Ruine du fonds et faute du liquidateur du locataire gérant,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles en mars 2017 qui vient aborder la question spécifique du sort des salariés lorsque le locataire gérant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et que le mandataire liquidateur croit bon transférer lesdits salariés au propriétaire du bail commercial au titre de la solidarité légale, suivant qu’il y ait ou non ruine du fonds,

 

En effet, dès lors que le locataire gérant est en liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire a l’obligation de licencier les salariés ce qu’il fait en général dès le prononcé de la liquidation judiciaire, comme la Loi lui impose de le faire,

 

Dans cette affaire, le 2 décembre 2003, le Tribunal de Commerce de Nanterre a arrêté un plan de continuation au profit de deux sociétés pour une durée de 10 ans suite à l’ouverture de procédures collectives intervenues respectivement les 25 mars et 1er avril 2003.

 

Dans ce cadre, la société D avait repris les deux sociétés en redressement judiciaire, en mars 2006.

 

Pour autant en juin 2007, la société D avait procédé à la location gérance de son fonds de commerce d’étalonnage numérique et d’effets spéciaux au profit d’une autre société, la société B,

 

Les contrats de travail des salariés attachés à ces activités, en ce compris le contrat de travail de Monsieur C ont donc été transférés au sein de la société B, en application de l’article L.1224-1 du Code du Travail.

 

Les contrats étaient repris aux mêmes conditions de travail, de rémunération et d’ancienneté mais étaient désormais régis par la convention collective des entreprises techniques au service de la création et événements.

 

Or, par jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société B, mettant ainsi fin au plan de continuation établi le 2 décembre 2003 et a fixé la date de cessation des paiements au 29 novembre 2011.

 

Ce même jugement de liquidation judiciaire prévoyait cependant le maintien de l’activité pour une durée d’un mois afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

A défaut de solution de reprise, la fermeture définitive de l’établissement est intervenue le 20 décembre 2011.

 

Par courrier du 22 décembre 2011, la société D, propriétaire du fonds, a informé le mandataire liquidateur, qu’elle résiliait, à compter du 31 décembre 2011, la location gérance qu’elle avait consentie à la société.

 

Or, par courrier du 2 janvier 2012, le mandataire liquidateur de la société B, a informé Monsieur C du transfert de son contrat de travail à la société D à compter du 30 décembre 2011.

 

Pour autant, c’était également sans compter les difficultés économiques de la société D qui se retrouvant sans rentes et sans revenus locatifs issus du contrat de location gérance, et qui entend soutenir la ruine du fonds,

 

Ainsi, et par jugement du 12 janvier 2012, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société D sur résolution du plan de redressement établi le 2 décembre 2003 et fixé la date de cessation des paiements au 5 décembre 2011.

 

Il a autorisé la poursuite, pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 31 janvier 2012, de l’activité de la société afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

In fine, la cession de l’entreprise a eu lieu et par jugement du 3 février 2012, le Tribunal de Commerce à:

 

  •  ordonné la cession des actifs

 

  • ordonné, conformément aux dispositions de l’article 1224-1 du Code du Travail, le transfert de 12 contrats de travail des salariés rattachés au service de l’étalonnage numérique

 

  • autorisé le licenciement de 11 autres salariés, dont le poste occupé par Monsieur C

 

C est dans ces circonstances que le liquidateur judiciaire, a notifié le 28 février 2012 aux salariés dont Monsieur C leur licenciement pour motif économique.

 

Une grande partie des indemnités ont alors été pris en charge par les AGS.

 

Pour autant, contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, monsieur C a saisi le Conseil de Prud’hommes, pour voir déclarer illicite le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D, et ce, nonobstant le fait qu’in fine les deux entreprises ont toutes les deux fait l’objet d’une liquidation judiciaire,

 

Dès lors la question posée à la Cour d’Appel était de savoir si oui ou non, le transfert du contrat de travail était valable, ou si inverse il y avait ruine du fonds,

 

Cette validité du transfert du contrat de travail était notamment contesté par la société D, propriétaire du fonds, qui considérait que le mandataire judiciaire avait non seulement manqué à ses obligations mais avait également et surtout provoqué la ruine du fonds.

