Reddition des comptes et responsabilité pour insuffisance d’actif

Un mandataire liquidateur peut-il engager une action en reddition des comptes contre le gérant d’une entreprise en liquidation judiciaire alors que le délai de 3 ans pour engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif est dépassé ?

Article :

Il convient de s’interresser à un arrêt rendu en novembre dernier qui vient aborder la question spécifique du choix du mandataire judiciaire entre l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et l’action en reddition des comptes telle que prévue par l’article 1993 du Code Civil.

Dans cette affaire la société A avait été placée en liquidation judiciaire le 11 juin 2009 et Maître X avait été désigné en qualité de liquidateur.

Ce dernier a, le 28 septembre 2012, (soit postérieurement au 3 ans requis pour engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif) et sur le fondement de l’obligation de reddition des comptes du mandataire social, assigné son gérant, Monsieur Y en paiement de la somme de 14 200 euros,

Dite somme pour lequel le mandataire liquidateur précisait que le gérant reconnaissait lui même avoir détourné au préjudice de la société.

La question qui se posait était de savoir si le mandataire judiciaire pouvait engager une action passé le délai de 3 ans en reddition des comptes alors qu’il ne pouvait plus faire une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Il convient de rappeler lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître, comme en l’espèce, une insuffisance d’actif, les dispositions de l’article L. 651-2 du Code de Commerce prévoient que :

« le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. »

Dans cette affaire la liquidation judiciaire avait été prononcée le 11 juin 2009 de telle sorte que l’action en comblement de passif était prescrite à partir du 12 juin 2012.

L’action en cause était lancée le 28 septembre 2012,

Dès lors la problématique de la faute de gestion interressait le gérant qui entendait considérer que cette nouvelle action en reddition des comptes, au visa de l’article 1993 du Code Civil, était prescrite.

En effet, le gérant considérait que le mandataire judiciaire détournait l’action en reddition des comptes pour pouvoir rendre possible une action qui ne visait qu’à venir combler l’insuffisance d’actif de la procédure collective au titre de fautes de gestion.

Pour autant la Cour de Cassation fait la part des choses,

Elle considère que l’action en reddition de comptes prévue par l’article 1993 du Code Civil n’a pas le même objet que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L. 651-2 du Code de Commerce de telle sorte que le mandataire judiciaire est parfaitement fondé à engager une action à cette fin.

La Cour considère que le mandataire liquidateur, sans faire référence à une insuffisance d’actif, ne réclamait que le remboursement d’une somme payée par un client de la société, que le dirigeant de celle-ci avait conservée entre ses mains de telle sorte qu’il y avait bel et bien un axe de responsabilité, en reddition des comptes, au visa de l’article 1993 du Code Civil.

Cette jurisprudence est interressante puisqu’elle met en exergue le fait que le mandataire judiciaire peut cumuler les actions,

D’une part, l’action en responsabilité contre le gérant pour insuffisance d’actif au titre des fautes de gestion antérieures à l’ouverture de la procédure collective,

D’autre part, l’action en reddition des comptes au titre de fautes de gestion postérieures à l’ouverture de la procédure collective,

Il appartient donc au chef d’entreprise de s’organiser pour défendre ses intérets et être attentif à ses actes de gestion tant antérieurs que postérieurs à l’ouverture pour ne pas engager sa responsabilité personnelle tout au long des deux périodes en question.

Fort heureusement d’ailleurs, meme dans le cadre d’une action en reddition des comptes, les moyens de défense du gérant sont nombreux,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Débiteur principal, débiteur décédé, caution, recours de la caution,

Quel est droit de la caution de se retourner contre le débiteur principal, lorsque celui-ci est malheureusement décédé ? Analyse d’une jurisprudence lorsque la caution décide de se retourner contre les héritiers de son débiteur principal décédé,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en septembre 2018 qui vient aborder la problématique spécifique du sort de la caution lorsque le débiteur principal est décédé.

Par acte sous seing privé en date du 29 juin 2011, Monsieur C s’était porté caution de Madame P dans le cadre d’un contrat de location qui lui avait été consenti le 1er juin 2011 par Monsieur D propriétaire.

Madame T avait été défaillante dans un premier temps puis est malheureusement décédée.

C’est dans ces circonstances que par jugement en date du 30 décembre 2013, Monsieur C avait été condamné solidairement avec Madame P à payer au bailleur les sommes de :

Or le jugement faisait bien état que Madame P, débiteur principal, était décédée en décembre 2012.

Le bailleur s’est donc retourné contre la caution sans se préoccuper du sort des éventuels héritiers du débiteur principal,

La caution a fait face à ses engagements et s’est retrouvée à désintéresser complètement le bailleur.

S’est alors posée la question de se retourner contre les parents du débiteur principal afin que ces derniers supportent les obligations de leur fille.

Monsieur C a fait assigner les parents du débiteur principal devant le Tribunal d’Instance et par jugement en date du 15 décembre 2016, ils ont été condamnés solidairement à payer à Monsieur C l’ensemble des sommes réglées.

Les parents du débiteur principal ont frappé d’appel la décision et ont sollicité la réformation du jugement déféré en demandant à la Cour d’Appel de déclarer inopposable le 1er jugement du 30 décembre 2013 au motif que Madame P était décédée en cours de procédure sans que ces derniers ne soient assignés en intervention forcée.

Ils considéraient que dans la mesure où Monsieur C, ancien compagnon de Madame P avait été parfaitement informé du décès de cette dernière, il aurait dû en informer la juridiction et son bailleur.

Il est assez spécieux qu’ils viennent reprocher à la caution de ne pas avoir informé le tribunal et le bailleur du triste sort du débiteur principal, afin de les faire appeler en cause en qualité d’héritiers.

Pour autant cette argumentation ne saurait prospérer.

Sur le terrain factuel, Monsieur C avait quitté Madame P bien avant son décès et celle-ci occupait seule le bien.

Elle était donc bel et bien le débiteur principal,

Il est particulièrement curieux de constater que les parents du débiteur principal considéraient que n’ayant pas été assignés en intervention forcée lors de la première procédure, le jugement ne pouvait qu’être déclaré inopposable à leur encontre et donc Monsieur C ne pouvait les poursuivre.

Pour autant la Cour d’Appel ne s’y trompe pas,

Elle considère que c’est à bon droit, au visa de l’article 2309 du Code Civil, que le premier juge a rappelé que la caution qui a fait l’objet d’un jugement de condamnation pour la somme totale de 9 990 euros est fondée à se retourner contre le débiteur principal en l’espèce ses héritiers et que ces derniers ne sont pas fondés à solliciter l’inopposabilité du jugement du 30 décembre 2013.

Ainsi le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

Cet arrêt est intéressant car il explique bien lorsque le débiteur principal est décédé, la caution a le droit de se retourner contre ses héritiers.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Vente en viager, incendie et liquidation judiciaire

Cas d’école d’une vente en viager, lorsque le crédirentier engage une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Parcours procédural semé d’embuches, surtout lorsque le bien immobilier a subi un incendie et que le débirentier se retrouve en liquidation judiciaire.

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Caen en ce début d’année 2018 qui vient aborder la problématique d’une vente en viager dans laquelle le credirentier a engagé une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire alors même que le bien avait fait l’objet d’un incendie et que le débiteur était en liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, par acte authentique du 8 février 2012, Monsieur H né en 1950 célibataire et sans enfant propriétaire de son bien avait cédé, par le biais d’une vente en viager, à Monsieur P un ensemble immobilier comprenant une maison d’habitation, dépendances et jardin sous forme viagère, le vendeur se réservant la jouissance de l’usufruit sa vie durant et l’acquéreur devant s’acquitter d’une rente annuelle de 12 640,81 euros sans qu’il soit prévu une somme immédiatement exigible et plus connue sous le nom de « bouquet ».

Seule la rente annuelle était due.

A la suite d’un signalement auprès du Procureur de la République faisant état d’abus de faiblesse sur la personne du vendeur, le Juge des tutelles a été saisi aux fins d’ouverture d’une mesure de protection à l’égard de Monsieur H.

Par jugement en date du 28 avril 2014, le Juge des tutelles de Caen a placé Monsieur H sous curatelle renforcée désignant une association tutélaire en qualité de curateur.

L’association s’est aperçue que Monsieur P n’effectuait aucun versement postérieurement à celui effectué à la signature de l’acte qui devait correspondre de prime abord à la première annuité.

Pour cette dernière, il y avait matière à remettre en question cette vente en viager,

C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le 29 décembre 2015 à Monsieur P débirentier lui enjoignant de payer dans le délai d’un mois la somme de 17 882,57 euros au titre de la rente viagère, de remettre en état les dépendances et les meubles qui avaient été détruits entre temps par un incendie.

Par acte d’huissier en date du 8 mars 2016, l’association a fait assigner Monsieur P devant le Tribunal d’Instance pour :

Un premier jugement a été rendu le 27 juin 2016 assorti de l’exécution provisoire,

Cependant ce n’était pas la la seule procédure,

En effet, par jugement du 8 juillet 2016, le Tribunal de Grande Instance de Caen a prononcé la résolution du plan d’apurement du passif de Monsieur P et une procédure de liquidation judiciaire en fixant la date de cessation des paiements au 10 mars 2016.

Le mandataire liquidateur qui a été désigné a immédiatement fait appel du jugement querellé concernant cette problématique de vente en viager.

Or, par la suite, la procédure collective a évolué puisque par ordonnance de référé du 7 février 2017, le Premier Président de la Cour d’Appel a suspendu l’exécution provisoire attachée au jugement du 27 juin 2016.

Par arrêt du 27 avril 2017, la Cour d’Appel de Caen a infirmé le jugement du 8 juillet 2016 et dit « n’y avoir lieu à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de Monsieur P. »

Or, dans cette affaire, concernant la remise en question de la vente en viager, la problématique tournait autour de 3 axes.

Premièrement, l’appel du mandataire liquidateur était-il recevable puisque c’est lui qui avait engagé l’appel et non pas Monsieur B ?

Deuxièment, la clause résolutoire de cette vente en viager était elle acquise ?

Troisiemement, y avait-il matière à ordonner la remise en état ?

Concernant l’appel de la liquidation judiciaire, il importe de préciser que concernant la régularité de la procédure, la Cour d’Appel relève qu’il est constant que Monsieur P n’était pas encore placé en liquidation judiciaire lorsque le jugement du 27 juin 2016 a été rendu mais lorsque l’appel a été interjeté le 19 aout 2016, Monsieur P était alors bel et bien en liquidation judiciaire.

Seul le liquidateur pouvait effectivement régulariser l’appel.

Il convient de rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, le débiteur est en effet déssaisi par la décision prononçant la liquidation judiciaire de telle sorte que c’est le liquidateur qui exerce tous les droits et actions concernant son patrimoine durant toute la durée de la procédure.

Il en va de même concernant les problématiques liées à une vente en viager,

Dans le cadre de cette procédure, concernant la question de l’acquisition de la clause résolutoire, Monsieur P s’est d’abord contenté d’affirmer qu’il rencontrait des difficultés économiques et avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à un plan d’apurement du passif et que de difficultés complémentaires l’avaient empêché de faire face aux annuités du plan mais également au versement de la rente annuelle.

Monsieur P précisait que la réformation du jugement l’ayant placé en liquidation judiciaire lui permettrait d’apurer sa dette envers Monsieur H et il s’estimait être débiteur malheureux et de bonne foi.

Il ajoutait avoir toujours eu l’intention de remettre les lieux en l’état.

Il n’en demeure pas moins que la Cour d’Appel a une approche particulièrement sévère,

Dans un premier temps elle souligne qu’il résulte des pièces produites que la rente viagère à la charge de Monsieur P n’a plus été payée depuis le mois d’août 2014 alors même que ce paiement constitue l’obligation principale de l’appelant.

Puis, elle souligne que le délai imparti par le commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au contrat qui avait été délivré le 29 décembre 2015 était largement expiré lorsque Monsieur H a saisi le Tribunal de Grande Instance en demande de résolution de la vente.

Dès lors, pour la Cour, il convenait d’appliquer la clause qui précisait « qu’à défaut de paiement à son exacte échéance, d’un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera de plein droit et sans mise à demeure préalable, purement et simplement résolue sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause.

Dans ce cas toutes les sommes perçues par le vendeur (bouquets et les arrérages de rente) seront de plein droit définitivement acquises au crédirentier sans recours ni répétition de la part de l’acquéreur défaillant à titre de dommages intérêts et d’indemnités forfaitairement fixés. »

Enfin, concernant la problématique relative à l’incendie, la Cour retient qu’il est établi et incontesté que les lieux objets de la vente ont été sinistrés par un incendie qui a endommagé gravement le garage, l’ancienne charretterie, les écuries ce qui a valu à Monsieur P de recevoir de son assureur une indemnisation substantielle de près de 147 000 euros qu’il a toutefois omis de consacrer à la remise en état qui s’imposait, malgré la sommation délivrée le 27 décembre 2015.

La Cour d’Appel ne répond pas vraiment sur la problématique de l’incendie puisqu’elle ne fait que trancher la difficulté relative au fait que la vente en viager aurait été litigieuse au motif pris de l’absence totale de bouquet qui découlerait d’un état de vulnérabilité.

Dès lors, s’il y avait bel et bien vulnérabilité il y avait donc vice du consentement et dans ce cas, il fallait plutôt que de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente en viager envisager sa nullité.

A mon sens, cela aurait été plus efficace.

Cette décision mérite malgré tout réflexion car la problématique de l’injonction de remise en état des dépendances n’est absolument pas abordée par la Cour,

En effet, celle-ci ne fait que reprendre les faits sans réellement réflechir à l’impact que cela pourrait avoir sur la nullité ou la résolution de cette vente en viager et savoir si oui ou non cela devait finalement peser sur les épaules du crédirentier ou du débirentier.

Enfin, c’est omettre l’impact de la procédure collective qui a malgré tout un sens,

En effet, la question se pose malgré tout de savoir si en l’état de la liquidation judiciaire, la demande en résolution du contrat se heurterait pas valablement aux effets automatiques de ladite liquidation.

En effet, dans la mesure où il y a l’ouverture d’une liquidation judiciaire pour lequel est attaché le principe d’interdiction des poursuites, cela devrait mettre suffisamment à mal l’idée même d’une demande de constatation de résolution du contrat par application d’une clause résolutoire.

Une jurisprudence dominante considère qu’à partir du moment où la clause a produit ses effets avant le jugement d’ouverture, il est possible pour le Juge de constater la résolution de plein droit nonobstant l’ouverture de la procédure collective.

Sauf que dans l’hypothèse où appel a été interjeté la décision n’est pas définitive et par voie de conséquences, la Cour d’Appel n’aurait plus rien à constater.

Il importe d’ailleurs de préciser que cette solution a déjà été appliquée dans le cadre quasi identique d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de vente en viager.

En effet, bon nombre de juridictions considèrent que le jeu de la clause résolutoire doit être écarté tant que la résolution n’a pas été constatée par une décision de justice à la date d’ouverture de la procédure collective.

La Cour de Cassation a consacré plusieurs fois cette thèse notamment par un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 18 septembre 2012.

De prime abord, dans notre affaire, cela ne serait pas possible car la créance est apparue alors que Monsieur P était déjà en plan de redressement,

Bien plus, s’il est vrai que la liquidation judiciaire a été prononcée, celle-ci a très rapidement fait l’objet d’une rétractation par la Cour de telle sorte que l’arrêt des poursuites individuelles lié à l’ouverture de la procédure collective n’aurait de toute façon plus de sens.

Pour autant, cette jurisprudence étudiée est interressante puisqu’elle vient aborder cette  problématique spécifique quant à la question de l’acquisition de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective nonobstant le fait que la décision ne serait pas définitive.

Cela permettait à Monsieur P de garder la propriété du bien,

Cette solution serait également rassurante pour les créanciers car il est bien évident que si Monsieur P, qui est en plan de redressement, se heurte à des difficultés de paiement et ne peux plus tenir son plan, il sera alors placé en liquidation judiciaire et l’actif ne serait alors plus garanti.

Vente en viager, ou pas.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Péremption d’instance et médiation font-ils bon ménage ?

Qu’en est il de l’articulation entre mode amiable du règlement d’un litige et la procédure judiciaire ? L’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, vaut elle renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation, Chambre Sociale,  en mai 2018, qui aborde la question de la péremption d’instance, laquelle jurisprudence fait l’objet d‘un commentaire en vue d’être transposé en droit de la saisie immobilière et en droit des voies d’exécution,

La question était de savoir si l’acceptation d’une médiation, pouvait emporter la renonciation à soulever la péremption d’instance.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation considère que l’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, ne vaut pas renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance.

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante que certains prêts bancaires prévoient des recours préalables à des phases de médiation ou de conciliation,

En l’espèce, M. X… a été engagé à compter du 12 octobre 1987, en qualité de chef opérateur du son, selon contrats de travail à durée déterminée successifs d’usage, par la société FT.

A compter du 26 février 2006, la société ne lui ayant plus fourni de travail, il a saisi la juridiction prud’homale ;

La cour d’appel, statuant sur l’appel d’un premier jugement du conseil de prud’hommes ayant requalifié en contrat à durée indéterminée à temps partiel les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre les parties, a, par ordonnance du 10 mai 2010, ordonné la radiation du rôle de l’affaire et prescrit des diligences à la charge des parties à peine de péremption ; qu’après que le conseil de prud’hommes, dans un second jugement, a condamné la société à payer des rappels de salaire au salarié,

Or, le salarié a interjeté appel de ce jugement alors que la société formait quant à elle un appel incident, et a sollicité le rétablissement de l’affaire radiée ainsi que la jonction des deux instances pendantes devant la cour d’appel.

Une médiation a été ordonnée par la cour d’appel avec l’accord des deux parties.

Après l’échec de la médiation, par arrêt du 16 juin 2016, la cour d’appel a, notamment, rejeté le moyen soulevé par le salarié tiré de la péremption d’instance.

En effet la Cour a rejeté l’exception tirée de la péremption d’instance soulevée par le salarié,

Puis, sur le fond, la Cour a décidé que la rupture de la relation de travail était intervenue le 26 février 2006 et qu’elle s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et débouter l’intéressé de ses demandes,

Pour motiver sa décision, la Cour d’appel retient deux arguments,

D’une part, qu’une médiation avait été ordonnée par la cour avec l’accord des deux parties, ce dont il se déduisait que la procédure d’appel se poursuivait,

Et, d’autre part, que l’instance opposant les deux parties étant toujours en cours, du fait de l’appel frappant le jugement du 7 mars 2014,

De telle sorte qu’il était loisible aux parties, en vertu du principe de l’unicité de l’instance, de soumettre à la Cour toutes les demandes liées au même contrat de travail.

A bien y comprendre il n’y aurait pas de péremption d’instance,

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne partage pas cet avis,

La Haute Juridiction considère et précise que le point de départ de la péremption d’instance s’établit à la date de l’ordonnance de radiation, soit le 10 mai 2010,

De telle sorte que la péremption d’instance était acquise au 10 mai 2012,

Dès lors, le premier jugement avait acquis l’autorité de la chose jugée à la même date, ce dont il résultait que le principe d’unicité de l’instance prud’homale était sans effet à cet égard, la cour d’appel a ainsi violé les textes susvisés .

Cette décision est intéressante puisqu’elle vient aborder la problématique de cette articulation sensible entre mode amiable du règlement du litige et procédure judiciaire.

La Cour de cassation considère donc que le principe de la péremption d’instance peut être soulevé à tout moment par celui qui souhaite s’en prévaloir.

Il convient de préciser que l’article 388 du Code de Procédure Civile dispose en son premier alinéa que « La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. »

Tout laisse à penser que la péremption d’instance devient une véritable mesure d’ordre plus que la prise en compte de la volonté des parties d’abandonner l’instance.

Immanquablement, la péremption d’instance est un moyen de sanction quant à l’inertie d’une des parties dans le cadre de la procédure étant précisé que le Code de Procédure Civile prévoit, notamment depuis le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 que le Juge peut la soulever d’office.

Dès lors la question est de savoir si la péremption d’instance ne devient pas tantôt une mesure d’ordre tantôt une sanction visant à purger et à limiter autant que faire ce peut le contentieux.

Cela est d’autant plus remarquable que les délais d’audiencement devant la Cour d’Appel sont longs, voire très longs,

Cette jurisprudence met bien en exergue le fait que si les textes et la philosophie actuelle est de privilégier la médiation, il n’en demeure pas moins que la phase contentieuse doit rester une priorité.

En effet, dans l’hypothèse où aucun accord ne pourrait être trouvé, seule la phase contentieuse permettrait de régler le problème et permettrait au Juge de s’exprimer sous réserves que ce dernier ne soulève pas la péremption d’instance au motif pris que la procédure aurait durée trop longtemps.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Responsabilité du gérant et liquidation judiciaire après une conciliation

Un mandataire liquidateur, qui avait été préalabalment désigné conciliateur afin de sauver l’entreprise, est il en droit d’engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs alors que l’article L812-8 du Code du commerce prévoit une incompatibilité sur ce point ? le mandataire liqudiateur peut il reprocher au gérant des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective ?

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu en novembre qui vient aborder la spécificité de la faute du gérant pour laquelle le mandataire ne manque pas de le poursuivre en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Il convient de savoir si la responsabilité du gérant peut être exposée pour des fautes commises postérieurement au jugement d’ouverture ou pour des fautes antérieures.

La société S était dirigée par Madame X.

Celle-ci avait bénéficié d’une procédure de conciliation et Maître Y mandataire judiciaire avait été désigné en qualité de conciliateur.

Le 8 octobre 2007, la société S avait été placée en redressement judiciaire, Maître Y étant désigné comme mandataire judiciaire et le 5 février 2008, la société S avait été placée en liquidation judiciaire, Maitre Y étant désigné liquidateur.

C’est dans ces circonstances que ce dernier, alors qu’il n’avait eu de cesse d’accompagner Madame X a décidé de l’assigner aux fins d’engager sa responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Or, dans cette affaire, Madame X a été condamnée sur la base de fautes de gestion postérieures à l’ouverture de la procédure collective.

Ce qui n’est pas commun,

Pour autant, la question demeure, est ce valable et juridiquement possible ?

La Cour de Cassation n’a pas manqué de casser l’arrêt et de rappeler la mécanique spécifique de la faute de gestion en droit de l’entreprise en difficulté.

La responsabilité du gérant ne peut être caractérisée de la sorte,

La Cour d’Appel d’Aix en Provence qui a été sanctionnée par la Haute juridiction considérait que la gérante n’avait pas déposé de déclaration de résultat pour la période de 2007 à 2008,

Que par ailleurs, la Cour d’appel considérait également que la responsabilité du gérant découlait d’une absence totale d’arrété de chantier sur plusieurs chantiers qui avaient été purement et simplement abandonnée par la gérante, et ce, après l’ouverture de la procédure collective.

Ces éléments sont générateurs de fautes de gestion,

Mais dans le cadre du droit de l’entreprise en difficulté, la responsabilité du gérant ne pouvait être abordée que sur la base de fautes de gestion antérieures.

Il est vrai que l’article L. 651-2 du Code de Commerce qui aborde la problématique de la faute de gestion ne précise pas la période de ladite faute de telle sorte qu’on ne saurait savoir si le mandataire judiciaire pourrait venir reprocher une faute de gestion qu’elle soit antérieure ou postérieure.

Pour autant,  il convient de rappeler la philosophie du droit de l’entreprise en difficulté et notamment la rigueur des textes antérieurs qui ont clairement rappelés que, sous le régime ancien, seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement de l’ouverture de la procédure collective était génératrice de responsabilité du gérant en cas de fautes.

Il convient de préciser que le débiteur n’avait pas manqué de contester l’initiative du mandataire liquidateur qui souhaiter engager la responsabilité du gérant.

En effet, le débiteur était parfaitement fondé à venir rappeler que Maître Y avait été désigné en qualité de conciliateur et l’avait assisté pour faire face à ses difficultés économiques,

Dès lors, il était particulièrement spécieux de venir par la suite lui reprocher des fautes qu’il avait pu appréhender dans un rapport de confiance absolue.

Il convient de rappeler que Maître Y désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du président du Tribunal de Commerce en date du 22 décembre 2006, avait été, par la suite, désigné en qualité de mandataire judiciaire par jugement du même tribunal en date du 8 octobre 2007 soit moins d’un an avant la fin de sa mission de conciliateur, en méconnaissance des dispositions de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Il est vrai que l’incompatibilité édictée par l’article L 812-8 du Code de Commerce n’est pas une incompatibilité absolue puisqu’elle n’impose que l’écoulement d’un délai d’un an entre l’exercice des fonctions de conciliateur et celles de mandataire judiciaire lorsqu’il s’agit de la même entreprise.

La Cour de Cassation considère qu’elle n’est assortie d’aucune sanction légale et n’entraîne donc pas ipso facto la nullité de la désignation du mandataire et des actes accomplis par ce dernier dans l’exercice de sa mission.

Il ne serait donc pas possible de solliciter la nullité de l’action en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actif sur cette base,

Le conciliateur pourrait donc être désigné mandataire judiciaire en parfaite violation de la loi et la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas de sanctions suffisantes pour l’en empêcher.

La Cour de Cassation est assez sévere tout comme le mandataire puisque ces derniers viennent exciper qu’il appartient au dirigeant de rapporter la preuve que les éléments de fait articulés par Maître Y à l’appui de son action en comblement du passif, ont pu être recueillis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de mandataire judiciaire puis de liquidateur, e

Or, Pour la Haute juridiction, il n’est pas démontré ni même allégué par Madame X  que la présentation de ces griefs aurait été permise ou facilitée par l’exercice antérieur d’un mandat de conciliateur .

A mon sens, c’est inverser la charge de la preuve et violer l’esprit de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Par ailleurs, le mandataire judiciiare ne manque pas d’imagination et vient retenir entre 5 et 6 fautes à l’encontre du dirigeant.

Le liquidateur reproche tout d’abord à Mme X  d’avoir omis d’effectuer la déclaration de cessation de la société dans le délai légal et d’avoir poursuivi, au cours de l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, une activité déficitaire à l’origine de l’aggravation du passif.

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis puisque la H aute juridiction considère que cette situation d’endettement est insuffisante à caractériser un état de cessation des paiements en l’absence d’éléments d’information sur les éventuels moratoires consentis par les créanciers et sur les actifs disponibles et sur les concours financiers dont disposait la société à cette date.

Ceci d’autant plus que la gérante avait pris soin de mettre des moratoires en place,

Bien plus, elle n’avait pas manqué de solliciter la désignation d’un conciliateur qui avait rendu son premier rapport en mai 2007 dans lequel il  concluait à la possibilité de parvenir à un moratoire sur trois ans.

Cette réponse de la Cour de cassation permet mieux d’appréhender l’incompatbilité de L 812-8 du Code de Commerce puisqu’on peut quand même trouver curieux de voir le conciliateur en 2007 préciser qu’il est favorable à un moratoire sur trois ans, puis de changer son fusil d’épaule en liquidation judiciaire et venir engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs au motif qu’il n’était pas en mesure de faire face à son passif.

Maître Y reproche en second lieu à Mme X, le défaut de tenue d’une comptabilité régulière  car aucun bilan ni compte de résultat relatif à l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 n’ont été, selon lui, établis ou remis par le gérant,

La Cour de Cassation considère que l’entreprise faisait un chiffre d’affaires de plus de 2 000 000 euros avec près de 13 salariés, de telle sorte que l’absence de comptabilité fiable privait le dirigeant et le mandataire d’un outil de gestion indispensable et des éléments nécessaires à l’appréciation de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation.

Ceci constituant une absence de visibilité ayant contribué à la création d’un passif complémentaire.

Le mandataire vient encore reprocher à Mme X  une défaillance dans le suivi de la bonne marche de l’entreprise et indique que le listing établi par le cabinet d’expertise comptable F désigné à cette fin par le juge commissaire révèle un nombre important de clients douteux et de litiges ou procès en cours.

Concernant les chantiers de l’entreprise, l’existence de malfaçons, inachèvements, non conformités, sont soulevés par différents clients qui entendent s’opposer au paiement des soldes réclamés par le liquidateur.

Comme le retient la Cour de Cassation, plusieurs chantiers ont été abandonnés après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire sans qu’aucun arrêté de chantier ne soit dressé,

Cette absence de rigueur dans le suivi de l’exécution des travaux et l’absence de diligences nécessaires à leur mise en paiement est à l’origine de l’impossibilité pour l’entreprise de recouvrer une partie de ses créances et a contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire.

Qu’il est enfin reproché à Mme X  un usage des biens et du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, des frais de voyage et de réception engagés pour un montant de 20.585 €,alors même que Mme X  n’est pas en mesure de s’expliquer sur le rapport entre l’engagement de ces frais et l’objet social de sa société.

Enfin, Madame X n’a pas manqué de souscrire en 2004 et 2005 des contrats de crédit bail pour trois véhicules de direction Mercedes Classe C dont deux véhicules coupé sport, attribués à Mme X… et à son associé, en plus du financement des différents véhicules alors que l’entreprise rencontrait des difficulté.

S’il est vrai que les fautes de gestion sont multiples,il appartient à la Cour de Cassation de faire la part des choses pour caractériser la responsabilité du gérant,

Elle rappelle que lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif sont retenues, chacune d’elles doit être légalement justifiée; que seules des fautes de gestion commises antérieurement à l’ouverture de la procédure collective peuvent être imputées au dirigeant poursuivi en comblement de l’insuffisance de l’actif.

Tel est donc l’apport de cet arrêt qui vient mettre en exergue deux points.

Premierement au titre des fautes de gestion, les juges du fond ne peuvent pas prendre en considération des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective et deuxiemement l’arrêt vient s’interroger sur la compatibilité de la désignation d’un mandataire judiciaire alors qu’il était précedement désigné en qualité de conciliateur.

Il est regrettable que la Cour de Cassation considère que l’incompatibilité édictée par loi n’est pas génératrice de sanctions en tant que telle ce qui permet au mandataire liquidateur de faire ce que bon lui semble et notamment d’engager la responsabilité du gérant.

Que pour autant, sur cette problématique particulière, il n’ échappera pas au lecteur attentif que si sous sa casquette de conciliateur celui-ci semble croire à un sauvetage de l’entreprise avec un moratoire sur trois ans, il change complétement son fusil d’épaule lorsqu’il devient mandataire liquidateur en venant chercher la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Fort heureusement, le gérant a bon nombre de moyens de droit et de fait à sa disposition pour contrer les prétentions du mandataire liquidateur,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’avocat du créancier, le débiteur et la saisie immobilière

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le rôle de l’avocat en saisie immobilière

Le débiteur peut il contester l’intervention et le mandat de l’avocat du créancier qui s’est subrogé aux droits du créancier saisissant ? Peut-il reprocher à l’avocat du créancier un manquement à une quelconque obligation de conseil ? Qu’en est il de l’avocat du débiteur ?

Article :

Il convient de s’interresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Lyon en ce mois d’août 2018 qui vient aborder, en toile de fond, le rôle de l’avocat en droit de la saisie immobilière tant celui-ci intervient à tous les stades de la procédure, qu’il soit avocat du débiteur, avocat du saisissant, voire même avocat du créancier subrogeant.

Dans cette affaire, les époux B s’étaient retrouvés en litige avec la société K, banque privée en raison d’avance de fonds pour investissements sur les marchés des instruments financiers à terme.

 

A l’issue d’une procédure judiciaire, les parties avaient conclu un protocole transactionnel signé entre les parties le 29 avril 2008 et homologué par la Cour d’Appel de Lyon par arrêt du 24 juin 2008.

 

Cependant, le 19 janvier 2016, la banque K avait fait délivrer aux époux B, un commandement de payer la somme de 67.933,10 euros, valant saisie immobilière de leur bien situé dans le Rhône au titre de la troisième échéance de 50.000 euros augmentée des intérêts au taux légal, pour exécution du solde de l’accord transactionnel.

 

Le commandement avait été régulièrement publié le 17 mars 2016 au service de la publicité foncière.

 

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier de justice du 9 mai 2016, la banque K avait fait délivrer aux époux B une assignation à comparaître à l’audience d’orientation du Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon du 28 juin 2016.

 

Cet arrêt est intéressant puisque suite à cette audience, un jugement a été rendu le 13 décembre 2016 dans lequel le Juge :

 

  • Débouté les époux B de toutes leurs contestations relatives au titre exécutoire et à la saisissabilité de l’immeuble objet de la procédure de saisie immobilière,

 

  • Débouté les époux B de leur demande de délais de paiement,

 

  • Ordonné la vente forcée de l’immeuble et fixé les modalités de celle-ci, la date d’adjudication étant prévue au 23 mars 2017,

 

  • Condamné les époux B aux dépens qui seront compris dans les frais taxés de la vente.

 

Or, les époux B avaient contesté le jugement d’orientation et frappé d’appel la décision en litige,

 

Pour se retrouver avec un arrêt confirmatif en date du 15 juin 2017.

 

Entre-temps, par jugement du 23 mars 2017, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon avait renvoyé l’adjudication au 19 octobre 2017.

 

A cette audience, la banque K n’avait pas sollicité la vente forcée du bien saisi, indiquant que sa créance avait été réglée.

 

Pour autant le Trésor Public, représenté par son avocat, avait demandé la subrogation dans les poursuites et l’autorisation de vendre immédiatement le bien aux enchères.

 

Les époux B, avaient donc sollicité le renvoi de l’affaire, notamment pour proposer un nouvel argumentaire en défense contre ce créancier, mais le Juge de l’Exécution a décidé de faire procéder immédiatement la vente aux enchères du bien saisi.

 

Par jugement du 19 octobre 2017, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon a :

 

  • Constaté que la banque K se désistait de ses poursuites à l’encontre des époux B,

 

  • Fait droit à la demande de subrogation du Trésor Public,

 

  • Adjugé le bien à Madame L.

 

Les époux B ont relevé appel de cette décision avec les demandes suivantes :

 

  • Déclarer recevable leur appel à l’encontre du jugement d’adjudication du 19 octobre 2017,

 

  • Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté le désistement d’instance de la banque K,

 

  • Réformer le jugement entrepris pour le surplus au motif pris que la SCP d’avocats G B A n’avait aucun pouvoir pour demander la subrogation à l’audience d’adjudication du 19 octobre 2017 au nom du Trésor Public et à l’encontre de la banque K,

 

  • Déclarer en conséquence irrecevable la demande de subrogation du Trésor Public,

 

  • Juger qu’il n’y a pas lieu à adjudication,

 

  • Donner acte à M. et Mme B de ce qu’ils ont acquittés de leur créance auprès de la banque K.

 

Pour autant, la Cour d’Appel ne fait pas droit à leurs demandes et les déboute,

 

Elle rappelle en tant que de besoin, au visa de l’article R.322-60 al.1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, que seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

 

Elle souligne que le jugement d’adjudication en litige ne fait état d’aucune contestation mais seulement d’une demande de renvoi.

 

Toutefois, elle considère que l’appel formé par les époux B doit être considéré comme recevable en ce qu’il critique la subrogation autorisée par le Juge de l’Exécution.

 

Les époux B observaient quant à eux que le jugement attaqué mentionnait que le Trésor Public était représenté par Maître B et la banque K était représentée par Maître A alors que ces deux conseils étaient membres de la même SCP à savoir la SCP GBA.

 

Chaque avocat associé exerçant ses fonctions au nom de la SCP, il s’en est déduit que les deux créanciers avaient le même représentant, à savoir ladite société d’avocats,

 

Les consorts B soutenaient que cette SCP d’avocats n’avait pas mandat du Trésor Public pour demander la subrogation dans les poursuites.

 

Ils en voulaient pour preuve que, dans un courrier du 16 octobre 2017, le Trésor Public leur avait écrit dans les termes suivants : « si vous réglez lors de l’audience d’adjudication en date du 19 octobre 2017, la moitié de la créance fiscale due auprès du Centre des Finances Publiques, garantie par hypothèques, soit la somme de 13.835,83 euros, Maître B ne demandera pas la subrogation. »

 

Cette argumentation est loin d’être infondée.

 

Il n’est pas rare de voir que des accords se mettent bien souvent en place entre débiteur et créancier directement, nonobstant la procédure de saisie immobilière, à charge pour les parties de répercuter l’accord à leurs avocats respectifs,

 

Il peut être rageant pour le débiteur de constater que l’avocat du créancier semble ne pas être informé de cet accord et de ne pas en tenir compte dans le cadre de la saisie qu’il sollicite malgré tout.

 

Il est difficile pour le débiteur de comprendre cela alors même que ce dernier fait souvent des efforts terribles pour pouvoir obtenir un accord avec le créancier dans le seul but de sauver son bien.

 

Or, il est fréquent de constater qu’à l’audience, l’avocat du créancier semble ignorer complètement l’information.

 

La Cour d’Appel écarte pourtant cette argumentation et considère que les appelants et débiteurs n’ont aucune qualité pour débattre du mandat donné à un avocat par la partie adverse.

 

Elle rappelle qu’il résulte de l’article 416 du Code de Procédure Civile que l’avocat, à la différence de tout autre représentant, est dispensé de justifier de son mandat.

 

L’avocat est en effet titulaire d’un mandat ad litem est ainsi présumé agir sur les instructions de son mandant et ne répond que devant lui de l’exercice de son mandat.

 

Au surplus, la Cour d’Appel estime que les appelants ne justifient pas avoir proposé de s’acquitter de la moitié de la créance du Trésor Public en temps voulu pour éviter la vente, de sorte que l’avocat a nécessairement agi dans les termes de son mandat en demandant la subrogation puisque, selon le courrier précité, le Trésor Public n’excluait la subrogation que dans le seul cas où ce paiement serait effectué.

 

Or, les époux B n’ignoraient pas être redevables de la créance du Trésor Public régulièrement dénoncée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et, de ce fait, qu’ils s’exposaient au risque de sa demande de subrogation dans les poursuites en application de l’article R.311-9 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

La Cour d’Appel a considéré qu’ils étaient donc mal venus de reprocher à l’avocat du créancier de ne pas les en avoir informés, ce dont il n’avait nullement l’obligation, le devoir de conseil de l’avocat s’exerçant vis à vis de son client et non à l’égard d’une partie adverse.

 

Ce point est intéressant car cela souligne que bien que le débiteur n’ait pas la main sur l’avocat du créancier, on peut s’interroger sur le rôle que l’avocat du débiteur qui aurait dû attirer l’attention de son client sur les risques d’une éventuelle subrogation.

 

C’est dire les obligations qui pèsent sur l’avocat du débiteur puisqu’il doit vérifier chaque point d’une matière particulièrement technique qui recèle bon nombre d’axes de contestation.

 

Ce travail est long et fastidieux mais l’avocat se doit de procéder aux vérifications d’usage pour s’assurer que la banque ou son conseil n’auraient pas manqué l’une des multiples obligations particulièrement rigoureuses de la procédure de saisie immobilière.

 

La Cour d’Appel laisse donc à penser qu’il appartenait à l’avocat du débiteur de prévoir une éventuelle subrogation et donc de l’anticiper.

 

La Cour d’Appel conclu donc à la confirmation du jugement entrepris en ce en ce qu’il a fait droit à la demande de subrogation du Trésor Public dont il n’était pas contesté qu’il avait la qualité de créancier inscrit sur l’immeuble saisi.

 

Enfin, la Cour d’Appel qui semble particulièrement remonté sur le rôle et la compétence de l’avocat dans le cadre d’une saisie immobilière fait une remarque sur les demandes accessoires.

 

En effet, les avocats des intimés demandaient que les dépens soient “distraits” à leur profit

 

La cour rappelle que ce sont des termes employés dans l’ancien Code de Procédure Civile qui n’est plus en vigueur depuis une quarantaine d’années (sic).

 

Il s’avère qu’ils entendent en réalité bénéficier du droit de recouvrement direct des dépens prévu par les dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, ce qui doit leur être accordé sur leur simple demande dès lors que le ministère d’avocat est obligatoire dans la procédure d’appel et que la partie adverse est condamnée au paiement des dépens.

 

Les époux B étaient pourtant bien fondés à s’interroger sur le rôle de l’avocat dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

 

En premier lieu le fait que plusieurs créanciers soient représentés par le même cabinet d’avocats est toujours mal compris par le débiteur.

 

En deuxième lieu, cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met bien en exergue le rôle de l’avocat en droit de la saisie immobilière, que ce soit celui du créancier ou celui du débiteur.

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de propriété du matériel d’un créancier et à la restitution au motif pris que la clause de réserve de propriété ne serait pas ostensible, que son avis n’a pas été demandé et qu’il y aurait de surcroit un risque de dégradation des actifs ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre dernier qui vient aborder la problématique propre à la revendication de propriété dans le cadre de la procédure collective et dans lequel l’arrêt en question apporte des réponses précises.

 

En premier lieu, dans cette jurisprudence, la Cour rappelle qu’à la lecture de l’article R 624-13 alinéa 1er du Code du Commerce, ledit article n’exige pas qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par le liquidateur.

 

En deuxième lieu, la Cour considère également qu’une action en revendication de propriété est bien fondée dès lors que la clause de réserve de propriété a été acceptée au plus au moment de la livraison et que le bien identifiable peut-être démonté sans risque de dégradation pour le débiteur.

 

En effet, la particularité de cette affaire est qu’effectivement, le matériel revendiqué était attaché à un plancher en béton.

 

A ce sujet, la Cour considère que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé,

 

Que son démontage nécessitait qu’en éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice,

 

De telle sorte que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel en a souverainement déduit que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage au sens de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Dans cette affaire la société M avait été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 avril 2010, Maître Y ayant été désigné administrateur.

 

La procédure a été, par la suite, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2010.

 

La société E, fournisseur de matériel de tuyauterie avait déclaré à la procédure une créance de 32 227 euros et formé, dans le même temps, une demande de revendication de propriété de matériel afin de récupérer son matériel.

 

Dans le cadre de la procédure en question c’est le dirigeant qui, en qualité de représentant de la société débitrice, venait contester l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait fait droit à la demande du créancier et venait solliciter le rejet des prétentions de la société E qui avait revendiqué et obtenu le matériel en question.

 

Il considérait notamment que si le créancier récupérait cet actif il le réaliserait à son seul profit et viendrait désintéresser en tout ou en partie sa seule créance au détriment des autres créances de la procédure collective,

 

Cette revendication de propriété de matériel vient clairement impacter le désintéressement des créanciers assujettis à un ordre précis de paiement strictement réglementé dans le cadre de la procédure collective entre créanciers privilégiés, rang des privilèges, et créanciers chirographaires,

 

Cela peut avoir une importance pour le dirigeant, caution par ailleurs, qui préfèrerait bénéficier du paiement des créances suivant le rang légal, notamment au profit de l’établissement bancaire pour lequel il serait caution,

 

Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a imaginé contester cette revendication de propriété car il est bien évident que l’actif revendiqué en question avait vocation à désintéresser d’abord le créancier revendiquant alors que l’actif aurait pu être réalisé par les organes de la procédure collective et désintéresser en premier lieu les créanciers privilégiés.

 

Le débiteur vient contester la procédure de revendication de propriété sur la base de trois axes précis.

 

En premier lieu, il contestait avoir accepté la clause de revendication de propriété de matériel lors de la formation du contrat de telle sorte qu’elle n’était pas opposable dans le cadre de la procédure collective.

 

En deuxième lieu, le dirigeant considère que suivant l’interprétation qu’il fait des articles L624-9 et R624-13 du Code du Commerce, la demande de revendication de propriété doit être adressée à l’administrateur judiciaire et en cas de liquidation judiciaire au mandataire liquidateur, de telle sorte que cela n’enlevait rien au fait qu’il appartenait au créancier revendiquant d’adresser également la demande de revendication entres mains du débiteur, même en liquidation judiciaire,

 

Le dirigeant reproche au revendiquant de ne pas avoir respecter la procédure applicable en matière de revendication de propriété en adressant sa demande tantôt au représentant des créanciers puis à l’administrateur puis au liquidateur mais en se refusant de l’adresser au débiteur à titre personnel, de telle sorte que cela rendrait sa demande irrégulière.

 

Le dirigeant considère également que le matériel et les meubles ne pouvaient être démontés car cela génère un démontage risqué et risque d’occasionner des dégradations, ce qui impacterait la réalisation de l’actif en tant que tel si le créancier avait vocation effectivement à obtenir la restitution du matériel livré.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage absolument pas cet avis.

 

En effet, à la lecture de l’article L124-16 alinéa 2 du Code de Commerce, la clause de réserve de propriété devait avoir été convenue par les parties et notamment avoir été acceptée par l’acheteur au moment de la livraison, même tacitement mais à la condition que son attention ait été suffisamment attirée sur l’existence de la clause,

 

Ce qui impose, est-il besoin de le rappeler, que cette clause de réserve de propriété ait été ostensible isolée des autres conditions contractuelles et parfaitement visible.

 

Or, dans les faits, la clause apparaissait dans les devis et dans la facturation ainsi que sur le bon de livraison pour lequel le débiteur avait signé avec la mention « bon pour accord ».

 

Tout laissait donc à penser que le dirigeant l’avait clairement et expressément acceptée.

 

La Haute Juridiction considère en effet que la clause de réserve de propriété figurait bien sur les devis, sur les factures d’acomptes des 16 novembre 2005 et 30 janvier 2006 ainsi que sur celle du 23 mars 2006 émise avant la livraison pour le règlement du solde,

 

Par ailleurs, les deux factures d’acompte ont été payées sans observations de la part du représentant de la société débitrice qui a également apposé sur le bon de livraison la mention «  bon pour accord » de telle sorte qu’il apparaissait évident que la société débitrice avait accepté la clause de réserve de propriété dans un écrouit établi au plus tard au moment de la livraison .

 

La demande en revendication de propriété de matériel impose une lecture attentive de l’article L124-9 et de l’article R624-13 du Code du Commerce qui rappellent que la demande en revendication de propriété ou en restitution doit être exercée dans un délai de trois mois en étant adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’administrateur ou à défaut au débiteur avec copie au mandataire judiciaire,

 

Aux termes de l’article L624-17 du Code du Commerce, l’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande de revendication de propriété.

 

Pour autant, l’article L6247-13 alinéa 1er du Code du Commerce n’exige pas que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par un liquidateur.

 

Enfin et surtout, la dernière question posée à la Cour est relative au démontage et à la séparation demandée du matériel par rapport à la dalle béton.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation précise que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a, en ayant relevé que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé de telle sorte que son démontage ne nécessité qu’une éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice de telle sorte que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage tel et ce, dans le parfait respect de l’esprit de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Que c’est salutaire puisque la Haute Juridiction rappelle en tant que de besoin que les conditions de revendication de prospérité en rappelant bien dans quelle mesure le créancier doit faire apparaitre sa clause de réserve de propriété au sein de ces devis, factures et bons de livraison.

 

Elle rappelle également que dans le cadre de la procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, s’il souhaite procéder à une demande de revendication de propriété de matériel et au besoin en cas de liquidation, une restitution de matériel doit respecter la procédure et doit adresser aux organes de la procédure dans un délai de trois mois les demandes en question et ce de manière distincte à la déclaration de créance qui en est faite,

 

De même il doit vérifier à chaque fois si le matériel revendiqué est clairement identifiable et dissociable des autres actifs de la liquidation judiciaire pour pouvoir justement récupérer sans difficulté ou en tout cas sans créer quelques préjudices que ce soient à la liquidation judiciaire.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Dessaisissement du débiteur en cas de reprise de liquidation judiciaire

Qu’en est il du dessaisissement du débiteur en cas de reprise d’une liquidation judiciaire initialement clôturée pour insuffisance d’actif ? Que peux faire la banque en cas d’impayés sur un prêt le temps de la reprise ? le débiteur peut-il opposer ce dessaisissement à l’établissement bancaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en mars dernier qui vient aborder la problématique des effets d’une reprise de liquidation judiciaire sur le dessaisissement général du débiteur alors que celle-ci avait été initialement clôturée pour insuffisances d’actifs.

L’arrêt est intéressant car il précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée,

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau le dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation ;

Ceci est d’autant plus important qu’il n’est pas rare de constater que certaines reprises de liquidation judiciaire interviennent parfois plusieurs années après la clôture de la liquidation judiciaire initiale, alors même que les débiteurs ont refait leur vie,

Ceci est d’autant plus salutaire qu’il n’est pas rare de voir certaines procédures collectives s’inscrire dans la longueur.

Voire de se rouvrir ou de reprendre plusieurs années après au motif d’un actif qui aurait été oublié,

En effet, celles-ci s’accompagnent dans un premier temps de la réalisation des actifs et dans un deuxième temps du désintéressement des créanciers à travers un état de collocation qui vient impacter le débiteur qui se trouve un liquidation judiciaire pendant un certain temps.

Cela empêche le débiteur de contracter, de créer une nouvelle société ou de reprendre une nouvelle activité.

Dans cette affaire Monsieur Y exerçait l’activité de négoce de vins et spiritueux immatriculé au registre du commerce pour cette acticité le 24 février 1986.

Par jugement du 12 juin 1987, Monsieur Y a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et par un jugement du 24 juin 1998, le même tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Dite liquidation judiciaire entrainant le dessaisissement général du débiteur,

Par jugement du 26 janvier 2000 le tribunal de commerce a clôturé les opérations de liquidation judiciaire.

Cependant, par jugement du 7 octobre 2003, la réouverture des opérations de liquidation judiciaire a été ordonnée au motif pris que certains actifs n’avaient pas été réalisés convenablement.

La difficulté rencontrée est que Monsieur Y avait contracté un prêt en 2004, soit le temps de la liquidation judiciaire et s’était trouvé défaillant de telle sorte que la banque l’avait poursuivi en paiement,

La banque avait obtenu sa condamnation au paiement de la somme de 7 733,47 euros dont 7 683,47 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,635% à compter du 14 décembre 2011, date de la déchéance du terme, et la somme de 50 euros au taux légal à compter de cette même date ;

Or le débiteur contestait cette condamnation en paiement puisqu’il considérait que le prêt avait été contracté alors même qu’il était encore en liquidation judiciaire et qu’il faisait l’objet d’un dessaisissement,

Il se fondait notamment sur l’article L 641-du Code de Commerce qui précise: « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée ; les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. »

La procédure de liquidation judiciaire emporte donc dessaisissement du débiteur, dessaisissement général du débiteur, qui ne peut durant cette procédure contracter de nouveaux emprunts

Le débiteur considérait que le prêt ne pouvait être que nul et que la banque ne pouvait donc pas le poursuivre en paiement, celui-ci faisant l’objet d’un dessaisissement,

La réouverture de la liquidation judiciaire est strictement prévue par les dispositions de l’article 643-13 du Code de Commerce qui précise :

« Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. S’il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.

La reprise de la procédure produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs du débiteur que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ». 

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation

Le dessaisissement n’est pas total et le débiteur de trouve donc libre de contracter au besoin de nouveaux engagements bancaires.

Malheureusement dans le cas d’espèce, le débiteur a rencontré de nouvelles difficultés économiques et s’est trouvé poursuivi par la banque.

Ce dernier a essayé d’opposer le dessaisissement mais cela n’a pas trompé la Cour de Cassation qui précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et à l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée.

Cet arrêt est important car la pratique montre bien qu’il n’est pas rare de constater que la reprise de la liquidation judiciaire, amène souvent l’ensemble des partenaires du débiteur, établissement bancaire compris à tirer tous les effets d’une liquidation judiciaire avec un dessaisissement général qui amène le débiteur à subir dans le cadre de cette reprise la clôture des comptes du débiteur et parfois même à subir la déchéance du terme de l’ensemble des prêts.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

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L’action du créancier non soldé dans le cadre d’un plan de redressement,

La question qui se pose est de savoir si, dans la mesure où le plan de redressement, octroyé sous l’ancien régime juridique antérieur à 2005, a fait l’objet d’un jugement de clôture, le créancier non entièrement réglé de sa créance admise au passif vocation à poursuivre le débiteur, redevenu in boni, aux fins de paiement.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en mai 2018 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence et qui vient aborder la problématique d’un plan de redressement exécuté en son intégralité sous la loi du 26 juillet 2005.

 

Le plan a été clôturé et l’un des créanciers n’aurait pas été soldé de sa créance.

 

Dans cette affaire, Madame C avait été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Saint Tropez (avant sa disparition) en septembre 2001 et un mandataire judiciaire avait été désigné.

 

Madame C demeurait redevable du solde du prix de cession du fonds de commerce au bailleur Monsieur V.

 

Le 23 juillet 2002, le même Tribunal de Commerce a adopté le plan de redressement proposé par Madame C qui comprenait notamment avec une cession partielle d’un des fonds de commerce appartenant à la débitrice,

 

Le mandataire judiciaire avait été désigné commissaire à l’exécution du plan.

 

Il était prévu que les fonds découlant de cette cession soit affectée au premier dividende et le plan avait été accepté moyennant plusieurs options.

 

L’option 1 était de régler 26% de la créance dans les trois mois du jugement et l’option de régler la créance à hauteur de 100% dans les 10 ans du plan.

 

Par jugement du 26 octobre 2010, le Tribunal de Commerce a modifié le plan de redressement arrêté le 23 juillet 2002 et autorisé le report de l’échéance impayée 20009 sur les échéances 2010, 2011 et 2012.

 

Nonobstant la clôture de ce plan de redressement, les consorts V, créanciers inscrits et admis au passif de la procédure collective, ont assigné Madame C devant le Tribunal de Commerce en paiement de la somme de 10 029,92 euros leur restant due sur la créance déclarée à titre privilégiée au passif de la procédure collective de Madame C à hauteur de 20 199,49 euros.

 

Ils précisaient n’avoir reçu dans le cadre du plan de redressement que la somme de 10 169,57 euros versée par Maître M en qualité de commissaire à l’exécution du plan et que la durée du plan était expiré.

 

La question qui se pose est de savoir dans la mesure où le plan de redressement a fait l’objet d’un jugement de clôture, si le créancier non réglé avait vocation à poursuivre sous l’empire de l’ancienne loi le débiteur aux fins de paiement.

 

Il convient de rappeler que la procédure collective de Madame C avait été ouverte en septembre 2001 et donc soumise aux dispositions antérieures de la loi du 26 juillet 2005.

 

Il résulte des dispositions des articles L 621-65 et L 621-82 du Code de Commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que lorsque le plan de redressement est arrivé à son terme sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution, le créancier dont la créance admise n’a pas été totalement réglé, recouvre son droit de poursuites individuelles contre le débiteur.

 

De telle sorte qu’en l’absence de résolution du plan de redressement, seules les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère peuvent faire l’objet de réclamation de la part du créancier.(Cour de Cassation Chambre Commerciale 13 septembre 2017).

 

Dès lors les tentatives du débiteur sont alors vaines pour tenter d’échapper au paiement du solde de la créance.

 

La difficulté qui apparait est celle relative à la position du mandataire judiciaire puisque le délai de 10 ans était écoulé et que tout laissait à penser que le plan de redressement devait être clôturé.

 

Or dans cette affaire, le Tribunal de Commerce avait rendu un jugement le 14 novembre 2016 dans lequel il répondait à la requête en résolution du plan de redressement en date du 27 mai 2013, par le commissaire à l’exécution du plan alors en fonction, soit plus de 3 ans après la saisine de la juridiction…,

 

Dans la mesure où le commissaire à l’exécution du plan avait fait valoir ses droits à la retraite, un mandataire judiciaire a été nommé par ledit jugement en qualité de mandataire ad hoc avec mission de faire le paiement des sommes restant dues au plan de redressement, recevoir les sommes auprès du débiteur, les répartir ou les consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations, rendre compte de sa mission et d’y mettre fin.

 

On ne peut que s’étonner de cette décision hybride qui vient non pas mettre fin au plan de redressement alors que le délai de 10 ans est largement écoulé ni même faire le point mais vient désigner un mandataire ad hoc qui viendrait en suite du commissaire à l’exécution du plan afin de s’assurer si l’ensemble du passif a été réglé.

 

Cela peut sembler d’autant plus curieux que, classiquement, dans le cadre de l’exécution du plan, le commissaire à l’exécution du plan a vocation à s’assurer que l’échéance annuelle a été réglée par le débiteur et que les créanciers sont interrogés pour s’assurer qu’il n’y a pas de manquements quelconques.

 

La Cour d’Appel ne s’y trompe pas et reste basée sur des principes fondamentaux découlant de l’ancien régime en rappelant que l’action engagée alors que le plan de redressement est expiré depuis le 23 juillet 2012 par un créancier souhaitant être réglé du solde de sa créance admise au passif est parfaitement recevable dans la mesure où ce dernier recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur pour les créances admises mais non intégralement réglées.

 

Dès lors, la désignation d’un mandataire ad hoc après l’expiration du plan de redressement d’une durée de 10 ans insusceptible d’être prolongé, ne peut faire échec à l’exercice par les créanciers de leur droit de poursuite.

 

L’absence d’intervention volontaire ou forcée du mandataire ad hoc est sans conséquence sur les recevabilité des demandes présentées par Monsieur V.

 

Le débiteur se défend en soutenant que la créance était soldée notamment en ce que le solde de la créance avait été reversé entre les mains du mandataire judiciaire en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de telle sorte qu’il appartenait à ce dernier de régler directement Monsieur V.

 

Le débiteur laisse à penser qu’in fine, ce serait de la responsabilité du mandataire judiciaire d’avoir mal affecté les fonds alors que ce dernier avait pour mission de vérifier que l’ensemble des créanciers avaient bel et bien été soldé.

 

La Cour reproche au débiteur de ne pas rapporter la preuve de ce que le mandataire judiciaire aurait bien les fonds en question et que ces fonds n’auraient pas vocation à être réglés au créancier en tant que tel.

 

Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que sous l’empire de l’ancien régime, le créancier non soldé de sa créance admise au passif de la procédure collective peut poursuivre en paiement le débiteur quand bien même le plan de redressement judiciaire aurait été clôturé.

 

Il rappelle également que désormais tout cela n’est plus d’actualité tant le commissaire à l’exécution du plan a désormais l’obligation de s’assurer année par année du parfait paiement des échéances du plan qu’il assure désormais lui même.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Bail commercial, redressement judiciaire et loyers postérieurs impayés

Quelle procédure peut engager le bailleur d’un bail commercial sous le coup d’un redressement judiciaire alors que les loyers impayés sont postérieurs ? Est-il tenu d’en informer le mandataire judiciaire ? Celui-ci n’engagerait pas sa responsabilité s’il cédait le fonds de commerce en ignorant jusqu’à l’existence de l’acquisition de la clause résolutoire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en fin d’année 2017 qui vient aborder les facultés du bailleur pour obtenir la résiliation du bail commercial alors que le redressement judiciaire a été prononcé, qu’une période d’observation est en cours, qu’un mandataire judiciaire en charge de la vérification des créances a été désigné et que surtout l’exploitant commercial en redressement judiciaire ne paye plus ses loyers postérieurs.

 

Dans cette affaire, le 6 août 2004, la société B a consenti à la société C un bail commercial sur des locaux lui appartenant.

 

La société C a été mise en redressement judiciaire le 27 avril 2007, Maître Y étant désigné mandataire judiciaire.

 

Or, postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur se retrouve à ne plus payer les loyers du bail commercial,

 

En effet, le locataire n’a pas réglé les loyers dus pour les mois d’avril et de mai 2008, soit postérieurement au redressement judiciaire,

 

Tout d’ailleurs laisse à penser que le non paiement de ces loyers postérieurs est intervenu postérieurement à l’acceptation du plan de redressement puisque la période d’observation maximale pour une entreprise en redressement judiciaire sauf demande de poursuites d’activités exceptionnelle à la seule demande du Procureur de la République est d’un an,

 

C’est dans ces circonstances que la société B, le bailleur, a fait délivrer à sa locataire, le 20 mai 2008, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial,

 

Or, pendant ce temps la, et par jugement en date du 23 mai 2008, la société C, le débiteur, a été mise en liquidation judiciaire, Maître Y étant désigné liquidateur,

 

Fort de la liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire envisage et organise la cession du fonds de commerce exploité dans les locaux loués incluant la cession du bail commercial, dite cession autorisée par décision du juge commissaire au profit de la société T.

 

Il importe de préciser que la vente du fonds de commerce est intervenue le 2 octobre 2008.

 

Pour autant le commandement de payer du 20 mai 2008 visant la clause résolutoire avait produit ses effets faute de paiement dans le mois de sa délivrance.

 

Dès lors le bailleur considérait que le bail commercial consenti à la société C, désormais cédé à la société LT était résilié.

 

La société B a alors assigné Maître Y.ès qualité et la société T devant le Tribunal pour que soit constatée la résiliation du bail commercial et que qu’il soit ordonné l’expulsion de tout chef à ce titre.

 

Tout lecteur attentif comprendra bien à ce stade qu’une telle décision de justice serait lourde de conséquences quant à la cession qui a eu lieu,

 

Le liquidateur judiciaire se défend et prétend que l’action en résiliation du bail commercial engagée par la société B était irrecevable, et ce au visa de l’article L. 641-12, alinéa 4 du Code de Commerce,

 

En effet, dans sa rédaction applicable au litige ce texte précise que le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d’ouverture de la procédure qui l’a précédé et doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.

 

Il est original de remarquer que le mandataire liquidateur et le débiteur rappelaient que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de trois mois pour la simple et bonne raison que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 23 mai 2008, alors que la société bailleresse avait, par actes des 10 et 25 mars 2010, saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire de telle sorte que cette action n’aurait pas été introduite dans le délai de trois mois et serait donc par là même irrecevable.

 

Pourtant, le calendrier s’impose,

 

Sauf à ce que le mandataire judiciaire confonde la signification du commandement de payer visant le clause résolutoire et l’assignation aux fins de voir constaté l’acquisition de la clause résolutoire,

 

Bien plus, le mandataire liquidateur reprochait au bailleur de ne pas avoir procédé à la notification du commandement de payer au mandataire judiciaire alors que la société n’était qu’en redressement judiciaire.

 

La Cour de Cassation de s’y trompe pas et vient apporter une réponse claire et précise sur ce point puisqu’elle considère que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C, de telle sorte que l’action est résiliation du bail commercial intentée plus de trois mois après le jugement d’ouverture conformément aux dispositions de l’l’article L. 622-14, 2° du code de commerce est recevable.

 

Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de confondre commandement de payer et assignation,

 

Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’aucune disposition légale n’impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du preneur,

 

De telle sorte que la Cour constate bien que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C de telle sorte que le commandement de payer signifié à la seule gérante de cette société au cours de la période d’observation produit ses effets.

 

Dès lors, le bailleur créancier de loyers postérieurs est parfaitement en droit de procéder à la signification d’un commandement de payer entre les mains du débiteur sans nécessairement le notifier au mandataire judiciaire (il en aurait été autrement si un administrateur avait été désigné).

 

Bien plus encore, dans la mesure où le bailleur n’est pas obligé de le notifier, il peut donc obtenir la résiliation du bail commercial sans même que le mandataire judiciaire ou commissaire au plan soit avisé.

 

Il appartient au débiteur d’être parfaitement transparent avec son mandataire liquidateur car dans cette affaire, le débiteur a semble-t-il imaginé cacher l’information à ce dernier qui a, dans le cadre de la liquidation judiciaire, vendu le fonds.

 

L’acquisition de la clause résolutoire est lourde de conséquence,

 

En effet, il est bien évident que l’acquéreur risque fort de se retourner en responsabilité contre le mandataire judiciaire qui a cédé un fonds de commerce reposant sur un bail commercial dont la clause résolutoire est acquise.

 

Dès lors, passée l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le bailleur peut procéder à la signification d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial au titre de paiement de loyers postérieurs sans forcément être tenu de procéder à la notification entre les mains du mandataire judiciaire.

 

S’il est vrai qu’il est toujours de bon aloi de le prévenir, il n’en demeure pas moins que le bailleur n’est pas tenu par ces formalités auprès du mandataire judiciaire,

 

Cela amène également à réfléchir à une autre problématique,

 

Dans l’hypothèse d’un plan de redressement qui serait obtenu et comprenant la désignation d’un commissaire à l’exécution du plan la question serait non pas tant de savoir si le bailleur doit notifier ou signifier entre ses mains le commandement de payer visant la clause résolutoire au titre du non paiement de loyers postérieurs à l’acceptation du plan de redressement judiciaire, mais de savoir si le bailleur serait tenu, lorsqu’il lance une assignation en référé pour demander au Juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire de la faire signifier au commissaire à l’exécution du plan dans la mesure ou le fonds de commerce a fait l’objet d’une déclaration d’inaliénabilité.

 

En effet, il convient de rappeler que le bailleur est tenu de faire signifier son assignation à l’ensemble des créanciers inscrits.

 

S’il ne le fait pas à l’encontre du commissaire à l’exécution du plan au motif que ce dernier est le garant de l’inaliénabilité de l’actif visé dans le cadre du plan de redressement, cela serait il un motif d’irrevabilité de son action ?

 

Je ne le pense pas car il est bien évident que la décision suivant laquelle le Tribunal de Commerce prononce l’inaliénabilité du fonds de commerce et la publication n’entrainent pas une obligation du bailleur de signifier l’assignation pour la simple et bonne raison que la déclaration d’inaliénabilité sert surtout à préserver les créanciers afin d’éviter une vente intempestive de l’actif du débiteur qui le ferait dans le dos du commissaire à l’exécution du plan et au détriment des créanciers.

 

A mon sens, cette clause d’inaliénabilité ne peut permettre de préserver l’actif ou d’être un obstacle à la résiliation du bail commercial si les loyers postérieurs ne sont pas réglés.

 

En tout état de cause, la question est de savoir si le commissaire à l’exécution du plan est appelé dans la cause ce dernier pourrait-il empêcher la résiliation du bail alors qu’il n’a vocation qu’à être le garant du paiement des créanciers antérieurs sans avoir de pouvoir légal stricto sensu contre toutes créances postérieures à l’acceptation du plan ?

 

Dès lors, force est de constater que le sort du bail commercial, en présence de loyers postérieurs au redressement impayés, peut être tranché sans que le mandataire judiciaire soit appelé en cause, ce qui doit amener le mandataire judiciaire a procéder à quelques vérifications d’usage sans quoi, il engagerait sa responsabilité, plus particulièrement si ce dernier a eu la bonne idée de vendre le fonds sur la base d’un bail commercial résilié,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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