Enquête préliminaire terminée et saisie pénale immobilière, quels pouvoirs du JLD?

Laurent Latapie avocat droit routier

Le juge des libertés et de la détention, le JLD, peut-il ordonner une saisie pénale immobilière, sur la base d’une saisine du Procureur de la République faite en cours d’enquête préliminaire, mais qui rend sa décision postérieurement à la convocation des mis en cause devant la juridiction correctionnelle, dite convocation qui a pour effet de clôturer la procédure d’enquête?

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Saisie pénale immobilière, l’histoire d’une injustice Corse

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

Résumé :

Une saisie pénale immobilière et une confiscation sont ordonnées par le JLD à l’encontre des actifs immobiliers de deux SCI, tiers à Monsieur C, auteur des faits. Pour autant, la juridictionnelle correctionnelle n’a pas repris les termes de cette saisie pénale immobilière contre les deux SCI, mais a seulement précisé : « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » avec une vague substitution de motifs. Quelles solutions pour les deux SCI qui n’ont pas été convoquées devant la juridiction correctionnelle et qui se retrouve poursuivies par l’AGRASC deux ans plus tard ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Bastia en septembre 2021 et qui vient aborder le cas particulier de deux SCI qui ont subies les affres d’une saisie pénale immobilière et pour lesquelles un pourvoi est en cours.

Il est vrai qu’initialement, il y avait matière à infraction pénale mais est-ce que pour autant, il y avait matière à saisie pénale immobilière, surtout à l’égard des deux SCI lesquelles étaient des tiers.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, et sur la base d’un extrait de naissance falsifié, Monsieur C avait obtenu la délivrance d’une carte d’identité au nom de Monsieur M moyennant laquelle, après qu’il eut été interdit bancaire et frappé d’une interdiction de gérer, a pu contracter six prêts entre le 15 décembre 2010 et le 25 mars 2013.

En produisant par ailleurs d’autres documents falsifiés de type bulletins de salaire, relevés de compte, et avis d’imposition.

Ces prêts ont permis diverses acquisitions immobilières soit directement soit par l’intermédiaire de SCI.

Il est important à ce stade de préciser que, Monsieur C était dirigeant et associé de ces deux SCI.

Cependant, par la suite, et avant même que les faits soient révélés, il était démissionnaire de ses fonctions de dirigeant des deux SCI en question et a également cédé ses parts pour se retrouver seulement associé minoritaire et sur l’une seule d’entre les deux.

Enfin et surtout, ces deux SCI ont, quant à elles parfaitement rempli leurs obligations puisque les fonds empruntés avaient permis l’acquisition d’appartements et de garages qui ont tous été loué.

Lesdits revenus locatifs ont servi à couvrir l’ensemble des crédits en cours ainsi que les charges de copropriétés ainsi que la fiscalité immobilière afférente.

Une confiscation ordonnée par le JLD

Or, ensuite de l’enquête préliminaire qui a été diligenté sur ces faits à l’encontre de Monsieur C, et par ordonnance du 07 avril 2016, le juge des libertés de la détention du Tribunal de grande instance de Bastia avait autorisé la saisie pénale immobilière de l’ensemble des biens.

Un appartement, dix places de parking motos, vingt-deux box fermés, un appartement et seize caves. Tels étaient l’ensemble des actifs acquis avec ces fonds par les deux SCI B et E en question.

Or, rappelons que la décision du juge des libertés de détention est une mesure provisoire par principe, devant être ensuite reprise, ou à tout le moins tranchée par une décision correctionnelle,

Tel fut le cas puisqu’une décision correctionnelle a été rendue par jugement de la même année,

Pour autant, au sein de cette décision, aucune référence ni aux deux SCI en question, ni à leurs actifs,

En effet, le Tribunal correctionnel de Bastia a déclaré Monsieur C coupable du fait d’escroquerie, usage de faux dans un document administratif commis de manière habituel et blanchiment aggravé.

Monsieur C étant alors condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans dont un assorti d’un sursis simple, outre une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer et gérer ou contrôler une entreprise ou une société de manière définitive,

Mais surtout, le Tribunal correctionnel ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur.

La confiscation des biens saisis en valeur

Il n’échappera pas au lecteur attentif que, ni la SCI B, ni la SCI E ont été convoqué ou avisé de quelques manières que ce soit, au besoin par COPJ, a cette audience correctionnelle alors qu’il s’agissait quand même de leurs actifs,

Car s’il est vrai que si Monsieur C était à l’initiative de cette falsification et de ces différents prêts immobiliers, il n’en demeure pas moins que ce sont les deux SCI qui ce sont finalement retrouvées propriétaires des biens immobiliers en question.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de les convoquer.

Ces dernières SCI n’ont jamais été convoquées, n’ont jamais été entendues, ni manifestées quelques moyens de fait ou de droit à la défense de leurs intérêts.

Et c’est dans ces circonstances que le jugement est devenu définitif.

La confiscation par l’Agrasc

Cependant, ce n’est que trois ans plus tard en 2018 que les deux SCI se sont rendues compte que la confiscation avait eu lieu et maintenue dans la mesure où l’AGRASC, a pris soin de se rapprocher afin de procéder d’elles afin de procéder à l’appréhension et à la vente des actifs saisis.

C’est à ce moment là que les SCI B et E ont finalement réagies.

Elles considéraient ladite saisie pénale immobilière et la confiscation qui s’en suit comme étant attentatoire à leur droit de propriété, et ont souhaité la contester.

Les deux SCI ont alors imaginé saisir la juridiction pénale aux fins de restitution et de main levée de la saisie pénale immobilière.

Pour autant, ces derniers ont rencontré les plus grandes difficultés pour obtenir gain de cause.

Le refus d’enrôlement des requêtes en mainlevée de la saisie pénale immobilière

En effet, c’est en 2018 que les SCI B et E ont diligenté des requêtes en s’apercevant de la réalité de cette saisie pénale immobilière et ont par la même diligenté des requêtes devant la juridiction corse le 17 avril 2018.

Pour autant, ces deux requêtes, aux fins de main levée, n’ont pas été pris en considération par le Ministère Public puisque le Procureur de la République du tribunal de Bastia a par correspondance du 30 avril 2018, rejeté les requêtes au motif pris que : « attendu qu’une telle demande de main levée est irrecevable dans la mesure ou le tribunal a pris une décision aujourd’hui définitive, ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur à l’encontre de Monsieur C. »

L’appel impossible pour contester la saisie pénale immobilière

Il parait logique que la seule voie de recours des deux SCI B et E soit la voie de l’appel, cependant, ces derniers n’ont jamais été convoqué à l’audience correctionnelle, n’étaient pas partie en présence à la procédure correctionnelle de telle sorte que, il m’apparait effectivement difficile pour ces derniers, de faire appel dans les délais d’une décision pour laquelle ils n’ont pas été convoqué et qu’ils n’ont absolument pas eu vent  jusqu’à ce que l’AGRASC vienne sur le terrain envisager une cession.

La requête en main levée de la saisie pénale immobilière

Pour autant, dès lors, la requête en main levée, semblait la plus adaptée, mais cette demande s’est heurtée à un refus « politique » et juridique de la part du Ministère Public.

Le conseil des deux SCI a alors contesté cette mesure et a saisi le premier Président et le Procureur général de la cour d’appel de Bastia.

Dans un premier temps le premier Président de la cour d’appel a apporté une réponse en indiquant qu’il transmettait la demande du conseil des SCI au Procureur général et in fine.

Ce dernier « dans sa grande sagesse » a adressé une réponse le 18 janvier 2019 en indiquant que la difficulté ne pouvait être tranchée que par le tribunal correctionnel de Bastia saisi par voie de requête sur le fondement de l’article 710 et 711,

Ce qui fut immédiatement fait par le conseil des deux SCI, de telle sorte qu’il a fallu plus de dix mois entre le dépôt de la requête et l’audiencement devant la juridiction correctionnelle de Bastia.

Les difficultés d’exécution d’une saisie pénale immobilière

C’est dans ces circonstances, politiques et juridiques, qu’il m’apparait bon de reprendre à titre introductif, que les deux SCI B et E ont formé un recours en application de l’article 710 et 711 du code des procédures pénales pour contester l’exécution et la justification de la saisie pénale immobilière ordonnée par le Juge du tribunal correctionnel en juillet 2016, devenue définitive puisque non révélée aux deux SCI à temps.

Or, selon l’article 710 du code de procédure pénale susvisé, tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions.

Il découle de l’article 710 que doit être examiné la requête de toute personne non condamnée pénalement, copropriétaire indivis qui soulève un incident contentieux relatif à l’exécution de la décision de confiscation

Les deux SCI saisissaient donc la juridiction correctionnelle de Bastia afin de solliciter la main levée de la saisie pénale immobilière des deux SCI de bonne foi, et ce à l’encontre des actifs saisis.

Or, la question qui se posait était de savoir à partir de quand la décision de confiscation était définitive et opposable aux deux SCI,

Car si c’est le JLD qui a ordonné la confiscation, celle-ci n’a pas été reprise, stricto sensu par la juridiction correctionnelle.

Il est important de rappeler que cette ordonnance du JLD ne peut valoir que jusqu’à la fin de la procédure d’instruction et qui a pour vocation à être reprise et confirmée par la décision correctionnelle, laquelle prend des mesures par la suite pour l’avenir.

Saisie pénale immobilière et décision du JLD, quelles limites ?

La saisie pénale immobilière et la confiscation définitive des actifs susvisés ne peuvent reposer sur la seule ordonnance du JLD.

En effet le Ministère public ne peut considérer que la requête devant le tribunal correctionnel est sans objet, et ce, dans la mesure ou la saisie pénale immobilière aurait été formalisé avant la décision correctionnelle qui n’aurait fait que la confirmer.

Or, il convient de rappeler que l’ordonnance du JLD ne peut prononcer que des mesures provisoires par nature.

Si nous devions faire un comparatif malheureux, si le JLD ordonne une détention provisoire, il est bien évident que celle-ci ne dure que jusqu’à l’audience de correctionnelle et qu’il appartient à la juridiction pénale d’ordonner le maintien du dépôt pour que la personne incarcérée, dans le cadre d’une décision provisoire, reste écrouée sur la base de la décision qui sera rendue par la suite.

Dès lors, en l’absence totale d’une notification ou d’une convocation des deux SCI devant la juridiction correctionnelle, ces derniers ont bien fondés à venir solliciter à faire état de la difficulté d’exécution et solliciter la main levée.

La saisie pénale immobilière de tiers 

Il est bien évident que la décision du tribunal correctionnel de Bastia, en litige, est extrêmement mal rédigée, puisque le tribunal confond la saisie pénale immobilière des tiers, qui représente les SCI et qui sont distincts de Monsieur C.

De telle sorte que la mention « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » n’a absolument aucune valeur et ne peut justifier la confirmation de la confiscation.

En effet, aucun des actifs visés ne sont repris ni même détaillés dans le jugement correctionnel lequel ne reprend pas la liste des actifs ni dans sa motivation ni dans son expositif.

Le tribunal laissera penser qu’il y a une confirmation de la décision, alors même que les actifs en question ne sont pas ceux de Monsieur C mais bel et bien des deux SCI qui sont désormais distinctes et pour lequel Monsieur C n’a plus aucun lien.

Dès lors, le tribunal correctionnel ne pouvait sérieusement valider la saisie immobilière sur la simple phrase : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis ».

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de reprendre l’ensemble des actifs et de les viser.

Le Tribunal correctionnel de Bastia avait l’obligation de convoquer les 2 SCI et de motiver par ailleurs sa décision en faisant un lien entre l’infraction visée et l’acquisition du bien pour justifier du bien-fondé de la saisie pénale immobilière.

Le lien indispensable entre infraction pénale et l’objet de l’actif confisqué.

De telle sorte que, à mon sens, le tribunal correctionnel ne peut procéder par adoption ou substitution de motif de l’ordonnance du JLD puisque ce dernier ne prononce que des mesures provisoires par nature.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de prendre des mesures définitives qui permettent à l’ensemble des actifs au service de l’état.

Rappelons que cette appréhension des actifs est une atteinte au droit de la propriété telle que constitutionnellement reconnu au travers des disposition du code de procédure pénale et du code pénal qui sont par nature d’interprétation stricte.

Dans la mesure où cette saisie n’est pas correctement réalisée ou confirmée, il y a tout lieu de penser que la saisie pénale immobilière est illicite, nulle et non avenue, et que c’est donc à bon droit que les deux SCI ont saisi la juridiction correctionnelle pour obtenir la main levée.

En effet, les deux SCI, tiers de bonne foi, sollicitent la main levée de la saisie pénale immobilière et considèrent qu’il n’y a aucune mesure pénale définitive à leur encontre, qui peut leur être opposable de quelques manières que ce soit à leur actif.

A bien y comprendre, et si nous allons jusqu’au bout du raisonnement, une simple lecture de la décision dans laquelle il est ordonné à l’encontre de Monsieur C, la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur, pourrait même laisser à penser que finalement les actifs en question des deux SCI n’ont fait l’objet d’aucune mesure de saisie pénale immobilière définitive par la juridiction correctionnelle.

De telle sorte que, l’interprétation faite de cette décision amènerait à penser que dans la mesure ou la juridiction correctionnelle ne reprend pas les actifs et ne fait aucun lien entre saisie pénale et infraction, ces derniers ne font pas l’objet de saisie pénale à la lueur de la décision correctionnelle, mais sur la seule base de l’ordonnance du JLD, laquelle est provisoire par nature de telle sorte que, à ce moment-là, celle-ci serait devenue caduc et de nul effet, à compter de la décision correctionnelle.

La décision du JLD est une décision purement provisoire, elle pourrait se comparer à une décision de détention provisoire de contrôle judiciaire qui n’a vocation à perdurer jusqu’à ce que la juridiction pénale s’exprime à travers une décision correctionnelle sauf à ce qu’elle la reprenne pour elle dans une motivation spécifique qui motive l’OP.

Quelle décision pénale pour la confiscation ?

Or, toute la difficulté et l’ambiguïté de la décision correctionnelle, pourtant parfaitement incomplète et qui procède même par substitution de motif, laisse à penser à l’AGRASC que la confiscation est devenue définitive et qu’elle est bien fondée à poursuivre les mesures coercitives sur les actifs immobiliers des deux SCI afin d’appréhender l’intégralité des actifs et de les réaliser au profit de l’État.

Dès lors, de deux choses l’une,

La difficulté d’exécution au secours de la main levée de la saisie pénale

Soit le tribunal correctionnel considère que la saisie pénale a été réitérée et confirmée dans le cadre de la décision correctionnelle qui a été rendue en lieu et place de la mesure provisoire du JLD et alors, nous sommes en présence d’une difficulté d’exécution car le juge ne peut procéder par voie de substitution de motif sur la base d’un actif qu’il a obligation de viser expressément et nommément lot par lot et pour lequel il doit également justifier du bien fondé de la dite saisie du bien de causalité existant entre le chef de la l’infraction et le produit de l’infraction qui justifierait la dite sanction complémentaire de la saisie pénale immobilière.

Et dans ce cas, seule la requête aux fins d’exécution est ouverte procéduralement aux SCI.

Soit, il y a d’autant plus une difficulté d’exécution puisque dans la mesure ou le tribunal correctionnel n’a pas réitéré la saisie pénale immobilière, décidé à titre provisoire par le JLD, les actifs seraient alors libérés de la saisie.

L’AGRASC ne peut donc pas prendre de mesure coercitive à l’encontre des deux SCI,

L’absence de l’AGRASC aux débats

Toute difficulté et également toute ineptie de ce dossier, montre la résistance de l’AGRASC qui joue au chat et à la souris et ne conclut pas, pour indiquer si elle entend se reposer sur la décision du JLD ou sur le tribunal correctionnel laissant le Ministère public valider la mesure de saisie pénale immobilière sans répondre franchement aux questions.

Effectivement on peut s’interroger sur l’impartialité du Ministère public qui finalement intervient au nom et pour le compte de l’AGRASC comme étant lui-même l’une des réminiscences de l’Etat et de son pouvoir exécutif sans pour autant répondre clairement sur l’origine du titre permettant à l’AGRASC de saisir.

Dès lors, il apparaissait tout aussi important que la décision en difficulté d’exécution soit opposable à l’AGRASC.

Dans la mesure ou les deux SCI n’ont pas été convoqué devant la juridiction correctionnelle et n’ont pas été destinataire de la décision en question, la voie de l’appel leur est définitivement fermée.

 Pour autant, Les deux SCI étaient d’autant plus de bonne foi qu’elles n’avaient, non seulement, plus aucun lien avec Monsieur C, mais que par ailleurs elles faisaient face à leurs obligations financières sur les différents actifs, remplissant leurs obligations bancaires et fiscales.

La décision de la Cour d’appel sur la difficulté d’exécution de la saisie pénale immobilière

Contre toute attente, la Cour d’appel a pris une décision complètement inverse à ce qui peut sembler, je dirais, juridiquement fondé, quant aux prétentions des deux SCI, puisqu’elle a rejeté la requête en difficulté d’exécution.

Une confiscation valide pour la Cour d’appel

En effet, la cours considère que si le jugement du tribunal correctionnel qui prononce confiscation ne reprend pas l’énumération des biens concernés, il se déduit nécessairement de la formule employée : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur », que la mesure portant sur la totalité des biens dont la saisie a été préalablement autorisé par l’ordonnance du juge des libertés de la détention en avril 2016.

A cette décision du JLD qui désigne précisément les deux SCI comme propriétaires des biens saisis, a été dument notifié par lettre recommandée le jour même à ces derniers qui n’auront émis aucun recours.

Aucun recours « note du rédacteur » aucun recours contre la décision provisoire !

Alors qu’ils auraient dû être convoqué dans la juridiction correctionnelle.

Ainsi, la cour d’appel considère que la confiscation et non la saisie ordonnée à l’encontre de Monsieur C, par une décision judiciaire devenue définitive ne peut plus être contestée.

Cependant, les requérants, en leur qualité de tiers propriétaire des biens confisqués, demeurent fondés à discuter les effets de la mesure à leur égard,

La cour rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 131-21 du code pénal, que la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et délits d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse.

Le bien-fondé de la peine de confiscation

Une telle peine de confiscation peut porter d’une part sur des biens ayant servis à commettre l’infraction qui été destinée à la commettre et dont le condamné est propriétaire et d’autre part sur tous les biens qui font l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ainsi que sur les biens qualifiés de dangereux par la loi.

Il n’est pas contestable que les biens confisqués ont été acquis frauduleusement, l’enquête ayant permis de retracer les versements de fonds nécessaires aux acquisitions réalisées par les SCI à partir du compte ouvert par Monsieur C sous une fausse identité ou l’obtention de prêts à partir de documents frauduleux.

Selon la Cour, ils constituent aussi le produit direct ou indirect des infractions et à ce titre peuvent être confisqués alors qu’ils ne sont pas la propriété de la personne condamnée.

Pour autant, à ce stade, on peut légitimement s’interroger sur la motivation de la cour d’appel qui vient finalement réécrire la décision correctionnelle de 2016 alors que la seule question qui est posée est de savoir si oui ou non, la rédaction de l’arrêt de la décision correctionnelle de 2016 était juridiquement fondée, ce qui n’était pas le cas.

En amenant la confiscation des biens saisis en valeur, le tribunal a fait application de l’alinéa 9 du texte susvisé qui prévoit que ce type de confiscation peut être exécutée sur tout bien quel qu’en soit la nature appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition.

Étant pourtant rappelé qu’il appartient à la juridiction qui procède à cette confiscation de viser nommément les actifs en question et que cette seule phrase de genre ne serait suffire.

La bonne foi du tiers subissant une saisie pénale immobilière

Par ailleurs, la cour engage un nouveau débat afin de savoir si oui ou non les deux SCI étaient de bonne foi.

Pourtant, la Cour d’appel était à même de constater que Monsieur C n’avait plus de lien avec les deux SCI en question, lesquelles ont toujours fait face à leurs obligations bancaires, financières et fiscales et qu’elles ont toujours réglé les prêts immobiliers, ont toujours payé les charges de copropriété et ont assurés l’ensemble des lots en question outre le poids fiscal de ces placements financiers ainsi que de leurs revenus locatifs.

Dès lors, il peut paraître parfaitement incongru, pour la cour d’appel, de considérer que les deux SCI ne seraient pas de bonne foi, motif suffisant pour cette dernière pour rejeter les prétentions des deux SCI qui ne seraient d’ailleurs pas fondé à contester les confiscations.

Fort heureusement un pourvoi a été diligenté,

La question se pose aussi de savoir s’il ne serait pas non plus judicieux de revenir devant le JLD,

Affaire à suivre donc,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-penale-immobiliere-et-atteinte-proportionnee-au-droit-a-la-propriete-quelle-motivation/

Saisie pénale immobilière et atteinte proportionnée au droit à la propriété, quelle motivation ?

Laurent Latapie avocat saint Raphael
Laurent Latapie avocat saint raphael

Le juge d’instruction, qui prononce une mesure de saisie pénale immobilière et de confiscation des biens immeubles, doit-il motiver sa décision et apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit de la propriété du mis en cause ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai dernier et qui vient aborder la question très spécifique de la saisie pénale immobilière réglementée par le Code de procédure pénale et qui vient quand même porter clairement atteinte au droit de la propriété.

 

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle amène à s’interroger sur l’étendue des pouvoirs du Juge d’instruction décidant d’ordonner une saisie pénale immobilière alors même que l’instruction n’est pas terminée et que, par là même, le principe de présomption d’innocence prévaut, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Tel était le débat devant la chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Cayenne, dans le cadre d’une information ouverte à l’encontre de Monsieur X pour des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et de blanchissement aggravés, ladite chambre d’instruction confirmant les Ordonnances du Juge d’instruction sur ce point.

 

Quels sont les faits ?

 

Il convient de reprendre les faits de l’espèce.

 

Monsieur X avait été mis en examen des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés.

 

Faits commis entre 2011 et 2014 consistants dans l’organisation de jeux clandestins qui avait produit un bénéfice total estimé à plusieurs milliers d’euros.

 

Sommes que Monsieur X avait, comme de rien, « omis » de déclarer à l’administration fiscale et auprès des Caisses, sociale et qui avait étés « blanchies » en octroyant des prêts personnels ou des prêts sur gages au profit de tierces personnes qui ont pu acquérir par ce biais différents biens immobiliers outre les classiques dépenses de la vie courante.

 

C’est dans ces circonstances, que dans le cadre de la mise en examen dans la procédure d’instruction ouverte contre Monsieur X, des chefs d’infraction de la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés, le juge d’instruction avait finalement ordonné la saisie pénale, et donc la confiscation de 5 biens immobiliers dont Monsieur X était propriétaire, en considérant notamment que la valeur totale des biens équivalait en tout ou en partie aux produits des infractions reprochées.

 

L’intéressé encourait également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de son patrimoine.

 

Saisie pénale et confiscation des immeubles

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur X a interjeté appel puis un pourvoi en Cassation sur cette saisie pénale immobilière qu’il entendait contester.

 

Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, il est possible d’envisager la confiscation qui peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la disposition.

 

Ainsi, l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, permet au Juge d’instruction de procéder à une saisie de l’intégralité ou d’une partie du patrimoine immobilier et mobilier de Monsieur X.

 

C’est dans ces circonstances que le juge d’instruction a sollicité la saisie pénale des actifs immobiliers de Monsieur X, en lien avec les faits de blanchiment aggravés, pour lesquels il avait été mis en examen, confisquant ainsi son patrimoine personnel.

 

Pour autant, Monsieur X entendait soulever plusieurs moyens de contestations.

 

Au niveau procédural, ce dernier soulevait le fait que la saisie de tout ou partie du patrimoine ne peut être ordonnée par le Juge d’instruction que sur requête du Procureur de la République ou d’office après avis du ministère public.

 

Monsieur X faisait notamment valoir que le Juge d’instruction ne pouvait valablement ordonner la saisie d’une partie de son patrimoine, sur le fondement de l’article 706-148 du Code de procédure pénale dès lors que la saisine du ministère public portait sur 5 saisies immobilières distinctes reposant ainsi sur une base légale différente puisque ce dernier se fondait sur l’article 706-150 du Code de procédure pénale.

 

Monsieur X reprochait au Juge d’instruction de s’être borné à affirmer qu’il pouvait valablement limiter la saisie du patrimoine de 5 immeubles litigieux.

 

A bien y comprendre, il appartenait au juge d’instruction de vérifier que le bien immobilier dont il a ordonné la confiscation dans le cadre de la saisie pénale était bien compris et visé dans les réquisitions prises par le Ministère public au même titre que les autres biens immobiliers qui ont été saisis.

 

Et que dès lors, c’est à bon droit que Monsieur X faisait valoir que la confiscation du patrimoine dont il avait fait l’objet portait à une atteinte grave et manifestement injustifiée au regard du droit et au respect de ses biens.

 

De plus, Monsieur X reprochait au Juge de s’être borné à affirmer de manière générale et abstraite que les saisies litigieuses ne caractérisaient pas une attente grave, dans la mesure ou il ne s’agissait que de mesures conservatoires, par là même compatibles avec la notion de proportionnalité de l’atteinte portée au droit et au respect des biens de Monsieur X par la portée des confiscations au regard de sa situation personnelle.

 

Ce point est important, car il rappelle quand même que la mesure du Juge d’instruction n’est que conservatoire et n’a vocation qu’à perdurer jusqu’à la décision pénale définitive de condamnation pour lequel celle-ci doit être intégralement reprise.

 

La Cour de Cassation retient cette argumentation et fait droit de l’interprétation de Monsieur X.

 

Caractère proportionnel de la confiscation

 

En effet, la Cour de Cassation rappelle que le Juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit d’intérêt et que par ailleurs, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision.

 

Au niveau de la décision rendue par le juge d’instruction, il convient de rappeler, au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale, ainsi qu’au visa du protocole n°1 à la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme, que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

 

La Cour de Cassation reproche au Juge d’instruction, et à la chambre d’instruction de la Cour d’appel, de rejeter le moyen de l’atteinte disproportionnée portée au droit de la propriété du demandeur au seul motif pris que les saisies pénales immobilières en cause ne seraient pas de nature à constituer une atteinte à la propriété privée dès lors qu’elles ne constituent que des mesures conservatoires.

 

Or, la Cour de Cassation rappelle qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les meures critiquées en ce qu’elles concernent les éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit d’infraction ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de Monsieur X, le juge d’instruction n’avait pas justifié sa décision.

 

Cet arrêt est intéressant à bien d’un titre.

 

En premier lieu, il convient de rappeler qu’il appartient au Juge d’instruction de motiver ses décisions et de d’établir le lien, actif par actif, produit par produit entre l’infraction caractérisée et l’actif saisi tout en caractérisant clairement la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect des biens appartenant au mis en examen.

 

Il ne peut se satisfaire d’une phrase type en indiquant, de manière parfaitement évasive et par une formulation générique, que la mesure de saisie a été ordonnée au regard de la situation personnelle du mis en examen, alors qu’il appartient au juge de caractériser de manière spécifique et développée les raisons de la confiscation.

 

Par ailleurs, cette jurisprudence rappelle que la mesure prise de confiscation qui est la première étape du droit de la saisie pénale immobilière, n’est qu’une mesure conservatoire et surtout qu’une mesure provisoire qui ne peut durer par nature que jusqu’à ce que la juridiction pénale statue et condamne de manière définitive Monsieur X, des chefs d’infraction qui lui sont reprochés.

 

En effet, devant la juridiction correctionnelle, la saisie pénale devra être confirmée et réitérée avec une décision de la juridiction pénale qui devrait être immanquablement motivée.

 

Sans quoi celle-ci ne serait plus valable.

 

Rappelons à cette fin que la juridiction pénale ne peut reconfirmer la saisie pénale immobilière par une simple substitution de motif de ce qu’a été pris par le Juge des libertés et de la détention, du Juge d’instruction alors qu’il prend un caractère définitif avec une appréhension totale et définitive de l’actif immobilier en question.

 

La saisie pénale immobilière n’est pas de droit pour le ministère public ni pour le Juge d’instruction ou le Juge des libertés et de la détention.

 

Elle a vocation à être caractérisée en disposition du Code de procédure pénale aux articles 706-148 et suivants déterminent clairement les conditions dans laquelle la saisie doit être faite.

 

Elle doit être proportionnée et largement motivée au travers d’un lien direct avec l’infraction pour lequel Monsieur X serait mis en examen ou tel prévenu serait poursuivi, et surtout la mesure n’est que conservatoire et provisoire.

 

Les moyens de contestations ont nombreux.

 

Les obligations à la charge du ministère public et du Juge d’instruction le sont tout autant.

 

Ce qui est autant d’atouts et de points de développement qui doivent être pris en considération pour permettre au mis en examen de se défendre afin de préserver son patrimoine qui n’est pas forcément en lien avec l’infraction pour laquelle celui-ci est mis en examen et qu’on lui reprochait.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Saisie pénale de créance déclarée au passif d’une procédure collective, quels enjeux ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde permet-elle d’empêcher que soit ordonnée une saisie pénale de créance ? Cette créance saisie pénalement peut-elle permettre la vente aux enchères du bien immobilier ? Dans pareil cas, entre juge de l’exécution immobilier et JLD, quel est le juge compétent ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en décembre dernier et qui vient aborder les difficultés liées au croisement entre le droit de la saisie pénale de créance et le droit des entreprises en difficulté.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, par acte sous seing privé du 28 octobre 2009, plusieurs actionnaires, parmi lesquels Madame L ont cédé l’intégralité des actions de la SAS v à la SAS FH.

Cette dernière ayant refusé de s’acquitter du solde du prix, les cédants l’ont fait assigner devant le Tribunal de Commerce.

La société a sollicité, à titre reconventionnel, l’annulation de la vente.

Par jugement du 13 décembre 2012, la demande des cédants a été accueillie.

Par arrêt, devenu irrévocable, du 23 septembre 2014, rectifié par un arrêt du 18 novembre 2014, la Cour d’Appel a infirmé ce jugement, annulé la cession pour dol et ordonné la restitution, par les cédants, des sommes perçues, et par les cessionnaires, des actions.

Une procédure de sauvegarde judiciaire

Par jugement du 5 novembre 2014, le Tribunal de Commerce a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société et a désigné Madame X en qualité d’administrateur judiciaire.

Une procédure de saisie immobilière

Les 29 septembre et 9 novembre 2015, la société et ses mandataires ont délivré à Madame L, sur le fondement de l’arrêt du 23 septembre 2014, deux commandements valant saisie immobilière portant sur diverses parcelles de vigne dont elle était propriétaire et l’ont assignée à une audience d’orientation.

Le Juge de l’Exécution a rejeté l’ensemble des contestations soulevées et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

Un jugement du 22 novembre 2016, confirmé par un arrêt du 27 juin 2017, a prononcé l’adjudication des lots saisis.

Le 5 décembre 2016, Monsieur et Madame W ont surenchéri du dixième pour chacune des adjudications.

Et une procédure pénale avec saisie pénale de créance

Pour autant, le 27 mars 2017, lors d’une instruction ouverte pour escroquerie au jugement et faux, un juge d’instruction a ordonné la saisie de la créance détenue par la société sur Madame L.

Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la même Cour d’Appel du 18 mai 2018.

La société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La chambre criminelle a considéré que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdisait pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie préalablement ordonnée.

Le juge de l’exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Dès lors, la procédure collective n’est pas toujours une procédure utile pour empêcher une saisie pénale immobilière.

Entre procédure de sauvegarde et saisie pénale de créance qui l’emporte ?

Dans le cadre de cette procédure, Madame L faisait grief à l’arrêt de rejeter sa contestation relative à l’absence de créance de la société, de procéder à la vente sur surenchère des deux immeubles lui appartenant, et de donner acte à la société de ce que le produit de la vente sera remis au commissaire à l’exécution du plan et qu’il ne sera utilisé qu’en concertation avec le Ministère Public.

Elle considérait que la mesure de saisie pénale qui avait été ordonnée malgré l’existence d’une procédure de sauvegarde devait produire ses effets jusqu’à ce que le juge qui l’avait ordonnée en autorise la mainlevée

La Cour d’Appel ne pouvait donc refuser de faire produire effet à une saisie pénale ordonnée par le juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance et qui n’avait pas fait l’objet d’une mainlevée, peu important que le débiteur saisi bénéficie d’une procédure de sauvegarde.

Quelle est la solution ?

La Cour de Cassation ne partage pas cette analyse,

La Haute juridiction rappelle, au visa des articles 706-144 et 706-153 du Code de Procédure Pénale et l’article L. 622-21, II du Code de Commerce, que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdit pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie pénale préalablement ordonnée.

Dès lors le Juge de l’Exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Cette saisie pénale de créance s’impose.

La cour précise que le Juge de l’Exécution ne peut poursuivre la vente sur surenchère d’un immeuble, quand bien même l’audience d’orientation aurait fixé les termes de la vente sur adjudication du bien immobilier et une première adjudication aurait déjà été prononcée, lorsque la saisie pénale de la créance, cause de la saisie immobilière, a été ordonnée par un Juge d’instruction postérieurement à la première adjudication.

Dans cette hypothèse, la vente sur surenchère de l’immeuble ne peut avoir lieu que sur l’autorisation du Juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction délivrée en application des articles 706-143 et 706-144 du code de procédure pénale, ce juge pouvant décider que la saisie pénale sera reportée sur la somme revenant au créancier dans le prix d’adjudication et consignée sans délai auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Qu’importe que la vente aux enchères ait été effectuée et que l’acte translatif de propriété a été réalisée au profit des adjudicataires, la saisie pénale de créance l’emporte.

Cette jurisprudence est importante et éclaire le prévenu pénalement saisi sur les enjeux d’une ouverture d’une procédure collective, qu’il soit débiteur, ou créancier, dont il ne trouvera pas forcément le salut pour bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles si efficace en procédure de sauvegarde de justice, de redressement judiciaire ou même de liquidation judiciaire.

Pour autant, et fort heureusement, d’autres protections existent….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Saisie pénale immobilière et liquidation judiciaire, qu’en est il ?

Dans l‘hypothèse ou le bien immobilier d’un débiteur en liquidation judiciaire fait l’objet d’une saisie pénale immobilière au « nez et à la barbe » du mandataire liquidateur, celui-ci peut il malgré tout s’opposer à cette saisie pénale et vendre le bien en suivant la procédure propre au droit de l’entreprise en difficulté ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser par un arrêt rendu par la Cour de Cassation en novembre 2017 qui vient aborder la problématique du mariage juridique subtil existant entre le droit de la saisie pénale immobilière et le droit des entreprises en difficulté,

 

En effet, existe t’il une compatibilité juridique suffisante permettant de lier les phases de liquidation judiciaire qui entrainent le dessaisissement des actifs du débiteur au profit du liquidateur judiciaire et le droit de la saisie pénale immobilière qui permet la saisie immobilière du bien par l’Etat en suite d’une décision de justice pénale ?

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Tribunal de Commerce, juridiction naturelle du droit de l’entreprise en difficulté, et la Cour d’Appel en sa suite, n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière, ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du Juge d’instruction,

 

Bien plus, la haute juridiction affirme de même suite que les juridictions commerciales ne sont pas plus compétentes pour rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière,

 

Et ce, tant bien même le propriétaire du bien est en liquidation judiciaire et dessaisi au profit du mandataire liquidateur.

 

La haute juridiction marque l’opposition entre deux séries de dispositions précises, à savoir d’un coté les articles 706-144 et suivants du Code de Procédure Pénale qui viennent réglementer le droit de la saisie pénale immobilière, avec de l’autre coté, les dispositions des articles L. 622-21 et L. 641-9 du Code de Commerce, qui règlement la réalisation des actifs appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire.

 

Il convient de revenir sur les faits de l’espèce,

 

Dans cette affaire, Monsieur B a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 6 avril 2009.

 

Par requête du 17 février 2015, son liquidateur, la SCP P, a demandé au juge-commissaire d’ordonner la vente aux enchères d’immeubles appartenant au débiteur.

 

Le juge-commissaire a rejeté la demande en constatant que les biens immobiliers dont la vente était requise faisaient l’objet d’une saisie pénale immobilière, en vertu d’une ordonnance d’un juge d’instruction du 2 octobre 2014 (soit près de 5 ans après le prononcé de la liquidation judiciaire),

 

De telle sorte que pour le juge commissaire, les biens immobiliers du débiteur étaient indisponibles.

 

Le liquidateur a engagé un pourvoi contre l’arrêt confirmatif en venant soutenir deux éléments majeurs, à savoir :

 

  • Que par application de l’article L. 622-21 du Code de Commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute voie d’exécution forcée et qu’en rejetant la requête du mandataire liquidateur sollicitant l’autorisation de vendre les immeubles du débiteur en liquidation judiciaire par voie de saisie immobilière au motif qu’une saisie pénale immobilière était intervenue postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a violé l’article L. 622-21 du code de commerce ;

 

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis et vient rappeler que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale dispose que « Nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale hors les cas prévus aux articles 47-5 et 99-2 et au présent chapitre et que, à compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu’à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale immobilière suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien objet de la saisie pénale ».

 

  • Que la procédure était irrégulière car quand bien même la saisie pénale immobilière aurait été régulièrement notifiée au débiteur le 6 octobre 2014, la notification de cette saisie pénale immobilière aurait du être faite au mandataire liquidateur et que l’irrégularité de la dénonciation d’une saisie pénale immobilière aux organes de la procédure collective entraîne la caducité de la mesure d’exécution

 

  • Que la saisie pénale immobilière en tant que telle emportait également mesures conservatoires.

 

Pour autant la Cour de Cassation ne retient aucun de ces trois arguments,

 

Ce qui est regrettable,

 

La Haute Juridiction retient que par application de l’article l’article 706-144 du Code de Procédure Pénale, lorsque la saisie pénale immobilière a été ordonnée par un juge d’instruction, ce dernier est seul compétent pour statuer sur son exécution,

 

Ainsi, selon l’article 706-150 du même code, l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la saisie pénale immobilière d’un immeuble doit être notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction,

 

Qu’après avoir énoncé que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale interdit tout acte de disposition sur un bien saisi dans le cadre d’une procédure pénale, hors les exceptions qu’il prévoit, l’arrêt retient exactement que le liquidateur, s’il entend contester la validité ou l’opposabilité à la procédure collective de la saisie pénale immobilière, doit exercer tout recours devant la juridiction pénale compétente,

 

Ainsi, il en résulte que le juge-commissaire et la cour d’appel statuant à sa suite n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière,

 

Ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du juge d’instruction l’ayant instituée,

 

De telle sorte que les juridictions saisies ne pouvaient que rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière, la cour d’appel a légalement justifié sa décision,

 

Cet arrêt est intéressant car il laisse à penser que la saisie pénale immobilière l’emporte sur les effets spécifiques du droit des entreprises en difficulté, puisqu’à bien y comprendre, le mandataire liquidateur ne peut réaliser un actif qui a fait l’objet d’une saisie pénale immobilière tant bien même celle-ci serait intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

 

Cependant, deux questions se posent.

 

La première est que rien n’empêcherait donc le mandataire liquidateur de contester la validité de la saisie pénale immobilière qui ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, de saisir le Juge d’instruction et pourrait encore récupérer l’actif immobilier au profit de la procédure collective.

 

La seconde question est de savoir si les créanciers n’auraient pas vocation à se retourner contre le mandataire liquidateur pour engager sa responsabilité en ayant laissé s’échapper le bien immobilier, gage des créanciers,

 

Ceci d’autant plus que dans cette liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur n’a engagé une requête aux fins de réalisation des actifs du débiteur qu’en 2015, soit plus de 6 ans après le prononcé d’une liquidation judiciaire ouverte en 2009, ce qui n’est pas rien,

 

Il est vrai que le droit de la saisie pénale immobilière est un droit spécifique,

 

Pour autant, les moyens de défense du propriétaire, fut-ce t’il en liquidation judiciaire ou non, a de nombreux moyens juridiques à sa disposition pour s’opposer à la saisie pénale immobilière proprement dite,

 

A bon entendeur….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr