Dans quelles conditions le juge peut permettre au créancier personnel, dont la créance est née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un bien de son débiteur, de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien ? Le débiteur peut il se défendre si le juge ne reprends pas les conditions légales ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui vient aborder l’inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité au créancier lorsque ce dernier envisage de reprendre les poursuites à l’encontre du débiteur.

La Cour de Cassation rappelle que le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéfice malgré tout, indépendamment de ses droits dans la procédure collective procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance.

Revenons d’abord sur les faits,

Dans cette affaire et par un acte notarié du 30 décembre 2010, Monsieur Y, le débiteur, a déclaré sa résidence principale insaisissable, avant d’être mis en liquidation judiciaire le 9 décembre 2011.

La banque qui avait consenti au débiteur un prêt pour en faire l’acquisition, l’a assigné aux fins de voir juger que, détenant une créance antérieure à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elle était en droit de poursuivre le recouvrement de cette créance seulement sur l’immeuble insaisissable et que l’arrêt à intervenir vaudrait titre exécutoire contre le débiteur, mais seulement aux fins de sûretés ou voies d’exécution sur cet immeuble, ou tout bien subrogé.

La Cour d’Appel avait cru bon débouter la banque alors que celle-ci se considérait bien fondée au motif pris qu’elle détenait contre Monsieur Y une créance née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble de ce dernier, qu’elle était en droit de poursuivre le recouvrement de sa créance sur ledit immeuble et que la décision vaudrait titre exécutoire.

A cette fin, la banque produit le contrat de prêt en date du 24 novembre 2009, la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble constituant la résidence principale de Monsieur Y en date du 30 décembre 2010.

La banque soutient que ses droits n’étaient pas nés postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité à l’occasion de l’activité professionnelle de Monsieur Y.

Qu’en conséquence et en application de l’article L. 526-11 du Code de Commerce, la déclaration d’insaisissabilité lui était inopposable.

Le mandataire liquidateur avait, quant à lui, informé la banque par lettre du 9 avril 2014 que la liquidation judiciaire de Monsieur Y avait été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 29 janvier 2014.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 643-11 du Code de Commerce, « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ».

Il est cependant vrai que ce texte prévoit diverses exceptions permettant aux créanciers de recouvrer le droit de poursuite individuelle qu’ils ne pouvaient cependant exercer sans avoir obtenu de titre exécutoire ;

De telle sorte que si leur créance avait été admise, ils pouvaient obtenir un titre exécutoire par le président du Tribunal de Commerce ou, s’ils en détenaient un de faire constater qu’ils remplissaient les conditions prévues par le texte.

Cependant que si leur créance n’avait pas été vérifiée, ils devaient mettre en œuvre leur droit de poursuite dans les conditions de droit commun ;

Ce même texte prévoit qu’en cas de fraude à l’égard d’un ou plusieurs créanciers, le Tribunal de Commerce autorise la reprise des poursuites individuelles lors de la clôture de la procédure ou postérieurement, à la demande de tout intéressé, selon la procédure qu’il prévoit .

Devant la Cour d’Appel, la banque n’invoquait aucune exception et ne fondait pas ses demandes sur les dispositions de ce texte.

Pour autant, le raisonnement juridique est abordé devant la Cour de cassation.

La Haute juridiction retient ainsi que si la créance avait été déclarée mais non admise, les créances n’ayant pas été vérifiées, il appartenait alors au juge de prononcer la condamnation à l’encontre du débiteur et de juger que sa décision valait titre exécutoire.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle que le créancier dont la créance est née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un bien de son débiteur, ne peut se voir opposer cette déclaration et a donc le droit de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien, nonobstant l’éventuelle ouverture ultérieure d’une liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur.

Pour autant, cela mérite quand même des vérifications d’usage car les contestations demeurent si le juge ne prononce pas de condamnation à l’encontre du débiteur,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

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