 

Il convient de rappeler que tout changement d’employeur suppose pour le salarié la rupture du contrat de travail qui le liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec la nouvelle entreprise.

 

Néanmoins, au terme de l’article L1224-1 du Code du Travail:

 

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

 

Pour qu’il y ait transfert des contrats de travail, l’entreprise doit donc passer d’une personne juridique à une autre, peu important la forme de l’opération, l’entreprise devant simplement se poursuivre sous une direction nouvelle et constituer une entité économique autonome.

 

L’entité économique transférée doit conserver son identité et poursuivre son activité, celle-ci se définissant comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

 

Ces règles s’appliquent également lorsqu’un fonds de commerce fait l’objet d’une location-gérance et lorsque, en fin de location-gérance, le fonds retourne à son propriétaire, quelle que soit le motif de la modification de la situation juridique de l’employeur dès lors que la situation visée correspondait à un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

 

La règle du transfert des contrats de travail ne porte pas atteinte au droit de licenciement dont dispose le nouvel employeur après la modification, sauf collusion frauduleuse entre les deux employeurs.

 

Ainsi, le propriétaire-bailleur du fonds est tenu de reprendre les contrats de travail alors même qu’il a été lui même mis en redressement judiciaire postérieurement à la mise en location-gérance.

 

Ce qui est d’ailleurs le cas d’espèce puisque dans cette affaire, la société D avait également été placée en liquidation judiciaire,

Sauf en cas de ruine du fonds,

 

Néanmoins, le retour du fonds dans le patrimoine de l’entreprise cédante n’est valable que s’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et si le fonds de commerce était encore exploitable, peu important que cette dernière ait ensuite cessé son activité.

 

Le seul motif de l’existence d’une procédure collective et même le prononcé de la liquidation judiciaire à l’encontre du locataire-gérant ne suffit pas à faire présumer que le bailleur ne peut pas en poursuivre l’exploitation, et il appartient aux salariés qui invoquent l’illégalité du transfert de leur contrat de travail de démontrer qu’il y a eu, à cette date, ruine du fonds,

 

Lorsque l’activité est inexploitable, ou lorsqu’il y a ruine du fonds, lors de la résiliation du contrat de location-gérance, les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du Travail ne trouvent pas à s’appliquer et le transfert chez le propriétaire du fonds des contrats de travail des salariés attachés à l’activité en cause ne peut se faire sans leur accord express préalable.

 

Monsieur C estimait que le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D à la suite de la résiliation de la location gérance était illicite au motif qu’il y avait eu ruine du fonds, qu’il n’y avait pas eu de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité aurait été poursuivie chez le repreneur.

 

Il indiquait qu’il n’y a pas eu de reprise, par la société D, de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation.

 

Ce que soutenait d’ailleurs aussi la société D,

 

Dès lors, faute de justifier d’un transfert légal du contrat de travail ou de son accord pour accepter un changement d’employeur, l’application des dispositions de l’article L1224-1 du Code du Travail est illicite.

 

De ce fait, son contrat de travail ne pouvant pas être rompu par la société D mais par la société B, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et son indemnisation doit être mise à la charge de la société B.

 

Le mandataire judiciaire de la société B quant à lui ne partage pas cet avis et considère que le transfert du contrat de travail avait eu lieu conformément aux dispositions légales.

 

Pour autant l’arrêt mérite une attention particulière quant aux raisons qui auraient empêché le transfert du contrat de travail,

 

Le salarié considérait que le transfert des contrats de travail à la suite de la résiliation d’une location gérance nécessitait le transfert des matériels indispensables à la poursuite de l’activité chez le nouvel employeur,

 

Or, selon lui, tel n’était pas le cas,

 

Les pièces versées aux débats par Monsieur C permettent de constater que, dans le cadre de la procédure de liquidation de la société B, certains matériels attachés à l’activité avaient été mis en vente à la demande du mandataire liquidateur dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, à l’instar de plusieurs machines,

 

Or, la particularité de cette argumentation était de considérer que non seulement il y avait ruine du fonds mais que surtout que celle-ci avait été générée par les diligences propres du mandataire liquidateur dans le cadre des opérations de réalisation des actifs propres à toute liquidation judiciaire.

