Pouvoirs du juge de l’exécution et disproportion de la caution

Une caution, frappée d’une mesure de saisie conservatoire de son créancier, peut-il opposer le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de cautionnement devant le juge de l’exécution ? Le juge de l’exécution est-il compétent ? Comment la caution peut contester les mesures d’éxécution de son créancier ? Que dois t’elle opposer? 

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en ce mois de janvier 2021 qui vient aborder à la fois la notion de disproportion de l’engagement de cautionnement et vient également le pouvoir du Juge de l’Exécution lorsqu’un créancier prend une mesure conservatoire et que la caution la conteste.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Madame D s’était portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T dont elle était co-gérante.

En raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme avait été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élevait à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017.

La banque avait initié à la fois une saisie conservatoire sur les comptes de Madame D et t engagé une action afin de réclamer le paiement du solde.

Madame D avait saisi le Juge de l’Exécution pour réclamer la main levée de la saisie conservatoire en soutenant que la créance était manifestement disproportionnée

La Cour d’Appel avait considéré que « s’agissant du principe de créance,  il est acquis que l’appelante s’est portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T; qu’il est aussi établi qu’en raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme a été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élève à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017

Le principe de la créance n’est donc pas contestable, étant observé qu’il n’est pas de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par l’appelante, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond »

Qui est le juge de la disproportion de la caution ?

Madame D soutenait qu’une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le Juge de l’Exécution que si, notamment, la créance de l’auteur de la demande est apparemment fondée en son principe,

Dans pareil cas, il appartient au Juge de l’Exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en œuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l’appréciation de l’apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend.

Madame D reprochait à la Cour d’Appel d’avoir considéré que la créance alléguée par la banque paraissait fondée en son principe et d’avoir également décidée qu’il ne relevait pas de la compétence du Juge de l’Exécution d’apprécier le caractère disproportionné d’un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

Or, Madame D considérait que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

De sorte que le Juge de l’Exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l’engagement souscrit par Madame D.au profit de la banque, qui était de nature à exclure l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe,

A hauteur de Cour, il appartenait à la Cour d’Appel de procéder aux vérifications d’usage au visa des articles L.341-4 ancien du Code de la Consommation, L. 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire et L. 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

Fort heureusement, la Cour de cassation adhère à cette approche.

La Cour de Cassation rappelle que le Juge de l’Exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.

Ceci rappelé, il s’ensuit que toute personne justifiant d’une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter l’autorisation du juge de l’exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

Pour autant, la Cour de cassation précise qu’il est de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L.511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par la débitrice,

Cela est salutaire,

Les pouvoirs du juge de l’exécution

Ainsi, il incombe désormais au juge de l’exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d’examiner la contestation relative au caractère disproportionné d’un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il est tout aussi heureux et logique que le juge de l’exécution ait ses mêmes pouvoirs dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

Cela signifie surtout qu’il appartient à la caution poursuivie de ne pas omettre de contester l’ensemble des moyens de contestations qui lui sont propres et ce, même devant le Juge de l’exécution.

Ces moyens de défense, propres à la caution, peuvent, et doivent, désormais etre soulevés devant le juge de l’exécution, et ce, en sus des moyens classiques de contestation des mesures d’exécution,

A bon entendeur,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Créance fixée par le juge de l’orientation et prescription en liquidation judiciaire

Laurent Latapie avocat saint Raphael

La nullité d’une procédure de saisie immobilière pour des problématiques non pas de fond mais de signification irrégulière est-elle génératrice de prescription lorsque le débiteur se retrouve par la suite en liquidation judiciaire et oppose ladite prescription biennale à la banque qui a cru bon de déclarer sa créance entre les mains du mandataire liquidateur ?

Continue reading

Absence du débiteur et vérifications d’office du juge de l’orientation

Alors que les textes invitent de plus en plus le juge à procéder à des vérifications d’office, la question se pose de savoir si le débiteur absent à une audience d’orientation peut espérer voir trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance de la banque, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui été rendu par la Cour de Cassation en début d’année qui vient aborder la problématique de la mission d’office et des vérifications d’office du juge dans le cadre d’une saisie immobilière.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution de vérifier que le créancier poursuivant dispose bien d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Dès lors, le juge de l’orientation serait tenu de procéder à des vérifications d’office,

Pour autant, la Cour considère également que le juge de l’orientation n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle la rigueur propre au droit de la saisie immobilière et le fait qu’il est extrêmement important pour tout débiteur de se défendre sans avoir à espérer un regard bienveillant du juge à son endroit.

En tout état de cause, si le débiteur est absent il aura immanquablement tort et sera sanctionné par le juge de l’orientation.

Dans cette affaire, la banque avait poursuivi une saisie immobilière à l’encontre de Monsieur X tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de son épouse.

Par jugement d’orientation réputé contradictoire, faute pour le débiteur d’avoir pu être présent, la vente aux enchères publiques avait été ordonnée.

Il ressort des débats, que Monsieur X dont l’épouse était décédée, avait été assigné par acte d’huissier du 12 janvier 2015.

La régularité de l’acte n’était pas discutée puisqu’il contenait le rappel des textes de procédure applicables à cette audience, spécialement sur le principe de la représentation obligatoire et la possibilité pour la partie saisie de demander une autorisation de vente amiable oralement à l’audience.

Le débiteur saisi disposait donc d’un délai de deux mois et huit jours pour préparer sa défense.

Pour la Cour, le débiteur ne justifiait pas des difficultés qu’il aurait pu rencontrer auprès d’un avocat alors que ce débiteur avait pris soin d’écrire directement au juge de l’orientation en ces termes :

« La procédure dans le VAR, à plus de 900 km de mon domicile, ne m’a pas permis de préparer ma défense considérant que la maison dans le golfe de Saint Tropez inachevée n’est pas habitable, mon âge 80 ans, mon état de santé (traitement de longue durée).

Aussi je suis au regret de ne pouvoir me présenter à l’audience d’orientation ni de me faire représenter par un avocat.

Cependant, la possibilité étant offerte par l’assignation au visa de l’article R 322-17 je sollicite d’être autorisé de vendre le bien saisi à l’amiable.

Je fais valoriser le bien.

J’ai demandé à l’agence immobilière de vous communiquer directement sa proposition de vente par FAX à votre secrétariat

Je vous serais obligé de bien vouloir prendre ma demande en considération. »

Étaient fournis aux débats plusieurs certificats médicaux montrant bien les problématiques de santé de Monsieur X et les traitements qu’il suivait.

Pour autant, la Cour d’Appel procède à une approche particulièrement sévère de cette correspondance est estime que ladite correspondance ci-dessus ne contenait pas de demande de renvoi et n’évoquait ni des difficultés rencontrées pour faire assurer sa défense par un avocat, ni la perspective de la désignation d’un avocat par la partie.

La Cour considère encore que les termes du certificat médical ne traduisaient pas l’existence d’un état de santé entravant l’exercice des droits de la défense.

D’autre part, la Cour considère que la partie saisie avait été régulièrement informée par l’énoncé complet dans l’assignation des textes régissant la représentation obligatoire, le risque associé au défaut de comparution, ainsi que du texte de l’article R 322-17 qu’elle cite, du fait qu’elle était dispensée du ministère d’avocat pour demander une autorisation de vente amiable et que cette demande pouvait être formulée verbalement à l’audience.

La Cour est sévère.

Elle considère que la lettre du débiteur ne peut s’entendre que comme une excuse du défaut de comparution et une autorisation de vente amiable qui est tardive et irrégulière faute d’avoir été présentée à l’audience et oralement.

Enfin, la Cour considère que le débiteur qui n’avait pas constitué avocat ne prétend pas avoir sollicité communication des pièces adverses dont la liste est annexée à l’assignation et se prévaut vainement d’un manquement au principe de la contradiction des débats.

Cette jurisprudence est regrettable car force est de constater que le débiteur qui croit au sacrosaint principe de l’accès au juge et des principes d’équité qui pourraient aller de pair, ne peut qu’être déçu.

En effet, cette jurisprudence rappelle combien la présence du débiteur est importante à l’audience d’orientation ou sa représentation par un avocat afin d’assurer la défense de ses intérêts.

L’absence du débiteur est source d’interrogations.

En effet, quid de l’attitude du juge pourtant amené de plus en plus a se saisir d’office d’un certain nombre de vérifications lorsque le débiteur n’est pas présent,

Pourquoi le juge de l’orientation ne pourrait pas procéder à des vérifications d’office du bien fondé de la créance de la banque ?

Le corolaire de cette absence est de savoir dans quelle mesure le juge peut s’interroger sur la validité de la saisie immobilière et trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

En premier lieu, la Cour rappelle que le défaut de comparution du débiteur ne le décharge pas de son office et qu’en vertu de l’article 472 du Code de Procédure Civile, il lui incombe de faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Ainsi, le juge de l’orientation pourrait procéder à des vérifications d’office,

Il est fort regrettable de constater que la Cour de Cassation retient le fait qu’aux termes de l’article 2247 du Code Civil, les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription, même résultant d’une disposition d’ordre public .

Pour autant, il convient de rappeler que l’article L. 141-4 du Code de la Consommation admet que les prêts litigieux relèvent des dispositions du Code de la Consommation, édicte que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application.

Cela peut laisser à penser que si le juge peut soulever d’office les dispositions du Code de la Consommation et dans la mesure où le juge de l’orientation a vocation à trancher les problématiques de fond, il serait à même de soulever d’office les dispositions de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dont l’appelant prétend se prévaloir.

Pour autant, la Cour de Cassation ne retient pas cette approche et considère que si le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R. 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, de procéder à des vérifications d’office et de vérifier que le créancier poursuivant dispose d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, il n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Une telle jurisprudence est à mon sens parfaitement critiquable et elle est même en contradiction avec l’avis qui a été rendu par la Cour de Cassation en avril 2018 qui laisse à penser que le juge doit procéder aux vérifications d’office sur le bien fondé de la créance.

Cette jurisprudence souligne dans un deuxième temps qu’il résulte de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

L’absence du débiteur peut s’expliquer par son grand âge, par la maladie et parfois dans l’incapacité de trouver un avocat, alors que le débiteur est classiquement dans de grandes difficultés financières.

Si comme à chacun sait les absents ont toujours tort, l’adage ne se vérifie que trop en droit de la saisie immobilière,

Il y a un véritable paradoxe entre les pouvoirs de plus en plus octroyés au juge en terme de vérifications d’office et pour lequel le juge de l’orientation se refuse encore à pareille analyse,

Pourtant le Droit l’y invite fortement,

Surtout, l’Equité l’impose complétement,

Ceci d’autant plus que la dernière réforme en droit de la saisie immobilière consistait notamment à « rééquilibrer les rapports de force » entre débiteur et créancier,

Cependant, entre la théorie et la pratique le fossé est énorme,

Il est tout aussi impitoyable pour le débiteur.

Immanquablement le débiteur doit se défendre,

Plus que jamais, l’intervention de l’avocat en droit de la saisie immobilière est fondamentale.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Audience d’orientation, entre expertise actuarielle et mise à prix

Le juge de l’orientation peut-il ordonner une expertise actuarielle pour vérifier le TEG, tout comme le taux d’endettement du débiteur saisi ? Le débiteur peut-il forcer une vente amiable ou bien encore contester la mise à prix du bien fixée par le créancier saisissant ?

 

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mars dernier par la Cour d’Appel de POITIERS qui vient aborder plusieurs problématiques dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, et plus particulièrement celle relative à la réalisation d’une expertise actuarielle judiciaire, au TEG,

 

En effet, alors qu’il n’est pas rare de constater que le juge ne s’embarrasse pas forcément des questions relatives à la véracité du TEG dans l’acte de prêt, cet arrêt, une fois n’est pas coutume vient confirmer le fait que le juge de l’orientation peut parfaitement opter, à titre avant dire droit, à une expertise actuarielle,

 

Dans le cadre de cette affaire, le juge de l’orientation ne se contente pas de désigner un expert aux fins de procéder à une seule expertise actuarielle,

 

En effet, le juge d’orientation, au visa des articles L313-1et R313-1 du Code de la Consommation, ordonné une expertise actuarielle avec mission de convoquer l’ensemble des parties assistées de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations de la tenue des rendez vous d’expertise sur la problématique spécifique du TEG.

 

Mais surtout, il ordonne dans le même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, à l’expert de se faire aussi remettre les fiches d’instructions des dossiers préalables à l’octroi des prêts, les éléments de patrimoine et revenus des consorts H au moment de la souscription des emprunts.

 

Cela étant dit l’expert a pour mission de :

 

*déterminer le mode de calcul des TEG des prêts en question,

 

*déterminer les charges et frais qui ont été pris en compte voire ce qui ont été exclus

 

*déterminer si les TEG visés dans les deux prêts de 3,88 % et de 4,47% indiqués dans les prêts sont erronés et dans l’affirmative en préciser les erreurs, procéder à leur calcul et rétablir les tableaux d’amortissement en substituant au Taux conventionnel le Taux légal.

 

En même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, l’expert avait également pour mission de déterminer enfin, si au jour de la souscription des contrats litigieux le taux d’endettement des parties concernées (emprunteurs et cautions), de déterminer si les engagements financiers souscrits apparaissaient au jour de leur souscription disproportionnés eu égard aux capacités de remboursement des débiteurs et de caution, et encore de déterminer toute autre anomalie pouvant avoir une conséquence sur l’exigibilité et la liquidité de la créance invoquée par la banque.

 

Dans ce même temps le Juge d’orientation a naturellement prorogé pour une durée de deux ans les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Cette décision avant dire droit est à relever par sa rareté en terme d’expertise actuarielle tellement rare en saisie immobilière,

 

Mais aussi par la pertinence des investigations pouvant être faites tant sur la justesse du TEG d’un prêt bancaire que sur les incidences que cela peut avoir sur l’exigibilité de la créance, sur la remise en question de l’éventuelle déchéance du terme et encore l’approche étant extrêmement complète de la part du Juge de l’exécution de vérifier.

 

Ainsi la banque aurait manqué à ses obligations de conseil de mise en garde notamment par rapport à la proportionnalité des engagements proposés aux revenus et charges des emprunteurs et cautions.

 

Pour autant, l’arrêt confirme la décision du juge de l’orientation qui aborde l’expertise actuarielle sur le terrain de la prescription pour rejeter sa portée et son résultat, pour débouter les consorts H de l’ensemble des demandes évoquées et a ordonné la vente aux enchères publiques du bien.

 

C’est dans ces circonstances que les consorts H ont frappé d’appel la décision.

 

En effet, le juge de l’orientation, dans le cadre de cette expertise actuarielle, mandate également l’expert judiciaire qu’il désigne afin de vérifier les questions au taux d’endettement du débiteur,

 

Enfin, le juge de l’orientation vient également s‘intéresser aux questions spécifiques de vente amiable ou bien encore de modification du montant de la mise en prix,

 

Cette dernière question attire très souvent l’attention des débiteurs saisis tant la mise à prix faite par les créanciers saisissants, semble extrêmement bas et en inadéquation complète avec la valorisation vénale du bien dans le cadre d’une éventuelle vente amiable.

 

Certes le coté attractif d’une mise à prix basse peut amener un jeu d’enchères frénétique,

 

Mais malheureusement, en cas de carence d’enchères ou de faibles enchérisseurs, le débiteur, qui perd déjà son bien immobilier se retrouverait à être encore débiteur d’une créance bancaire loin d’être désintéressé par la vente aux enchères du bien immobilier,

 

Chacun de ces points doivent être analysés à la lueur de ce que retient la Cour,

 

En effet, il convient de revenir sur l’expertise actuarielle qui a été ordonnée, avant dire droit, par le juge de l’orientation,

 

La cour souligne, en fin de procédure, et après la décision définitive du juge de l’orientation que la demande émise par le débiteur, et pour lequel le juge de l’orientation, avait pourtant fait droit avant dire droit, était prescrite,

 

Cela est curieux,

 

Pourquoi ordonner une expertise actuarielle avant dire droit si la demande est finalement prescrite,

 

Tout laisse à penser qu’in fine, tant le juge de l’orientation que la Cour, à sa suite, ont considéré que le point de départ n’était finalement pas décalée au jour de la révélation de l’erreur mais bel et bien au jour de l’offre de prêt,

 

Cependant, la Cour pousse plus loin son raisonnement,

 

La demande étant prescrite, le rapport d’expertise actuarielle réalisé ne peut servir de fondement à l’annulation de la clause de stipulation des intérêts,

 

Mais encore, dans la mesure ou le TEG serait erroné, rien n’empêchait le juge de considérer que le TEG erroné venait impacter de manière décisive le décompte de la banque qui ne pouvait donc pas saisir sur la base dudit décompte, lequel était erroné dans son fondement même,

 

En effet dans pareil cas, le rapport d’expertise actuarielle n’aurait il pas pu permettre de contester, sinon la clause de stipulation des intérêts, à tout le moins le caractère exigible de la créance,

 

Cette décision est là encore décevante sur ce point.

 

Par ailleurs, la Cour revient sur la problématique du taux d’endettement, dans la mesure ou les

consorts H quant à eux avaient évoqué l’idée de retenir un endettement à 100 % au motif pris que ces derniers sur le terrain juridique sont effectivement tenus au paiement de l’intégralité de la créance en qualité de caution.

 

Pour autant, il est bien évident que cette solidarité juridique n’a pas nécessairement vocation à impacter l’analyse du taux d’endettement des consorts H pris tant ensemble que séparément, alors même qu’ils ont des rapports entre eux de cofidéjusseurs, de telle sorte que la Cour d’Appel a effectivement rejeté cet argument.

 

Enfin, se posait la double question de la réalisation de l’actif,

 

Tantôt concernant la vente amiable,

 

Tantôt concernant la vent aux enchères publiques,

 

En effet, concernant la demande d’autorisation de vente amiable du bien là encore la Cour d’Appel brille par une certaine sévérité,

 

Elle précise que la vente amiable n’est pas de droit,

 

Il appartient au débiteur d’apporter les éléments permettant au Juge d’en apprécier la pertinence et de l’autoriser le cas échéant dans les conditions adaptées compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et de la diligence éventuelle du débiteur.

 

Qu’à défaut pour le débiteur de produire aucune évaluation actualisée de leur bien aucun moyen de vente permettant d’une part de l’évaluer par rapport au marché et d’autre part de caractériser leur bonne foi, la Cour d’Appel a considéré que la réelle volonté de parvenir à une vente et la faisabilité concrète de ce projet ne permettaient pas d’envisager une vente amiable.

 

Renvoyant ainsi l’actif à être réalisé aux enchères publiques,

 

Pour autant demeure entier la question de la fixation de la mise à prix,

 

Il convient de rappeler qu’en cas de carence d’enchères le bien est « adjugé d’office » au créancier saisissant,

 

Ce qui augmente d’autant sa capacité à fixer des mises à prix volontairement basses,

 

Le débiteur saisi appréciera…..,

 

Il convient malgré tout de se reporter au texte en question, savoir que l’article L322-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution prévoit que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant.

 

A défaut d’enchères, celui-ci est déclaré adjudicataire d’office à ce montant.

 

Or, ce même texte précise que le débiteur peur, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le Juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l’immeuble et les conditions du marché.

 

Enfin, ce même texte précise qu’à défaut d’enchères le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale.

 

C’est dans ces circonstances juridiques que la Cour rappelle que la mise à prix proposée par le créancier poursuivant est de 140 000 euros alors que les consorts H considèrent que le bien peut être évalué sur une base de 350 000 euros, c’est dire le delta de près de 210 000 euros.

 

Ceci étant dit, la Cour rejette les prétentions des consorts H et rappelle que la mise à prix fixée par le créancier poursuivant ne correspondant pas à la valeur vénale de l’immeuble et ne présage en rien du montant du prix d’adjudication lequel résultera des enchères.

 

Cet arrêt est riche d’enseignement,

 

En premier lieu, le principe de concentration des moyens permet de faire remarquer que les moyens de contestation sont nombreux et que rien ne doit être oublié,

 

En deuxième lieu, et surtout, il montre bien qu’il est de la plénitude de compétence du juge de l’orientation de désigner tel expert judiciaire aux fins de procéder à une analyse actuarielle et vérifier également le respect des obligations de conseils et de mise en garde,

 

Enfin, et en troisième lieu, il rappelle la rigueur des critères de vente amiable, et de fixation de la mise à prix du bien en cas de carence d’enchères,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Fonds de titrisation et saisie immobilière

La contestation de la créance d’un fonds de titrisation en droit de la saisie immobilière, entre exception de nullité, créance clairement individualisée et identifiable et procédure en inscription de faux, autant d’obstacles pour le débiteur saisi qui entend se défendre devant le juge de l’orientation,

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix en Provence venant aborder la problématique d’une saisie immobilière engagée, non pas par le créancier initial, mais par le fonds de titrisation qui a bénéficié de la cession de la créance en litige,

 

Il convient de rappeler que la titrisation consiste en une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers, (ou immobiliers), tels que des créances,

 

Dans cette affaire, par jugement dont appel du 4 novembre 2016 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers saisis au préjudice de monsieur B pour une créance liquide et exigible de 66.660,44 euros en principal outre les intérêts et accessoires,

 

Monsieur B a frappé d’appel la décision et est venu opposer le fait que le fonds de titrisation n’était fondé à engager une procédure de saisie immobilière.

 

Là encore la Cour d’Appel d’Aix en Provence brille par une certaine sévérité à l’encontre du débiteur et donne l’amer sentiment que rien ne trouve jamais grâce aux yeux de la Cour lorsqu’il s’agit d’un débiteur.

 

Afin d’échapper à la rigueur de cette saisie immobilière, Monsieur B avait pris soin de soutenir un certain nombre d’arguments et venait notamment mettre en avant un moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification.

 

Pour autant le fonds de titrisation s’y oppose et rappelle que s’il résulte des notes en délibéré, du jugement d’orientation, des conclusions des parties que la nullité des actes de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 a bien été soutenue à l’audience d’orientation, il n’en demeure pas moins que celle-ci est contestable,

 

En effet, la contestation de la validité d’un acte qui le prive d’effet de droit, en l’espèce le caractère non-définitif des titres exécutoires, devant s’entendre d’une nullité de l’acte à raison d’irrégularité qui l’affecte, moyen soutenu devant le juge de l’exécution, a vocation à être rejeté, le débiteur l’ayant soulevé au mauvais moment au mauvais endroit,

 

La remarque peut sembler spécieuse, ou trop rigoureusement tranchée,

 

Même si, sur le plan du droit de la procédure civile, celui-ci a tout son sens,

 

En effet, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Civile :

 

« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité. »

 

La Cour considère que l’appelant ayant soutenu dans ses conclusions devant le Juge de l’Exécution ainsi qu’il résulte du jugement déféré, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant, il en résulte l’irrecevabilité de l’exception de nullité,

 

Qui aurait du être soulevé avant,

 

Ceci fait que désormais la Cour ne vient même plus reprocher au débiteur, et à son conseil, d’avoir omis tel moyen de fait ou de droit, et ce, au titre du principe de concentration des moyens,

Désormais, elle va jusqu’à reprocher au débiteur et à son conseil l’emplacement de tel ou tel argument dans le corps de ses conclusions,

 

Dès lors, à bien y comprendre la Cour, le débiteur, (ou son conseil), aurait eu la « maladresse » de conclure d’abord sur des problématiques de fins de non recevoir au lieu de soutenir avant toute chose l’exception de nullité,

 

 

Il convient de rappeler que devant le Juge de l’Orientation l’ensemble des moyens de faits et de droit doit être soulevé sous peine d’irrecevabilité.

 

Dès lors, pareille décision de la Cour, doit être comprise comme une « piqure de rappel » au débiteur et à son conseil, dans la rédaction et l’établissement juridique et stratégiques des conclusions prises devant le Juge de l’Orientation sont fondamentalement déterminantes ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet dévolutif en cause d’appel en droit de la saisie immobilière,

 

De telle sorte qu’il serait impossible pour le débiteur et, ou, son conseil, de rattraper l’erreur commise en première instance devant la Cour d’Appel.

 

Ceci étant dit, il convient également de s’intéresser à la problématique de la cession de créance au profit du fonds de titrisation,

 

En effet, le débiteur, appelant, soutient que le créancier poursuivant agit en vertu de l’acte de cession de créances en date du 23 juillet 2010,

 

Celui-ci tente de faire croire que le fonds de titrisation envisagerait une saisie immobilière sur la seule base de la cession de créance alors qu’il devrait justifier d’un titre exécutoire,

 

La Cour ne s’y trompe pas,

 

Elle souligne qu’il résulte clairement du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 4 novembre 2015 que le fonds de titrisation vient aux droits de la Banque, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 23 juillet 2010, certes, mais ledit commandement de payer valant saisie de biens et droits immobiliers, repose aussi et surtout sur divers titres exécutoires énoncés de telle sorte que tout interprétation d’une poursuite en vertu d’un acte de cession de créance conduisant à une prescription à la date anniversaire du 23 juillet 2015 constitue immanquablement une dénaturation de l’acte d’exécution.

 

Il convient de rappeler de rappeler que rien n’empêche le fonds de titrisation d’envisager toute mesure d’exécution car la remise la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.

 

De telle sort que le droit de mettre en oeuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L 214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière de saisie immobilière de sorte que le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer le présent commandement.

 

Pour autant, il est important de rappeler que plusieurs moyens de contestation sérieux peuvent être opposé au fonds de titrisation,

 

Dès lors, on peut retrouver regrettable de constater que le débiteur, ou son conseil, n’ait pas eu la présence d’esprit de soulever bon nombre de ces moyens de contestation,

 

Pour autant, il n’en demeure pas moins que celui-ci en soulève au moins un intéressant,

 

En effet, le débiteur envisage un axe de contestation plus sérieux en venant remettre en cause la validité et le non-respect des dispositions légales en la matière concernant la cession de créances.

 

En effet, les articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier précisent que :

 

«La cession devient opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autres formalités de sorte que les dispositions invoquées de l’article L211-37 dudit code, intéressant la cession de créances afférentes aux obligations financières mentionnées à l’article L211-36, que ne sont pas les créances présentement cédées, sont inapplicables à la cause ce dont il suit que le moyen d’irrégularité est rejeté. »

 

A toute fin, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 1690 du Code civil sont inapplicables en matière de Titrisation.

 

Sur ce point, c’est à bon droit que la Cour d’Appel considère que bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire qui doit contenir diverses énonciations, celles-ci prévues par l’article D214-227 du code susdit, dont la désignation et l’individualisation des créances cédées, comprend en l’espèce, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de monsieur B, une indentification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé, l’acte de cession étant suffisant pour identifier les créances cédées.

 

Dès lors, la Cour considère que, la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de Titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, il n’y a lieu de mentionner sur le bordereau de cession les décisions judiciaires obtenues par la banque à l’encontre du débiteur co-contractant du créancier cédant,

 

Ce serait donc en vain que monsieur B demande l’application d’une jurisprudence de la cour de cassation du 1er décembre 2015 aux termes de laquelle, au cas d’espèce déféré à la Cour suprême, la cour d’appel ayant fait ressortir que les créances dont la cession était alléguée n’étaient pas suffisamment identifiées, s’agissant d’associés, contre lesquels le créancier disposait de titres exécutoires, d’une société également condamnée, cette Cour d’Appel a pu en déduire que le Fonds Commun de Titrisation ne pouvait pas se prévaloir des titres exécutoires dont bénéficiait la caisse à l’encontre des consorts X de sorte que le moyen est rejeté.

 

Cette jurisprudence du 1er décembre 2015 consacre l’obligation de faire apparaître, dans le cadre de la cession de créances à un fonds de Titrisation, chaque créance comme devant doit être clairement individualisée et identifiable.

 

Mais surtout, la Cour considère qu’in fine, le débiteur saisi n’a pas utilisé la bonne procédure en relevant que la contestation de la régularité des mentions de l’extrait notarié confirmant ou infirmant que parmi les créances cédées figure les créances détenues à l’encontre de Monsieur B, aurait du faire l’objet d’une procédure spécifique d’inscription de faux, laquelle n’a pas été mise en œuvre.

 

Là encore, le choix procédural émis par le débiteur est sérieusement malmené par la Cour qui vient, une fois de plus, rejeter les prétentions du débiteur tant sur le fond que sur la forme,

 

Sur le fond, la Cour appréciant souverainement l’acte authentique considère que la créance de Monsieur B est clairement individualisée et identifiable,

 

Sur la forme, la Cour reproche à Monsieur B de n’avoir pas retenu la bonne procédure permettant de contester l’acte authentique,

 

De telle sorte que si la créance en litige n’avait pas été clairement individualisée et identifiable, l’erreur procédurale l’aurait emporté au détriment du fond, soit, l’absence d’opposabilité de la cession de créance par le débiteur, et par là même, l’absence de qualité à agir pour procéder à une saisie immobilière,

 

Le débiteur se voit débouter de l’ensemble de ses demandes ce qui est bien regrettable.

 

Ceci d’autant plus que la créance est classiquement cédé au fonds de titrisation à vil prix,

 

Si dans cette affaire, la décision n’est pas favorable au débiteur qui a pris soin de contester cette cession de créances et la qualité du fonds de titrisation, cet axe de contestation, (peut-être mieux développé) demeure néanmoins pertinent.

 

En effet, la cession de créances au profit d’un fonds de titrisation se fait dans le cadre d’une procédure clairement déterminée par les textes et est assujettie au respect d’un certain nombre de règles de procédure.

 

Il appartient au débiteur, et à son conseil, de procéder aux vérifications d’usage pour chercher une faille, tantôt dans la régularité des mentions dans le corps même de l’acte notarié, tantôt dans l’obligation d’individualiser et d’identifier clairement les créances cédées.

 

Ces points de vérifications sont fondamentaux et il ne faut pas oublier que dans pareils cas si le débiteur entend contester la validité même de l’acte authentique de cession de créance, il devra non seulement le conclure devant le Juge de l’Orientation mais il devra, également, envisager une procédure de faux,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Médiation et saisie immobilière, lorsqu’une mauvaise saisie vaut mieux qu’un bon accord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en ce mois de juin 2017 qui vient aborder le cas particulier d’une saisie immobilière qui se fait alors qu’une médiation est en cours entre l’établissement bancaire et son débiteur, et ce, conformément au contrat de prêt qu’il prévoit.

Dans cette affaire, la banque avait engagé à l’encontre de M. et Madame X une procédure de saisie immobilière,

Un jugement d’orientation avait été rendu le 9 juin 2015 constatant la régularité de la procédure et autorisant la vente amiable du bien puisque de prime abord, à bien y comprendre, les consorts X avaient mis le bien en vente afin de faire face à leurs obligations bancaires, nonobstant procédure et médiation,

La particularité de cette affaire est qu’effectivement la clause prévue dans le contrat de prêt permettait une médiation préalablement à toute présentation d’une demande en justice.

Pour autant, la Cour de Cassation, dans sa rigueur habituelle, considère qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut en l’absence de stipulations expresses en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée.

Dans cette affaire, les consorts X faisaient fait grief à l’arrêt confirmatif de considérer la demande de la banque recevable.

La Cour de Cassation considère que la procédure de médiation à la lecture du contrat n’était qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux.

Madame X a formé pourvoi contrat l’arrêt confirmatif au motif pris qu’elle considérait que dans la mesure où une procédure de médiation était envisagée et quand bien même ne serait qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux, il n’en demeurait pas moins que dans l’hypothèse où la procédure de la médiation était engagée, les parties devaient alors s’y plier et s’abstenir de recourir au juge tant que la médiation était en cours.

Dès lors, pour madame X c’est à tort que la banque a cru bon envisager une procédure de saisie immobilière alors qu’une mesure de médiation était envisagée et que la patience dont l’établissement bancaire aurait pu faire preuve ne pouvait en aucun cas lui nuire puisque le créancier était de toute façon garanti par une hypothèque judiciaire.

Ceci d’autant plus que la procédure de médiation était encadrée dans des délais raisonnables de près de deux mois,

Par ailleurs, l’article L 316-1 du Code Monétaire et Financier dispose expressément que la saisie du médiateur suspend la prescription.

Par voie de conséquence, les consorts X considéraient que la banque avait eu un comportement abusif en envisageant une saisie immobilière.

Inversement, la banque s’en défend puisqu’elle soutient que les pouvoirs du médiateur demeurent en revanche circonscrits, qu’il bénéficie surtout d’un pouvoir de recommandation et les parties peuvent par conséquent ne pas adhérer à leurs recommandations et peuvent par la suite saisir le Juge.

Dès lors, la saisine du médiateur ne constituerait pas un obstacle sérieux à une action en justice, et donc à une saisie immobilière,

La Cour de Cassation semble sensible à cette argumentation,

Bien plus, elle considère que si la banque peut accepter de différer l’introduction du recours judicaire à l’encontre de son client dès lors que le médiateur a été préalablement saisi, il n’en demeure pas moins que ceci n’est qu’une faculté que la banque a la liberté de lever comme bon lui semble afin de poursuivre le débiteur si besoin est.

C’est ce que d’ailleurs les faits démontrent,

La banque n’a absolument pas patienté.

Cet arrêt mérite attention car s’il est bien évident, si tout laisse à penser qu’effectivement, à la lueur des dispositions de l’article L 111-7 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions qui disposent que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, le texte rappelle quand même que l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

L’article L 121-2 du même Code dispose, quant à lui, que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Madame X envisageait sur cette base juridique la condamnation de la banque au motif pris que ces démarches pouvaient être vécues par le débiteur comme des démarches particulièrement agressives alors même qu’une médiation, contractuellement prévue dans le contrat de prêt, avait été mise en œuvre par les débiteurs.

Dès lors, il est bien évident que si les dispositions de l’article L 111-7 n’empêchent pas le créancier de saisir le Juge de l’Orientation alors même qu’une médiation est envisagée, il n’en demeure pas moins que celle-ci pouvait être tout considérée comme abusive au motif que cela pouvait infléchir la médiation,

Ou à tout le moins déstabiliser suffisamment les débiteurs pour faire avorter la médiation,

L’attitude de la banque était particulièrement critiquable,

Ceci d’autant plus qu’il ressort des circonstances de la cause que le médiateur lui même a affirmé que le dossier était encore à l’étude et que la proposition de médiation n’avait pu être finalisée au motif que le dossier n’était pas complet, le médiateur ayant relancé à moult reprises l’établissement bancaire qui n’avait pas daigné apporter de réponses au médiateur,

Immanquablement, la banque s’est refusée à une médiation pourtant contractuellement prévue dans le cadre d’un contrat d’adhésion qu’elle a elle-même établi.

Il est dés lors particulièrement regrettable de constater que la Cour de Cassation ne retienne pas la responsabilité de l’établissement bancaire et considère qu’il n’y a pas matière à caractère abusif de la procédure de saisie immobilière en jugeant que la Cour d’Appel a pu retenir par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et que la demanderesse ne justifiait pas le caractère abusif de cette procédure.

Pourtant, il peut sembler largement critiquable de constater que la banque se sert de son contrat pour soutenir la déchéance du terme et envisager une saisie immobilière et se garde bien de faire face à ses propres obligations contractuelles pour dénier une médiation pourtant contractuellement prévue et pouvant potentiellement aider l’emprunteur,

Cette utilisation à géométrie variable des termes du contrat à son seul profit mériterait pourtant sanction,

La banque montre par là même sa mauvaise foi absolue.

Non seulement l’établissement bancaire ne patiente pas la phase de médiation pour saisir le débiteur, mais bien plus fait volontairement obstacle à ladite médiation en se refusant de collaborer,

Pour autant, il ne faut pas désespérer,

In fine, dans un univers sans solution juridique par nature acquise au profit de l’emprunteur il appartient à ce dernier, malgré tout, et en toutes circonstances, de faire preuve de pugnacité sans faille dans la défense de ses intérêts, et soulever, une fois de plus, l’ensemble des moyens de droit et de fait à sa portée contre l’établissement bancaire,

Laurent Latapie Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael,