l’article L 621-2 du Code de Commerce, la fraude n’est pas nécessairement le seul critère de l’extension.

 

Il ne s’agit pas de remettre en cause la possibilité de recourir à une SCI, ce qui est licite, mais de sanctionner, sur le fondement d’une disposition légale, l’existence de relations financières anormales, sur une durée importante, qui sont constitutives d’une confusion des patrimoines.

 

Le mandataire liquidateur entendait démontrer l’existence de relations financières anormales, qui ne présentent pas un caractère isolé ou ponctuel, entre la SCI F et Monsieur et Madame B ce qui justifie incontestablement la demande d’extension.

 

L’intérêt personnel de la SCI, et de ses associés ayant commandé la fixation du montant du loyer initial, et non pas la règle du loyer moyen appliqué.

 

Le loyer avait été fortement augmenté par le premier avenant du fait de travaux pris en charge par la SCI alors qu’ils incombaient aux locataires selon le ml, aux termes du bail, en outre, à l’actif du bilan de la SCI ne figure que le coût des murs initialement payés pour 180.000 euros, aucun aménagement n’y figure ni agencement, contrairement à ce qui est mentionné à l’actif du bilan du locataire.

 

Enfin, la SCI n’aurait pas effectué une déclaration de créance pour la totalité des loyers dus, les sommes déclarées à la liquidation de Monsieur et Madame B n’étant pas les mêmes.

 

Le mandataire liquidateur conclut également à l’existence d’un compte courant d’associés débiteur, à l’actif du bilan de 27.979 euros au 31 décembre 2016, de 44.451 euros au 31 décembre 2015, de 62.987 euros au 31 décembre 2014 et souligne des prélèvements réguliers sur le compte courant au profit des associés.


Cela peut inquiéter.

 

Le mandataire liquidateur souligne également que la société n’a pas vocation à financer ses associés, de sorte que la seule constatation du découvert en compte est en soi contraire à l’intérêt social et caractérise une relation financière anormale en raison de la persistance de ce compte courant en position débitrice.

 

Quels sont les moyens de défense ?

 

La SCI F estime en réponse que l’appelante dénature manifestement les termes de l’article L 621-2du Code de Commerce qui disposent que la procédure peut être étendue et non pas doit être étendue.

 

Le mandataire liquidateur, selon elle, ne justifie aucunement que la valeur du bien, lequel est occupé, pourrait être supérieure au solde du prêt laissant une somme significative pour désintéresser les créanciers de la procédure collective des époux B.

 

Elle fait valoir qu’elle est actuellement in bonis.

 

Elle ajoute que, courant 2013, elle a renégocié ses deux prêts auprès de la banque par la souscription d’un prêt de 252.860,23 euros, prêt toujours en cours, il resterait dû sur cet emprunt une somme de 206.125,26 euros qui constituerait le seul passif de la SCI.

 

L’extension n’est pas opportune selon elle, car cela entraînerait la déchéance du terme du prêt en cours, la mise en vente du bien immobilier aux enchères ce qui ne permettrait pas une cession à sa véritable valeur, ainsi que la création d’un passif complémentaire, et ce, sans aucun avantage pour les créanciers de la procédure collective

 

Pour autant, la Cour d’Appel rappelle que selon l’article L 621-2 du Code de Commerce, dans sa version applicable à la procédure, le Tribunal compétent est le Tribunal de Commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale.

 

Le Tribunal de Grande Instance est compétent dans les autres cas.

 

A la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

 

La SCI F a acquis les murs dans lesquels est exploité le commerce étant précisé que la constitution d’une SCI pour l’acquisition de murs commerciaux dans lequel les associés de cette SCI vont exploiter le fonds de commerce n’est pas illicite, aucune fraude n’étant par ailleurs invoquée.

