Saisie pénale immobilière, l’histoire d’une injustice Corse

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

Résumé :

Une saisie pénale immobilière et une confiscation sont ordonnées par le JLD à l’encontre des actifs immobiliers de deux SCI, tiers à Monsieur C, auteur des faits. Pour autant, la juridictionnelle correctionnelle n’a pas repris les termes de cette saisie pénale immobilière contre les deux SCI, mais a seulement précisé : « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » avec une vague substitution de motifs. Quelles solutions pour les deux SCI qui n’ont pas été convoquées devant la juridiction correctionnelle et qui se retrouve poursuivies par l’AGRASC deux ans plus tard ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Bastia en septembre 2021 et qui vient aborder le cas particulier de deux SCI qui ont subies les affres d’une saisie pénale immobilière et pour lesquelles un pourvoi est en cours.

Il est vrai qu’initialement, il y avait matière à infraction pénale mais est-ce que pour autant, il y avait matière à saisie pénale immobilière, surtout à l’égard des deux SCI lesquelles étaient des tiers.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, et sur la base d’un extrait de naissance falsifié, Monsieur C avait obtenu la délivrance d’une carte d’identité au nom de Monsieur M moyennant laquelle, après qu’il eut été interdit bancaire et frappé d’une interdiction de gérer, a pu contracter six prêts entre le 15 décembre 2010 et le 25 mars 2013.

En produisant par ailleurs d’autres documents falsifiés de type bulletins de salaire, relevés de compte, et avis d’imposition.

Ces prêts ont permis diverses acquisitions immobilières soit directement soit par l’intermédiaire de SCI.

Il est important à ce stade de préciser que, Monsieur C était dirigeant et associé de ces deux SCI.

Cependant, par la suite, et avant même que les faits soient révélés, il était démissionnaire de ses fonctions de dirigeant des deux SCI en question et a également cédé ses parts pour se retrouver seulement associé minoritaire et sur l’une seule d’entre les deux.

Enfin et surtout, ces deux SCI ont, quant à elles parfaitement rempli leurs obligations puisque les fonds empruntés avaient permis l’acquisition d’appartements et de garages qui ont tous été loué.

Lesdits revenus locatifs ont servi à couvrir l’ensemble des crédits en cours ainsi que les charges de copropriétés ainsi que la fiscalité immobilière afférente.

Une confiscation ordonnée par le JLD

Or, ensuite de l’enquête préliminaire qui a été diligenté sur ces faits à l’encontre de Monsieur C, et par ordonnance du 07 avril 2016, le juge des libertés de la détention du Tribunal de grande instance de Bastia avait autorisé la saisie pénale immobilière de l’ensemble des biens.

Un appartement, dix places de parking motos, vingt-deux box fermés, un appartement et seize caves. Tels étaient l’ensemble des actifs acquis avec ces fonds par les deux SCI B et E en question.

Or, rappelons que la décision du juge des libertés de détention est une mesure provisoire par principe, devant être ensuite reprise, ou à tout le moins tranchée par une décision correctionnelle,

Tel fut le cas puisqu’une décision correctionnelle a été rendue par jugement de la même année,

Pour autant, au sein de cette décision, aucune référence ni aux deux SCI en question, ni à leurs actifs,

En effet, le Tribunal correctionnel de Bastia a déclaré Monsieur C coupable du fait d’escroquerie, usage de faux dans un document administratif commis de manière habituel et blanchiment aggravé.

Monsieur C étant alors condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans dont un assorti d’un sursis simple, outre une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer et gérer ou contrôler une entreprise ou une société de manière définitive,

Mais surtout, le Tribunal correctionnel ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur.

La confiscation des biens saisis en valeur

Il n’échappera pas au lecteur attentif que, ni la SCI B, ni la SCI E ont été convoqué ou avisé de quelques manières que ce soit, au besoin par COPJ, a cette audience correctionnelle alors qu’il s’agissait quand même de leurs actifs,

Car s’il est vrai que si Monsieur C était à l’initiative de cette falsification et de ces différents prêts immobiliers, il n’en demeure pas moins que ce sont les deux SCI qui ce sont finalement retrouvées propriétaires des biens immobiliers en question.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de les convoquer.

Ces dernières SCI n’ont jamais été convoquées, n’ont jamais été entendues, ni manifestées quelques moyens de fait ou de droit à la défense de leurs intérêts.

Et c’est dans ces circonstances que le jugement est devenu définitif.

La confiscation par l’Agrasc

Cependant, ce n’est que trois ans plus tard en 2018 que les deux SCI se sont rendues compte que la confiscation avait eu lieu et maintenue dans la mesure où l’AGRASC, a pris soin de se rapprocher afin de procéder d’elles afin de procéder à l’appréhension et à la vente des actifs saisis.

C’est à ce moment là que les SCI B et E ont finalement réagies.

Elles considéraient ladite saisie pénale immobilière et la confiscation qui s’en suit comme étant attentatoire à leur droit de propriété, et ont souhaité la contester.

Les deux SCI ont alors imaginé saisir la juridiction pénale aux fins de restitution et de main levée de la saisie pénale immobilière.

Pour autant, ces derniers ont rencontré les plus grandes difficultés pour obtenir gain de cause.

Le refus d’enrôlement des requêtes en mainlevée de la saisie pénale immobilière

En effet, c’est en 2018 que les SCI B et E ont diligenté des requêtes en s’apercevant de la réalité de cette saisie pénale immobilière et ont par la même diligenté des requêtes devant la juridiction corse le 17 avril 2018.

Pour autant, ces deux requêtes, aux fins de main levée, n’ont pas été pris en considération par le Ministère Public puisque le Procureur de la République du tribunal de Bastia a par correspondance du 30 avril 2018, rejeté les requêtes au motif pris que : « attendu qu’une telle demande de main levée est irrecevable dans la mesure ou le tribunal a pris une décision aujourd’hui définitive, ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur à l’encontre de Monsieur C. »

L’appel impossible pour contester la saisie pénale immobilière

Il parait logique que la seule voie de recours des deux SCI B et E soit la voie de l’appel, cependant, ces derniers n’ont jamais été convoqué à l’audience correctionnelle, n’étaient pas partie en présence à la procédure correctionnelle de telle sorte que, il m’apparait effectivement difficile pour ces derniers, de faire appel dans les délais d’une décision pour laquelle ils n’ont pas été convoqué et qu’ils n’ont absolument pas eu vent  jusqu’à ce que l’AGRASC vienne sur le terrain envisager une cession.

La requête en main levée de la saisie pénale immobilière

Pour autant, dès lors, la requête en main levée, semblait la plus adaptée, mais cette demande s’est heurtée à un refus « politique » et juridique de la part du Ministère Public.

Le conseil des deux SCI a alors contesté cette mesure et a saisi le premier Président et le Procureur général de la cour d’appel de Bastia.

Dans un premier temps le premier Président de la cour d’appel a apporté une réponse en indiquant qu’il transmettait la demande du conseil des SCI au Procureur général et in fine.

Ce dernier « dans sa grande sagesse » a adressé une réponse le 18 janvier 2019 en indiquant que la difficulté ne pouvait être tranchée que par le tribunal correctionnel de Bastia saisi par voie de requête sur le fondement de l’article 710 et 711,

Ce qui fut immédiatement fait par le conseil des deux SCI, de telle sorte qu’il a fallu plus de dix mois entre le dépôt de la requête et l’audiencement devant la juridiction correctionnelle de Bastia.

Les difficultés d’exécution d’une saisie pénale immobilière

C’est dans ces circonstances, politiques et juridiques, qu’il m’apparait bon de reprendre à titre introductif, que les deux SCI B et E ont formé un recours en application de l’article 710 et 711 du code des procédures pénales pour contester l’exécution et la justification de la saisie pénale immobilière ordonnée par le Juge du tribunal correctionnel en juillet 2016, devenue définitive puisque non révélée aux deux SCI à temps.

Or, selon l’article 710 du code de procédure pénale susvisé, tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions.

Il découle de l’article 710 que doit être examiné la requête de toute personne non condamnée pénalement, copropriétaire indivis qui soulève un incident contentieux relatif à l’exécution de la décision de confiscation

Les deux SCI saisissaient donc la juridiction correctionnelle de Bastia afin de solliciter la main levée de la saisie pénale immobilière des deux SCI de bonne foi, et ce à l’encontre des actifs saisis.

Or, la question qui se posait était de savoir à partir de quand la décision de confiscation était définitive et opposable aux deux SCI,

Car si c’est le JLD qui a ordonné la confiscation, celle-ci n’a pas été reprise, stricto sensu par la juridiction correctionnelle.

Il est important de rappeler que cette ordonnance du JLD ne peut valoir que jusqu’à la fin de la procédure d’instruction et qui a pour vocation à être reprise et confirmée par la décision correctionnelle, laquelle prend des mesures par la suite pour l’avenir.

Saisie pénale immobilière et décision du JLD, quelles limites ?

La saisie pénale immobilière et la confiscation définitive des actifs susvisés ne peuvent reposer sur la seule ordonnance du JLD.

En effet le Ministère public ne peut considérer que la requête devant le tribunal correctionnel est sans objet, et ce, dans la mesure ou la saisie pénale immobilière aurait été formalisé avant la décision correctionnelle qui n’aurait fait que la confirmer.

Or, il convient de rappeler que l’ordonnance du JLD ne peut prononcer que des mesures provisoires par nature.

Si nous devions faire un comparatif malheureux, si le JLD ordonne une détention provisoire, il est bien évident que celle-ci ne dure que jusqu’à l’audience de correctionnelle et qu’il appartient à la juridiction pénale d’ordonner le maintien du dépôt pour que la personne incarcérée, dans le cadre d’une décision provisoire, reste écrouée sur la base de la décision qui sera rendue par la suite.

Dès lors, en l’absence totale d’une notification ou d’une convocation des deux SCI devant la juridiction correctionnelle, ces derniers ont bien fondés à venir solliciter à faire état de la difficulté d’exécution et solliciter la main levée.

La saisie pénale immobilière de tiers 

Il est bien évident que la décision du tribunal correctionnel de Bastia, en litige, est extrêmement mal rédigée, puisque le tribunal confond la saisie pénale immobilière des tiers, qui représente les SCI et qui sont distincts de Monsieur C.

De telle sorte que la mention « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » n’a absolument aucune valeur et ne peut justifier la confirmation de la confiscation.

En effet, aucun des actifs visés ne sont repris ni même détaillés dans le jugement correctionnel lequel ne reprend pas la liste des actifs ni dans sa motivation ni dans son expositif.

Le tribunal laissera penser qu’il y a une confirmation de la décision, alors même que les actifs en question ne sont pas ceux de Monsieur C mais bel et bien des deux SCI qui sont désormais distinctes et pour lequel Monsieur C n’a plus aucun lien.

Dès lors, le tribunal correctionnel ne pouvait sérieusement valider la saisie immobilière sur la simple phrase : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis ».

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de reprendre l’ensemble des actifs et de les viser.

Le Tribunal correctionnel de Bastia avait l’obligation de convoquer les 2 SCI et de motiver par ailleurs sa décision en faisant un lien entre l’infraction visée et l’acquisition du bien pour justifier du bien-fondé de la saisie pénale immobilière.

Le lien indispensable entre infraction pénale et l’objet de l’actif confisqué.

De telle sorte que, à mon sens, le tribunal correctionnel ne peut procéder par adoption ou substitution de motif de l’ordonnance du JLD puisque ce dernier ne prononce que des mesures provisoires par nature.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de prendre des mesures définitives qui permettent à l’ensemble des actifs au service de l’état.

Rappelons que cette appréhension des actifs est une atteinte au droit de la propriété telle que constitutionnellement reconnu au travers des disposition du code de procédure pénale et du code pénal qui sont par nature d’interprétation stricte.

Dans la mesure où cette saisie n’est pas correctement réalisée ou confirmée, il y a tout lieu de penser que la saisie pénale immobilière est illicite, nulle et non avenue, et que c’est donc à bon droit que les deux SCI ont saisi la juridiction correctionnelle pour obtenir la main levée.

En effet, les deux SCI, tiers de bonne foi, sollicitent la main levée de la saisie pénale immobilière et considèrent qu’il n’y a aucune mesure pénale définitive à leur encontre, qui peut leur être opposable de quelques manières que ce soit à leur actif.

A bien y comprendre, et si nous allons jusqu’au bout du raisonnement, une simple lecture de la décision dans laquelle il est ordonné à l’encontre de Monsieur C, la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur, pourrait même laisser à penser que finalement les actifs en question des deux SCI n’ont fait l’objet d’aucune mesure de saisie pénale immobilière définitive par la juridiction correctionnelle.

De telle sorte que, l’interprétation faite de cette décision amènerait à penser que dans la mesure ou la juridiction correctionnelle ne reprend pas les actifs et ne fait aucun lien entre saisie pénale et infraction, ces derniers ne font pas l’objet de saisie pénale à la lueur de la décision correctionnelle, mais sur la seule base de l’ordonnance du JLD, laquelle est provisoire par nature de telle sorte que, à ce moment-là, celle-ci serait devenue caduc et de nul effet, à compter de la décision correctionnelle.

La décision du JLD est une décision purement provisoire, elle pourrait se comparer à une décision de détention provisoire de contrôle judiciaire qui n’a vocation à perdurer jusqu’à ce que la juridiction pénale s’exprime à travers une décision correctionnelle sauf à ce qu’elle la reprenne pour elle dans une motivation spécifique qui motive l’OP.

Quelle décision pénale pour la confiscation ?

Or, toute la difficulté et l’ambiguïté de la décision correctionnelle, pourtant parfaitement incomplète et qui procède même par substitution de motif, laisse à penser à l’AGRASC que la confiscation est devenue définitive et qu’elle est bien fondée à poursuivre les mesures coercitives sur les actifs immobiliers des deux SCI afin d’appréhender l’intégralité des actifs et de les réaliser au profit de l’État.

Dès lors, de deux choses l’une,

La difficulté d’exécution au secours de la main levée de la saisie pénale

Soit le tribunal correctionnel considère que la saisie pénale a été réitérée et confirmée dans le cadre de la décision correctionnelle qui a été rendue en lieu et place de la mesure provisoire du JLD et alors, nous sommes en présence d’une difficulté d’exécution car le juge ne peut procéder par voie de substitution de motif sur la base d’un actif qu’il a obligation de viser expressément et nommément lot par lot et pour lequel il doit également justifier du bien fondé de la dite saisie du bien de causalité existant entre le chef de la l’infraction et le produit de l’infraction qui justifierait la dite sanction complémentaire de la saisie pénale immobilière.

Et dans ce cas, seule la requête aux fins d’exécution est ouverte procéduralement aux SCI.

Soit, il y a d’autant plus une difficulté d’exécution puisque dans la mesure ou le tribunal correctionnel n’a pas réitéré la saisie pénale immobilière, décidé à titre provisoire par le JLD, les actifs seraient alors libérés de la saisie.

L’AGRASC ne peut donc pas prendre de mesure coercitive à l’encontre des deux SCI,

L’absence de l’AGRASC aux débats

Toute difficulté et également toute ineptie de ce dossier, montre la résistance de l’AGRASC qui joue au chat et à la souris et ne conclut pas, pour indiquer si elle entend se reposer sur la décision du JLD ou sur le tribunal correctionnel laissant le Ministère public valider la mesure de saisie pénale immobilière sans répondre franchement aux questions.

Effectivement on peut s’interroger sur l’impartialité du Ministère public qui finalement intervient au nom et pour le compte de l’AGRASC comme étant lui-même l’une des réminiscences de l’Etat et de son pouvoir exécutif sans pour autant répondre clairement sur l’origine du titre permettant à l’AGRASC de saisir.

Dès lors, il apparaissait tout aussi important que la décision en difficulté d’exécution soit opposable à l’AGRASC.

Dans la mesure ou les deux SCI n’ont pas été convoqué devant la juridiction correctionnelle et n’ont pas été destinataire de la décision en question, la voie de l’appel leur est définitivement fermée.

 Pour autant, Les deux SCI étaient d’autant plus de bonne foi qu’elles n’avaient, non seulement, plus aucun lien avec Monsieur C, mais que par ailleurs elles faisaient face à leurs obligations financières sur les différents actifs, remplissant leurs obligations bancaires et fiscales.

La décision de la Cour d’appel sur la difficulté d’exécution de la saisie pénale immobilière

Contre toute attente, la Cour d’appel a pris une décision complètement inverse à ce qui peut sembler, je dirais, juridiquement fondé, quant aux prétentions des deux SCI, puisqu’elle a rejeté la requête en difficulté d’exécution.

Une confiscation valide pour la Cour d’appel

En effet, la cours considère que si le jugement du tribunal correctionnel qui prononce confiscation ne reprend pas l’énumération des biens concernés, il se déduit nécessairement de la formule employée : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur », que la mesure portant sur la totalité des biens dont la saisie a été préalablement autorisé par l’ordonnance du juge des libertés de la détention en avril 2016.

A cette décision du JLD qui désigne précisément les deux SCI comme propriétaires des biens saisis, a été dument notifié par lettre recommandée le jour même à ces derniers qui n’auront émis aucun recours.

Aucun recours « note du rédacteur » aucun recours contre la décision provisoire !

Alors qu’ils auraient dû être convoqué dans la juridiction correctionnelle.

Ainsi, la cour d’appel considère que la confiscation et non la saisie ordonnée à l’encontre de Monsieur C, par une décision judiciaire devenue définitive ne peut plus être contestée.

Cependant, les requérants, en leur qualité de tiers propriétaire des biens confisqués, demeurent fondés à discuter les effets de la mesure à leur égard,

La cour rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 131-21 du code pénal, que la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et délits d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse.

Le bien-fondé de la peine de confiscation

Une telle peine de confiscation peut porter d’une part sur des biens ayant servis à commettre l’infraction qui été destinée à la commettre et dont le condamné est propriétaire et d’autre part sur tous les biens qui font l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ainsi que sur les biens qualifiés de dangereux par la loi.

Il n’est pas contestable que les biens confisqués ont été acquis frauduleusement, l’enquête ayant permis de retracer les versements de fonds nécessaires aux acquisitions réalisées par les SCI à partir du compte ouvert par Monsieur C sous une fausse identité ou l’obtention de prêts à partir de documents frauduleux.

Selon la Cour, ils constituent aussi le produit direct ou indirect des infractions et à ce titre peuvent être confisqués alors qu’ils ne sont pas la propriété de la personne condamnée.

Pour autant, à ce stade, on peut légitimement s’interroger sur la motivation de la cour d’appel qui vient finalement réécrire la décision correctionnelle de 2016 alors que la seule question qui est posée est de savoir si oui ou non, la rédaction de l’arrêt de la décision correctionnelle de 2016 était juridiquement fondée, ce qui n’était pas le cas.

En amenant la confiscation des biens saisis en valeur, le tribunal a fait application de l’alinéa 9 du texte susvisé qui prévoit que ce type de confiscation peut être exécutée sur tout bien quel qu’en soit la nature appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition.

Étant pourtant rappelé qu’il appartient à la juridiction qui procède à cette confiscation de viser nommément les actifs en question et que cette seule phrase de genre ne serait suffire.

La bonne foi du tiers subissant une saisie pénale immobilière

Par ailleurs, la cour engage un nouveau débat afin de savoir si oui ou non les deux SCI étaient de bonne foi.

Pourtant, la Cour d’appel était à même de constater que Monsieur C n’avait plus de lien avec les deux SCI en question, lesquelles ont toujours fait face à leurs obligations bancaires, financières et fiscales et qu’elles ont toujours réglé les prêts immobiliers, ont toujours payé les charges de copropriété et ont assurés l’ensemble des lots en question outre le poids fiscal de ces placements financiers ainsi que de leurs revenus locatifs.

Dès lors, il peut paraître parfaitement incongru, pour la cour d’appel, de considérer que les deux SCI ne seraient pas de bonne foi, motif suffisant pour cette dernière pour rejeter les prétentions des deux SCI qui ne seraient d’ailleurs pas fondé à contester les confiscations.

Fort heureusement un pourvoi a été diligenté,

La question se pose aussi de savoir s’il ne serait pas non plus judicieux de revenir devant le JLD,

Affaire à suivre donc,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-penale-immobiliere-et-atteinte-proportionnee-au-droit-a-la-propriete-quelle-motivation/

Confiscation pénale d’un bien immeuble appartenant à deux époux

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Dans le cadre d’une saisie pénale immobilière, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué, ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État ? Quel est le sort des droits de l’époux de bonne foi, ignorant des agissements litigieux ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente de la Cour de cassation et qui vient apporter des précisions quant au fonctionnement d’une saisie pénale.

 

La saisie pénale d’un bien commun

 

Plus précisément, cette jurisprudence apporte des précisions lorsque la confiscation du produit d’infraction porte sur un bien dépendant d’une communauté conjugale et que le conjoint condamné est reconnu de bonne foi.

 

En effet, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué au profit de l’Etat ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État, protégeant ainsi l’autre époux, de bonne foi.

 

Cette jurisprudence est intéressante.

 

Elle illustre bien le fait que, finalement, l’époux commun en bien est moins bien traité dans le cadre de la confiscation pénale d’un bien immobilier appartenant au couple, que dans le cadre d’une simple indivision d’un couple vivant en union libre.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclaré Monsieur F coupable d’abus de confiance et avait ordonné la confiscation à titre de produit d’infraction un appartement sur Rennes ainsi que d’une maison d’habitation située dans le même département, appartenant tant au condamné qu’à Madame D. son épouse, tous deux mariés sous le régime de la communauté légale.

 

Madame D, épouse de bonne foi, ignorante par ailleurs des faits reprochés à son conjoint, avait alors saisi la Cour afin de rectifier l’arrêt de condamnation en précisant que la confiscation ne portait que sur la seule part indivis des immeubles appartenant au condamné dans la mesure où celle-ci n’avait pas été poursuivie pleinement et était donc de parfaite bonne foi.

 

Alors que le couple est marié sous le régime de la communauté légale, la question est de savoir si l’épouse de bonne foi pouvait voir préserver sa part indivise, alors que l’intégralité du bien a été transférée dans le cadre de la saisie pénale,

 

Ou bien, la saisie pénale se fait bien sur l’intégralité du bien et ne permet d’ouvrir à l’égard de l’époux commun en bien qu’à un simple droit de récompense que le condamné devra à la communauté lors de la dissolution du couple et du patrimoine commun.

 

La solution

 

Pour rappel au visa de l’article L131-21 du Code pénal que la condamnation à la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cadres prévus par la loi.

 

La haute juridiction rappelle aussi qu’elle préserve les droits des propriétaires, et propriétaires indivis de bonne foi même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction.

 

Ainsi, lorsque le bien confisqué constitue un bien indivis appartenant à la personne condamnée et à un tiers, ce dit bien est alors saisi sur la base de la seule saisie pénale des droits indivis au profit de l’État, de sorte que les droits des tiers de bonne foi sont préservés.

 

Pour autant, lorsque le bien confisqué constitue un bien commun à la personne condamnée et à son conjoint, la situation présente une spécificité tenant à ce qu’en l’application de l’article 1413 du Code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude du débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu.

 

Il en est ainsi même lorsque l’infraction sur laquelle repose la saisie pénale immobilière a été commise par un époux seul.

 

Il résulte de l’article 1467 du Code civil que lorsque la communauté est dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés.

Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive.

 

 

Pour la Cour de cassation il s’en déduit que la confiscation d’un bien commun prononcé en répression d’une infraction commise par l’un des époux, seul ne peut qu’emporter sa dévolution pour le tout à l’Etat.

 

La confiscation est donc alors totale sur le bien commun, de telle sorte que l’époux de bonne foi ne peut opposer sa bonne foi et donc évoquer ’indivision.

 

La saisie pénale se fait de manière indivise sur le bien commun.

 

La saisie pénale immobilière se fait sur l’intégralité de l’actif.

 

Pour autant, la Cour de cassation rappelle que cette confiscation et cette dévolution ne fait pas disparaitre les droits de l’époux de bonne foi dès lors que la confiscation constitue une pénalité en argent est susceptible de faire naître un droit à récompense à la communauté lors de la dissolution de celle-ci, déduction faite du profit retiré en l’application de l’article 1417 du Code civil au même titre qu’une amende et payée par la communauté.

 

Cependant, la vraie question demeure, quelle valorisation des droits survivrait au profit de l’époux de bonne foi dans le cadre de la liquidation de la communauté qui aurait lieu après la saisie pénale ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr