Intervention du mandataire liquidateur en suite du débiteur à hauteur de Cour, demande nouvelle?

Laurent Latapie avocat indemnité d'occupation

Un dirigeant d’une société en difficulté engage un contentieux en responsabilité. Entre-temps la société fait faillite et un mandataire liquidateur est désigné. A hauteur de cour d’appel l’adversaire considère que dans la mesure ou le mandataire liquidateur n’est pas intervenu en première instance, celui-ci serait irrecevable à intervenir à hauteur de Cour, et ne ferait que formuler des demandes nouvelles, irrecevables par nature. Qu’en est-il ?

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Saisie pénale immobilière et liquidation judiciaire, qu’en est il ?

Dans l‘hypothèse ou le bien immobilier d’un débiteur en liquidation judiciaire fait l’objet d’une saisie pénale immobilière au « nez et à la barbe » du mandataire liquidateur, celui-ci peut il malgré tout s’opposer à cette saisie pénale et vendre le bien en suivant la procédure propre au droit de l’entreprise en difficulté ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser par un arrêt rendu par la Cour de Cassation en novembre 2017 qui vient aborder la problématique du mariage juridique subtil existant entre le droit de la saisie pénale immobilière et le droit des entreprises en difficulté,

 

En effet, existe t’il une compatibilité juridique suffisante permettant de lier les phases de liquidation judiciaire qui entrainent le dessaisissement des actifs du débiteur au profit du liquidateur judiciaire et le droit de la saisie pénale immobilière qui permet la saisie immobilière du bien par l’Etat en suite d’une décision de justice pénale ?

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Tribunal de Commerce, juridiction naturelle du droit de l’entreprise en difficulté, et la Cour d’Appel en sa suite, n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière, ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du Juge d’instruction,

 

Bien plus, la haute juridiction affirme de même suite que les juridictions commerciales ne sont pas plus compétentes pour rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière,

 

Et ce, tant bien même le propriétaire du bien est en liquidation judiciaire et dessaisi au profit du mandataire liquidateur.

 

La haute juridiction marque l’opposition entre deux séries de dispositions précises, à savoir d’un coté les articles 706-144 et suivants du Code de Procédure Pénale qui viennent réglementer le droit de la saisie pénale immobilière, avec de l’autre coté, les dispositions des articles L. 622-21 et L. 641-9 du Code de Commerce, qui règlement la réalisation des actifs appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire.

 

Il convient de revenir sur les faits de l’espèce,

 

Dans cette affaire, Monsieur B a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 6 avril 2009.

 

Par requête du 17 février 2015, son liquidateur, la SCP P, a demandé au juge-commissaire d’ordonner la vente aux enchères d’immeubles appartenant au débiteur.

 

Le juge-commissaire a rejeté la demande en constatant que les biens immobiliers dont la vente était requise faisaient l’objet d’une saisie pénale immobilière, en vertu d’une ordonnance d’un juge d’instruction du 2 octobre 2014 (soit près de 5 ans après le prononcé de la liquidation judiciaire),

 

De telle sorte que pour le juge commissaire, les biens immobiliers du débiteur étaient indisponibles.

 

Le liquidateur a engagé un pourvoi contre l’arrêt confirmatif en venant soutenir deux éléments majeurs, à savoir :

 

  • Que par application de l’article L. 622-21 du Code de Commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute voie d’exécution forcée et qu’en rejetant la requête du mandataire liquidateur sollicitant l’autorisation de vendre les immeubles du débiteur en liquidation judiciaire par voie de saisie immobilière au motif qu’une saisie pénale immobilière était intervenue postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a violé l’article L. 622-21 du code de commerce ;

 

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis et vient rappeler que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale dispose que « Nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale hors les cas prévus aux articles 47-5 et 99-2 et au présent chapitre et que, à compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu’à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale immobilière suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien objet de la saisie pénale ».

 

  • Que la procédure était irrégulière car quand bien même la saisie pénale immobilière aurait été régulièrement notifiée au débiteur le 6 octobre 2014, la notification de cette saisie pénale immobilière aurait du être faite au mandataire liquidateur et que l’irrégularité de la dénonciation d’une saisie pénale immobilière aux organes de la procédure collective entraîne la caducité de la mesure d’exécution

 

  • Que la saisie pénale immobilière en tant que telle emportait également mesures conservatoires.

 

Pour autant la Cour de Cassation ne retient aucun de ces trois arguments,

 

Ce qui est regrettable,

 

La Haute Juridiction retient que par application de l’article l’article 706-144 du Code de Procédure Pénale, lorsque la saisie pénale immobilière a été ordonnée par un juge d’instruction, ce dernier est seul compétent pour statuer sur son exécution,

 

Ainsi, selon l’article 706-150 du même code, l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la saisie pénale immobilière d’un immeuble doit être notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction,

 

Qu’après avoir énoncé que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale interdit tout acte de disposition sur un bien saisi dans le cadre d’une procédure pénale, hors les exceptions qu’il prévoit, l’arrêt retient exactement que le liquidateur, s’il entend contester la validité ou l’opposabilité à la procédure collective de la saisie pénale immobilière, doit exercer tout recours devant la juridiction pénale compétente,

 

Ainsi, il en résulte que le juge-commissaire et la cour d’appel statuant à sa suite n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière,

 

Ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du juge d’instruction l’ayant instituée,

 

De telle sorte que les juridictions saisies ne pouvaient que rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière, la cour d’appel a légalement justifié sa décision,

 

Cet arrêt est intéressant car il laisse à penser que la saisie pénale immobilière l’emporte sur les effets spécifiques du droit des entreprises en difficulté, puisqu’à bien y comprendre, le mandataire liquidateur ne peut réaliser un actif qui a fait l’objet d’une saisie pénale immobilière tant bien même celle-ci serait intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

 

Cependant, deux questions se posent.

 

La première est que rien n’empêcherait donc le mandataire liquidateur de contester la validité de la saisie pénale immobilière qui ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, de saisir le Juge d’instruction et pourrait encore récupérer l’actif immobilier au profit de la procédure collective.

 

La seconde question est de savoir si les créanciers n’auraient pas vocation à se retourner contre le mandataire liquidateur pour engager sa responsabilité en ayant laissé s’échapper le bien immobilier, gage des créanciers,

 

Ceci d’autant plus que dans cette liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur n’a engagé une requête aux fins de réalisation des actifs du débiteur qu’en 2015, soit plus de 6 ans après le prononcé d’une liquidation judiciaire ouverte en 2009, ce qui n’est pas rien,

 

Il est vrai que le droit de la saisie pénale immobilière est un droit spécifique,

 

Pour autant, les moyens de défense du propriétaire, fut-ce t’il en liquidation judiciaire ou non, a de nombreux moyens juridiques à sa disposition pour s’opposer à la saisie pénale immobilière proprement dite,

 

A bon entendeur….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

 

Liquidation judiciaire et licitation-partage font-ils bon ménage ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale en septembre 2017 et qui vient aborder la question difficile du mariage difficile entre liquidation judiciaire et licitation partage,

Cette hypothèse spécifique n’est malheureusement pas que simple hypothèse d’école,

Il convient de rappeler que le mandataire liquidateur a vocation à procéder à la réalisation des actifs de son débiteur,

Lorsque celui-ci est copropriétaire indivis, le mandataire liquidateur a vocation à réaliser les droits immobiliers indivis de son débiteur,

Il doit alors le faire par voie de licitation partage,

Dans cette affaire, Monsieur X avait été mis en liquidation judiciaire par jugement en date du 9 février 2010.

Celui-ci était propriétaire indivis avec sa mère et sa sœur.

C’est dans ces circonstances que le liquidateur, qui a pour mission de réaliser l’ensemble des actifs a assigné les consorts X en partage et licitation de l’immeuble au visa des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

Pour autant les consorts X mère et fille, jusqu’alors absents, ont formé opposition à l’arrêt qui a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et de partage.

Les consorts X, mère et fille, affirmaient que le maintien dans l’indivision pour une durée de 5 ans renouvelables était fondé dès lors que la licitation de l’immeuble aurait pour effet de les priver de leur habitation,

Elles soulignaient notamment que la mère était veuve et qu’elle avait résidé sans discontinuer dans cette maison depuis le décès de son époux et qu’elle était âgée de 79 ans.

Elles soutenaient qu’il convenait de préserver son droit acquis à l’attribution préférentiel tel que défini à l’article 831-2 du Code Civil.

Enfin, elle précisait qu’elle avait une créance au titre de la conservation du bien indivis qui devra être payée par prélèvement sur l’actif avant le partage, de telle sorte que la licitation ne pouvait permettre de désintéresser les créanciers de la procédure collective,

Dans pareille hypothèse, ces dernières laissaient à penser qu’in fine, le mandataire liquidateur n’avait pas d’intérêt à poursuivre le partage,

Le mandataire liquidateur ne partageait naturellement pas cette approche,

Il considérait que les dispositions du code civil relatives au maintien dans l’indivision, à l’attribution préférentielle et aux modalités du partage n’étaient pas applicables lorsque le bien concerné était soumis à une vente forcée intervenant en exécution des dispositions spéciales, d’ordre public, relatives à la procédure collective,

Comme de rien, la Cour d’appel fait droit à cette argumentation,

Or, la Cour de Cassation donne un tout autre regard sur cette affaire en considérant que ce n’est pas le droit des entreprises en difficulté qui doit prédominer mais les dispositions propres à la licitation partage des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

En effet elle considère qu’en statuant ainsi, alors que la licitation de l’immeuble indivis, qui était l’une des opérations de liquidation et partage de l’indivision préexistante au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de M. Stéphane X…, échappait aux règles applicables en matière de réalisation des actifs de la procédure collective et ne pouvait être ordonnée qu’après examen des demandes formées par Mme Josiane X… tendant au maintien dans l’indivision et à l’attribution préférentielle de l’immeuble, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cet arrêt qui avait d’ailleurs un renvoi devant la même Cour d’Appel autrement composé, offre une opportunité aux Co indivisaires de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers.

La jurisprudence abonde dans ce sens et par ailleurs votre serviteur a également abordé ce sujet dans le cadre de sa thèse « Le soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 »UFR Nice 2010.

Cette décision est intéressante car elle permet de rappeler aux Co-indivisaires lorsqu’un d’entre eux est en liquidation judiciaire, que les autres co-indivisaires peuvent, dans le cadre d’une action en liquidation partage, opposer au mandataire judiciaire une demande de maintien en indivision et à défaut une attribution préférentielle du bien avec une éventuelle compensation avec une créance pré existante au titre de la conservation du bien indivis.

Cette créance doit être prélevée sur l’actif avant le partage de telle sorte que cette stratégie permet non seulement de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers mais également de laisser à penser que la licitation partage ne permettant pas de désintéresser les créanciers de la procédure collective, le mandataire liquidateur n’aurait pas d’intérêt à procéder par voie de licitation.

Ruine du fonds et faute du liquidateur du locataire gérant,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles en mars 2017 qui vient aborder la question spécifique du sort des salariés lorsque le locataire gérant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et que le mandataire liquidateur croit bon transférer lesdits salariés au propriétaire du bail commercial au titre de la solidarité légale, suivant qu’il y ait ou non ruine du fonds,

 

En effet, dès lors que le locataire gérant est en liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire a l’obligation de licencier les salariés ce qu’il fait en général dès le prononcé de la liquidation judiciaire, comme la Loi lui impose de le faire,

 

Dans cette affaire, le 2 décembre 2003, le Tribunal de Commerce de Nanterre a arrêté un plan de continuation au profit de deux sociétés pour une durée de 10 ans suite à l’ouverture de procédures collectives intervenues respectivement les 25 mars et 1er avril 2003.

 

Dans ce cadre, la société D avait repris les deux sociétés en redressement judiciaire, en mars 2006.

 

Pour autant en juin 2007, la société D avait procédé à la location gérance de son fonds de commerce d’étalonnage numérique et d’effets spéciaux au profit d’une autre société, la société B,

 

Les contrats de travail des salariés attachés à ces activités, en ce compris le contrat de travail de Monsieur C ont donc été transférés au sein de la société B, en application de l’article L.1224-1 du Code du Travail.

 

Les contrats étaient repris aux mêmes conditions de travail, de rémunération et d’ancienneté mais étaient désormais régis par la convention collective des entreprises techniques au service de la création et événements.

 

Or, par jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société B, mettant ainsi fin au plan de continuation établi le 2 décembre 2003 et a fixé la date de cessation des paiements au 29 novembre 2011.

 

Ce même jugement de liquidation judiciaire prévoyait cependant le maintien de l’activité pour une durée d’un mois afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

A défaut de solution de reprise, la fermeture définitive de l’établissement est intervenue le 20 décembre 2011.

 

Par courrier du 22 décembre 2011, la société D, propriétaire du fonds, a informé le mandataire liquidateur, qu’elle résiliait, à compter du 31 décembre 2011, la location gérance qu’elle avait consentie à la société.

 

Or, par courrier du 2 janvier 2012, le mandataire liquidateur de la société B, a informé Monsieur C du transfert de son contrat de travail à la société D à compter du 30 décembre 2011.

 

Pour autant, c’était également sans compter les difficultés économiques de la société D qui se retrouvant sans rentes et sans revenus locatifs issus du contrat de location gérance, et qui entend soutenir la ruine du fonds,

 

Ainsi, et par jugement du 12 janvier 2012, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société D sur résolution du plan de redressement établi le 2 décembre 2003 et fixé la date de cessation des paiements au 5 décembre 2011.

 

Il a autorisé la poursuite, pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 31 janvier 2012, de l’activité de la société afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

In fine, la cession de l’entreprise a eu lieu et par jugement du 3 février 2012, le Tribunal de Commerce à:

 

  •  ordonné la cession des actifs

 

  • ordonné, conformément aux dispositions de l’article 1224-1 du Code du Travail, le transfert de 12 contrats de travail des salariés rattachés au service de l’étalonnage numérique

 

  • autorisé le licenciement de 11 autres salariés, dont le poste occupé par Monsieur C

 

C est dans ces circonstances que le liquidateur judiciaire, a notifié le 28 février 2012 aux salariés dont Monsieur C leur licenciement pour motif économique.

 

Une grande partie des indemnités ont alors été pris en charge par les AGS.

 

Pour autant, contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, monsieur C a saisi le Conseil de Prud’hommes, pour voir déclarer illicite le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D, et ce, nonobstant le fait qu’in fine les deux entreprises ont toutes les deux fait l’objet d’une liquidation judiciaire,

 

Dès lors la question posée à la Cour d’Appel était de savoir si oui ou non, le transfert du contrat de travail était valable, ou si inverse il y avait ruine du fonds,

 

Cette validité du transfert du contrat de travail était notamment contesté par la société D, propriétaire du fonds, qui considérait que le mandataire judiciaire avait non seulement manqué à ses obligations mais avait également et surtout provoqué la ruine du fonds.

 

Il convient de rappeler que tout changement d’employeur suppose pour le salarié la rupture du contrat de travail qui le liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec la nouvelle entreprise.

 

Néanmoins, au terme de l’article L1224-1 du Code du Travail:

 

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

 

Pour qu’il y ait transfert des contrats de travail, l’entreprise doit donc passer d’une personne juridique à une autre, peu important la forme de l’opération, l’entreprise devant simplement se poursuivre sous une direction nouvelle et constituer une entité économique autonome.

 

L’entité économique transférée doit conserver son identité et poursuivre son activité, celle-ci se définissant comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

 

Ces règles s’appliquent également lorsqu’un fonds de commerce fait l’objet d’une location-gérance et lorsque, en fin de location-gérance, le fonds retourne à son propriétaire, quelle que soit le motif de la modification de la situation juridique de l’employeur dès lors que la situation visée correspondait à un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

 

La règle du transfert des contrats de travail ne porte pas atteinte au droit de licenciement dont dispose le nouvel employeur après la modification, sauf collusion frauduleuse entre les deux employeurs.

 

Ainsi, le propriétaire-bailleur du fonds est tenu de reprendre les contrats de travail alors même qu’il a été lui même mis en redressement judiciaire postérieurement à la mise en location-gérance.

 

Ce qui est d’ailleurs le cas d’espèce puisque dans cette affaire, la société D avait également été placée en liquidation judiciaire,

Sauf en cas de ruine du fonds,

 

Néanmoins, le retour du fonds dans le patrimoine de l’entreprise cédante n’est valable que s’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et si le fonds de commerce était encore exploitable, peu important que cette dernière ait ensuite cessé son activité.

 

Le seul motif de l’existence d’une procédure collective et même le prononcé de la liquidation judiciaire à l’encontre du locataire-gérant ne suffit pas à faire présumer que le bailleur ne peut pas en poursuivre l’exploitation, et il appartient aux salariés qui invoquent l’illégalité du transfert de leur contrat de travail de démontrer qu’il y a eu, à cette date, ruine du fonds,

 

Lorsque l’activité est inexploitable, ou lorsqu’il y a ruine du fonds, lors de la résiliation du contrat de location-gérance, les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du Travail ne trouvent pas à s’appliquer et le transfert chez le propriétaire du fonds des contrats de travail des salariés attachés à l’activité en cause ne peut se faire sans leur accord express préalable.

 

Monsieur C estimait que le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D à la suite de la résiliation de la location gérance était illicite au motif qu’il y avait eu ruine du fonds, qu’il n’y avait pas eu de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité aurait été poursuivie chez le repreneur.

 

Il indiquait qu’il n’y a pas eu de reprise, par la société D, de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation.

 

Ce que soutenait d’ailleurs aussi la société D,

 

Dès lors, faute de justifier d’un transfert légal du contrat de travail ou de son accord pour accepter un changement d’employeur, l’application des dispositions de l’article L1224-1 du Code du Travail est illicite.

 

De ce fait, son contrat de travail ne pouvant pas être rompu par la société D mais par la société B, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et son indemnisation doit être mise à la charge de la société B.

 

Le mandataire judiciaire de la société B quant à lui ne partage pas cet avis et considère que le transfert du contrat de travail avait eu lieu conformément aux dispositions légales.

 

Pour autant l’arrêt mérite une attention particulière quant aux raisons qui auraient empêché le transfert du contrat de travail,

 

Le salarié considérait que le transfert des contrats de travail à la suite de la résiliation d’une location gérance nécessitait le transfert des matériels indispensables à la poursuite de l’activité chez le nouvel employeur,

 

Or, selon lui, tel n’était pas le cas,

 

Les pièces versées aux débats par Monsieur C permettent de constater que, dans le cadre de la procédure de liquidation de la société B, certains matériels attachés à l’activité avaient été mis en vente à la demande du mandataire liquidateur dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, à l’instar de plusieurs machines,

 

Or, la particularité de cette argumentation était de considérer que non seulement il y avait ruine du fonds mais que surtout que celle-ci avait été générée par les diligences propres du mandataire liquidateur dans le cadre des opérations de réalisation des actifs propres à toute liquidation judiciaire.

 

Cette argumentation est retenue par la juridiction du deuxième degré,

 

En effet, la Cour d’Appel de Versailles relève à juste titre que le mandataire liquidateur a participé à la ruine du fonds et c’est en cela que la jurisprudence est intéressante.

 

En effet, non seulement il est clairement acquis que la ruine du fonds est caractérisée mais surtout qu’in fine, c’est le mandataire liquidateur qui en est à l’origine et qui expose par là même sa responsabilité.

 

La Cour retient que si, comme le souligne le mandataire liquidateur, le jugement du tribunal de commerce du 12 janvier 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société D a autorisé la poursuite d’activité jusqu’au 31 janvier 2012, cela ne signifie pas qu’elle ait été réellement poursuivie, les éléments précédemment rappelés démontrant le contraire.

 

D’ailleurs, le jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal de Commerce de Nanterre, autorisant la cession des actifs de la société D à une société tierce, ne fait pas mention du rachat des matériels spécifiquement liés à l’activité en question, la reprise d’éléments corporels et incorporels pour 90.000,00 euros apparaissant liée à l’activité étalonnage pour laquelle 8 salariés étaient repris.

 

Alors que la proposition de reprise de la société tierce pour l’activité étalonnage mentionne l’existence d’une annexe comportant une liste des actifs repris, établie par un commissaire priseur.

 

Or non seulement le mandataire liquidateur ne verse pas au débat ce document.

 

Mais surtout il ne saurait nier que les moyens corporels et/ou incorporels nécessaires à la poursuite de l’exploitation de l’activité en question, n’ont pas été transférés à la société D.

 

Et pour cause, c’est lui qui, en qualité de mandataire liquidateur de la société B a procédé à la réalisation des actifs mobiliers en saisissant le juge commissaire à cette fin et en faisant désigner un huissier de justice ou un commissaire priseur afin de procéder à la vente aux enchères publiques de l’ensemble des actifs,

 

C’est encore sans compter les diligences propres au mandataire liquidateur consistant à résilier l’ensemble des contrats de location, ce qui freine

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation d’une location gérance, il importe surtout que le transfert du matériel indispensable à la poursuite de l’activité du nouvel employeur soit effectué.

 

Cette jurisprudence est très claire.

 

Dans la mesure où le mandataire liquidateur a procédé à la vente des actifs, non seulement, le transfert du fonds n’est pas caractérisé clairement mais surtout tout laisse à penser que le fonds est en ruine et ce de par le fait du mandataire liquidateur.

 

Toutefois, une problématique se pose, car s’il y a tout lieu d’imaginer que le transfert du fonds n’a pas été réalisé convenablement ce serait au mandataire liquidateur de prouver qu’il a fourni l’ensemble des actifs et éléments attachés au fonds de commerce,

 

Or, dans le cas d’espèce, il ne fournit aucun inventaire ni aucun justificatif,

 

Dès lors, tout laisserait à penser que la ruine du fonds est caractérisée,

 

Pour autant, c’est au propriétaire du fonds de commerce ruiné de rapporter la preuve de cette ruine.

 

Il est bien évident que cela constitue une véritable difficulté sur le terrain probatoire car si le mandataire judiciaire se refuse à communiquer les éléments de transfert, le bailleur ruiné sera d’autant plus en peine de démontrer que la ruine est caractérisée.

 

Pour autant, immanquablement cette jurisprudence est intéressante et salutaire car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation du contrat de location gérance, il importe surtout que le transfert de l’ensemble des éléments corporels et incorporels indispensables à la poursuite de l’activité du bailleur soit correctement effectué sans quoi la ruine du fonds est non seulement caractérisée mais semble incontestablement causée par le mandataire liquidateur.

 

A ce que ce dernier engage sa responsabilité personnelle et professionnelle, il n’y a à mon sens qu’un pas à franchir que le bailleur ou le salarié ne doit pas écarter et que la jurisprudence ne manquera pas de développer.