Alors que les textes invitent de plus en plus le juge à procéder à des vérifications d’office, la question se pose de savoir si le débiteur absent à une audience d’orientation peut espérer voir trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance de la banque, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui été rendu par la Cour de Cassation en début d’année qui vient aborder la problématique de la mission d’office et des vérifications d’office du juge dans le cadre d’une saisie immobilière.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution de vérifier que le créancier poursuivant dispose bien d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Dès lors, le juge de l’orientation serait tenu de procéder à des vérifications d’office,

Pour autant, la Cour considère également que le juge de l’orientation n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle la rigueur propre au droit de la saisie immobilière et le fait qu’il est extrêmement important pour tout débiteur de se défendre sans avoir à espérer un regard bienveillant du juge à son endroit.

En tout état de cause, si le débiteur est absent il aura immanquablement tort et sera sanctionné par le juge de l’orientation.

Dans cette affaire, la banque avait poursuivi une saisie immobilière à l’encontre de Monsieur X tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de son épouse.

Par jugement d’orientation réputé contradictoire, faute pour le débiteur d’avoir pu être présent, la vente aux enchères publiques avait été ordonnée.

Il ressort des débats, que Monsieur X dont l’épouse était décédée, avait été assigné par acte d’huissier du 12 janvier 2015.

La régularité de l’acte n’était pas discutée puisqu’il contenait le rappel des textes de procédure applicables à cette audience, spécialement sur le principe de la représentation obligatoire et la possibilité pour la partie saisie de demander une autorisation de vente amiable oralement à l’audience.

Le débiteur saisi disposait donc d’un délai de deux mois et huit jours pour préparer sa défense.

Pour la Cour, le débiteur ne justifiait pas des difficultés qu’il aurait pu rencontrer auprès d’un avocat alors que ce débiteur avait pris soin d’écrire directement au juge de l’orientation en ces termes :

« La procédure dans le VAR, à plus de 900 km de mon domicile, ne m’a pas permis de préparer ma défense considérant que la maison dans le golfe de Saint Tropez inachevée n’est pas habitable, mon âge 80 ans, mon état de santé (traitement de longue durée).

Aussi je suis au regret de ne pouvoir me présenter à l’audience d’orientation ni de me faire représenter par un avocat.

Cependant, la possibilité étant offerte par l’assignation au visa de l’article R 322-17 je sollicite d’être autorisé de vendre le bien saisi à l’amiable.

Je fais valoriser le bien.

J’ai demandé à l’agence immobilière de vous communiquer directement sa proposition de vente par FAX à votre secrétariat

Je vous serais obligé de bien vouloir prendre ma demande en considération. »

Étaient fournis aux débats plusieurs certificats médicaux montrant bien les problématiques de santé de Monsieur X et les traitements qu’il suivait.

Pour autant, la Cour d’Appel procède à une approche particulièrement sévère de cette correspondance est estime que ladite correspondance ci-dessus ne contenait pas de demande de renvoi et n’évoquait ni des difficultés rencontrées pour faire assurer sa défense par un avocat, ni la perspective de la désignation d’un avocat par la partie.

La Cour considère encore que les termes du certificat médical ne traduisaient pas l’existence d’un état de santé entravant l’exercice des droits de la défense.

D’autre part, la Cour considère que la partie saisie avait été régulièrement informée par l’énoncé complet dans l’assignation des textes régissant la représentation obligatoire, le risque associé au défaut de comparution, ainsi que du texte de l’article R 322-17 qu’elle cite, du fait qu’elle était dispensée du ministère d’avocat pour demander une autorisation de vente amiable et que cette demande pouvait être formulée verbalement à l’audience.

La Cour est sévère.

Elle considère que la lettre du débiteur ne peut s’entendre que comme une excuse du défaut de comparution et une autorisation de vente amiable qui est tardive et irrégulière faute d’avoir été présentée à l’audience et oralement.

Enfin, la Cour considère que le débiteur qui n’avait pas constitué avocat ne prétend pas avoir sollicité communication des pièces adverses dont la liste est annexée à l’assignation et se prévaut vainement d’un manquement au principe de la contradiction des débats.

Cette jurisprudence est regrettable car force est de constater que le débiteur qui croit au sacrosaint principe de l’accès au juge et des principes d’équité qui pourraient aller de pair, ne peut qu’être déçu.

En effet, cette jurisprudence rappelle combien la présence du débiteur est importante à l’audience d’orientation ou sa représentation par un avocat afin d’assurer la défense de ses intérêts.

L’absence du débiteur est source d’interrogations.

En effet, quid de l’attitude du juge pourtant amené de plus en plus a se saisir d’office d’un certain nombre de vérifications lorsque le débiteur n’est pas présent,

Pourquoi le juge de l’orientation ne pourrait pas procéder à des vérifications d’office du bien fondé de la créance de la banque ?

Le corolaire de cette absence est de savoir dans quelle mesure le juge peut s’interroger sur la validité de la saisie immobilière et trancher d’office des problématiques de bien fondé de la créance, notamment en terme d’exigibilité ou de prescription.

En premier lieu, la Cour rappelle que le défaut de comparution du débiteur ne le décharge pas de son office et qu’en vertu de l’article 472 du Code de Procédure Civile, il lui incombe de faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Ainsi, le juge de l’orientation pourrait procéder à des vérifications d’office,

Il est fort regrettable de constater que la Cour de Cassation retient le fait qu’aux termes de l’article 2247 du Code Civil, les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription, même résultant d’une disposition d’ordre public .

Pour autant, il convient de rappeler que l’article L. 141-4 du Code de la Consommation admet que les prêts litigieux relèvent des dispositions du Code de la Consommation, édicte que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application.

Cela peut laisser à penser que si le juge peut soulever d’office les dispositions du Code de la Consommation et dans la mesure où le juge de l’orientation a vocation à trancher les problématiques de fond, il serait à même de soulever d’office les dispositions de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dont l’appelant prétend se prévaloir.

Pour autant, la Cour de Cassation ne retient pas cette approche et considère que si le Juge de l’Exécution est tenu, en application de l’article R. 322-15 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, de procéder à des vérifications d’office et de vérifier que le créancier poursuivant dispose d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, il n’a pas l’obligation de relever d’office la prescription du titre servant de fondement aux poursuites.

Une telle jurisprudence est à mon sens parfaitement critiquable et elle est même en contradiction avec l’avis qui a été rendu par la Cour de Cassation en avril 2018 qui laisse à penser que le juge doit procéder aux vérifications d’office sur le bien fondé de la créance.

Cette jurisprudence souligne dans un deuxième temps qu’il résulte de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

L’absence du débiteur peut s’expliquer par son grand âge, par la maladie et parfois dans l’incapacité de trouver un avocat, alors que le débiteur est classiquement dans de grandes difficultés financières.

Si comme à chacun sait les absents ont toujours tort, l’adage ne se vérifie que trop en droit de la saisie immobilière,

Il y a un véritable paradoxe entre les pouvoirs de plus en plus octroyés au juge en terme de vérifications d’office et pour lequel le juge de l’orientation se refuse encore à pareille analyse,

Pourtant le Droit l’y invite fortement,

Surtout, l’Equité l’impose complétement,

Ceci d’autant plus que la dernière réforme en droit de la saisie immobilière consistait notamment à « rééquilibrer les rapports de force » entre débiteur et créancier,

Cependant, entre la théorie et la pratique le fossé est énorme,

Il est tout aussi impitoyable pour le débiteur.

Immanquablement le débiteur doit se défendre,

Plus que jamais, l’intervention de l’avocat en droit de la saisie immobilière est fondamentale.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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