Sort du navire abandonné pour récupérer espace et créance

Quid du sort du navire abandonné sur un chantier portuaire ? Quelles sont les actions possibles pour le professionnel qui souhaite récupérer l’espace pris et le règlement de sa créance de réparation et, ou, de gardiennage,

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à la problématique du cas d’un navire abandonné par un propriétaire sur certains chantiers portuaires, qu’il s’agisse de navire de plaisance, bateaux, catamarans…,

 

Cela crée des difficultés importantes pour les exploitants qui se retrouvent avec un navire abandonné ou plusieurs navires abandonnés sur leurs chantiers maritimes, et qui viennent surcharger leur chantier maritime et parasiter leur activité.

 

Le professionnel a alors le sentiment de se retrouver avec un navire abandonné dans son parc,

 

Il arrive souvent que le propriétaire du navire abandonné disparaisse, aléas de la vie faisant, et laisse le navire entre les mains d’un professionnel.

 

La procédure est strictement réglementée concernant le navire abandonné et sur la base de textes fort anciens.

 

Il convient donc de présenter une requête au Tribunal afin de se faire autoriser à vendre le navire abandonné.

 

Il faut tantôt envisager la vente tantôt la destruction du navire abandonné afin de récupérer sa créance pour dettes non recouvrées.

 

Le professionnel, ou son conseil, présente une requête devant Tribunal d’Instance ou le Tribunal de Grande Instance dont dépend son domicile afin que le navire soit déclaré navire abandonné.

 

Peut se poser une problématique de compétence juridictionnelle lorsque la valeur de l’objet est inférieur à 10 000 euros mais que la créance a dépassé la somme de 10 000 euros.

 

C’est l’abandon de la chose qui est génératrice de la saisine du juge et c’est la valeur du navire abandonné qui va déterminer la compétence du Tribunal.

 

Aucune forme particulière n’est requise pour la requête bien qu’elle doit mentionner les éléments suivants :

 

  • La date de réception du navire désormais navire abandonné par le professionnel ce qui permet de déterminer le point de départ de la réclamation

 

  • La désignation de l’objet permettant de l’identifier clairement

 

  • Le prix réclamé par le professionnel ou une estimation du navire abandonné par une société professionnelle

 

  • Le nom du propriétaire et lieu où se trouve le navire abandonné,

 

Concernant le propriétaire du navire abandonné, il importe de préciser que celui-ci a vocation à être contacté et entendu par le Juge pour avis,

 

Fort de la décision rendue par le Président du Tribunal d’instance, le professionnel peut enfin organiser avec son huissier instrumentaire la vente ou la destruction du navire abandonné,

 

Dès lors, cette procédure qui est peu connue permet à un professionnel de vendre un navire abandonné par son client afin de récupérer son espace au sein de son chantier maritime ainsi que sa créance de réparation et de gardiennage,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Résiliation du bail commercial et assignation à jour fixe, quel salut ?

Un preneur a bail commercial qui n’a pas payé ses loyers et qui est frappé d’une ordonnance de référé définitive constatant l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion de ce chef peut-il sauver son bail en payant les loyers et en assignant à jour fixe le bailleur ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en avril 2018 qui vient aborder le sort du locataire commercial alors que le bail commercial a été résilié, le locataire ne payant pas ses loyers et la clause résolutoire ayant été acquise par décision du juge des référés, le locataire ayant fait le choix « malheureux » de ne pas se défendre à cette instance,

 

La question était de savoir quel échappatoire avec le preneur à bail commercial pour sauver son bail alors qu’une ordonnance de référé, désormais définitive, avait prononcé l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion de plein droit de tout occupant de son chef,

 

Dans cette affaire, le 28 octobre 2013, Monsieur X avait fait l’acquisition d’un fonds de commerce de restaurant et donné à bail commercial pour 9 ans à compter du 1er octobre 2009 par une SCI, ladite SCI propriétaire des murs,

 

En l’état d’impayés de loyers et d’une absence d’exploitation temporaire du locataire, le bailleur fait délivrer, le 14 mars 2016, un commandement visant la clause résolutoire relative aux charges impayées en 2015, à des loyers de févriers et mars 2016 et aux fins d’avoir à justifier de l’attestation d’assurance et de l’exploitation des locaux, ces derniers étant fermés.

 

Par la suite, ce même bailleur apprend en se rendant inopinément sur place, que Monsieur X avait concédé le 1er avril 2016 (ce n’est pas un poisson), et pour deux ans l’exploitation du fonds en location gérance à Monsieur G.

 

Par la suite, le bailleur a assigné Monsieur X, locataire, devant le juge des référés,

 

Pour autant, et pour des raisons qu’on ignore, le locataire n’a pas pu, ou n’a pas cru, se présenter ou se faire représenter,

 

C’est dans ces circonstances que par ordonnance de référé en date du 5 octobre 2016, le Président du Tribunal de Grande Instance de Draguignan a résilié de plein droit le bail commercial, par acquisition de la clause résolutoire le 15 avril 2016, et a ordonné l’expulsion de Monsieur X, nonobstant sa condamnation au paiement d’une somme provisionnelle de 19 925,86 euros.

 

Cette décision a été signifiée et est donc devenue définitive, faute pour Monsieur X d’avoir frappé de recours la décision en litige,

 

Le bail commercial serait il alors perdu pour toujours ?

 

Pas nécessairement…,

 

Monsieur X tente une approche différente afin de sauver son bail commercial,

 

Il s’est fait autorisé, par ordonnance du 16 mars 2017, à assigner à jour fixe le bailleur devant le Tribunal de Grande Instance afin d’obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement.

 

Cette tentative a échoué en première instance,

 

Par jugement du 1er juin 2017, le Tribunal de Grande Instance a rejeté cette demande de suspension des effets de la clause résolutoire, a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial à la date du 15 avril 2016, ordonné l’expulsion de Monsieur X et l’a condamné au paiement de la somme de 6 952,36 euros correspondant au solde de l’indemnité d’occupation due au jour de la décision rendue et ce au bénéfice de l’exécution provisoire.

 

Monsieur X a relevé appel de ce jugement.

 

A ce stade, il n’échappera pas au lecteur attentif que dans le cadre de cette procédure à jour fixe de dernière minute, Monsieur X avait pris soin d’accompagner son action salvatrice d’un certain nombre de paiement visant à réduire comme peau de chagrin la créance des loyers dus.

 

Cette démarche, peut-être inopérante sur le terrain juridique demeurait bien pensée sur le terrain économique,

 

Pour autant, le bailleur n’a pas manqué de faire preuve de résistance et a naturellement contesté les prétentions de Monsieur X, au motif pris notamment de ce que la créance de loyers, malgré les efforts conséquents n’était toujours pas soldée,

 

Et que par ailleurs, plusieurs violations au bail commercial ont été constatées.

 

Le bailleur faisait notamment valoir que le commandement de payer était parfaitement régulier ,

 

Bien plus que les infractions constatées étaient toujours d’actualité et notamment que la location gérante était irrégulière, et ce, à double titre,

 

En premier lieu, elle n’était pas autorisée par le bailleur,

 

En deuxième lieu, le locataire gérant n’était toujours pas inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés outre que son accord n’a pas requis.

 

En troisième lieu par le locataire gérant, personne physique tel qu’il en résultait du contrat de location gérance litigieux, avait pris soin de se faire substituer par une société finalement crée, alors que ni le bail commercial litigieux, ni le contrat de location gérance ne prévoit de faculté de substitution.

 

En quatrième lieu parce que par dessus tout, le locataire gérant, fut-ce t’il personne physique ou personne morale, avait eu, en sus, l’outrecuidance de procéder à des installations non autorisées par ledit bail commercial,

 

L’ensemble de ses arguments juridiques amenaient le bailleur à penser qu’il obtiendrait, au fond, la confirmation de la décision obtenue au seul stade des référés,

 

Pour autant la Cour ne partage pas cet avis.

 

Dans un premier temps, elle confirme que le commandement de payer est parfaitement valable,

 

Qu’aux termes de ce commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre du paiement des loyers de février et mars 2016 ainsi que d’un arriéré de charges de 2015, il était imparti un délai d’un mois à la locataire pour s’acquitter de la somme en principal de 3 991,96 euros.

 

Or, il est dans un premier temps constant qu’aucun règlement n’est intervenu de la part de Monsieur X dans le délai du commandement de payer,

 

Suivant ce raisonnement, la Cour constate que la clause résolutoire est acquise, le jugement étant dès lors confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire.

 

Pour autant, l’effort fait par Monsieur X sur le terrain économique, pendant le temps de la procédure au fond, fut-ce t’elle à jour fixe, semble être payant,

Puisque Monsieur X a réglé dans le même laps de temps plus de 23 588,810 euros, ce qui a permis de solder l’ensemble des causes du commandement de payer ainsi que les créances ultérieures, générées depuis lors,

 

De telle sorte qu’au jour ou la Cour s’exprime, la dette est quasiment soldée,

 

Au regard de ces éléments, la Cour considère qu’il y a matière à accorder à Monsieur X des délais courant du 15 avril 2016 au 31 mars 2017 (date à laquelle la cause locative du commandement de payer est soldé) pour s’acquitter de sa dette locative et justifier d’une attestation d’assurance,

 

La Cour ordonne alors la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais accordé.

 

Elle constate qu’à la date du 31 mars 2017, Monsieur X s’est acquitté des causes du commandement du 14 mars 2016 visant la clause résolutoire et a justifié d’une assurance des locaux de telle sorte que la clause résolutoire ne peut plus jouer passé cette date,

 

Dès lors, Monsieur X conserve et sauve son bail commercial,

 

Cependant, se posait toujours la question de la location gérance mise en place in extrémis par Monsieur X qui semblait dans l’impossibilité d’exploiter lui même le local objet du bail commercial,

 

Pour autant, la Cour déboute le bailleur de ses contestations et de ses demandes aux fins de résiliation du bail de ce chef et considère qu’il appartenait au propriétaire de justifier de la poursuite de l’infraction reprochée au locataire au-delà du délai d’un mois imparti par le commandement, poursuite qui ne résulte pas des constatations effectuées le 14 mars et le 15avril 2016 soit dans ce délai et non au-delà.

 

N’ayant pas sollicité le prononcé de la résiliation du bail de ce chef (et pour cause, le bailleur l’ignorait au moment de la signification du commandement de payer), les violations alléguées relatives au contrat de location-gérance, non visées dans le commandement de payer, sont en conséquence sans objet.

 

Cela peut malgré tout sembler contestable car dans la mesure ou le preneur à bail commercial avait assigné à jour fixe devant le Tribunal de Grande instance statuant au fond, et non plus dans le cadre d’une procédure de référé, le bailleur était en droit de solliciter, non plus que soit acquis la clause résolutoire tel que découlant du commandement de payer, la résiliation du bail commercial aux torts du locataire principal,

 

Pour autant, la Cour d’appel ne retient pas cette argumentation et ce, pour deux raisons,

 

En premier lieu, sur le terrain juridique, si le contrat de bail commercial interdisait la cession ou la sous location du bail commercial, rien n’est prévu quant au contrat de location gérance,

 

En deuxième lieu, sur le terrain économique, la Cour semble avoir des « scrupules » à prononcer la résiliation du bail commercial alors même que le preneur à bail, nonobstant les difficultés rencontrées a fait au mieux pour régler la créance de loyers et finir à jour de ses dettes locatives devant la Cour,

 

Cette stratégie du locataire principal, qui a rencontré des difficultés et qui subit les conséquences juridiques d’une ordonnance de référé ou il n’a pu se défendre est judicieuse,

 

En effet, nonobstant le non paiement de loyers et l’obtention d’une ordonnance de référé désormais définitive, l’assignation à jour fixe visant à obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire accompagnée d’une demande de délais de paiement s’avère, dans ce cas d’espèce, efficace,

Cette stratégie permet sinon en droit mais plutôt sur un terrain purement économique de démontrer les efforts faits par le locataire pour rattraper une situation qu’il a lui même générée.

 

Cette décision n’est pas satisfaisante sur le terrain juridique.

 

Il convient de rappeler qu’entre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel en avril 2018 et les causes du commandement de payer remettant à mars 2016, plus de deux ans se sont écoulé sans que le bailleur soit assuré d’une parfaite exécution de bonne foi du contrat de bail commercial par le locataire.

 

Cependant sur le terrain économique elle l’est parfaitement,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Gérant-caution et obligation de mise en garde de la banque

Le gérant-caution peut il opposer à la banque la disproportion ou bien le manquement à l’obligation de mise en garde, lorsque celui-ci est primo-dirigeant et lorsque le financement est immédiatement inapproprié ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en cette fin d’année 2017 qui vient aborder la question spécifique du droit que peut avoir un gérant-caution d’engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Dans cette affaire, en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la banque avait, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société X, dont la gérante était Mme Z…, un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z.

L’entreprise faisant faillite, l’établissement bancaire croit bon se retourner contre le gérant-caution,

Ainsi assigné en paiement, le gérant-caution a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Cette jurisprudence pose la question de la mise en garde de la caution lorsque celle-ci est gérante,

Il est vrai que la jurisprudence est toujours sévère à l’encontre du gérant-caution, ce dernier ne pouvant opposer un manquement aux obligations de conseil ou de mise en garde,

Or, dans cette affaire, il importe de préciser que le gérant-caution est primo-dirigeant,

Dans pareil cas, le primo-dirigeant, gérant-caution, a vocation à opposer à la banque ses manquements en terme d’obligation de conseil et de mise en garde,

Or, il ressort des circonstances de l’espèce que dès son démarrage, le financement proposé était voué à l’échec, ce que ne pouvait appréhender Madame Z dans la mesure ou elle n’était que primo dirigeante, et ce ne pouvait ignorer la banque, à même de comprendre que le financement proposé, aux vu de éléments comptables et financier, était parfaitement inadapté,

Dès lors, la banque est tenue à une véritable obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre de la caution, fut-ce t’il gérant-caution, dans la mesure ou ce dernier est primo-dirigeant,

Cette jurisprudence est salutaire car elle vient caractériser la responsabilité de la banque au titre du manquement au titre de son devoir de mise en garde.

Dans un premier temps, Madame Z en qualité de gérant-caution avait envisagé d’invoquer la disproportion de l’engagement de caution à l’encontre de la banque.

En effet, il convient de rappeler qu’en application de application de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation,  » un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation  »

Madame Z, même en qualité de gérant-caution, invoquait le caractère disproportionné de son engagement car lors de la signature de l’acte de cautionnement du 15 décembre 2010 elle n’avait comme justificatif de revenus que des avis de versement de l’allocation de retour à l’emploi d’un montant de 22, 20 € par jour.

La banque rappelait, quant à elle, que la fiche patrimoniale renseignée par Madame Z…faisait état que celle-ci était propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur estimée de 180 000,00 € nonobstant l’encours bancaire propre à ce bien immobilier et que l’actif patrimonial permettait de garantir l’engagement de caution, de telle sorte que la disproportion ne pouvait être retenue,

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

La Haute juridiction retient que pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de gérant-caution, il convient de tenir compte non seulement des revenus du gérant-caution mais également des biens mobiliers ou immobiliers qu’elle possède au moment de la signature.

Dès lors, la Cour considère que s’il est exact que les revenus de Madame Z étaient réduits lors de l’acquisition du fonds de commerce et de la souscription du prêt, il n’en demeure pas moins que l’existence d’un bien propre valorisé à 180. 000 € était de nature à lui permettre de faire face à ses engagements en cas de défaillance de l’emprunteur,

De telle sorte que la Haute juridiction conclut que l’engagement de gérant-caution n’était pas manifestement disproportionné,

Pour autant, tout n’est pas perdu pour le gérant-caution,

En effet, c’est sur la question du devoir de mise en garde que la Cour de Cassation a été bien plus favorable pour le gérant-caution.

La Haute Cour rappelle que le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit s’impose lorsque l’emprunteur, ou la caution, est non avertie ou profane, en cas de risque lié à un endettement excessif né de la souscription de l’engagement,

Dès lors, le défaut de mise en garde du banquier peut être sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ce qui implique la démonstration d’une faute qui a entraîné un dommage.

La Cour de Cassation procède sur la base d’un double raisonnement.

Tout d’abord elle considère que la personne, même en qualité de gérant-caution, est non avertie et que le crédit en question était non adapté et risquait de générer un endettement excessif.

Dès lors, la Haute juridiction estime que la seule qualité de gérant-caution ne suffît pas à attribuer au gérant la qualité de caution avertie.

Il faut en outre que ce gérant-caution dispose des compétences nécessaires pour apprécier la faisabilité de l’opération et les risques encourus.

Or, Madame Z était enseignante en musique et en chômage de longue durée lorsqu’elle s’est lancée dans ce projet d’acquisition d’un fonds de commerce, ce que la banque ne conteste pas.

Par ailleurs, rien n’indique que le gérant-caution aurait eu une quelconque expérience dans la gestion d’une entreprise et encore moins dans la gestion d’un commerce de thé dansant-restaurant.

Bien plus, la banque ne justifie pas non plus s’être assurée de la faisabilité du projet en demandant notamment à la gérante une étude de marché, un prévisionnel ou les bilans antérieurs du commerce concerné,

L’ensemble de ces éléments, pour la Cour de Cassation, caractérise une légèreté peu compatible avec le devoir de mise en garde de la banque,

En s’abstenant d’opérer à des vérifications élémentaires, en particulier sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités que peut avoir la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, la banque s’est privée de la possibilité de mettre en garde le gérant-caution des risques encourus ;

Ainsi, la banque a manqué à son devoir de mise en garde puisque le gérant-caution n’a pas été en mesure de prendre la mesure du risque de perdre son patrimoine immobilier qui constitue aussi le logement familial, ce bien n’étant pas immédiatement réalisable.

La Cour de Cassation souligne que les difficultés de l’entreprise qui sont survenues très rapidement après l’acquisition du fonds de commerce démontrent clairement que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement.

Dès lors, et à juste titre, la Cour de Cassation vient sanctionner l’établissement bancaire car immanquablement Madame Z, même en qualité de gérant-caution, n’était pas une caution avertie,

La Haute juridiction rappelle que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsqu’au jour de l’engagement celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti.

La Cour de Cassation a souligné le risque de l’endettement né de l’octroi du prêt, ce qui résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur,

Ceci d’autant plus que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, de telle sorte que le gérant-caution, ne pouvait qu’être exposé.

Dès lors, le gérant-caution n’est pas démuni sur le terrain juridique et judiciaire lorsque l’établissement bancaire vient le chercher en paiement,

Loin s’en faut,

Et heureusement d’ailleurs,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Insaisissabilité et droit de poursuite post-clôture pour insuffisance d’actif

Un créancier non-professionnel peut il saisir un bien immobilier après une clôture pour insuffisance d’actif alors que le bien immobilier du débiteur n’a pas été réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire en l’état d’une déclaration d’ insaisissabilité ?

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déclaration d’ insaisissabilité et vient préciser si le créancier non-professionnel à un droit de poursuite à l’encontre du débiteur.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle nous enseigne que la déclaration d’ insaisissabilité est inopposable au créancier qui dispose dès lors d’un droit de poursuite quand bien même la procédure serait clôturée pour insuffisances d’actifs.

 

Il convient de rappeler que la déclaration d’ insaisissabilité est une innovation majeure qui a été mise en place par une loi du 1er aout 2003 afin que l’entrepreneur puisse rendre insalissable son patrimoine personnel créant ainsi l’article L 526 -1 du Code de Commerce.

 

Cet article a été modifié le 6 aout 2015 par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » qui précise désormais que la résidence principale est de droit insaisissable.

 

Cet article précise ainsi:

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Cette jurisprudence précise que créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble,

De telle sorte qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance.

Dans cette affaire, par un acte notarié du 30 décembre 2010, Monsieur X, le débiteur avait déclaré sa résidence principale insaisissable, avant d’être mis en liquidation judiciaire le 9 décembre 2011.

La banque, qui avait consenti au débiteur un prêt pour en faire l’acquisition, l’a assigné aux fins de voir juger que, détenant une créance antérieure à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elle était en droit de poursuivre le recouvrement de cette créance seulement sur l’immeuble insaisissable et que l’arrêt à intervenir vaudrait titre exécutoire contre le débiteur.

Pour autant le contrat de prêt datait du 24 novembre 2009 et de la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble constituant la résidence principale de Monsieur X était daté du 30 décembre 2010.

Dès lors, les droits de la banque n’étaient pas nés postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité à l’occasion de l’activité professionnelle de Monsieur X et le créancier était en droit de considérer, qu’en application de l’article L. 526-11 du code de commerce, la déclaration d’insaisissabilité lui était inopposable

Pour autant la question était de savoir si dans le cadre de la liquidation judiciaire qui avait été clôturée pour insuffisance d’actifs, le créancier avait le droit de poursuivre, à nouveau, le débiteur, nonobstant l’effet de purge et s’il pouvait saisir le bien.

Il ressort que la liquidation judiciaire de Monsieur X avait été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 29 janvier 2014,

Or, en application de l’article L. 643-11 du code de commerce, « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ».

De telle sorte que ce texte pouvait laisser à penser à Monsieur X que la banque ne pouvait reprendre un droit de poursuite à son encontre et ne pouvait procéder à la réalisation de son actif.

Pour autant, et contre toute attente, l’arrêt considère que la banque est en droit de poursuivre la saisie du bien quand bien sa créance n’avait pas été vérifiée.

La Cour de Cassation ne donne pas force à l’article l’article L. 643-11 du code de commerce,

En effet, elle considère que dès lors que la créance est née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un bien de son débiteur, le créancier ne peut se voir opposer cette déclaration et a donc le droit de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien, nonobstant l’éventuelle ouverture ultérieure d’une liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur ou la clôture pour insuffisance d’actifs qui s’en suivrait.

Cet arrêt est intéressant car il rappelle que le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas déjà un, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence de sa créance et son exigibilité

Cependant, cela crée de nouvelles problématiques, auquel l’arrêt ne répond d’ailleurs pas,

En effet, la problématique de l’obligation d’obtenir un titre exécutoire, et ce, après clôture de la liquidation judiciaire, est de rester dans les délais de prescription,

En effet, nous sommes en présence d’un prêt bancaire immobilier personnel donc assujetti à une prescription biennale de deux ans qui peut être opposée à l’établissement bancaire.

Ceci est d’autant plus vrai que nous sommes en présence d’un prêt de 2009, d’une déclaration d’insaisissabilité de 2010, d’une liquidation judiciaire et d’un jugement de clôture pour insuffisances d’actifs en date du 29 janvier 2014.

Ce n’est qu’après cela que la banque a cru bon assigner le débiteur.

A mon sens, la prescription biennale est parfaitement opposable au créancier et la question qui peut se poser est de savoir à quelle date celle-ci a vocation à courir.

De prime abord à compter de la déchéance du terme et à défaut à partir du moment de la liquidation judiciaire et la question est de savoir si la liquidation judiciaire a un effet suspensif.

Or, tout laisse à penser que la prescription a vocation à être suspendue ou interrompue jusqu’à ce que la créance soit admise au passif.

Dans la mesure où celle-ci ne l’a jamais été, à mon sens le point de départ le point de départ de la prescription serait le jour de la liquidation judiciaire et passé deux ans, il y aurait matière à opposer la prescription à l’établissement bancaire qui ne pourrait pas saisir le bien quand bien cette jurisprudence novatrice laisserait à penser qu’il peut le faire.

Par voie de conséquence, encore et toujours le débiteur peut résister aux attaques de ses créanciers,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Indemnités journalières du dirigeant et cotisations obligatoires,

Le chef d’entreprise en arrêt de travail peut-il percevoir ses indemnités journalières alors même qu’il n’est pas à jour de ses cotisations ? Dans quels délais ce dernier peut régulariser la situation ?

Il convient de s’intéresser à la problématique spécifique du versement des indemnités journalières pour des arrêts de travail du chef d’entreprise alors que malheureusement en l’état des vicissitudes de la vie économique, ce dernier n’est pas à jour de ses cotisations obligatoires.

 

Le reflexe premier du Régime Social des Indépendants (R.S.I) est effectivement de considérer que le versement des indemnités journalières pour les arrêts de travail n’a pas vocation a été fait tant que les cotisations sociales n’ont pas été réglées par le dirigeant.

 

Dans pareil cas, et devant pareille impasse, le chef d’entreprise formalise un recours entre les mains de la commission de recours amiable du R.S.I.

 

Il fait alors valoir que suite à ces arrêts, il a été contraint de fermer l’entreprise pour se retrouver en liquidation judiciaire.

 

Pourtant le R.S.I considère que cela n’est pas suffisant pour permettre le versement des indemnités journalières.

 

La difficulté est que le chef d’entreprise fait parfois amené à faire des efforts conséquents pour payer ses cotisations auprès du R.S.I pour ensuite pouvoir bénéficier de ses droits indemnitaires.

 

Toutefois, celui-ci se heurte à une mécanique bien diabolique du R.S.I car si un échéancier est mis en place, il n’en demeure pas que le R.S.I estime que celui-ci n’est pas interruptif de prescription.

 

Ce qui est un comble,

 

Il convient de rappeler que la saisine de la commission de recours amiable doit être effectuée dans le délai de deux mois à compter de la notification du R.S.I.

 

Cette notification de la décision contestée doit bien comporter les voies de recours devant la commission de recours amiable ainsi que les délais légaux.

 

Or, lorsque le dirigeant rencontre des problèmes de santé, celui-ci est encore plus en difficulté pour solder ses cotisations obligatoires,

 

Il se heurte alors à une lecture partiale des articles D 613-16 du Code de la Sécurité Sociale, L 613-8, R613-28 alinéa 2 et L 332-1 du même Code.

 

En effet, le premier texte visé précise que pour avoir droit aux indemnités journalières, l’assuré doit être à jour de ses cotisations de base et supplémentaires à la date du premier constat médical de l’incapacité de travail

 

En cas de paiement tardif, l’assuré peut faire valoir son droit aux prestations dans les conditions prévues par l’article L. 613-8.

 

Cependant, cet article apporte une autre réflexion sur le droit à indemnités journalières.

 

Il ressort que pour bénéficier, le cas échéant, du règlement des prestations en espèces pendant une durée déterminée, l’assuré doit justifier d’une période minimale d’affiliation ainsi que du paiement d’un montant minimal de cotisations et être à jour de ses cotisations annuelles dans des conditions fixées par décret.

 

Le défaut de versement des cotisations ne suspend le bénéfice des prestations qu’à l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la date d’échéance.

 

Cependant, en cas de paiement plus tardif, il peut, dans un délai déterminé, faire valoir ses droits aux prestations, mais le règlement ne peut intervenir que si la totalité des cotisations dues a été acquittée avant l’expiration du même délai.

 

Or, il est bien évident que régler un arriéré de cotisations sociales obligatoires n’est jamais une mince affaire.

 

Il n’est donc pas rare de voir des échéanciers mis en place,

 

Ces échéanciers auraient vocation à suspendre les délais de prescription,

 

Ceci d‘autant plus qu’il n’est pas toujours facile pour le chef d’entreprise de respecter l’échéancier en question,

 

O, la difficulté est que l’assuré s’oppose à deux dispositions.

 

L’article R 313-28 énonce que l’assuré qui n’est pas à jour de ses cotisations à la date des soins ne peut faire valoir ses droits aux prestations que dans le délai de douze mois après la date d’échéance des cotisations impayées et à condition que la totalité des cotisations dues soit acquittée avant la date de l’échéance semestrielle se situant au terme de cette période de douze mois.

 

Bien plus encore, l’article L 332-1 précise que l’action de l’assuré pour le paiement des prestations en espèces de l’assurance maladie se prescrit par deux ans, à compter du premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent lesdites prestations,

 

Dès lors, cela amène à une situation ubuesque qui fait que même à jour des cotisations, le chef d’entreprise ne peut plus rien réclamer pour percevoir ces indemnités journalières,

 

Les demandes étant prescrites.

 

Cela est parfaitement scandaleux car si le dirigeant procède à des règlements sur la base d’échéanciers, et si le R.S.I ne vient pas donner un accord expresse et non équivoque, ce qui est très souvent le cas, il ne peut y avoir de suspension de la prescription.

 

Cela est extrêmement regrettable car il est bien évident que le discours tenu par le R.S.I n’est pas celui là.

 

Il invite toujours le chef d’entreprise à régler les cotisations obligatoires sans jamais indiquer que les paiements doivent se faire dans des délais courts assujettis à prescription sans quoi passé le délai d’un an, l’assuré qui n’est pas à jour de ses cotisations ne peut plus faire valoir ses droits à prestation,

 

Bien plus, son action est prescrite dans un délai de deux ans à compter du premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent lesdites prestations,

 

In fine, le chef d’entreprise se retrouve à payer des cotisations, sans pour autant percevoir les indemnités journalières consécutives à des arrêts de travail.

 

S’il est bien évident que le R.S.I ne manque pas de se retrancher derrière les adages « nul n’est censé ignorer loi » et « la loi est dure, mais c’est la loi », il n’en demeure pas moins qu’un chef d’entreprise préoccupé avant toute chose à développer son activité économique devrait être avisé de cette situation.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Liquidation judiciaire et licitation-partage font-ils bon ménage ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale en septembre 2017 et qui vient aborder la question difficile du mariage difficile entre liquidation judiciaire et licitation partage,

Cette hypothèse spécifique n’est malheureusement pas que simple hypothèse d’école,

Il convient de rappeler que le mandataire liquidateur a vocation à procéder à la réalisation des actifs de son débiteur,

Lorsque celui-ci est copropriétaire indivis, le mandataire liquidateur a vocation à réaliser les droits immobiliers indivis de son débiteur,

Il doit alors le faire par voie de licitation partage,

Dans cette affaire, Monsieur X avait été mis en liquidation judiciaire par jugement en date du 9 février 2010.

Celui-ci était propriétaire indivis avec sa mère et sa sœur.

C’est dans ces circonstances que le liquidateur, qui a pour mission de réaliser l’ensemble des actifs a assigné les consorts X en partage et licitation de l’immeuble au visa des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

Pour autant les consorts X mère et fille, jusqu’alors absents, ont formé opposition à l’arrêt qui a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et de partage.

Les consorts X, mère et fille, affirmaient que le maintien dans l’indivision pour une durée de 5 ans renouvelables était fondé dès lors que la licitation de l’immeuble aurait pour effet de les priver de leur habitation,

Elles soulignaient notamment que la mère était veuve et qu’elle avait résidé sans discontinuer dans cette maison depuis le décès de son époux et qu’elle était âgée de 79 ans.

Elles soutenaient qu’il convenait de préserver son droit acquis à l’attribution préférentiel tel que défini à l’article 831-2 du Code Civil.

Enfin, elle précisait qu’elle avait une créance au titre de la conservation du bien indivis qui devra être payée par prélèvement sur l’actif avant le partage, de telle sorte que la licitation ne pouvait permettre de désintéresser les créanciers de la procédure collective,

Dans pareille hypothèse, ces dernières laissaient à penser qu’in fine, le mandataire liquidateur n’avait pas d’intérêt à poursuivre le partage,

Le mandataire liquidateur ne partageait naturellement pas cette approche,

Il considérait que les dispositions du code civil relatives au maintien dans l’indivision, à l’attribution préférentielle et aux modalités du partage n’étaient pas applicables lorsque le bien concerné était soumis à une vente forcée intervenant en exécution des dispositions spéciales, d’ordre public, relatives à la procédure collective,

Comme de rien, la Cour d’appel fait droit à cette argumentation,

Or, la Cour de Cassation donne un tout autre regard sur cette affaire en considérant que ce n’est pas le droit des entreprises en difficulté qui doit prédominer mais les dispositions propres à la licitation partage des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

En effet elle considère qu’en statuant ainsi, alors que la licitation de l’immeuble indivis, qui était l’une des opérations de liquidation et partage de l’indivision préexistante au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de M. Stéphane X…, échappait aux règles applicables en matière de réalisation des actifs de la procédure collective et ne pouvait être ordonnée qu’après examen des demandes formées par Mme Josiane X… tendant au maintien dans l’indivision et à l’attribution préférentielle de l’immeuble, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cet arrêt qui avait d’ailleurs un renvoi devant la même Cour d’Appel autrement composé, offre une opportunité aux Co indivisaires de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers.

La jurisprudence abonde dans ce sens et par ailleurs votre serviteur a également abordé ce sujet dans le cadre de sa thèse « Le soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 »UFR Nice 2010.

Cette décision est intéressante car elle permet de rappeler aux Co-indivisaires lorsqu’un d’entre eux est en liquidation judiciaire, que les autres co-indivisaires peuvent, dans le cadre d’une action en liquidation partage, opposer au mandataire judiciaire une demande de maintien en indivision et à défaut une attribution préférentielle du bien avec une éventuelle compensation avec une créance pré existante au titre de la conservation du bien indivis.

Cette créance doit être prélevée sur l’actif avant le partage de telle sorte que cette stratégie permet non seulement de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers mais également de laisser à penser que la licitation partage ne permettant pas de désintéresser les créanciers de la procédure collective, le mandataire liquidateur n’aurait pas d’intérêt à procéder par voie de licitation.

Appel devant la Cour: réforme de la procédure, carte judiciaire et accès au juge

Une fois de plus, la procédure civile réglementant la procédure d’appel fait l’objet d’une énième réforme,

 

Il convient de s’intéresser à la réforme de la procédure devant la Cour d’Appel suite au décret du 6 mai 2017 qui entre en vigueur au 1er septembre 2017 et qui modifie la procédure d’appel pour une fois de plus la complexifier au possible.

 

La question qui se pose est de savoir si cette réforme ne vient pas une fois de plus attenter aux droits du justiciable en rendant la procédure d’appel plus complexe encore.

 

S’il est vrai que la fin de la profession d’avoués a été saluée, ces derniers faisant la pluie et le beau temps devant la Cour, le revers de la médaille a été d’assujettir la procédure à un calendrier particulièrement strict souvent source de nullité.

 

Ce nouveau décret vient encore impacter la procédure d’appel et laisse à penser que tout est fait pour fermer les portes des Cours d’Appel.

 

Il convient de distinguer la procédure d’appel au fond et la procédure d’appel d’urgence.

 

Dans la procédure ordinaire, la procédure d’appel doit contenir sous peine de nullité les dispositions de l’article 58 du Code de Procédure Civile et plus particulièrement la date et le lieu de naissance ainsi que la profession de l’appelant.

 

Il importe de préciser qu’il n’y a plus d’appel total et l’appelant doit rappeler les chefs du jugement critiqué sauf s’il tend à l’annulation du jugement et si l’objet du litige est indivisible.

 

Il importe de préciser qu’en cas de manquement à cette procédure, la caducité de la déclaration d’appel peut être relevée d’office par le magistrat ce qui laisse un champ très large à ce dernier pour fermer la possibilité d’un appel au justiciable.

 

L’appelant doit conclure dans les trois mois suivant la déclaration de l’appel et l’intimé a trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour répliquer et ce sous peine d’irrecevabilité.

 

La déclaration d’appel doit être notifiée aux parties et si celles-ci ne constituent pas avocat, il convient de les assigner dans le délai d’un mois à compter de l’avis du greffe.

 

Les pièces doivent être communiquées en même temps que les conclusions et le texte prévoit que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles mêmes irrecevables, ceci est à mon sens regrettable.

 

Concernant l’inexécution des décisions frappées de l’exécution provisoire en première instance, là encore la réforme prévoit que la demande de radiation de l’affaire doit être présentée par l’intimé avant l’expiration du délai pour conclure prévue aux articles 905-2, 909, 910 et 911 du Code de Procédure Civile.

 

La demande de radiation suspend le délai pour conclure par le demandeur à l’incident comme le prévoit l’article 526 du Code de Procédure Civile.

 

Les procédures d’urgence subissent quant à elles des modifications en profondeur comme le prévoient les articles 905 et suivants du Code de Procédure Civile.

 

Lorsque les décisions visées semblent présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée ou lorsque l’appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 776, le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande d’une partie, fixe les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 du Code de Procédure Civile.

 

Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office.

 

Si l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat et à défaut il convient de faire signifier l’ensemble des éléments.

 

L’appelant a 1 mois à compter de la réception de l’avis de fixation sous peine de caducité.

 

L’intimé a 1 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant sous peine d’irrecevabilité.

 

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d’office, par ordonnance impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.

La déclaration d’appel comporte les mentions prescrites par l’article 58.

 

Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

 

Il est donc impossible d’ajouter de nouveaux moyens en appel.

 

Il est donc de la responsabilité de l’avocat de soulever tous les moyens dès la première instance.

 

Cela est à mon sens critiquable car l’aléa judiciaire peut amener l’homme de Loi à faire preuve d’opportunité dans son argumentation juridique sans pour autant soulever tout et n’importe quoi.

 

L’aléa judiciaire fait qu’il se peut que certains magistrats soient plus réceptifs dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation à certains moyens que d’autres.

 

Dès lors le paradoxe est que d’un coté, l’avocat se retrouve à être Juge de l’opportunité de soulever ou non l’ensemble des moyens de fait ou de droit à sa portée.

 

La rigueur excessive de cette procédure d’appel réformée vient impacter l’exercice de la voie d’appel par l’avocat qui se retrouve à être d’office spécialiste de cette procédure en sus de ses compétences et spécialités naturelles sans quoi il s’expose à engager sa responsabilité.

 

Cela est regrettable et porte atteinte aux droits des justiciables qui se sentent pris en otage par une procédure beaucoup trop rigoureuse.

 

Nonobstant le fait que cela vient mettre en avant la responsabilité de l’avocat, cela multiplie les frais pour le justiciable qui peut y réfléchir à deux fois avant d’aller présenter ou soutenir son recours devant la Cour,  

 

Il n’échappera pas que dans un article du quotidien LE MONDE du 3 octobre 2017 repris dans la SEMAINE JURIDIQUE du 9 octobre 2017, il était précisé que la Chancellerie veut faire coïncider l’activité des Cours d’Appel au nombre de 32 avec celle des nouvelles régions au nombre de 13.

 

L’article précise : « Elle évite de parler de redécoupage de la carte judiciaire car elle sait le sujet explosif, mais ce qui se prépare est encore plus insidieux que la réforme Dati »dénonce son confrère, Maître Djaffar Belhamici. Il s’agit, au final, d’assécher l’activité de nos juridictions ».

 

Tout laisse à penser que ce décret du 6 mai 2017 et la volonté de la Chancellerie de réduire des 2/3 le nombre de Cours d’Appel en France pour passer de 32 à 13, montre bien la volonté manifeste d’impacter très sérieusement les voies de recours et de réduire par tous les moyens possibles, à grand renfort de nullité, d’irrecevabilité ou de caducité, les appels engagés.

 

C’est bien et bien le droit d’accès à la justice qui est malmené devant la juridiction d’appel ce qui est extrêmement regrettable.

 

Normal
0

21

false
false
false

FR
JA
X-NONE

/* Style Definitions */
table.MsoNormalTable
{mso-style-name: »Tableau Normal »;
mso-tstyle-rowband-size:0;
mso-tstyle-colband-size:0;
mso-style-noshow:yes;
mso-style-priority:99;
mso-style-parent: » »;
mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt;
mso-para-margin:0cm;
mso-para-margin-bottom:.0001pt;
text-align:justify;
line-height:115%;
mso-pagination:widow-orphan;
font-size:11.0pt;
font-family:Calibri;
mso-ascii-font-family:Calibri;
mso-ascii-theme-font:minor-latin;
mso-hansi-font-family:Calibri;
mso-hansi-theme-font:minor-latin;
mso-fareast-language:EN-US;}

 

Déclaration de créance par le débiteur : avantage ou inconvénient ?

Il convient de s’intéresser à diverses décisions rendues au mois d’octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux qui viennent mettre en exergue les interrogations relatives à la problématique spécifique de la déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier,

 

En effet, l’article L622-24 alinéa 3 du Code de Commerce prévoit que «  Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».

 

Il convient de rappeler que la déclaration de créance est une étape importante de la procédure collective puisque elle permet aux organes de la procédure de déterminer l’étendue du passif et donc de déterminer les perspectives réelles de sauvegarde ou de redressement d’entreprises sans quoi celles-ci seraient dirigées vers une liquidation judiciaire.

 

Afin de ne pas enliser l’entreprise en difficulté dans le cadre d’une phase de vérification des créances trop longues et importantes, le législateur a prévu depuis toujours (1965,1985, 1994, 2005, 2012) un délai court de déclaration de créance.

 

La déclaration de créance doit se faire entre les mains du mandataire judiciaire dans les deux mois de la publication au Bodacc du jugement d’ouverture de la procédure collective,

Par la suite, le chef d’entreprise en difficulté autrement appelé débiteur, procède à la vérification des créances en l’étude du mandataire,

 

Le chef d’entreprise en difficulté a alors la faculté d’accepter ou de contester les déclaration de créance qui sont déclarées,

 

En cas de contestation, il appartient au chef d’entreprise de motiver au mieux sa contestation,

 

Il appartient ensuite au mandataire judiciaire de notifier par courrier RAR l’avis de contestation au créancier qui a trente jours pour répondre à cette contestation,

 

A défaut, le créancier risque de se voir interdire tout droit à réponse ultérieur du motif de contestation invoqué par le débiteur, le juge commissaire étant alors en mesure de rejeter la créance en son entier ou de l’admettre sur la base de la seule proposition du mandataire judiciaire,

 

Réforme faisant, l’ordonnance n°326 du 12 mars 2014 vient apporter une modification d’importance, puisque si jusqu’alors le débiteur avait juste l’obligation de remettre une liste des créanciers au mandataire judicaire à l’ouverture de la procédure collective, celui-ci est désormais tenu d’y procéder afin de prédéterminer le passif de la procédure, le chef d’entreprise en difficulté devenant le mandataire des créanciers qu’il vise dans sa liste,

 

L’approche de cette réforme est radicalement différente,

 

Avant 2014, la liste des créanciers établie par le chef d’entreprise servait à offrir une double visibilité,

 

En premier lieu de permettre aux organes de la procédure d’estimer le passif,

 

En deuxième lieu, de vérifier si le dirigeant avait une réelle visibilité de son activité, sans quoi il pourrait être assujetti à une interdiction de gérer,

 

Désormais, le chef d’entreprise participe activement à l’élaboration du passif de sa propre procédure collective,

 

Cette réforme devait réduire le contentieux de manière considérable afin de mettre d’accord les créanciers et le débiteur et donc réduire tout moyen de contestation devant le Juge Commissaire.

 

Pour autant il n’en est rien,

 

Le contentieux s’est déplacé sur de nouveaux axes de contestations et de nouvelles pratiques.

 

Effectivement, le fait que le débiteur déclare une créance n’enlève rien au fait que le créancier a l’obligation de la ratifier.

 

Dans la première affaire, le mandataire judiciaire avait soulevé la forclusion du créancier au motif que ce dernier n’avait pas procédé à la déclaration de créances.

 

Pour autant, le Tribunal n’y fait pas droit et considère que dans la mesure où le débiteur a porté à la connaissance du mandataire judiciaire sa créance et donc était présumé avoir agi pour le compte du créancier, la créance a été déclarée dans les délais de telle sorte que celle-ci ne peut être forclose.

 

En effet, le débiteur en ayant établi dans la liste des créanciers, la créance litigieuse avec son montant, le créancier ne pouvait être valablement forclos même si ce dernier ne procédait pas à une déclaration de créances par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de mois à compter de la publication au BODACC.

 

Dès lors, dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing, celle-ci est inscrite au passif et par là même le créancier n’a plus à faire sa déclaration de créances ni à la justifier si celle-ci n’est pas contestée.

 

Pour autant, la question se pose,

 

Le débiteur peut-il contester la créance qu’il a lui même visé dans la liste des créanciers ?

 

A mon sens oui,

 

Comme à chacun sait, il n’est jamais trop tard pour bien faire,

 

Cependant, le chef d’entreprise pourrait se heurter à un mandataire judiciaire qui refuserait l’idée même d’une contestation dans la mesure ou la créance a été visée par le débiteur,

 

En effet, le mandataire pourrait considérer que dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing avec un montant précis, il n’est plus fondé à remettre en question cette créance dans le cadre de la vérification des créances qui se ferait par la suite.

 

Pour autant, dans l’hypothèse où le créancier ne fournit aucun justificatif à l’appui de sa créance, rien n’empêche le débiteur de contester la créance in fine.

 

Dans la deuxième affaire, le créancier, dans le doute, avait préféré se faire relever de forclusion,

 

Là encore, le juge commissaire rejette sa demande au motif que la cause était sans objet dans la mesure où la créance était visée dans la liste du passif.

 

En conséquence, la question qui se pose est de savoir si le débiteur a intérêt à une parfaite transparence sur des créances qu’il aurait vocation à contester.

 

Non pas tant sur leur existence, mais plutôt sur leur montant ou quantum,

 

En effet, il convient de rappeler l’esprit de la procédure collective en terme de déclaration de créance,

 

Car plus le passif sera réduit et plus les chances de présenter un plan de sauvegarde ou de redressement seront importantes.

 

Dès lors, la vraie question qui se pose, en pratique, est de savoir si le débiteur est vraiment tenu de viser l’ensemble de tous les créanciers et de noter le bon montant  dans le cadre de la liste qu’il doit remettre concernant la déclaration de créance,

 

Il serait plutôt judicieux pour lui de viser un montant bien inférieur dans l’hypothèse où le créancier ne déclarerait pas sa créance dans le délai de deux mois.

 

Il serait donc forclos sur le surplus sauf à se faire relever de forclusion.

 

Cela n’est à mon sens pas incompatible avec les dispositions de l’article R 622-5 du Code de Commerce qui prévoit que :

 

« la liste des créanciers établie par le débiteur conformément à l’article L. 622-6 comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l’indication du montant des sommes dues au jour du jugement d’ouverture, des sommes à échoir et de leur date d’échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie. Elle comporte l’objet des principaux contrats en cours.

Dans les huit jours qui suivent le jugement d’ouverture, le débiteur remet la liste à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Celui-ci la dépose au greffe ».

 

Le mandataire en charge de la vérification des créances devient alors le « garde fou » de la liste des créanciers puisqu’il peut les contester au motif qu’elles ne seraient pas justifiées.

 

Le chef d’entreprise ne doit surtout pas être en reste,

 

Il se doit de contester au mieux les créances,

 

Par la suite, le contentieux sera porté devant le Juge Commissaire sur le fondement des dispositions de l’article R 622-23 du Code de Commerce qui prévoit que la déclaration de créance contient les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre.

 

Le mandataire judiciaire tout comme le débiteur ont vocation à contester les créances afin d’amener le créancier à justifier du bien fondé de sa créance et surtout de l’exposer à un rejet de la créance en cas de non réponse.

 

Le vœu pieu de l’ordonnance de 2014 visant à remettre en question et réduire autant que faire se peut le contentieux de la vérification des créances est loin d’être acquis,

 

Au contraire la pratique démontre bien qu’il y a de nouvelles perspectives.

 

Ce contentieux offre de belles perspectives de réduction du passif et ce dans l’intérêt du débiteur car plus le passif sera réduit et plus le chef d’entreprise en difficulté sera en mesure d’y faire face et les risques de responsabilité de ce dernier seront réduites comme peau de chagrin.

 

Il est bien évident que le nerf de la guerre en droit économique est la fixation du passif qui va déterminer l’ensemble des tenants et aboutissants du bon déroulement de la procédure collective jusqu’à la clôture.

Des lors, il est extrêmement important pour le dirigeant de suivre avec une grande attention la phase dite de déclaration de créance,

 

Plan de sauvegarde ou de redressement et options offertes aux créanciers

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Nîmes qui vient aborder la question spécifique du projet de plan de redressement judiciaire ou de sauvegarde dans lequel, le chef d’entreprise en difficulté fait des propositions de règlement des dettes à l’ensemble de ses créanciers.

Il convient de rappeler que le propre du redressement judiciaire ou de la sauvegarde est d’obtenir un plan pour désintéresser les créanciers sur 10 ans.

Ces procédures représentent bon nombre d’avantages car tant le redressement judiciaire que la sauvegarde arrêtent les poursuites individuelles et permettent à l’entreprise en difficulté de trouver un second souffle économique malgré les difficultés qu’il rencontre, de mieux affronter la cessation des paiements présente ou à venir et de régler ses créanciers sur 10 ans sans intérêt à l’exception des créances bancaires.

Cela permet également de recréer une phase de négociation avec les créanciers, dite négociation tantôt individuelle et tantôt collective.

Le propre du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire est de permettre alors au chef d’entreprise en difficulté de présenter des propositions de règlement de dettes réduites au besoin.

Il convient de rappeler que le plan peut aller jusqu’à 10 ans et ne peut malheureusement dépasser cette période.

Cela est un délai assez long pour imaginer pallier à la carence d’un établissement bancaire qui se refuserait de refinancer à grand renfort d’intérêts une situation de trésorerie difficile ou une passe économique conjoncturelle difficile.

Cette procédure permet en premier lieu de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles, de ne pas avoir pendant près d’un an soit deux fois 6 mois de période d’observation, voire une ultime période de 6 mois sur la seule demande du Procureur de la République, de recréer une trésorerie et par la suite de présenter un plan étant rappelé qu’in fine, la première échéance du plan a vocation à être réglée à la date anniversaire du plan homologué.

Ce n’est qu’à la fin de la première année du plan que la première échéance est due même s’il est fréquent de voir que le jugement de sauvegarde ou de redressement judiciaire invite le chef d’entreprise à verser régulièrement par mois ou par trimestre au mandataire judiciaire une partie de l’échéance pour qu’à la date anniversaire du plan afin que ce dernier puisse régler l’ensemble des créanciers.

Une des réformes de la loi du 26 juillet 2005 étant notamment, non plus de vérifier que le chef d’entreprise ait réglé l’échéance annuelle à ses créanciers mais bel et bien que l’argent demeure entre les mains du commissaire à l’exécution du plan qui a vocation, une fois par an, à régler les créanciers.

Le seul bémol relatif à ce plan de redressement judiciaire sans intérêts demeure peut être le coût des frais de justice puisque le redressement judiciaire représente un coût certain et le commissaire à l’exécution du plan a pour habitude également de prendre une quote part de frais à chaque date anniversaire du plan pour assurer le suivi du dossier.

Ce projet de plan doit être établi bien avant la fin de la période de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour la simple et bonne raison qu’à la fin de ladite période, le plan doit être rendu ce qui amène le rédacteur du projet à imaginer remonter le temps pour pouvoir avoir un jugement rendu, un délibéré convenable, une date d’audience précédente et cela, tout en respectant le délai de consultation des créanciers car le mandataire judiciaire a l’obligation, conformément à la loi, de faire état de ces propositions à l’ensemble des créanciers qui ont 30 jours pour répondre.

L’établissement du plan de redressement judiciaire et les propositions qui s’en suivent doivent être considérées comme une opportunité économique et financière de négociation avec les créanciers pour trouver des propositions intéressantes pour les deux parties du règlement des dettes en question.

Il ressort de cet arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes que par jugement en date du 26 juin 2013, le Tribunal de Commerce avait ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre d’une société.

La période d’observation avait été renouvelée et un plan de sauvegarde avait été soumis à l’ensemble des créanciers par le mandataire judiciaire et c’est dans ces circonstances que le Tribunal de Commerce avait arrêté le plan de sauvegarde de l’entreprise dans les conditions suivantes :

➢ Arrête le plan de sauvegarde organisant la continuation de l’entreprise selon la proposition du projet de plan sauf à préciser que les créanciers qui n’ont pas répondu ne peuvent se voir imposer la proposition n°1 et devront être remboursés à 100% sur 9 ans

➢ Donne acte aux créanciers de l’entreprise des délais et remises acceptés dans les conditions prévues par l’article L 626-18 du Code de Commerce

➢ Dit qu’en ce qui concerne les créanciers ayant accepté l’option 1, 25% pour solde de tout compte, ce dividende unique interviendra au plus tard le 27 mai 2016 par l’intermédiaire du commissaire à l’exécution du plan.

➢ Précise pour l’option n°2, 100% sur 9 ans que le règlement intégral du passif sera effectué auprès du commissaire à l’exécution du plan de la société sur 9 ans par échéance mensuelle, la répartition auprès des créanciers se faisant tous les ans.

➢ Dit que les dividendes seront versés entre les mains du commissaire à l’exécution du plan sous réserve d’une admission définitive.

Pour autant, la société débitrice ayant interjeté appel dudit jugement, en demandant à la Cour d’Appel de l’infirmer en ce que le Tribunal de Commerce a jugé que le plan arrêté comprenait un remboursement à 100% selon l’option 2 pour les créanciers n’ayant pas répondu à la consultation dans le délai de 30 jours et de décider que pour ces créanciers, les modalités de remboursement seraient les suivantes : un paiement pour solde de tout compte de 25% à la date anniversaire de l’adoption du plan .

Le commissaire à l’exécution du plan s’est associé à cette demande en rappelant qu’au terme de l’article L 626-5 du Code de Commerce, le défaut de réponse vaut acceptation et que dès lors les termes du projet soumis aux créanciers étaient clairs, le Tribunal pouvait en effet imposer l’option n°1 aux créanciers saisissant.

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que rien n’empêche le chef d’entreprise de faire plusieurs propositions et qu’il n’y aurait pas vocation de se satisfaire nécessairement de la seule proposition de 100%sur 10 ans.

Dans la mesure où le créancier a été touché par le mandataire judiciaire, par un courrier recommandé, rien n’empêche d’imaginer affecter à une option peut être désavantageuse pour le créancier mais avantageuse pour le chef d’entreprise en difficulté de lui imposer une option dans l’hypothèse où le créancier ne répondrait pas.

A défaut de réponse, il est vrai que la pratique montre que le Tribunal de Commerce et surtout le procureur de la république qui est présent à toutes les audiences viennent à préserver les droits des créanciers au motif pris que ces derniers n’ayant pas répondu, il y aurait vocation de facto à leur fixer un remboursement de leur créance dans le cadre d’un plan à hauteur de 100% sur 9 ans.

Pour autant il n’en est rien.

Il convient de rappeler l’essence même du droit des entreprises en difficulté qui dès les réformes de 1967, 1985, 1994, 2005 ou encore 2012 vient clairement rappeler qu’il appartient aux créanciers d’être diligents dans le cadre de la procédure collective et que le chef d’entreprise en difficulté, en qualité de débiteur, a le droit de bénéficier des avantages des dispositions du droit des entreprises en difficulté qui ont vocation à le préserver, à l’empêcher de faire une faillite et une liquidation judiciaire et lui permettre de faire face à ses obligations.

Par voie de conséquences, la contestation de créance et une proposition d’option particulièrement favorable au débiteur dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire sont de mises pour justement permettre au chef d’entreprise de désintéresser les créanciers méritants ou en tout cas ceux qui sont réactifs.

Il est encore acquis qu’en pareille matière, plus le passif a vocation à être réduit comme peau de chagrin et plus le chef d’entreprise en difficulté sera à même d’y faire face et de régler les créances.

Par voie de conséquences, il est regrettable de constater que tant le procureur de la république que certains Tribunal de Commerce croient bon malmener cette philosophie législative visant à permettre au chef d’entreprise de mieux faire face aux difficultés qu’il rencontre.

Pour autant, la Cour d’Appel de Nîmes est sensible à cette approche commerciale et vient effectivement consacrer l’idée selon laquelle le créancier qui n’a pas répondu a vocation à supporter l’option choisi dans l’intérêt du chef d’entreprise en difficulté et non pas choisi par le Tribunal de Commerce dans l’intérêt éventuel du créancier qui n’a pas daigné répondre.

En effet, la Cour d’Appel dans cet arrêt considère que dès lors que les créanciers ont été parfaitement informés des conséquences du défaut de réponse aux propositions formulées lors de la consultation et notamment lors de l’option retenue dans ce cas, le Tribunal ne peut refuser de faire application de cette option.

La Cour d’Appel rappelle qu’au terme de l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce lorsque les propositions pour le règlement des dettes portent sur des délais et remises, le mandataire judiciaire recueille l’accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance.

Pas plus le décret du 28 décembre 2005 que la loi du 26 juillet 2005 ne règlementent le contenu de la consultation des créanciers, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce évoquant seulement les délais et remises proposées par le débiteur.

Bien que cette situation soit fréquente, la possibilité de propositions alternatives n’est pas prévue par le Code de Commerce, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce, prévoit qu’en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours, à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation.

Dans le souci d’améliorer les chances de redressement de l’entreprise, le législateur présume que le défaut de réponse dans le délai emporte acceptation des propositions de règlement du passif.

Ainsi le créancier qui a répondu négativement à la consultation, ne peut effectivement se voir imposer des remises de dettes mais seulement des délais (article L 626-18 du Code de Commerce), le créancier consulté qui n’a pas répondu s’expose cependant à voir son silence interprété comme l’acceptation des propositions qui lui sont faites.

En effet, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, s’il est incontestable que la renonciation à une créance admise en son principe à la suite d’une déclaration de créance ayant valeur de demande de justice ne saurait résulter d’une renonciation implicite, le créancier taisant, dès lors qu’il a été régulièrement consulté sur un projet faisant apparaître clairement les différentes propositions de règlement de dette et les conséquences du défaut de réponse des créanciers, peut se voir imposer une remise à laquelle il a tacitement consenti par son abstention.

En l’espèce, il est justifié que le projet de plan a été régulièrement adressé à l’ensemble des créanciers et notamment au créancier G qui en a accusé réception le 26 novembre 2014.

Ce projet prévoyait expressément 2 alternatives :

•  options n° 1 : règlement des créances à hauteur de 25 % pour solde de tout compte dont le paiement interviendra à la date anniversaire de l’adoption du plan par le Tribunal de Commerce

• option n° 2 : remboursement de la créance admise à hauteur de 100 % sur 9 années en 9 versements annuels, à concurrence de 5 % la 1ère année, 7,50 % la 2ème année, 10 % au titre des 4 années suivantes, 15 % pour les 7ème et 8ème année et 17,50 % la 9ème année.

Le projet de règlement des dettes adressé au créancier contenait un paragraphe abstention ou refus des créanciers rédigé comme suit «le défaut de réponse à ces propositions amènerait l’entreprise à opter pour la solution qui lui paraîtra la plus favorable, en l’espèce l’option 1, savoir paiement des créances définitivement admises à hauteur de 25 % pour solde de tout compte conformément aux dispositions légales».

Les créanciers ont donc été parfaitement informés des conséquences de leur défaut d’acceptation ou de défaut de réponse, la société précisant expressément quelle serait l’option retenue si le créancier n’acceptait pas les propositions formulées ou s’abstenait de répondre.

Il convient en conséquence de constater qu’à défaut de réponse dans le délai de 30 jours qui leur étaient impartis, les créanciers ont accepté implicitement que l’option n° 1 leur soit appliquée, avec les remises de dettes subséquentes.

Le Tribunal a donc à tort refusé de faire application de l’option1 aux créanciers n’ayant pas répondu.

De telle sorte que la Cour d’appel réforme la décision sur ce point,

Cette décision est salutaire.

Il important que le Tribunal de Commerce en ait connaissance car elle permet au débiteur de profiter de la carence ou du silence des créanciers en leur imposant des options qui sont immanquablement favorable au chef d’entreprise en difficulté et donc il appartient aux créanciers si ceux-ci n’entendent pas accepter cette proposition de se manifester.

Ruine du fonds et faute du liquidateur du locataire gérant,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles en mars 2017 qui vient aborder la question spécifique du sort des salariés lorsque le locataire gérant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et que le mandataire liquidateur croit bon transférer lesdits salariés au propriétaire du bail commercial au titre de la solidarité légale, suivant qu’il y ait ou non ruine du fonds,

 

En effet, dès lors que le locataire gérant est en liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire a l’obligation de licencier les salariés ce qu’il fait en général dès le prononcé de la liquidation judiciaire, comme la Loi lui impose de le faire,

 

Dans cette affaire, le 2 décembre 2003, le Tribunal de Commerce de Nanterre a arrêté un plan de continuation au profit de deux sociétés pour une durée de 10 ans suite à l’ouverture de procédures collectives intervenues respectivement les 25 mars et 1er avril 2003.

 

Dans ce cadre, la société D avait repris les deux sociétés en redressement judiciaire, en mars 2006.

 

Pour autant en juin 2007, la société D avait procédé à la location gérance de son fonds de commerce d’étalonnage numérique et d’effets spéciaux au profit d’une autre société, la société B,

 

Les contrats de travail des salariés attachés à ces activités, en ce compris le contrat de travail de Monsieur C ont donc été transférés au sein de la société B, en application de l’article L.1224-1 du Code du Travail.

 

Les contrats étaient repris aux mêmes conditions de travail, de rémunération et d’ancienneté mais étaient désormais régis par la convention collective des entreprises techniques au service de la création et événements.

 

Or, par jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société B, mettant ainsi fin au plan de continuation établi le 2 décembre 2003 et a fixé la date de cessation des paiements au 29 novembre 2011.

 

Ce même jugement de liquidation judiciaire prévoyait cependant le maintien de l’activité pour une durée d’un mois afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

A défaut de solution de reprise, la fermeture définitive de l’établissement est intervenue le 20 décembre 2011.

 

Par courrier du 22 décembre 2011, la société D, propriétaire du fonds, a informé le mandataire liquidateur, qu’elle résiliait, à compter du 31 décembre 2011, la location gérance qu’elle avait consentie à la société.

 

Or, par courrier du 2 janvier 2012, le mandataire liquidateur de la société B, a informé Monsieur C du transfert de son contrat de travail à la société D à compter du 30 décembre 2011.

 

Pour autant, c’était également sans compter les difficultés économiques de la société D qui se retrouvant sans rentes et sans revenus locatifs issus du contrat de location gérance, et qui entend soutenir la ruine du fonds,

 

Ainsi, et par jugement du 12 janvier 2012, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société D sur résolution du plan de redressement établi le 2 décembre 2003 et fixé la date de cessation des paiements au 5 décembre 2011.

 

Il a autorisé la poursuite, pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 31 janvier 2012, de l’activité de la société afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

In fine, la cession de l’entreprise a eu lieu et par jugement du 3 février 2012, le Tribunal de Commerce à:

 

  •  ordonné la cession des actifs

 

  • ordonné, conformément aux dispositions de l’article 1224-1 du Code du Travail, le transfert de 12 contrats de travail des salariés rattachés au service de l’étalonnage numérique

 

  • autorisé le licenciement de 11 autres salariés, dont le poste occupé par Monsieur C

 

C est dans ces circonstances que le liquidateur judiciaire, a notifié le 28 février 2012 aux salariés dont Monsieur C leur licenciement pour motif économique.

 

Une grande partie des indemnités ont alors été pris en charge par les AGS.

 

Pour autant, contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, monsieur C a saisi le Conseil de Prud’hommes, pour voir déclarer illicite le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D, et ce, nonobstant le fait qu’in fine les deux entreprises ont toutes les deux fait l’objet d’une liquidation judiciaire,

 

Dès lors la question posée à la Cour d’Appel était de savoir si oui ou non, le transfert du contrat de travail était valable, ou si inverse il y avait ruine du fonds,

 

Cette validité du transfert du contrat de travail était notamment contesté par la société D, propriétaire du fonds, qui considérait que le mandataire judiciaire avait non seulement manqué à ses obligations mais avait également et surtout provoqué la ruine du fonds.

 

Il convient de rappeler que tout changement d’employeur suppose pour le salarié la rupture du contrat de travail qui le liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec la nouvelle entreprise.

 

Néanmoins, au terme de l’article L1224-1 du Code du Travail:

 

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

 

Pour qu’il y ait transfert des contrats de travail, l’entreprise doit donc passer d’une personne juridique à une autre, peu important la forme de l’opération, l’entreprise devant simplement se poursuivre sous une direction nouvelle et constituer une entité économique autonome.

 

L’entité économique transférée doit conserver son identité et poursuivre son activité, celle-ci se définissant comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

 

Ces règles s’appliquent également lorsqu’un fonds de commerce fait l’objet d’une location-gérance et lorsque, en fin de location-gérance, le fonds retourne à son propriétaire, quelle que soit le motif de la modification de la situation juridique de l’employeur dès lors que la situation visée correspondait à un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

 

La règle du transfert des contrats de travail ne porte pas atteinte au droit de licenciement dont dispose le nouvel employeur après la modification, sauf collusion frauduleuse entre les deux employeurs.

 

Ainsi, le propriétaire-bailleur du fonds est tenu de reprendre les contrats de travail alors même qu’il a été lui même mis en redressement judiciaire postérieurement à la mise en location-gérance.

 

Ce qui est d’ailleurs le cas d’espèce puisque dans cette affaire, la société D avait également été placée en liquidation judiciaire,

Sauf en cas de ruine du fonds,

 

Néanmoins, le retour du fonds dans le patrimoine de l’entreprise cédante n’est valable que s’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et si le fonds de commerce était encore exploitable, peu important que cette dernière ait ensuite cessé son activité.

 

Le seul motif de l’existence d’une procédure collective et même le prononcé de la liquidation judiciaire à l’encontre du locataire-gérant ne suffit pas à faire présumer que le bailleur ne peut pas en poursuivre l’exploitation, et il appartient aux salariés qui invoquent l’illégalité du transfert de leur contrat de travail de démontrer qu’il y a eu, à cette date, ruine du fonds,

 

Lorsque l’activité est inexploitable, ou lorsqu’il y a ruine du fonds, lors de la résiliation du contrat de location-gérance, les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du Travail ne trouvent pas à s’appliquer et le transfert chez le propriétaire du fonds des contrats de travail des salariés attachés à l’activité en cause ne peut se faire sans leur accord express préalable.

 

Monsieur C estimait que le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D à la suite de la résiliation de la location gérance était illicite au motif qu’il y avait eu ruine du fonds, qu’il n’y avait pas eu de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité aurait été poursuivie chez le repreneur.

 

Il indiquait qu’il n’y a pas eu de reprise, par la société D, de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation.

 

Ce que soutenait d’ailleurs aussi la société D,

 

Dès lors, faute de justifier d’un transfert légal du contrat de travail ou de son accord pour accepter un changement d’employeur, l’application des dispositions de l’article L1224-1 du Code du Travail est illicite.

 

De ce fait, son contrat de travail ne pouvant pas être rompu par la société D mais par la société B, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et son indemnisation doit être mise à la charge de la société B.

 

Le mandataire judiciaire de la société B quant à lui ne partage pas cet avis et considère que le transfert du contrat de travail avait eu lieu conformément aux dispositions légales.

 

Pour autant l’arrêt mérite une attention particulière quant aux raisons qui auraient empêché le transfert du contrat de travail,

 

Le salarié considérait que le transfert des contrats de travail à la suite de la résiliation d’une location gérance nécessitait le transfert des matériels indispensables à la poursuite de l’activité chez le nouvel employeur,

 

Or, selon lui, tel n’était pas le cas,

 

Les pièces versées aux débats par Monsieur C permettent de constater que, dans le cadre de la procédure de liquidation de la société B, certains matériels attachés à l’activité avaient été mis en vente à la demande du mandataire liquidateur dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, à l’instar de plusieurs machines,

 

Or, la particularité de cette argumentation était de considérer que non seulement il y avait ruine du fonds mais que surtout que celle-ci avait été générée par les diligences propres du mandataire liquidateur dans le cadre des opérations de réalisation des actifs propres à toute liquidation judiciaire.

 

Cette argumentation est retenue par la juridiction du deuxième degré,

 

En effet, la Cour d’Appel de Versailles relève à juste titre que le mandataire liquidateur a participé à la ruine du fonds et c’est en cela que la jurisprudence est intéressante.

 

En effet, non seulement il est clairement acquis que la ruine du fonds est caractérisée mais surtout qu’in fine, c’est le mandataire liquidateur qui en est à l’origine et qui expose par là même sa responsabilité.

 

La Cour retient que si, comme le souligne le mandataire liquidateur, le jugement du tribunal de commerce du 12 janvier 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société D a autorisé la poursuite d’activité jusqu’au 31 janvier 2012, cela ne signifie pas qu’elle ait été réellement poursuivie, les éléments précédemment rappelés démontrant le contraire.

 

D’ailleurs, le jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal de Commerce de Nanterre, autorisant la cession des actifs de la société D à une société tierce, ne fait pas mention du rachat des matériels spécifiquement liés à l’activité en question, la reprise d’éléments corporels et incorporels pour 90.000,00 euros apparaissant liée à l’activité étalonnage pour laquelle 8 salariés étaient repris.

 

Alors que la proposition de reprise de la société tierce pour l’activité étalonnage mentionne l’existence d’une annexe comportant une liste des actifs repris, établie par un commissaire priseur.

 

Or non seulement le mandataire liquidateur ne verse pas au débat ce document.

 

Mais surtout il ne saurait nier que les moyens corporels et/ou incorporels nécessaires à la poursuite de l’exploitation de l’activité en question, n’ont pas été transférés à la société D.

 

Et pour cause, c’est lui qui, en qualité de mandataire liquidateur de la société B a procédé à la réalisation des actifs mobiliers en saisissant le juge commissaire à cette fin et en faisant désigner un huissier de justice ou un commissaire priseur afin de procéder à la vente aux enchères publiques de l’ensemble des actifs,

 

C’est encore sans compter les diligences propres au mandataire liquidateur consistant à résilier l’ensemble des contrats de location, ce qui freine

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation d’une location gérance, il importe surtout que le transfert du matériel indispensable à la poursuite de l’activité du nouvel employeur soit effectué.

 

Cette jurisprudence est très claire.

 

Dans la mesure où le mandataire liquidateur a procédé à la vente des actifs, non seulement, le transfert du fonds n’est pas caractérisé clairement mais surtout tout laisse à penser que le fonds est en ruine et ce de par le fait du mandataire liquidateur.

 

Toutefois, une problématique se pose, car s’il y a tout lieu d’imaginer que le transfert du fonds n’a pas été réalisé convenablement ce serait au mandataire liquidateur de prouver qu’il a fourni l’ensemble des actifs et éléments attachés au fonds de commerce,

 

Or, dans le cas d’espèce, il ne fournit aucun inventaire ni aucun justificatif,

 

Dès lors, tout laisserait à penser que la ruine du fonds est caractérisée,

 

Pour autant, c’est au propriétaire du fonds de commerce ruiné de rapporter la preuve de cette ruine.

 

Il est bien évident que cela constitue une véritable difficulté sur le terrain probatoire car si le mandataire judiciaire se refuse à communiquer les éléments de transfert, le bailleur ruiné sera d’autant plus en peine de démontrer que la ruine est caractérisée.

 

Pour autant, immanquablement cette jurisprudence est intéressante et salutaire car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation du contrat de location gérance, il importe surtout que le transfert de l’ensemble des éléments corporels et incorporels indispensables à la poursuite de l’activité du bailleur soit correctement effectué sans quoi la ruine du fonds est non seulement caractérisée mais semble incontestablement causée par le mandataire liquidateur.

 

A ce que ce dernier engage sa responsabilité personnelle et professionnelle, il n’y a à mon sens qu’un pas à franchir que le bailleur ou le salarié ne doit pas écarter et que la jurisprudence ne manquera pas de développer.