 

Cette argumentation est retenue par la juridiction du deuxième degré,

 

En effet, la Cour d’Appel de Versailles relève à juste titre que le mandataire liquidateur a participé à la ruine du fonds et c’est en cela que la jurisprudence est intéressante.

 

En effet, non seulement il est clairement acquis que la ruine du fonds est caractérisée mais surtout qu’in fine, c’est le mandataire liquidateur qui en est à l’origine et qui expose par là même sa responsabilité.

 

La Cour retient que si, comme le souligne le mandataire liquidateur, le jugement du tribunal de commerce du 12 janvier 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société D a autorisé la poursuite d’activité jusqu’au 31 janvier 2012, cela ne signifie pas qu’elle ait été réellement poursuivie, les éléments précédemment rappelés démontrant le contraire.

 

D’ailleurs, le jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal de Commerce de Nanterre, autorisant la cession des actifs de la société D à une société tierce, ne fait pas mention du rachat des matériels spécifiquement liés à l’activité en question, la reprise d’éléments corporels et incorporels pour 90.000,00 euros apparaissant liée à l’activité étalonnage pour laquelle 8 salariés étaient repris.

 

Alors que la proposition de reprise de la société tierce pour l’activité étalonnage mentionne l’existence d’une annexe comportant une liste des actifs repris, établie par un commissaire priseur.

 

Or non seulement le mandataire liquidateur ne verse pas au débat ce document.

 

Mais surtout il ne saurait nier que les moyens corporels et/ou incorporels nécessaires à la poursuite de l’exploitation de l’activité en question, n’ont pas été transférés à la société D.

 

Et pour cause, c’est lui qui, en qualité de mandataire liquidateur de la société B a procédé à la réalisation des actifs mobiliers en saisissant le juge commissaire à cette fin et en faisant désigner un huissier de justice ou un commissaire priseur afin de procéder à la vente aux enchères publiques de l’ensemble des actifs,

 

C’est encore sans compter les diligences propres au mandataire liquidateur consistant à résilier l’ensemble des contrats de location, ce qui freine

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation d’une location gérance, il importe surtout que le transfert du matériel indispensable à la poursuite de l’activité du nouvel employeur soit effectué.

 

Cette jurisprudence est très claire.

 

Dans la mesure où le mandataire liquidateur a procédé à la vente des actifs, non seulement, le transfert du fonds n’est pas caractérisé clairement mais surtout tout laisse à penser que le fonds est en ruine et ce de par le fait du mandataire liquidateur.

 

Toutefois, une problématique se pose, car s’il y a tout lieu d’imaginer que le transfert du fonds n’a pas été réalisé convenablement ce serait au mandataire liquidateur de prouver qu’il a fourni l’ensemble des actifs et éléments attachés au fonds de commerce,

 

Or, dans le cas d’espèce, il ne fournit aucun inventaire ni aucun justificatif,

 

Dès lors, tout laisserait à penser que la ruine du fonds est caractérisée,

 

Pour autant, c’est au propriétaire du fonds de commerce ruiné de rapporter la preuve de cette ruine.

 

Il est bien évident que cela constitue une véritable difficulté sur le terrain probatoire car si le mandataire judiciaire se refuse à communiquer les éléments de transfert, le bailleur ruiné sera d’autant plus en peine de démontrer que la ruine est caractérisée.

 

Pour autant, immanquablement cette jurisprudence est intéressante et salutaire car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation du contrat de location gérance, il importe surtout que le transfert de l’ensemble des éléments corporels et incorporels indispensables à la poursuite de l’activité du bailleur soit correctement effectué sans quoi la ruine du fonds est non seulement caractérisée mais semble incontestablement causée par le mandataire liquidateur.

 

A ce que ce dernier engage sa responsabilité personnelle et professionnelle, il n’y a à mon sens qu’un pas à franchir que le bailleur ou le salarié ne doit pas écarter et que la jurisprudence ne manquera pas de développer.

 

Indemnité de recouvrement et déclaration de créance bancaire en procédure de sauvegarde

Il convient de s’intéresser a un arrêt rendu en ce printemps 2017 qui vient aborder la question spécifique de l’indemnité de recouvrement dans le contenu d’une déclaration de créances établie par un établissement bancaire contre l’un de ses débiteurs, en difficulté économique, en cessation des paiements, et qui se place sous le coup d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire,

 

Or, dans pareil cas, l’établissement bancaire ne manque pas de déclarer sa créance et ne manque surtout pas de l’agrémenter d’un grand nombre de frais divers et variés, d’intérêts majorés ainsi que des pénalités ou bien encore indemnité de recouvrement.

 

Or, chacun sait que la phase de déclaration de créances est cruciale, notamment parce qu’elle est insérée dans un délai assez court sous peine de forclusion tantôt de la déclaration de créances elle même, tantôt du surplus non déclaré de la créance,

 

Ce délai court de déclaration de créance et la forclusion qui l’accompagne amènent les créanciers à déclarer des créances avec un montant presque toujours majoré, quitte à rectifier à la baisse par la suite, l’inverse n’étant juridiquement pas possible,

 

Cette pratique « logique » pour le créancier est toujours source d’inquiétude pour le chef d’entreprise qui se retrouve très souvent au mois de 3 mois de procédure collective avec un passif bien supérieur à ce qu’il avait initialement imaginé.

 

Cette pratique donne tout son sens à la phase de vérification des créances qui est le véritable nerf de la guerre économique et psychologique en procédure collective,

 

En effet, la fixation du passif au sein de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire détermine toujours la faisabilité du plan de sauvegarde ou de redressement qui sera présenté pour les 10 prochaines années sur la base d’un prévisionnel.

 

A défaut, si l’entreprise tombe en liquidation judiciaire, ce même passif devient un élément déterminant utilisé par le mandataire judiciaire, le Procureur de la République, le Juge Commissaire ou encore le Tribunal de Commerce pour envisager la responsabilité du chef d’entreprise face à l’insuffisance d’actifs importante de la procédure collective,

 

En tout état de cause, cette jurisprudence est salutaire car elle vient mettre à mal l’établissement bancaire qui croit bon pouvoir déclarer, en sus de la créance due, une indemnité de recouvrement,

 

Dans cette affaire la banque avait consenti un prêt à une société PT,

 

Cette dernière ayant été mise en sauvegarde le 6 avril 2011, la banque a déclaré une créance correspondant à l’intégralité du capital prêté à échoir, majoré d’une indemnité de recouvrement stipulée au contrat de prêt,

 

Cette indemnité avait été contestée par le débiteur,

 

De prime abord à juste titre,

 

Dans l’hypothèse où le Juge Commissaire n’était pas nécessairement compétent pour trancher cette difficulté en matière de vérification et d’admission des créances, le contentieux avait été renvoyé au fond afin que la créance soit clairement et définitivement fixée.

 

La Cour de Cassation rappelle qu’au terme de l’article L 620-1 du code de commerce ;

« Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. « 

Ces dispositions d’ordre public sont claires et rappellent que le recours à une procédure de sauvegarde doit nécessairement conduire à faciliter la survie de l’entreprise, prévenir l’état de cessation de paiements ou en tout cas y remédier.

Cela est d’autant plus vrai que l’article L 622-13 du code de Commerce précise que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

 

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture.

 

Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.

 

Des lors la décision de l’entreprise de se placer sous la protection judiciaire ne peut pas être librement envisagé si la conséquence immédiate consiste à se retrouver avec un passif majoré et une situation financière aggravée.

 

La Cour de Cassation est parfaitement fondée à considérer que : «  La clause qui alloue au prêteur une indemnité de 5 % de sa créance dans le cas où la banque serait obligée pour recouvrer sa créance de produire un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire ; que cette clause aggrave la situation du débiteur lorsque ce dernier n’est pas défaillant à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective, ceci d’autant plus quand il n’y a aucune échéance de retard et même dans cette hypothèse, cela n’implique pas nécessairement la résiliation du contrat ».

 

En effet par application de l’article L 622-13 du code de commerce le contrat a vocation à se poursuivre et l’établissement bancaire a vocation à déclarer sa créance au titre de l’arriéré.

 

En tout état de cause, il ne saurait y avoir droit à une indemnité de recouvrement sur la base d’un capital à échoir qui n’a pas été échu et n’a pas fait l’objet d’une quelconque déchéance du terme.

 

Pour autant la banque tente de combattre ce raisonnement juridique en rappelant en tant que de besoin que la clause contractuelle l’emporte et que la clause n° 10 prévoyait une indemnité de 5 % dans le cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire ou de produire celle-ci à un ordre judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire étant par ailleurs précisé qu’à ce stade, il ne s’agissait nullement d’un redressement judiciaire mais d’une procédure de sauvegarde.

 

La banque considère que le contrat de prêt s’entend comme un contrat en cours au sens de l’article l’article L. 622-13 du code de commerce et croit bon soutenir que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des actes qui leur sont soumis.

 

Pour autant la Cour de cassation ne s’y trompe pas et souligne qu’un contrat de prêt n’est pas un contrat « en cours », et qu’il est loisible de reprocher à la banque d’avoir calculé le montant de l’indemnité de recouvrement sur l’intégralité du contrat et non sur d’éventuelles échéances impayées au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde de l’emprunteur.

Cette décision est salutaire,

Sans quoi l’établissement bancaire pourrait imaginer que la simple ouverture d’une procédure de sauvegarde conduirait, in fine, à la résiliation du contrat en cours,

 

Fort heureusement, tel n’est pas le cas,

 

L’admettre serait donner force à la résiliation du contrat de prêt dans le cadre d’une procédure collective, dite résiliation du contrat qui serait de nature à rendre exigible le montant intégral de la créance ainsi que l’indemnité de recouvrement qui irait de pair,

 

Or, tel n’est pas le cas,

 

Si le juge commissaire a vocation à fixer la créance correspondant au capital prêté dans son intégralité et à échoir, il n’en demeure pas moins que le prêt n’est pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice et que cette dernière n’était pas défaillante dans l’exécution de ses obligations,

 

Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir relevé que, selon la clause litigieuse, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due si la banque se trouvait dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, et également si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur, en a exactement déduit qu’en l’espèce, une telle clause aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ;

Ce que confirme la Cour de cassation,

 

Cette décision est à mon sens salutaire, car elle vient rappeler en tant que de besoin que la banque ne peut avoir recours en permanence à ce reflexe détestable qui consiste à ne cesser de majorer sa créance d’intérêts, frais et pénalités diverses et variées en ce compris une indemnité de recouvrement qui n’a pas sa place en procédure de sauvegarde.

 

Il appartient au chef d’entreprise de vérifier les créances déclarées avec la plus grande rigueur possible afin de contester tout ou partie d’une créance qui ne paraît pas fondée en son principe,

 

Cela est parfaitement légitime en procédure de sauvegarde,

 

Cela doit également l’être en redressement judiciaire suivant ce que précisent les conditions générales ou particulières du contrat de prêt en litige,

 

Toujours est-il que cette attitude de la banque, visant à majorer les obligations du débiteur du simple fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, semble clairement contraire à l’esprit de la loi visant à permettre au débiteur de mieux faire face à ses obligations pour payer le passif tout en préservant son activité et les emplois qui y sont attachés,

Plan de sauvegarde ou de redressement et options offertes aux créanciers

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Nîmes qui vient aborder la question spécifique du projet de plan de sauvegarde ou de plan de redressement judiciaire dans lequel, le chef d’entreprise en difficulté fait des propositions de règlement des dettes à l’ensemble de ses créanciers.

Il convient de rappeler que le propre du redressement judiciaire ou de la sauvegarde est d’obtenir un plan pour désintéresser les créanciers sur 10 ans.

Ces procédures représentent bon nombre d’avantages car tant le redressement judiciaire que la sauvegarde arrêtent les poursuites individuelles et permettent à l’entreprise en difficulté de trouver un second souffle économique malgré les difficultés qu’il rencontre, de mieux affronter la cessation des paiements présente ou à venir et de régler ses créanciers sur 10 ans sans intérêt à l’exception des créances bancaires.

Cela permet également de recréer une phase de négociation avec les créanciers, dite négociation tantôt individuelle et tantôt collective.

Le propre du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire est de permettre alors au chef d’entreprise en difficulté de présenter des propositions de règlement de dettes réduites au besoin.

Il convient de rappeler que le plan peut aller jusqu’à 10 ans et ne peut malheureusement dépasser cette période.

Cela est un délai assez long pour imaginer pallier à la carence d’un établissement bancaire qui se refuserait de refinancer à grand renfort d’intérêts une situation de trésorerie difficile ou une passe économique conjoncturelle difficile.

Cette procédure permet en premier lieu de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles, de ne pas avoir pendant près d’un an soit deux fois 6 mois de période d’observation, voire une ultime période de 6 mois sur la seule demande du Procureur de la République, de recréer une trésorerie et par la suite de présenter un plan étant rappelé qu’in fine, la première échéance du plan a vocation à être réglée à la date anniversaire du plan homologué.

Ce n’est qu’à la fin de la première année du plan que la première échéance est due même s’il est fréquent de voir que le jugement de sauvegarde ou de redressement judiciaire invite le chef d’entreprise à verser régulièrement par mois ou par trimestre au mandataire judiciaire une partie de l’échéance pour qu’à la date anniversaire du plan afin que ce dernier puisse régler l’ensemble des créanciers.

Une des réformes de la loi du 26 juillet 2005 étant notamment, non plus de vérifier que le chef d’entreprise ait réglé l’échéance annuelle à ses créanciers mais bel et bien que l’argent demeure entre les mains du commissaire à l’exécution du plan qui a vocation, une fois par an, à régler les créanciers.

Le seul bémol relatif à ce plan de redressement judiciaire sans intérêts demeure peut être le coût des frais de justice puisque le redressement judiciaire représente un coût certain et le commissaire à l’exécution du plan a pour habitude également de prendre une quote part de frais à chaque date anniversaire du plan pour assurer le suivi du dossier.

Ce projet de plan doit être établi bien avant la fin de la période de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour la simple et bonne raison qu’à la fin de ladite période, le plan doit être rendu ce qui amène le rédacteur du projet à imaginer remonter le temps pour pouvoir avoir un jugement rendu, un délibéré convenable, une date d’audience précédente et cela, tout en respectant le délai de consultation des créanciers car le mandataire judiciaire a l’obligation, conformément à la loi, de faire état de ces propositions à l’ensemble des créanciers qui ont 30 jours pour répondre.

L’établissement du plan de redressement judiciaire et les propositions qui s’en suivent doivent être considérées comme une opportunité économique et financière de négociation avec les créanciers pour trouver des propositions intéressantes pour les deux parties du règlement des dettes en question.

Il ressort de cet arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes que par jugement en date du 26 juin 2013, le Tribunal de Commerce avait ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre d’une société.

La période d’observation avait été renouvelée et un plan de sauvegarde avait été soumis à l’ensemble des créanciers par le mandataire judiciaire et c’est dans ces circonstances que le Tribunal de Commerce avait arrêté le plan de sauvegarde de l’entreprise dans les conditions suivantes :[/vc_column_text][mk_custom_list]

  • Arrête le plan de sauvegarde organisant la continuation de l’entreprise selon la proposition du projet de plan sauf à préciser que les créanciers qui n’ont pas répondu ne peuvent se voir imposer la proposition n°1 et devront être remboursés à 100% sur 9 ans
  • Donne acte aux créanciers de l’entreprise des délais et remises acceptés dans les conditions prévues par l’article L 626-18 du Code de Commerce
    Dit qu’en ce qui concerne les créanciers ayant accepté l’option 1, 25% pour solde de tout compte, ce dividende unique interviendra au plus tard le 27 mai 2016 par l’intermédiaire du commissaire à l’exécution du plan.
  • Précise pour l’option n°2, 100% sur 9 ans que le règlement intégral du passif sera effectué auprès du commissaire à l’exécution du plan de la société sur 9 ans par échéance mensuelle, la répartition auprès des créanciers se faisant tous les ans.
  • Dit que les dividendes seront versés entre les mains du commissaire à l’exécution du plan sous réserve d’une admission définitive.

[/mk_custom_list][vc_column_text]

Pour autant, la société débitrice ayant interjeté appel dudit jugement, en demandant à la Cour d’Appel de l’infirmer en ce que le Tribunal de Commerce a jugé que le plan arrêté comprenait un remboursement à 100% selon l’option 2 pour les créanciers n’ayant pas répondu à la consultation dans le délai de 30 jours et de décider que pour ces créanciers, les modalités de remboursement seraient les suivantes : un paiement pour solde de tout compte de 25% à la date anniversaire de l’adoption du plan .

Le commissaire à l’exécution du plan s’est associé à cette demande en rappelant qu’au terme de l’article L 626-5 du Code de Commerce, le défaut de réponse vaut acceptation et que dès lors les termes du projet soumis aux créanciers étaient clairs, le Tribunal pouvait en effet imposer l’option n°1 aux créanciers saisissant.

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que rien n’empêche le chef d’entreprise de faire plusieurs propositions et qu’il n’y aurait pas vocation de se satisfaire nécessairement de la seule proposition de 100%sur 10 ans.

Dans la mesure où le créancier a été touché par le mandataire judiciaire, par un courrier recommandé, rien n’empêche d’imaginer affecter à une option peut être désavantageuse pour le créancier mais avantageuse pour le chef d’entreprise en difficulté de lui imposer une option dans l’hypothèse où le créancier ne répondrait pas.

A défaut de réponse, il est vrai que la pratique montre que le Tribunal de Commerce et surtout le procureur de la république qui est présent à toutes les audiences viennent à préserver les droits des créanciers au motif pris que ces derniers n’ayant pas répondu, il y aurait vocation de facto à leur fixer un remboursement de leur créance dans le cadre d’un plan à hauteur de 100% sur 9 ans.

Pour autant il n’en est rien.

Il convient de rappeler l’essence même du droit des entreprises en difficulté qui dès les réformes de 1967, 1985, 1994, 2005 ou encore 2012 vient clairement rappeler qu’il appartient aux créanciers d’être diligents dans le cadre de la procédure collective et que le chef d’entreprise en difficulté, en qualité de débiteur, a le droit de bénéficier des avantages des dispositions du droit des entreprises en difficulté qui ont vocation à le préserver, à l’empêcher de faire une faillite et une liquidation judiciaire et lui permettre de faire face à ses obligations.

Par voie de conséquences, la contestation de créance et une proposition d’option particulièrement favorable au débiteur dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire sont de mises pour justement permettre au chef d’entreprise de désintéresser les créanciers méritants ou en tout cas ceux qui sont réactifs.

Il est encore acquis qu’en pareille matière, plus le passif a vocation à être réduit comme peau de chagrin et plus le chef d’entreprise en difficulté sera à même d’y faire face et de régler les créances.

Par voie de conséquences, il est regrettable de constater que tant le procureur de la république que certains Tribunal de Commerce croient bon malmener cette philosophie législative visant à permettre au chef d’entreprise de mieux faire face aux difficultés qu’il rencontre.

Pour autant, la Cour d’Appel de Nîmes est sensible à cette approche commerciale et vient effectivement consacrer l’idée selon laquelle le créancier qui n’a pas répondu a vocation à supporter l’option choisi dans l’intérêt du chef d’entreprise en difficulté et non pas choisi par le Tribunal de Commerce dans l’intérêt éventuel du créancier qui n’a pas daigné répondre.

En effet, la Cour d’Appel dans cet arrêt considère que dès lors que les créanciers ont été parfaitement informés des conséquences du défaut de réponse aux propositions formulées lors de la consultation et notamment lors de l’option retenue dans ce cas, le Tribunal ne peut refuser de faire application de cette option.

La Cour d’Appel rappelle qu’au terme de l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce lorsque les propositions pour le règlement des dettes portent sur des délais et remises, le mandataire judiciaire recueille l’accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance.

Pas plus le décret du 28 décembre 2005 que la loi du 26 juillet 2005 ne règlementent le contenu de la consultation des créanciers, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce évoquant seulement les délais et remises proposées par le débiteur.

Bien que cette situation soit fréquente, la possibilité de propositions alternatives n’est pas prévue par le Code de Commerce, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce, prévoit qu’en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours, à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation.

Dans le souci d’améliorer les chances de redressement de l’entreprise, le législateur présume que le défaut de réponse dans le délai emporte acceptation des propositions de règlement du passif.

Ainsi le créancier qui a répondu négativement à la consultation, ne peut effectivement se voir imposer des remises de dettes mais seulement des délais (article L 626-18 du Code de Commerce), le créancier consulté qui n’a pas répondu s’expose cependant à voir son silence interprété comme l’acceptation des propositions qui lui sont faites.

En effet, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, s’il est incontestable que la renonciation à une créance admise en son principe à la suite d’une déclaration de créance ayant valeur de demande de justice ne saurait résulter d’une renonciation implicite, le créancier taisant, dès lors qu’il a été régulièrement consulté sur un projet faisant apparaître clairement les différentes propositions de règlement de dette et les conséquences du défaut de réponse des créanciers, peut se voir imposer une remise à laquelle il a tacitement consenti par son abstention.

En l’espèce, il est justifié que le projet de plan a été régulièrement adressé à l’ensemble des créanciers et notamment au créancier G qui en a accusé réception le 26 novembre 2014.

Ce projet prévoyait expressément 2 alternatives :[/vc_column_text][mk_custom_list style= »mk-icon-gear »]

  • options n° 1 : règlement des créances à hauteur de 25 % pour solde de tout compte dont le paiement interviendra à la date anniversaire de l’adoption du plan par le Tribunal de Commerce
  • option n° 2 : remboursement de la créance admise à hauteur de 100 % sur 9 années en 9 versements annuels, à concurrence de 5 % la 1ère année, 7,50 % la 2ème année, 10 % au titre des 4 années suivantes, 15 % pour les 7ème et 8ème année et 17,50 % la 9ème année.

[/mk_custom_list][vc_column_text]Le projet de règlement des dettes adressé au créancier contenait un paragraphe abstention ou refus des créanciers rédigé comme suit «le défaut de réponse à ces propositions amènerait l’entreprise à opter pour la solution qui lui paraîtra la plus favorable, en l’espèce l’option 1, savoir paiement des créances définitivement admises à hauteur de 25 % pour solde de tout compte conformément aux dispositions légales».

Les créanciers ont donc été parfaitement informés des conséquences de leur défaut d’acceptation ou de défaut de réponse, la société précisant expressément quelle serait l’option retenue si le créancier n’acceptait pas les propositions formulées ou s’abstenait de répondre.

Il convient en conséquence de constater qu’à défaut de réponse dans le délai de 30 jours qui leur étaient impartis, les créanciers ont accepté implicitement que l’option n° 1 leur soit appliquée, avec les remises de dettes subséquentes.

Le Tribunal a donc à tort refusé de faire application de l’option1 aux créanciers n’ayant pas répondu.

De telle sorte que la Cour d’appel réforme la décision sur ce point,

Cette décision est salutaire.

Il important que le Tribunal de Commerce en ait connaissance car elle permet au débiteur de profiter de la carence ou du silence des créanciers en leur imposant des options qui sont immanquablement favorable au chef d’entreprise en difficulté et donc il appartient aux créanciers si ceux-ci n’entendent pas accepter cette proposition de se manifester.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]