 

Pour autant comme le relève le mandataire liquidateur, la fictivité ou la confusion des patrimoines ayant pour effet de nier l’autonomie des personnes morales au détriment des créanciers de l’une ou de l’autre, l’unique moyen d’en corriger les effets est d’étendre la procédure collective de l’une à l’autre afin d’en réunir le passif et l’actif pour et élargir le gage des créanciers de chacune des sociétés ou entités, en l’espèce, d’une part, les époux N de l’autre la SCI F.

 

De telle sorte que pour la Cour d’Appel, l’action du liquidateur à cette fin est par nature recevable.

 

Quels sont les critères retenus justifiant l’extension avec confusion des patrimoines ?

 

La Cour d’Appel souligne que, si la SCI soutient que l’extension n’est pas opportune selon elle, cela entraînerait la mise en vente du bien immobilier, la création d’un passif complémentaire sans aucun avantage pour les créanciers de la procédure collective de Monsieur et Madame B puisque la banque percevrait l’intégralité de ce prix de vente, elle n’en rapporte pas le moindre commencement de preuve, alors qu’elle seule dispose des éléments permettant de quantifier le montant de son passif exigible ou susceptible de le devenir, et la valeur de ses actifs.

 

Cependant la Cour d’Appel retient un certain nombre de critères qui laissent à penser qu’il y a bien matière à confusion des masses actives et passives justifiant l’extension.

 

En premier lieu, la Cour d’Appel se base sur le fait la locataire n’a pas payé en totalité le loyer dû depuis 2013 de telle sorte que les loyers encaissés par la SCI selon son bilan comptable ne correspondent pas à ce qui est déclaré dans la liasse fiscale.

 

La SCI n’a donc jamais encaissé le montant des loyers dû et ne justifie pas les avoir réclamés à son locataire, alors que ces loyers constituaient ses seuls revenus, et ce, sur plusieurs années.

 

Ces éléments démontrent l’existence de relations financières anormales entre la SCI bailleresse et sa locataire.

 

La Cour d’Appel considère que le mandataire liquidateur soutient à juste titre que si la SCI F avait réclamé le règlement des loyers impayés, la cessation des paiements de Madame B aurait été constatée plus tôt, ce qui aurait évité la création d’un passif de 490.496,98euros.

 

La Cour d’Appel rappelle que la SCI n’a pas vocation à financer ses associés, de telle sorte que la seule constatation du découvert en compte est en soi contraire à l’intérêt social et caractérise une relation financière anormale en raison de la persistance de ce compte courant en position débitrice.

 

Si la SCI produit un document de son comptable qui invoque des erreurs d’affectations comptables, les résultats négatifs des deux premières années auraient été affectés sur le compte courant des associés au lieu d’être portée en report à nouveau, la Cour d’Appel considère qu’elle n’explique pas comment une telle erreur aurait pu persister pendant deux années, pour des montants significatifs, sans aucune correction ni réaction des deux associés dont le compte courant se trouverait débiteur par erreur comptable.

 

Ces éléments réunis font ressortir un ensemble d’indices concordants caractérisant l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines, les faits retenus se sont déroulés de façon continue de 2010 jusqu’à l’ouverture de la procédure collective de Madame B, ne présentaient pas un caractère isolé et ponctuel et procédaient d’une volonté systématique.

 

En conséquence, et par application des dispositions de l’article L .621-2 du Code de Commerce, cette confusion de patrimoine et l’existence de relations financières anormales justifient l’extension de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur et Madame B à la SCI F avec les suites et conséquences fixées au dispositif.

 

La Cour d’Appel a donc fixé la date de cessation des paiements au 23 mars 2017 et indiqué que les créanciers avaient un délai de deux mois pour déclarer leur créance au passif de la SCI F.

 

Quelles sont les précautions à prendre ?

 

Il convient de rappeler que l’action en extension est une action à prendre avec le plus grand sérieux, tant les conséquences patrimoniales à l’encontre de la société poursuivie sont importantes et peuvent amener les débiteurs à perdre tout tant dans le cadre de leur propre procédure collective que dans celle en cours d’extension.

 

Il faut prendre en considération avant même l’ouverture de la procédure collective du 1er débiteur cette hypothèse d’extension afin de s’assurer qu’il n’y a pas de passerelle suffisante permettant au mandataire liquidateur d’envisager cette action.

 

Car dans cette affaire si Madame B a perdu son fonds de commerce, par la suite, son mari s’est vu attrait à la procédure collective tout comme la SCI propriétaire du fonds.

 

Ceci est d’autant plus regrettable que cette situation de fragilité et peut être de manque de transparence entre les consorts B d’un côté et la SCI F de l’autre, s’est produite au moment où les époux B se sont trouvés totalement désemparés en l’état de leur échec commercial.

 

Le débiteur doit être particulièrement attentif aux risques liés à la faiblesse de gestion.

 

Cette jurisprudence est intéressante et rappelle en pratique comment le mandataire liquidateur peut lancer une procédure en extension et confusion des patrimoines.

 

Elle rappelle au besoin que si le débiteur est désemparé, il doit malgré tout s’organiser pour sauver ce qu’il peut et il se doit d’anticiper les actions du mandataire liquidateur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

assignation en redressement judiciaire et prescription de la créance du créancier, qu’en est-il ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Un débiteur assigné en redressement judiciaire peut-il opposer la prescription de la créance revendiquée par le créancier pour caractériser sa cessation des paiements ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai par la Cour de cassation et qui vient aborder la problématique du moyen de défense d’un débiteur, assigné par un créancier bancaire en redressement judiciaire et qui vient opposer, audit créancier, la prescription biennale de la créance bancaire.

 

Dans cette affaire, après plusieurs incidents de paiement du prêt immobilier, la banque, créancière de la SCI A avait prononcé la déchéance du terme et avait par la suite, assigné en redressement judiciaire et la SCI, qui, en défense, entendait opposer à la banque la prescription de son action.

 

Il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article R631-2 du code du commerce l’assignation d’un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le créancier joint à sa demande une attestation, délivrée par le greffier, de la saisine du président du tribunal judiciaire en application de l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime. 

 

La demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est à peine d’irrecevabilité, qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande relative au même patrimoine, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire.

Au visa de ce texte la question qui se posait était de savoir si le juge saisi pouvait soulever d’office la prescription de la créance fondant la demande d’ouverture de la procédure collective ?


Car, si la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, liée à la cessation des paiements du débiteur, il n’en demeure pas moins que le débiteur saisi a la possibilité de s’opposer à la demande du créancier en soulevant notamment la prescription de sa demande, ou, à tout le moins, de la créance fondant sa créance.

 

De telle sorte que le premier Juge aurait excédé ses pouvoirs en statuant sur la prescription de la créance de la BNP.

 

De telle sorte que, pour le créancier, le jugement devrait être réformé sur cette base.

 

Il est vrai que la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est exclusive de toute autre demande laquelle serait jugée d’office irrecevable, et ce, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire.

 

Mais pour autant, en défense, et reconventionnellement, la prescription devrait pouvoir être soulevée et demandée par le débiteur.

 

Cela semble d’           autant plus évident que la notion de cessation des paiements du débiteur face à une créance du créancier peut être intimement liée à la question de sa prescription sont intimement liés.

 

Cela n’a pourtant pas empêché la Cour d’appel d’avoir déclaré certaines créances exigibles, et d’avoir constaté la cessation des paiements, justifiant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de ladite SCI tout en fixant provisoirement la date de cessation des paiements de la SCI au jour de la décision rendue.

 

Il convient de rappeler, qu’en application de l’article R131-1 du code de commerce, les créanciers et demandeurs à l’ouverture d’un redressement judiciaire doivent démontrer l’état de cessation des paiements de son débiteur. Cette cessation des paiements devant être caractérisé par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

 

Dès lors, les dettes prises en compte au titre du passif doivent être liquides, certaines et exigibles, et cette vérification s’imposait à l’encontre de la créance que le débiteur considérait comme une créance litigieuse.

 

En l’espèce, la SCI a dénié à la créance alléguée par la banque tout caractère certain à raison notamment de la prescription à laquelle elle se heurterait de divergences à l’établissement de son quantum.

 

Pour autant, il n’appartiendrait pas au Juge si une demande de redressement judiciaire ne statuait sur les contestations relatives à la créance mais il lui revient de dire si celles-ci apparaissent ou non suffisamment sérieuses pour exercer une influence sur les ** du montant de la créance.

 

Dans cette affaire, la banque se prévalait d’un titre exécutoire qui résultait de l’acte notarié constatant le prêt consenti à la SCI A.

 

Aucune contestation n’était pendante devant une autre juridiction qui aurait pu la rendre litigieuse.

 

La SCI entendait dès lors opposer la prescription biennale au motif pris qu’il s’agissait d’un prêt immobilier.

 

Nous savons aujourd’hui que cette argumentation est désormais vaine….

 

En effet, se posait la question de savoir si oui ou non la contestation relative à la prescription de la créance revêtait un caractère sérieux dans la mesure où celle-ci sollicitait l’application d’une prescription biennale alors qu’en l’état de la réforme du code de la consommation et plus particulièrement au regard des dispositions liminaires du code de la consommation qui définissent le consommateur comme étant une personne physique, ce qui n’est évidemment plus le cas de la SCI.

 

La jurisprudence de la Cour de cassation refuse désormais l’application de la prescription biennale au contrat de prêt souscrit par une SCI même lorsque ce contrat fait référence aux dispositions du code de la consommation, de telle sorte que les Juges du fond ont considéré que cette argumentation ne pouvait apparaître comme étant sérieuse et ont ordonné l’ouverture de la procédure collective et placé la SCI en redressement judiciaire.

 

Si l’on suit ce raisonnement, la Haute juridiction rejette le pourvoi de la SCI A.


Cependant, ce raisonnement se fait en deux temps.

 

En premier lieu, elle sanctionne les juges du fond qui ont considéré que l’article R631-2 du code du commerce interdisait non seulement au créancier demandant l’ouverture d’une procédure collective, mais également au débiteur assigné de former à cette occasion toute autre demande, alors que cela n’empêche justement pas le débiteur assigné d’opposer à la demande d’ouverture la prescription de la créance invoquée.

 

Pour autant, dans un deuxième temps et sur le fond, la Haute juridiction considérait que la Cour d’appel avait à juste titre retenu que la société débitrice ne pouvait raisonnablement évoquer à son profit la prescription biennale des actions des professionnels pour les biens, les services qu’ils fournissent aux consommateurs, celle-ci étant une personne morale, elle ne pouvait légitimement revendiquer le droit à prescription biennale.

 

De telle sorte qu’il résultait que la créance de la banque n’était pas prescrite et il résultait bien en conséquence que la SCI ne disposait d’aucun actif disponible pour faire face à cette dette…

La procédure collective pouvait donc être ouverte.

 

Plusieurs enseignements découlent de cette jurisprudence intéressante.

 

Premièrement, elle rappelle que la prescription de la créance bancaire peut être opposée au créancier lorsque celle-ci est acquise, aussi afin d’éviter l’ouverture d’une procédure collective.

 

Rien n’empêche d’ailleurs le débiteur d’engager une action en responsabilité contre le créancier…

 

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que le droit de l’entreprise en difficulté offre beaucoup d’avantages au débiteur en difficulté, en nom personnel, société commerciale ou encore société civile.

 

Les opportunités juridique et économiques sont nombreuses.

 

L’action en responsabilité contre le créancier demeure possible,

 

La contestation de créance aussi.

 

Et la présentation d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement offre aussi des opportunités intéressantes, et ce, dans le cadre d’un plan d’apurement des créances jusqu’à 10 ans.

 

Et ce, tout en préservant son actif, et en échappant même au besoin à une saisie immobilière inique.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr