Quelle responsabilité de la banque en cas de « spoofing », lorsqu’un escroc se fait passer pour un conseiller de la banque

laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles
laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles
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Le titulaire d’un compte bancaire se fait escroquer de plusieurs milliers d’euros par une personne se faisant passer pour un conseiller de la banque détenant des informations personnelles. Alerté par cette usurpation et ce « spoofing » la banque refuse de rembourser le client victime au motif qu’il aurait fait preuve d’une négligence grave. Que dis la jurisprudence ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, ce 23 octobre 2024, N°23-16.277, et qui vient aborder la problématique de responsabilité de la banque lorsqu’un de ses clients, titulaire d’un compte, se fait escroquer par une tierce personne qui le contacte par téléphone et se fait passer pour un conseiller dudit établissement bancaire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, le 31 mai 2019, Monsieur J avait constaté que plusieurs virements frauduleux avaient été réalisés pour un montant de 54 500.00 € sur son compte ouvert dans les livres de la banque.

 

Monsieur J a alerté la banque le jour même, soutenant avoir été contacté par téléphone par une personne se faisant passer pour une préposée de l’établissement lui demandant d’ajouter, grâce à ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires de virement.

 

Monsieur J a alors assigné la banque en remboursement de ces sommes.

 

La banque faisait griefs à la Cour d’appel de Versailles de l’avoir condamné à payer la somme de 54 500.00 € à Monsieur J avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019 ainsi que la somme de 1 500.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral avec intérêts au taux légal.

 

Pour la banque, celle-ci considérait que le payeur, à savoir le client titulaire du compte, supportait toutes les pertes occasionnées par les opérations de paiement non autorisé si ces pertes résultaient d’une négligence grave de sa part.

 

Le remboursement par la banque des opérations non autorisées sauf négligence grave

 

Or, pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui valide à distance et sans la vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur.

 

Pour autant, la banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir relevé que, suivant ses déclarations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme assistante de sa conseillère bancaire qui lui avait expliqué qu’il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique, qu’il fallait désormais les réenregistrer et qu’il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile des messages l’invitant à valider des ajouts de bénéficiaires, ce qu’il avait fait en saisissant son compte confidentiel.

 

La banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu que Monsieur J avait été gravement négligeant quand celui-ci avait validé les opérations dont il n’était pas l’auteur sans en vérifier toutes les données.

 

La banque rappelle encore que, selon elle, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisé si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Négligence grave et faux conseiller bancaire

 

Et, pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui, à la demande d’une personne qui l’a contacté par téléphone en se présentant comme son conseiller bancaire valide à distance et sans la vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur en dépit d’indices permettant l’utilisateur normalement attentif de douter de l’identité de son interlocuteur.

 

Or, en l’espèce, la Cour d’appel de Versailles avait relevé que, suivant ses déclarations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme une assistance de son conseiller bancaire qui lui avait expliqué qu’il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique, qu’il fallait désormais les réenregistrer.

 

Qu’il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile les messages l’invitant à valider des ajouts des bénéficiaires, ce qu’il avait fait en saisissant son compte personnel et qui lui avait enfin expliqué qu’il n’aurait plus accès à son compte et qu’il allait recevoir par la poste un nouvel identifiant de compte et un nouveau mot de passe.

 

La Cour d’appel retenait, quant à elle, que Monsieur J n’avait pas été gravement négligeant quand l’identité de son interlocutrice qui prétendait être non pas sa conseillère bancaire mais l’assistante de celle-ci, l’objet de l’appel qui tendait à réenregistrer des bénéficiaires de virement, ce qui pouvait pourtant se faire sans intervention d’un employé de la banque et ne présentait, au surplus, aucune urgence dans la mesure où Monsieur J n’aurait plus accès à son compte en ligne pendant plusieurs jours.

 

L’attaque informatique et la suppression de bénéficiaires de virement

 

Et, les explications qui lui avaient été fournies suivant lesquelles l’attaque informatique dont il aurait été victime avait pu être déjouée par la suppression des bénéficiaires de virement qui lui fallait réenregistrer avant que l’accès en ligne à son compte soit bloqué et qu’un nouvel identifiant et un nouveau mot de passe lui soient adressés par voie postale, constituaient les indices permettant à un utilisateur normalement attentif de suspecter une fraude.

 

La banque allant même jusqu’à soutenir que, même de bonne foi, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par les opérations de paiement non-autorisé si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas cette approche-là.

 

En effet, elle précise dans cette jurisprudence qu’elle rejette le pourvoi de la banque en précisant qu’après avoir exactement énoncé qu’il incombe au prestataire de service de paiement de rapporter la preuve d’une négligence grave de son client, l’arrêt constate que le numéro d’appel apparaissait sur le numéro de portable de Monsieur J et s’était affiché comme étant celui de Madame Y, sa conseillère de la banque, et retient qu’il croyait être en relation avec une salariée de la banque lors du réenregistrement et de la nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement sur son compte qu’il connaissait et qu’il a cru valider l’opération litigieuse sur son application dont la banque a assuré qu’il s’agissait d’une opération pour sécuriser.

 

Une vigilance diminuée par l’utilisation du spoofing

 

Il ajoute que le mode opératoire par l’utilisation du spoofing a mis Monsieur J en confiance et a diminué sa vigilance inférieure à un appel téléphonique émanant prétendument de sa banque pour lui faire croire au piratage de son compte à celle d’une personne réceptionnant un courrier, laquelle aurait pu disposer d’avantages de temps pour s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse.

 

De ses constatations et appréciations, la Cour d’appel a pu en déduire que la négligence grave de Monsieur J n’était pas caractérisée et c’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’établissement bancaire, ce qui vient confirmer l’indemnisation totale de Monsieur J, victime de ce spoofing et de cette escroquerie par téléphone.

 

Il convient quand même de rappeler que bon nombre de dispositions sont venues protéger le consommateur et une règlementation stricte est venue encadrer les opérations par carte, par virement et par prélèvement, notamment pour protéger au mieux le payeur.

 

Ainsi, des directives du Parlement Européen et de l’Union Européenne ont été mises en place le 13 novembre 2007 ainsi que le 25 novembre 2015.

 

Ces dispositions ont été transposées en droit Français.

 

Les dispositions protectrices du Code Monétaire et financier

 

Ainsi, l’article L 133-24 du Code monétaire et financier prévoit dans son alinéa premier qu’en présence d’une telle opération non autorisée, il revient au payeur de le signaler à son prestataire de service de paiement.

 

Ce professionnel se verra alors dans l’obligation de rembourser le payeur conformément à l’article L 133-18 du Code monétaire et financier et ce, dans un bref délai, à charge pour l’établissement bancaire de rétablir ainsi le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération non-autorisée n’avait pas eu lieu.

 

Une importante limite existe cependant en la matière puisque l’article L 133-19 4 du Code monétaire et financier précise qu’en matière d’opération de paiement par carte, par virement ou par prélèvement, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non-autorisé si elles résultent des agissements frauduleux de sa part ou si ce même payeur n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L 133-16 et L 133-17 du Code monétaire et financier.

 

L’obligation du titulaire du compte de préserver la sécurité de ses données bancaires

 

Il convient de comprendre cette disposition comme l’obligation qui pèse sur le payeur de préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisée mais aussi d’en informer sans tarder son prestataire et son établissement bancaire de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non-autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.

 

Or, la question qui se pose dans bon nombre de jurisprudences est de savoir comment comprendre la notion de négligence grave au sens de l’article L 133-19 4 du Code monétaire et financier.

 

Or, dans cette affaire, immanquablement Monsieur J avait été contacté par une personne qui, effectivement par ce biais de spoofing, s’est fait passer par un conseiller bancaire mais sur la base d’informations confidentielles ou avec un numéro d’appel qui apparaissait sur le téléphone de Monsieur J s’affichant comme étant celui de sa conseillère.

 

La victime de spoofing non responsable d’une négligence grave

 

De telle sorte que l’intéressé se croit être en relation avec une salariée de la banque lors du réenregistrement et de la nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement, de telle sorte que cette personne, immanquablement mal intentionnée, bénéficie d’informations confidentielles qui ne pouvaient qu’amener Monsieur J à être mis en confiance, voir en tout cas, diminuer sa vigilance.

 

De telle sorte que c’est donc à bon droit que la Cour de cassation, à la lueur des dispositions des articles L 133-24 et L 133-18 du Code monétaire et financier, a condamné la banque à rembourser Monsieur J des sommes qui ont été indûment perçues de son compte bancaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Saisie immobilière et la convocation du débiteur à l’audience d’adjudication

Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, un jugement d’adjudication est contesté à la fois par le débiteur saisi et à la fois par le fonds commun de titrisation intervenant à la place de la banque suite à une cession de créance. Dans quelles conditions un recours contre un jugement d’adjudication est possible ? Le débiteur doit-il être dument convoqué à l’audience d’adjudication ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue ce 08 février 2024 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, N°21-1870223 qui précise que :

 

« Commet un excès de pouvoir le Juge de l’exécution qui prononce l’adjudication du bien saisi sans s’être assuré que le débiteur a bien été appelé à l’audience d’adjudication. »

 

Ce qui fait que, immanquablement, les jugements de report d’adjudication devront faire l’objet d’une signification et il devra bien sûr en être justifié dans le dossier de la procédure, ce qui est, à mon sens, également un argument de défense pour le débiteur qui doit immanquablement être convoqué, au besoin, par voie de signification devant le Juge de l’adjudication pour manifester au besoin ses derniers moyens de contestation.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et selon jugement rendu par le Juge de l’adjudication du Tribunal judiciaire de Béthune le 25 mars 2020 rendu en dernier ressort sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la banque à l’encontre de Monsieur T, le bien saisi avait été adjugé à Monsieur I.

 

Monsieur T s’est pourvu en cassation soutenant que le mémoire déposé par le fonds commun de titrisation, au terme duquel celui-ci indique venir aux droits de la banque à la suite d’une cession de créance, est irrecevable dès lors que cette cession, qui ne lui a pas été signifiée conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil lui est inopposable.

 

Cependant, il ressort de l’acte de cession produit que celui-ci est soumis aux dispositions des articles L 214-169 à L 214-175 du Code monétaire et financier.

 

Les conditions d’acquisition ou de cession de créance

 

Selon l’article L 214-169, l’acquisition ou la cession de créance par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et les supports sont fixés par décret ou par tout autre mode d’acquisition de cession de transfert de droits Français ou étrangers par dérogation à l’alinéa précédent.

 

Les cessions de créances qui ont la forme d’instruments financiers s’effectuent conformément aux règles spécifiques applicables au transfert de ces instruments.

 

Le cas échéant, l’organisme peut souscrire directement à l’émission de ces instruments lorsqu’elle est réalisée par voie de bordereau mentionné au premier de l’article L 214-169, l’acquisition ou la cession de créance prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise quelle que soit la date de naissance d’échéance ou d’exigibilité des créances sans qu’il ne soit besoin d’autre formalité et ce, quelle que soit la Loi applicable aux créances à la Loi de Pays de résidence du débiteur.

 

L’opposabilité de l’acte de cession de créance au débiteur saisi

 

De telle sorte que, la Cour rappelle en tant que de besoin qu’il en résulte que l’acte de cession de créance n’avait pas, pour être opposable à Monsieur T, à lui être signifié.

 

Pour autant, Monsieur T venait également soulever d’autres moyens.

 

En effet, ce dernier soulevait que, selon l’article 615 alinéa 2 du Code de procédure civile, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, le pourvoi formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’Instance.

 

Ainsi, l’adjudicataire au profit duquel le bien saisi a été adjugé est partie au jugement d’adjudication dont il résulte que tout pourvoi formé contre cette décision doit être dirigé contre celui-ci et l’ensemble des autres parties.

 

Or, après avoir formé un premier pourvoi, N°21-18.702 à l’encontre de la banque, créancier poursuivant, et d’une autre banque et du Trésor public, créanciers inscrits, en a formé un second, N°23-10.075, à l’encontre de Monsieur I en sa qualité d’adjudicataire.

 

Le fonds commun de titrisation soutient que le premier pourvoi est irrecevable, faute d’avoir été dirigé contre l’adjudicataire, et que le second, qui ne l’a été que contre ce dernier, ne régularise pas la procédure.

 

Un pourvoi au contradictoire de l’adjudicataire ?

 

Cependant, la régularité affectant le pourvoi N°21-18.702, qui n’a pas été formé contre l’ensemble des parties au jugement d’adjudication, a été régularisé en application de l’article 126 du Code de procédure civile par le pourvoi N°23-10.075 dirigé contre l’adjudicataire.

 

Le pourvoi est dès lors recevable de ce chef.

 

Enfin, le fonds commun de titrisation et la banque soutenaient que le pourvoi était irrecevable en l’absence d’excès de pouvoir.

 

En effet, il résulte des articles 606, 607 et 608 du Code de procédure civile et de l’article R 322-60 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution que le jugement d’adjudication ne statuant sur aucune contestation n’est susceptible d’aucun recours sauf excès de pouvoir.

 

C’est sur ce point que la jurisprudence mérite également un intérêt tout particulier.

 

Le recours contre le jugement d’adjudication en cas d’excès de pouvoir

 

En effet, Monsieur T, débiteur saisi, faisait griefs au jugement de procéder à l’adjudication de son bien immobilier alors que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

 

De telle sorte que constituer un excès de pouvoir, le fait pour un Juge de statuer sans que le débiteur saisi ait été entendu ou appelé.

 

Qu’en procédant à l’adjudication du bien immobilier de Monsieur T, non comparant, sans que celui-ci n’ait été appelé à l’audience, le Juge de l’exécution a commis un excès de pouvoir et a violé l’article 14 du Code de procédure civile.

 

Une adjudication sans la présence du débiteur dûment convoqué

 

La Cour de cassation souligne en réponse, apporte quelques précisions, et vient préciser au visa de l’article 14 du Code de procédure civile qu’il résulte de ce texte que constituer un excès de pouvoir, le fait pour un Juge de statuer sans qu’une partie n’ait été entendue ou dûment appelée.

 

Ainsi, en prononçant l’adjudication du bien saisi alors qu’il ne résulte ni du jugement ni du dossier de procédure que le débiteur saisi avait été appelé à l’audience d’adjudication, le Juge de l’exécution a commis un excès de pouvoir et a violé le texte susvisé, amenant la Haute juridiction à casser et à annuler en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2021 par le Juge de l’adjudication du Tribunal judiciaire de Béthune.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, elle rappelle qu’immanquablement la cession de créance n’a pas à être signifiée au débiteur saisi qui est tiers à la cession de créance.

 

Ce qui est à rappeler puisque bon nombre de débiteurs considèrent que la cession de créance aurait dû leur être signifié.

 

Concernant la problématique du pourvoi, lorsque celui-ci est fait avec une partie manquante, la Cour de cassation rappelle, et ça aussi c’est un point important, que le pourvoyant a la possibilité de régulariser sa procédure, ce qui est, à mon sens, un élément important.

 

Enfin et surtout, immanquablement, cette jurisprudence est liée aux conditions dans lesquelles l’adjudication doit se dérouler et force est de constater qu’il est reproché au Juge de l’adjudication de ne pas s’être assuré que le débiteur a bien été appelé à l’audience d’adjudication.

 

Ce qui a un impact évident puisque force est de constater que les jugements de report d’adjudication devront, à l’avenir, faire l’objet d’une signification et il devra en être justifié dans le dossier de procédure et, à défaut, le débiteur pourra éventuellement le contester.

 

Ce qui est, à mon sens, un élément important.

 

Il convient de même suite à cette jurisprudence de s’intéresser à une chronique qui avait été faite par Maître Christian LAPORTE, avocat à la Cour, qui avait fait l’objet d’une publication à la semaine juridique, édition générale, N°22, ce 03 juin 2024, qui vient aborder les hypothèses de la recevabilité exceptionnelle du pourvoi en cas d’excès de pouvoir.

 

La recevabilité exceptionnelle du pourvoi en cas d’excès de pouvoir

 

Cette jurisprudence, comme il le souligne dans sa chronique fort pertinente, rappelle qu’il est acquis conforme à une jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’excès de pouvoir du Juge de l’exécution permet d’admettre la recevabilité du pourvoi en cassation contre le jugement d’adjudication qui n’a tranché aucune contestation.

 

Qu’en effet, rappelons pour la bonne forme que les dispositions de l’article R 322-60 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution offrent l’opportunité d’un appel du jugement d’adjudication qui n’est recevable que si une contestation a été émise, il doit être alors formé dans un délai de quinze jours de la notification.

 

À défaut, c’est le pourvoi de cassation qui s’impose en cas d’excès de pouvoir et mon Cher Confrère, Maître Christian LAPORTE, vient, dans sa chronique, aborder plusieurs points relatifs à la problématique d’aide juridictionnelle.

 

En effet, ce dernier rappelle en tant que de besoin que :

 

« Commet un excès de pouvoir le Juge de l’exécution qui ordonne dans le jugement d’adjudication la vente forcée du bien saisi sans s’être assuré de la décision du bureau de l’aide juridictionnelle et du nom de l’avocat désigné à ce titre alors qu’il en avait été informé par courrier de la demande faite par le saisi. »

 

Cour de cassation,

2ème Chambre civile,

24 juin 2010,

N°08-19.974

 

Maître LAPORTE précisant également que la Cour de cassation a :

 

« Jugé qu’en procédant à la vente forcée sans attendre la décision du bureau de l’aide juridictionnelle alors que la demande de l’aide juridictionnelle avait été faite avant l’audience d’adjudication, le Juge de l’exécution avait commis un excès de pouvoir. »

 

Cour de cassation,

2ème Chambre civile,

23 février 2017,

N°16-10.910

 

Cette jurisprudence, ainsi que l’étude qui en a été faite par mon excellent Confrère, Maître Christian LAPORTE, est intéressante puisqu’elle vient préciser que des voies de recours, même au stade de l’adjudication, peuvent être envisagées, tantôt par la voie de l’appel en cas de contestation qui aurait été tranchée, tantôt à titre exceptionnel en cas d’excès de pouvoir, bien que la jurisprudence soit limitante en la matière.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Saisie immobilière et nullité du commandement de payer

laurent latapie avocat saisie et commandement 2025

Un débiteur faisant l’objet d’une saisie immobilière souhaite contester le commandement de payer valant saisie immobilière qui vient de lui être signifié. Peut-il le contester dans les 8 jours de la signification ou attendre d’être assigné devant le juge de l’orientation ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation ce 21 novembre 2024, N°22-12.499, qui rappelle que le Juge de l’exécution ayant été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt qui déclare la demande irrecevable se trouve également que justifié.

 

En effet, il n’est pas rare, lorsque le débiteur saisi reçoit un commandement de payer valant saisie immobilière lui faisant commandement de payer sous huit jours la créance, que celui-ci souhaite saisir le Juge de l’exécution immobilier pour contester ce commandement de payer sans attendre la procédure de saisie immobilière et la traditionnelle assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation.

 

Or, cette jurisprudence rappelle en tant que de besoin que celle-ci ne saurait être efficace, au contraire, la Cour de cassation venant préciser que celle-ci étant effectivement irrecevable par la force des choses.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait fait délivrer à la SCI J le 09 juin 2020 un commandement de payer aux fins de saisie vente, puis, le 22 juillet 2020 un commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Le 09 septembre 2020, sans attendre l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation, la société J avait assigné la banque devant le Juge de l’exécution afin de voir annuler ce commandement.

 

Puis, tout naturellement, car cela est une mécanique malheureusement implacable, le 12 novembre 2020 la banque a assigné la société J à une audience d’orientation devant le Juge de l’exécution du même Tribunal aux fins de vente forcée des biens immobiliers saisis.

 

Et finalement, par jugement du 26 janvier 2021 statuant sur l’assignation du 09 septembre 2020, le Juge de l’exécution avait déclaré irrecevable la demande d’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Une demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable ?

 

C’est dans ces circonstances que la société J faisait grief à la Cour d’appel de déclarer sa demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable alors que, selon elle, la demande d’annulation du commandement de saisie immobilière formée par le débiteur avant qu’il ne soit assigné à l’audience d’orientation est rattachée à la compétence générale du Juge de l’exécution et ne se rattache à la procédure de saisie immobilière qu’une fois cette assignation délivrée par le créancier.

 

Qu’en énonçant pour déclarer irrecevable la demande de la société J tendant à l’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière que toute demande relative à la procédure de saisie immobilière doit être formée dans les conditions prévues aux dispositions procédurales spécifiques à cette procédure, c’est-à-dire, conformément à l’article R 311-1 du Code de procédure civile d’exécution et que la société J devait saisir le Juge de la saisie immobilière et non le Juge de l’exécution sur la procédure de droits communs, peu importe que le débiteur ait saisi le Juge de l’exécution d’une contestation du commandement de payer valant saisie immobilière avant que le créancier saisissant ne le fasse assigner en vente forcée.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas l’analyse de la société J et vient rappeler quelques principes de base en saisie immobilière tant celle-ci fait l’objet d’une rigueur que le débiteur ne comprend pas toujours aisément.

 

La compétence du juge de l’exécution immobilière

 

Il convient de rappeler que, selon l’article L 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge de l’exécution connait de l’application des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution dans les conditions prévues par l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

 

Selon l’article L 213-6 alinéa 1 et 3 du Code de l’organisation judiciaire, le Juge de l’exécution connait de manière exclusive des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elle porte sur le fond du droit à moins qu’elle n’échappe à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire et sous la même réserve de la procédure de saisie immobilière des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celles-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elle porte sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.

 

Selon l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, la procédure en saisie immobilière est régie par les dispositions de livre 3 relatif à cette procédure et par celles qui ne lui sont pas contraire du livre premier de ce Code.

 

Selon l’article R 321-1 du même Code, la procédure d’exécution est engagée par la signification du débiteur ou au tiers détenteur d’un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant.

 

Aux termes de l’article R 321-6 du même Code, le commandement de payer valant saisie est publié aux fichiers immobiliers dans un délai de deux mois à compter de sa signification.

 

Selon l’article R 322-4 du même Code, dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaitre devant le Juge de l’exécution à une audience d’orientation.

 

Le pouvoir de vérification du juge de l’éxécution

 

Selon l’article R 322-15 du même Code, à l’audience d’orientation, le Juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L 311-2, L311-4 et L311-6 du Code des procédures civiles d’exécution sont réunies, statut sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

 

Selon l’article R 311-5 du même Code, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

 

Un commandement de payer valant saisie inexorablement suivie d’une assignation

 

Pour la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de saisie immobilière engagée par la délivrance d’un commandement de payer valant saisie se poursuit par l’assignation délivrée au débiteur par le créancier à une audience d’orientation au cours de laquelle le Juge de l’exécution connait, sauf exception, de l’ensemble des contestations qui s’élèvent à l’occasion de la procédure et des demandes nées de cette procédure ou si rapportant directement.

 

Le juge d’orientation, entre vente amiable et vente aux enchères publiques

 

Il en découle dès lors que, or les cas prévus par la Loi telle la demande de vente amiable de l’immeuble saisi prévu à l’article R 322-20 du Code des procédures civiles d’exécution, les contestations et demandes précitées ne peuvent être formées par le débiteur à peine d’irrecevabilité qu’à l’audience d’orientation à laquelle ce dernier a été assigné à comparaitre selon les formes prescrites à l’article R 311-6 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

La décision déclarant irrecevable les contestations et demandes formées par le débiteur avant l’expiration du délai imparti au créancier pour assigner à l’audience d’orientation, qui n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée ne saurait faire échec à l’examen de ces contestations et demande si elles étaient à nouveau formées lors de l’audience d’orientation.

 

Pour la Cour de cassation, une telle règle ne méconnait pas le droit du débiteur garanti par l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause sera entendue équitablement publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal indépendant et impartial.

 

L’inévitable assignation devant le juge d’orientation dans les 4 mois du commandement

 

En premier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur devant, en application des articles R 321-6 et R 322-4 des Codes des procédures civiles d’exécution, être assigné à une audience d’orientation dans le délai maximum de quatre mois suivant la signification du commandement de payer valant saisie, l’examen des contestations et demandes qu’il entend former est seulement différé dans cette limite de temps jusqu’à l’audience d’orientation.

 

En deuxième lieu, s’il n’a pas été assigné à une audience d’orientation à l’expiration de ce délai, le débiteur a la faculté de saisir le Juge de l’exécution de contestations de demandes formées conformément aux dispositions de l’article R 121-11 du Code des procédures civiles d’exécution par assignation délivrée au créancier poursuivant ainsi qu’aux créanciers inscrits, la procédure suivie devant le Juge de l’exécution obéissant, en application de l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, aux dispositions des articles R 311-2 et suivant du même Code.

 

En dernier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur demeure recevable dans les cas prévus par la Loi à saisir le Juge de l’exécution de demandes, telle la vente amiable de l’immeuble saisi avant la signification de l’assignation à comparaitre à l’audience d’orientation.

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que le Juge de l’exécution aura été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt de la Cour d’appel déclarant sa demande irrecevable se trouvant alors légalement justifié.

 

Un débiteur saisi en droit de se défendre devant le juge de l’orientation

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient rappeler que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la procédure qui est strictement organisée, amène le débiteur à ne pas oublier de faire valoir ses droits en contestant les prétentions de l’établissement bancaire, cependant, celui-ci doit le faire dans des formes précises et ne peut pas le faire quand bon lui semble.

 

Il ne peut donc prématurément saisir le Juge de l’exécution dès lors que celui-ci reçoit le commandement de payer valant saisie immobilière alors qu’il sera par la suite de toute façon saisi devant le Juge de l’orientation qui a justement plénitude de compétences pour pouvoir trancher tous les litiges liés à cette saisie immobilière mais il est vrai que certains débiteurs impatients croient bon avoir le besoin de saisir le Juge de l’exécution dès la signification de ce commandement de payer valant la saisie immobilière, ceci d’autant plus que ledit commandement de payer valant saisie immobilière précise et rappelle en tant que de besoin que ces derniers ont huit jours pour payer la cause du commandement, sans quoi, la procédure de saisie immobilière sera lancée.

 

Ce qui peut déstabiliser cette mention légale prévue dans le commandement de payer valant saisie immobilière peut tromper le débiteur saisi qui croit bon pouvoir saisir le Juge de l’exécution immédiatement, or, ce n’est absolument pas le cas, celui-ci a l’obligation d’attendre la signification de l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour pouvoir faire valoir ses droits.

 

Les moyens de contestation de la saisie immobilière à la portée du débiteur

 

À ce moment-là, il sera par contre très important pour le débiteur saisi de faire valoir ses droits et de soulever tous les moyens de contestation qui lui paraissent les plus pertinents.

 

Étant précisé que ces derniers sont nombreux finalement à portée de main pour le débiteur saisi pour pouvoir préserver son bien immobilier.

 

Celui-ci a la possibilité effectivement de contester les conditions dans lesquelles le commandement de payer a été signifié, il peut également contester les conditions dans lesquelles la déchéance du terme du prêt immobilier a été également prononcée.

 

Ce qui fait qu’un certain nombre de moyens sont à sa portée pour faire valoir ses droits et tenter de sauver ce qui est bien souvent sa résidence principale.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Saisie immobilière et l’importance de la description juridique du bien saisi

Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, la question se pose de savoir ce que doit comprendre le procès-verbal de description établi par l’huissier de justice ? La description doit-elle se limiter à la composition et la superficie ou doit-elle aussi comprendre la situation juridique du bien ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, première Chambre civile, ce 26 juin 2024, N°23-13.236, et qui rappelle que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la description des lieux effectuée dès la signification du commandement de payer valant saisie immobilière doit s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien et doit dès lors inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, les consorts K, pour financer l’acquisition de diverses parcelles, avaient contracté un prêt auprès d’une banque garanti par une description de privilège de prêteur de deniers d’hypothèque conventionnelle.

 

Les consorts K, ayant rencontré des difficultés économiques, ont cessé de régler les échéances du prêt et la banque a procédé à la déchéance du terme et a envisagé le recouvrement forcé de sa créance en engageant une procédure de saisie immobilière des parcelles en question et c’est dans ces circonstances qu’elle a délivré un commandement de payer valant saisie le 14 avril 2008.

 

Une déchéance du terme, point de départ de la saisie immobilière

 

Le 05 mai 2008, soit dans la même foulée de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, Maître B, huissier de justice, a donc dressé à la demande du créancier saisissant le procès-verbal descriptif des parcelles visé au commandement de payer valant saisie.

 

La nullité du commandement de payer valant saisie immobilière

 

Le 16 novembre 2011, à la demande d’un acquéreur, un jugement a prononcé la nullité du commandement de payer, délivré le 14 avril 2008 ainsi que de tous les actes de procédure subséquent au motif pris que les parcelles saisies comportaient un bâtiment construit pour partie sur une parcelle non-saisie.

 

C’est dans ces circonstances que, le 22 février 2019, la banque considérant que son propre avocat intervenant pour lancer la procédure de saisie immobilière et l’huissier de justice ont commis des fautes et ont conduit l’annulation de la procédure de saisie immobilière et les a donc assignés en responsabilité et en indemnisation.

 

L’action en responsabilité de la banque contre son propre avocat et son propre huissier de justice

 

Or, l’huissier de justice s’est donc pourvu en cassation et faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de déclarer qu’il a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la banque et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts alors que, selon l’huissier instrumentaire dont la responsabilité était recherchée,

 

Quant à la question de la responsabilité de l’huissier de justice concernant la description des lieux la Cour d’appel considérait que la description des lieux telle que visée par l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution ne s’entend pas seulement de leur composition et superficie mais également de la situation juridique du bien qui doit faire l’objet d’une présentation rigoureuse dans la mesure où ce procès-verbal est annexé au cahier des conditions de vente et qui ne doit ainsi comporter aucune inexactitude de nature à affecter la contenance du bien saisi.

 

Tandis que ce texte ne prévoit pas que soit inclus au procès-verbal de description un état de la situation juridique du bien, de telle sort que, pour l’huissier, la Cour d’appel avait violé par fausse interprétation de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

Il convient de reprendre le texte de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution qui a dit :

 

« Le procès-verbal de description comprend :

 

1° La description des lieux, leur composition et leur superficie ;

 

2° L’indication des conditions d’occupation et l’identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ;

 

3° Le cas échéant, le nom et l’adresse du syndic de copropriété ;

 

4° Tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant. »

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rappelle que, selon l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de description comprend notamment la description des lieux par leur composition et leur superficie et tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Quel contenu dans le procès-verbal de description ?

 

C’est donc, pour la Haute juridiction, à bon droit que la Cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait, dès lors, inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle en tant que de besoin que l’avocat intervenant, tout comme le commissaire de justice intervenant, pour l’établissement bancaire peut engager sa responsabilité lorsque finalement le débiteur ou un éventuel acquéreur arrive à faire prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et faisant ainsi tomber toute la procédure de saisie immobilière subséquente mais elle vient également rappeler que le procès-verbal de description du bien saisi doit bien sûr comprendre la description des lieux, leur composition et leur superficie, ainsi que tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Cette description des lieux devant s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien.

 

Cette obligation est à mon sens car elle est également utile et utilisable par le débiteur saisi qui peut également contester les conditions dans lesquelles ce procès-verbal de description du bien saisi peut être contesté.

 

À bon entendeur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Sauvegarde ou redressement judiciaire pour stopper une saisie immobilière ? 

laurent latapie avocat reportage 2025

Une société civile immobilière poursuivi par sa banque en saisie immobilière décide de se placer en sauvegarde de justice pour sauver son bien immobilier. Est-ce efficace ? un redressement judiciaire ne serait-il pas plus judicieux ? est-il possible de cumuler sauvegarde et redressement judiciaire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en septembre dernier, 2ème chambre civile, 14 septembre 2023, N°21-19.459 et qui vient aborder la problématique de la date à prendre en considération pour établir la date de cessation des paiements alors qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été signifié.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait consenti, par deux actes notariés des 21 janvier 2014 et 03 octobre 2016 deux prêts à une société I.

 

Après lui avoir adressé plusieurs mises en demeure, la banque a notifié à la société I par lettre du 10 avril 2019 la déchéance du terme des prêts, puis, lui a délivré par acte du 20 septembre 2019 deux commandements de payer valant saisie immobilière.

 

Par jugement du 17 décembre 2019, le Tribunal judiciaire a, sur requête déposée par ladite société I, ouvert une procédure de sauvegarde à son profit désignant Maître H administrateur judiciaire et Maître G mandataire judiciaire.

 

Pour autant, la banque a formé tierce opposition à ce jugement faisant valoir que la société était en état de cessation des paiements.

 

Une tierce opposition pour contester la procédure de sauvegarde


Par jugement en date du 22 septembre 2020, le Tribunal a déclaré la déchéance du terme non acquise et confirmé le jugement du 17 décembre 2019.

 

C’est ainsi que le pourvoi se présentait devant la haute juridiction.

 

À hauteur de Cour de cassation, la société I faisait grief à la Cour d’appel d’avoir reçu la banque en sa tierce opposition, d’avoir rejeté ses demandes de sursis à statuer et de dire que la société I était en état de cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice.

 

De telle sorte qu’il y avait lieu d’ordonner la rétractation du jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire rendu par le Tribunal judiciaire, d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire et de fixer la date de cessation des paiements au 29 septembre 2019.

 

Étant rappelé que cette date correspondait au jour de la signification des commandements de payer valant saisie immobilière.

 

Une cessation des paiements consacrée au jour du commandement de payer

 

Selon la société I, la cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

 

Un créancier doit, pour procéder à une saisie immobilière, être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

 

De telle sorte que, selon la société I, le fait pour le débiteur de ne pas contester un commandement de payer valant saisie avant d’être assigné par son créancier devant le Juge de l’exécution ne vaut pas reconnaissance de sa part de l’exigibilité de sa créance et ne le prive pas du droit de la contester par la suite.

 

Ainsi, pour la société I, la Cour d’appel ne pouvait déclarer qu’elle était déjà en cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice et d’ordonner par la même la rétractation du jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire pour la placer finalement en redressement judiciaire.

 

Sauvegarde ou redressement judiciaire, que choisir ?

 

La société I considérait que le seul fait d’être destinataire d’une signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière ne sous-tendait pas la reconnaissance de l’exigibilité de la créance qui était par ailleurs contestée par ladite société dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

 

De telle sorte que le commandement de payer valant saisie immobilière ne pouvait valoir reconnaissance de l’exigibilité de la créance et pas plus ne permettait de caractériser l’état de cessation des paiements de l’entreprise.

 

Selon la société I, la cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.


De telle sorte qu’un créancier doit, pour procéder à une saisie immobilière, être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide exigible.

 

De telle sorte que le défaut de paiement par le débiteur dans les huit jours de la signification d’un commandement de payer valant saisie a pour seul effet de permettre la poursuite de la procédure à la fin de la vente de l’immeuble et l’assignation du débiteur à comparaitre devant le Juge de l’orientation mais que, pour autant, cela ne permettait pas de considérer que la société I était en état de cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice et qu’il n’y avait donc pas lieu d’ordonner la rétractation dudit jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire pour la replacer en redressement judiciaire.

 

La Cour de cassation ne partage pas son analyse et ce, au visa de l’article L 620-1 et suivants du Code du commerce.

 

La Cour de cassation rappelle qu’il est ainsi une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionnée à l’article L 622-2 du Code du commerce qui, sans être en cessation des paiements, justifie des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter aux termes du deuxième, les contrats légalement formés tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faits.

 

Il résulte du dernier de ces textes que seul le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur.

 

Une créance certaine, liquide et exigible pur enclencher une saisie immobilière

 

Pour la Haute juridiction, pour rétracter le jugement du 17 décembre 2019 et ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société, la Cour d’appel a retenu que les commandements de payer valant saisie immobilière n’ont été contestés par la société ni dans leurs principes, ni dans leurs montants et qui n’est pas non plus justifié de la régularisation de ces commandements dans le délai imparti de huit jours, rendant ainsi ces sommes exigibles.

 

Pour la Haute juridiction, il y a lieu d’en déduire, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner la validité des mises en demeure du 08 janvier 2019 et du 22 février 2019 ainsi que l’exigibilité de la créance à ces dates, comme l’invite à le faire les parties en cause, la société I était, à l’expiration de ce délai, en état de cessation des paiements puisque se trouvant dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et ce, dès le 29 septembre 2019, soit, bien antérieurement à la saisine du Tribunal.

 

Une créance exigible justifiant un redressement judiciaire ?

 

Dès lors, la Cour de cassation souligne que, en se déterminant ainsi alors que la délivrance sur le fondement d’un acte de prêt notarié d’un commandement de payer valant saisie immobilière n’a pas pour effet de déroger aux stipulations du contrat relatives à l’exigibilité de la créance dont le recouvrement est poursuivi.

 

Pour la Haute juridiction, la Cour d’appel, qui n’a pas vérifié si au jour du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde les sommes réclamées par la banque au titre de chacun des prêts étaient devenues exigibles conformément aux stipulations contractuelles, n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

La Cour de cassation cassant et annulant ainsi l’arrêt en litige et renvoyant les parties devant une autre Cour d’appel.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, celle-ci a clairement un impact.

 

Lorsqu’un créancier entend voir prononcer l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, cela suppose que soit caractérisé l’état de cessation des paiements de ce débiteur.

 

La condition tenant ainsi à l’exigibilité n’est pas considérée comme rempli par le seul fait du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Cette diligence procédurale n’affecte pas en elle-même l’exigibilité de la créance telle qu’elle résulte du contrat ayant donné naissance à la créance invoquée.

 

Le créancier est en conséquence tenu de se référer aux stipulations contractuelles sur ce point s’il entend voir reconnaitre l’état de cessation des paiements.

 

Pour autant, si cette jurisprudence a un impact pour le créancier tel que cela vient d’être présenté, il n’en demeure pas moins que cela a surtout un impact pour le débiteur, à plus d’un titre d’ailleurs.

 

Comment arrêter une procédure de saisie immobilière ?

 

Premièrement, il est vrai que lorsque le débiteur est une société et non pas une personne physique et qu’il se retrouve du coup exclu des dispositions du Code de la consommation, l’une des solutions « barrage » dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière alors que celui-ci est acculé vers une adjudication aux conséquences pouvant être parfois dramatiques et voyant tous ses moyens de fait et de droit rejetés puisque ce dernier n’a pas vocation à bénéficier des dispositions avantageuses du Code de la consommation, il est vrai que le Droit de l’entreprise en difficulté devient une porte de sortie honorable et une solution de repli efficace.

 

En effet, l’arrêt des poursuites individuelles attachées au principe même de l’ouverture d’une procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ont pas mal d’avantages puisqu’elles permettent, premièrement, de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles, deuxièmement, il convient de rappeler que cet arrêt des poursuites individuelles peut être enclenché jusqu’au jour de l’audience d’adjudication, ce qui fait que cela offre quand même sur le terrain calendaire une certaine marge de manœuvre et une certaine maniabilité intelligente.

 

Cela permet également d’envisager de présenter en suite un plan.

 

La présentation d’un plan de redressement pour sauver le bien immobilier saisi

 

La distinction entre la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire est d’importance puisque, selon les textes, la sauvegarde est ouverte au débiteur qui n’est pas en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours.

 

Alors qu’en redressement judiciaire, la cessation des paiements est actée qu’importe que les quarante-cinq jours soient acquis, pas encore acquis ou acquis depuis bien longtemps.

 

Or, il est bien évident que lorsque le débiteur se place en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire alors que la déchéance du terme a été prononcée, alors que ce dernier a été destinataire de mises en demeure, lui et les cautions par ailleurs, personnes physiques membres de la société civile immobilière, et alors qu’une assignation à comparaitre a été rendue devant le Juge de l’orientation et que parfois même un jugement d’orientation a été rendu, puis, un arrêt de la Cour d’appel confirmatif a été rendu et que nous sommes à rien de l’audience d’adjudication et que le débiteur se précipite devant la Chambre des procédures collectives pour obtenir une ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la question de savoir s’il est pertinent de se placer en sauvegarde ou en redressement judiciaire peut avoir tout son sens.

 

Preuve en est d’ailleurs, la société I s’était placée en sauvegarde et le créancier saisissant, établissement bancaire, avait cru bon immédiatement faire une tierce opposition afin de contester l’idée-même d’une procédure de sauvegarde.

 

Quelle différence entre sauvegarde et redressement judiciaire ?

 

Dès lors, il est vrai que, dans la mesure où les quarante-cinq jours de cessation des paiements peuvent effectivement être écoulés depuis la mise en demeure prononçant la déchéance du terme depuis la signification du commandement de payer, il peut effectivement sembler délicat de se placer en sauvegarde de justice et que le redressement judiciaire semble être plus approprié à la cessation des paiements actée depuis un certain temps.

 

Pour autant, la procédure de sauvegarde offre des avantages importants.

 

Le premier des avantages est qu’elle permet de présenter un plan de sauvegarde et, en cas de difficulté dans l’exécution de ce plan de sauvegarde, de se placer par la suite en redressement judiciaire, puis, de présenter un nouveau plan de redressement.

 

Un cumul entre sauvegarde et redressement judiciaire : 2 fois 10 ans ?

 

Ce qui permettrait, pour le débiteur avec une créance importante, de ne pas se retrouver bloqué dans un calendrier de paiement sur dix ans mais pourrait à ce moment-là imaginer « tirer sur la corde » pour présenter d’abord une sauvegarde judiciaire, puis, un plan de sauvegarde sur dix ans, puis, une année de redressement judiciaire et encore dix ans de redressement judiciaire derrière car, à l’inverse, en cas de redressement judiciaire, la mécanique est différente.

 

Si le plan de redressement est obtenu et qu’il n’est pas respecté par la suite, il n’y a aucune autre alternative que la liquidation judiciaire.

 

Pour autant, cette problématique de date de cessation des paiements peut amener certaines Chambres des procédures collectives à refuser d’ouvrir une procédure de sauvegarde.

 

Or, lorsque le calendrier est extrêmement court entre l’obtention d’une date d’audience devant la Chambre des procédures collectives avec un jugement parfois réclamé sur le siège afin de l’intégrer dans le calendrier très spécifique de la saisie immobilière avec une audience d’adjudication arrivant à grands pas, le choix de la procédure peut être déterminant car si la Chambre des procédures collectives vous refuse une procédure de sauvegarde et considère que vous n’avez pas vocation à être placé en sauvegarde judiciaire, vous pouvez vous retrouver hors procédure collective et donc assujetti à une adjudication catastrophique.

 

C’est ainsi l’enseignement que vient nous apporter cette jurisprudence.

 

Faut-il contester l’exigibilité de la créance en saisie immobilière ?

 

Le deuxième enseignement est d’importance aussi puisqu’il rappelle et il découle notamment d’un élan jurisprudentiel de plus en plus marqué que, tant bien même le créancier bénéficie d’un titre exécutoire qui découle notamment de la clause du titre exécutoire dans l’acte authentique du prêt et d’une correspondance prononçant la déchéance du terme, il n’en demeure pas moins que, tant bien même nous serions devant le Juge de l’exécution immobilier, ou tant bien même nous serions, par la suite, devant la Chambre des procédures collectives, il n’en demeure pas moins que le débat relatif à la déchéance du terme et au caractère exigible de la créance peut être développé et soutenu à n’importe quel moment, amenant ainsi les Juges à s’interroger sur le caractère d’exigibilité de la créance.

 

Ce qui pourrait amener le débiteur à réaborder cette problématique d’exigibilité et notamment, en l’état des jurisprudences récentes de la Cour de justice de l’Union Européenne et de toutes celles relatives à la problématique de la validité de la déchéance du terme, se positionner en remettant en question une déchéance du terme qui pourrait sembler être acquise et, du coup, indiscutable par le créancier saisissant.

 

Dès lors, force est de constater que les moyens de contestation perdurent et qu’ils peuvent finalement être soulevés à plusieurs titres devant plusieurs Juges à plusieurs stades de la procédure, tantôt de saisie immobilière, tantôt de procédure collective en sauvegarde ou en redressement judiciaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Clôture pour insuffisance d’actif et reprise des poursuites par un créancier hors procédure

latapie avocat international 2025
latapie avocat international 2025

Un débiteur en liquidation judiciaire conclu un nouveau prêt avec une banque sans l’accord du mandataire liquidateur. La créance née irrégulièrement est hors procédure. Le créancier peut-il reprendre des poursuites individuelles après la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024 qui vient aborder le sort d’un créancier hors procédure lorsque la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif alors même que cette clôture pour insuffisance d’actif a pour principe celui de non-reprise des poursuites individuelles, il n’empêche que dans certains cas d’espèce particuliers le créancier hors procédure peut récupérer un droit de poursuites individuelles.

 

Quel sort pour le créancier hors procédure ?

 

Ainsi, à bien y comprendre cette jurisprudence, le créancier titulaire d’une créance née irrégulièrement en violation des règles du dessaisissement n’est pas soumis au principe de non reprise des poursuites après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

 

La Cour de cassation rappelant qu’aux termes de l’article L 622-9 du Code du commerce pendant la durée de la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur et les actes accomplis par le débiteur au mépris du dessaisissement sont inopposables à la procédure collective.

 

Le sort de la créance née irrégulièrement dans la procédure collective

 

La créance, résultant de tels actes, née irrégulièrement ne peut donc ni bénéficier du traitement préférentiel prévu à l’article L 621-32 du Code du commerce, ni être admise au passif conformément aux dispositions de l’article L 621-43 du même Code.

 

Il en résulte que les dispositions de l’article L 643-11 du Code du commerce relatif à la clôture pour insuffisance d’actif et à l’interdiction de reprise des poursuites individuelles n’est pas applicable aux poursuites du créancier titulaire d’une créance hors procédure qui n’a jamais relevée du passif de la liquidation judiciaire.

 

Un créancier hors procédure exclu de tout dividende ou répartition

 

La Cour de cassation précisant encore que le créancier hors procédure ne pouvant être payé sur le gage commun des créanciers, il ne peut agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective.

 

Il en résulte alors que le créancier s’étant trouvé dans l’impossibilité d’agir contre le débiteur jusqu’à la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire, celui-ci est en droit de reprendre des poursuites à l’encontre de son débiteur, le délai de prescription étant alors à son égard suspendu jusqu’à ladite clôture pour insuffisance d’actif.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur J avait été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 18 décembre 1998.

 

Or, le 30 septembre 2002, la banque lui a consenti ainsi qu’à son épouse un prêt d’un montant de 97 600.00 € remboursable en 180 échéances.

 

Par la suite, la déchéance du terme a été prononcée le 08 novembre 2005, la banque a alors déclaré sa créance le 16 juin 2006 et, par un jugement en date du 10 juillet 2020, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif.

 

Ni une, ni deux, et par la suite, le 29 octobre 2020, la banque a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente à l’encontre de Monsieur J, lequel a saisi le Juge de l’exécution afin d’obtenir la nullité du commandement.

 

À hauteur de Cour de cassation, Monsieur J, débouté par la Cour d’appel de Chambéry, se pourvoyant en cassation et faisait griefs à la Cour d’appel de dire que l’action en recouvrement initiée par la banque contre lui aux moyens d’un commandement aux fins de saisie vente du 29 octobre 2020 portait sur une créance non prescrite et finalement de reconnaitre que la banque justifiait d’une créance certaine, liquide et exigible contre lui.

 

De telle sorte que la banque était, selon la Cour d’appel, recevable et bien fondée à déclarer valable et régulier le commandement aux fins de saisie vente du 20 octobre 2020 ainsi que la procédure subséquente.

 

Pour autant, ce dernier considérait, à la lueur de l’article L 643-11 du Code du commerce, que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer au créancier l’exercice individuel dans leur action contre le débiteur.

 

Quelle efficacité du jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ?

 

Dès lors, Monsieur J reproche à la Cour d’appel d’avoir affirmé que de jurisprudence constante les créanciers dont la créance nait après l’ouverture de la procédure collective peuvent poursuivre le recouvrement de celle-ci après clôture de liquidation judiciaire quand bien même elle serait intervenue pour insuffisance d’actif sans caractériser l’un des cas prévus.

 

Or, Monsieur J reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir caractérisé l’un des cas prévus à l’article L 643-11 du Code du commerce qui permet, par exception, à certains créanciers de recouvrer leurs droits de poursuites individuelles.

 

Les hypothèses légales de reprise des poursuites individuelles

 

Monsieur J rappelle en tant que de besoin, dans son pourvoi, que le créancier, qui n’est pas dans l’impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du Code civil contre le débiteur placé en procédure collective, ne bénéficie pas de la prolongation de l’effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance jusqu’à la clôture de la procédure collective mais seulement jusqu’à la date de la décision ayant statué sur la demande d’admission.

 

À supposer que la créance de la banque soit soumise à la Loi de 1985 et qu’à ce titre la banque, créancier postérieur, n’ait pas été soumise à l’arrêt et à l’interdiction des poursuites individuelles, la banque ne peut pour autant bénéficier de la prorogation de l’effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance jusqu’au jugement de clôture.

 

Celui-ci ayant pris fin à la décision d’admission de la créance.

 

De telle sorte qu’en se bornant à affirmer que la déclaration de créance interrompt la prescription et l’effet interruptif se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective sans rechercher si le créancier s’était réellement trouvé dans l’impossibilité d’agir contre le débiteur pendant le temps de la procédure collective, la Cour d’appel avait, selon lui, privé de décision sa base légale au regard de l’article L 622-25-1 du Code du commerce ainsi que de l’article 2234 du Code civil.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne s’y trompe pas et ne partage pas son analyse, elle ne suit pas son argumentation.

 

Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire

 

En effet, celle-ci rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L 622-9 du Code du commerce que pendant la durée de la liquidation judiciaire le débiteur est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur et que les actes accomplis par le débiteur au mépris du dessaisissement sont inopposables à la procédure collective.

 

De telle sorte que la créance nait irrégulièrement ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu à l’article L 621-32 du Code du commerce, ni être admise au passif conformément aux prévisions de l’article L 621-43 du même Code.

 

Dès lors, comme le relève la Cour d’appel de Chambéry, le prêt du 03 septembre 2002 a été conclu entre la banque et Monsieur J alors que ce dernier était en liquidation judiciaire depuis le 18 décembre 98 et ce, sans l’intervention de son liquidateur.

 

Un prêt contracté par un débiteur en liquidation judiciaire en l’absence du mandataire liquidateur

 

Il en résulte que les dispositions de l’article L 643-11 du Code du commerce ne sont relatives à l’interdiction de reprise des poursuites individuelles en cas de clôture pour insuffisance d’actif ne sont pas applicables aux poursuites de la banque titulaire d’une créance hors procédure qui n’a jamais relevé du passif de la liquidation judiciaire (tant bien même ce dernier aurait déclaré au passif).

 

Que dès lors, le créancier hors procédure ne pouvant être payé sur le gage commun des créanciers, il ne peut donc agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective.

 

C’est donc à bon droit que la Cour d’appel relève que la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire ayant été prononcée le 10 juillet 2020, le créancier a repris ses poursuites individuelles à travers un commandement de saisie vente délivré le 09 octobre 2020.

 

Un créancier hors procédure libre de reprendre ses poursuites individuelles ?

 

La Cour de cassation considère qu’il en résulte que la banque s’étant retrouvé dans l’impossibilité d’agir contre le débiteur jusqu’à la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire, le délai biennal de la prescription de l’article L 218-2 du Code de la consommation a été suspendu jusqu’à cette clôture.

 

De sorte que son action n’est pas prescrite et donc le créancier est en droit de reprendre des poursuites à l’encontre de son débiteur.

 

Cette jurisprudence est intéressante, elle doit attirer l’attention du chef d’entreprise en difficultés quant à la validité de ses actes qui auraient été fait nonobstant le fait que ce dernier soit placé en liquidation judiciaire et, surtout, doit attirer l’attention du débiteur sur les conséquences que cela peut avoir, premièrement, au sein de la liquidation judiciaire puisqu’en tout état de cause tous ces actes sont inopposables à la procédure collective mais également et surtout après la clôture de la liquidation judiciaire car le créancier découlant d’un acte irrégulier étant considéré comme étant hors procédure collective, ce dernier dès lors ne peut se retrouver que en droit de repoursuivre le débiteur passé la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire.

 

Le rôle salvateur de la clôture pour insuffisance d’actif en liquidation judiciaire

 

De telle sorte que c’est au moment même où le débiteur croit bon être libéré de l’ensemble du fardeau de ses créanciers et du mandataire liquidateur qui le représente et se retrouve sorti de la procédure collective qu’il se retrouve finalement exposé à de nouvelles poursuites du créancier hors procédure collective découlant de cette créance irrégulière.

 

Cela peut être d’autant plus fâcheux qu’il n’est pas rare dans certains cas de voir certains débiteurs reconstituer quand même un minimum de patrimoine et se retrouver finalement exposés à de nouvelles poursuites alors même que la liquidation judiciaire et surtout la clôture pour insuffisance d’actif de cette liquidation judiciaire avait justement pour objectif de purger le passif et de repartir à zéro.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Notion de disproportion manifeste dans la fiche de renseignements et cautionnement

Laurent LATAPIE Avocat 2025 droit de la famille
Laurent LATAPIE Avocat 2025 droit de la famille
Laurent LATAPIE Avocat 2025 droit de la famille

Dans quelles conditions la banque doit vérifier la fiche de renseignement rempli par la caution pour éviter un risque de disproportion manifeste de l’engagement de cautionnement ? La banque doit-elle s’intéresser aux éventuelles anomalies apparentes ? La fiche de renseignements peut-elle être remplie après coup ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une nouvelle jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation ce 13 mars 2024, N°RG 22-19.900, qui vient aborder la problématique de la notion de disproportion en droit du cautionnement.

 

En effet, la Cour de cassation rappelait dans cette jurisprudence que, si l’article L 341-4 du Code de la consommation n’impose pas au créancier, sauf anomalie apparente, de vérifier les déclarations fournies par la caution à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement, le créancier a cependant le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière avant la souscription du cautionnement, de sorte qu’il ne peut être tenu compte pour la prestation de la disproportion d’une fiche de renseignements signée postérieurement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte du 17 mars 2004, la société B avait ouvert un compte-courant dans les livres de la banque et, par acte du 04 juillet 2008, la même banque avait consenti à ladite société un crédit de trésorerie à durée indéterminée par débit du compte-courant d’un montant de 80 000.00 € garanti par le cautionnement solidaire de Monsieur G dans la limite d’une somme de 40 000.00 €.

 

Par la suite, la société a été mise en liquidation judiciaire.

 

La société en liquidation judiciaire, la banque se retourne contre la caution

 

C’est dans ces circonstances que la banque a assigné en paiement la caution qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

 

Or, la banque se pourvoyant en cassation puisque la Cour d’appel avait rejeté l’ensemble de ses demandes formées au titre de l’engagement de caution souscrits par Monsieur G le 04 juillet 2008.

 

Or, la banque considérait que la caution, qui a rempli à la demande de la banque une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et de son patrimoine qui était dépourvue d’anomalie apparente sur les informations déclarées, ne peut en suite soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclaré au créancier.

 

L’existence d’anomalie apparente dans la fiche de renseignements ?

 

Dès lors, si cette fiche de renseignements doit être établie à une époque contemporaine de la conclusion du contrat de cautionnement, elle n’a pas à lui être nécessairement antérieure ni concomitante et peut ainsi lui être postérieure sauf à ce que la caution démontre que sa situation a évolué entre la conclusion du contrat de cautionnement et l’établissement de la fiche d’informations.

 

La banque reprochant à la Cour d’avoir refusé en conséquence de tenir compte de la fiche de renseignements établie par Monsieur G le 11 août 2008, soit, plus d’un mois après l’engagement de cautionnement, rappelons-le, qui a été souscrit le 04 juillet 2008, au seul motif qu’elle avait été établie postérieurement à la conclusion du cautionnement du 04 juillet 2008 sans constater que la caution invoquée démontrait que sa situation patrimoniale aurait évoluée entre ces deux dates.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne s’y trompe pas.

 

La Cour rappelle les termes de l’article L 341-4 du Code de la consommation,

 

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

 

La Cour de cassation rappelant que si l’article L 341-4 du Code de la consommation n’impose pas au créancier, sauf anomalie apparente, de vérifier les déclarations fournies par la caution à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière avant la souscription du cautionnement, de sorte qu’il ne peut être tenu compte pour la prestation de la disproportion d’une fiche de renseignements signée postérieurement.

 

Dans quelles conditions la banque doit vérifier les déclarations fournies par la caution ?

 

C’est donc à bon droit pour la Haute juridiction que la Cour d’appel a retenu que pour l’appréciation des disproportions manifestes du cautionnement du 04 juillet 2008, la banque ne pouvait pas se prévaloir des déclarations faites par Monsieur G dans la fiche de renseignements qui ne lui a remise que le 11 août 2008, soit, plus d’un mois après la souscription de son engagement.

 

Cette jurisprudence est importante, elle rappelle qu’en qualité de caution, effectivement, la banque est tenue de s’assurer à travers cette fiche de renseignements de l’absence de disproportion manifeste de l’engagement de cautionnement qu’il propose et que dans l’hypothèse où la banque n’aurait pas fait son travail correctement, celle-ci ne peut tenter de se raccrocher aux branches à postériori et tenter de récupérer ce document par la suite.

 

L’impossible établissement de la fiche de renseignements post cautionnement

 

L’établissement bancaire était alors en faute et engageait donc sa responsabilité, ne pouvant dès lors réclamer l’exécution de ce cautionnement au motif pris de ce que la banque ne se serait justement pas assuré d’avoir obtenu au préalable et avant l’engagement de cautionnement lesdites informations qui permettraient de mesurer à juste titre les conditions d’éventuelles disproportionnalités.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Liquidation judiciaire, action paulienne du créancier et appauvrissement de la caution

Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025

Le créancier bancaire d’une entreprise en liquidation judiciaire vient reprocher au dirigeant caution d’avoir procédé à un découpage de son patrimoine, caractérisant ainsi un appauvrissement, voire une organisation d’insolvabilité. La banque peut-elle engager une action paulienne ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation ce 29 mai 2024, Chambre commerciale, N°22-20.308, et qui vient aborder la problématique de l’action paulienne engagée par le créancier contre l’apport d’un immeuble par la caution à une SCI dans laquelle la question se posait de savoir si l’action paulienne était subordonnée à la démonstration d’un appauvrissement de la caution.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait consenti à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée C un prêt de 42 685.00 €.

 

Le gérant de cette société s’était alors rendu caution solidaire du remboursement de ce prêt.

 

Par la suite, le 25 mars 2005, l’EURL avait été mise en redressement judiciaire simplifiée, puis, convertie en redressement judiciaire le 26 décembre 2015.

 

La banque avait alors déclaré sa créance au passif de l’EURL le 22 avril 2005 et, le 29 mars 2007, un plan de redressement avait été arrêté par le Tribunal de commerce prévoyant la reprise par l’EURL du paiement des échéances du prêt.

 

Le 23 octobre 2013, Monsieur N, le gérant de l’EURL, a apporté à la société civile immobilière P un immeuble évalué à la somme de 500 000.00 € et a reçu, en contrepartie, 500 000 parts de la part de ladite SCI d’une valeur nominale de 1.00 €.

 

Puis, le 01er juillet 2015, Monsieur N a cédé la nue-propriété de ses parts à une autre société, la société BN.

 

Auparavant, un arrêt du 03 mars 2015 avait été rendu par la Cour d’appel qui condamnait Monsieur N en sa qualité de caution solidaire de l’EURL à payer à la banque la somme de 34 852.26 €.

 

La gestion de son patrimoine, organisation d’insolvabilité ?

 

C’est dans ces circonstances que, la banque a eu l’impression que Monsieur N avait organisé son insolvabilité, celle-ci a assigné ce dernier ainsi que la SCI sur le fondement de l’article 1167 du Code civil en nullité ou en inopposabilité de l’apport réalisé le 23 octobre 2013 par Monsieur N de son immeuble à la SCI.

 

Par cette même procédure, la banque demandait également la nullité ou l’inopposabilité de la cession réalisée le 01erjuillet 2015 dans laquelle Monsieur N avait cédé la nue-propriété de ses parts à une autre société, la société BN.

 

L’inopposabilité de la cession organisant l’insolvabilité de la caution,

 

À hauteur de Cour de cassation, la banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir rejeté toutes ses prétentions.

 

La banque considérait que les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes fait par leur débiteur en fraude de leur droit.

 

De telle sorte que selon elle, la Cour d’appel s’était fourvoyée en les déboutant de leurs demandes d’inopposabilité de l’acte d’apport de l’immeuble appartenant à Monsieur N signé le 23 octobre 2013 au profit de la SCI, dite société civile immobilière à caractère familial dont il était par ailleurs le gérant alors même que ce dernier avait pourtant été déjà assigné par la banque le 11 avril 2013 aux fins d’obtenir sa condamnation, soit, six mois avant l’apport de l’immeuble à la SCI alors qu’il savait pertinemment qu’il risquait d’être condamné en qualité de caution des sommes dues au titre du prêt qu’il avait souscrit le 23 juillet 2002 au nom de l’EURL qu’il dirigeait.

 

Une action paulienne contre la caution ?

 

La Cour d’appel, quant à elle, avait considéré que l’apport d’un bien à une société ne conduit pas à un appauvrissement de l’associé apporteur puisque l’immeuble valorisé à 500 000.00 € qui est sorti du patrimoine de Monsieur N a été remplacé par des droits sociaux pour une valeur équivalente.

 

En effet, ce dernier avait effectivement reçu en contrepartie 500 000 parts sociales de la SCI, de sorte que pour la Cour d’appel la banque était défaillante dans sa démonstration de l’appauvrissement de Monsieur N puisque ce dernier avait reçu des parts sociales équivalentes à la valeur de son bien.

 

Quid de la démonstration de l’appauvrissement de la caution ?

 

De telle sorte que pour la Cour d’appel l’acte d’apport n’avait nullement affecté les droits du créancier de la banque puisque, à la date de l’arrêt condamnant Monsieur N a payer la somme de 34 852.86 € soit le 03 mars 2015, la banque était parfaitement en mesure de procéder à une saisie des parts sociales.

 

En effet, pour la Cour d’appel, celle-ci était parfaitement en mesure de procéder à une saisie des parts sociales qui était encore valorisée à hauteur du montant de l’immeuble, soit 500 000.00 €, dont il n’était pas évoqué qu’il était vendu à cette époque.

 

Ce qui aurait permis, si la banque avait effectivement procédé à une saisie des parts sociales, de garantir sa créance à hauteur du cautionnement puisque l’acte du 01er juillet 2015 dans laquelle Monsieur N cédait la nue-propriété de ses parts à une autre société était, quant à lui, postérieur à cette condamnation.

 

La cession de la nue propriété des parts sociales, non constitutif d’un appauvrissement ?

 

Pour la Cour d’appel, l’existence d’un acte accompli en fraude des droits de la banque justifiant la nullité de l’acte du 23 octobre 2013 antérieurement à l’existence de l’acte sous seing privé du 01er juillet 2015 n’était pas rapportée.

 

Pour autant, la banque considérait qu’il appartenait à la Cour de rechercher comme il lui était demandé si le retrait de l’inscription d’hypothèque sur l’immeuble du chef de la société bénéficiaire de l’apport et la difficulté de négocier des parts sociales acquises par Monsieur N le 23 octobre 2013 ne constituaient pas un facteur de diminution de la valeur du gage général, caractérisant ainsi pour la banque de l’appauvrissement du débiteur.

 

Après mûres réflexions, la Cour de cassation partage finalement l’analyse de la banque.

 

En effet, celle-ci rappelle au visa de l’article 1167 du Code civil que les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes fait par leurs débiteurs en fraude de leurs droits.

 

La critique des actes faits par le débiteur en fraude des droits des créanciers

 

Ainsi, la Cour de cassation considère que, pour rejeter la demande de la banque en nullité ou en inopposabilité de l’acte du 23 octobre 2013, la Cour d’appel a retenu que l’apport d’un bien à une société ne conduit pas à un appauvrissement de l’associé apporteur puisque l’immeuble valorisé à 500 000.00 €, qui est sorti du patrimoine de Monsieur N, a été remplacé par des droits sociaux d’une valeur équivalente.

 

De telle sorte que, en effet, ce dernier avait reçu en contrepartie 500 000 parts sociales de la SCI d’une valeur nominale de 1.00 €.

 

La Cour d’appel ayant déduit de ce raisonnement que Monsieur N ne s’était pas appauvri.

 

De telle sorte que l’acte litigieux n’a pas affecté les droits du créancier de la banque.

 

Pour autant, la Cour de cassation considère qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si la difficulté de négocier les parts sociales et le risque d’inscription d’hypothèque sur l’immeuble du chef de la SCI ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage du créancier et d’appauvrissement du débiteur, de telle sorte que la Cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision.

 

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle permet de décortiquer le découpage patrimonial organisé par Monsieur N qui laisse effectivement à penser que ce dernier a clairement organisé son insolvabilité.

 

Quel découpage patrimonial efficace pour la caution poursuivie par le créancier ?

 

A bien y compendre, en apportant son bien à une société civile immobilière à caractère familial dont il était le dirigeant, puis, dans un deuxième temps, en cédant la nue-propriété des parts sociales qu’il avait acquis en contrepartie de cet accord au profit d’une autre société, la société BN dont d’ailleurs la jurisprudence ne précise pas si oui ou non cette autre société appartenait ou pas à Monsieur N ou si ce dernier avait des parts au sein de cette autre société.

 

Ainsi, la Cour de cassation fait droit à la demande de la banque en considérant que Monsieur N avait finalement bel et bien organisé son insolvabilité et que force est de constater qu’il y avait bel et bien l’organisation d’un appauvrissement de la caution.

 

De telle sorte que la banque était bien-fondée à lancer son action paulienne.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

La responsabilité de la banque et l’inadéquation du contrat d’assurance groupe

laurent latapie avocat bancaire 2025

Quel est le devoir d’information du préteur sur l’étendue de l’assurance groupe accompagnant un crédit bancaire ? Le banquier dispensateur de crédit qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques à l’exécution de tout ou partie de son engagement est tenu de rapporter la preuve qu’il a exécuté son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024, N°22-21.642, dans laquelle la Cour de cassation rappelle que le banquier dispensateur de crédit qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques à l’exécution de tout ou partie de son engagement est tenu de rapporter la preuve qu’il a exécuté son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.

 

La remise d’une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

 

L’obligation d’éclairer son client sur l’adéquation des risques couverts par le contrat d’assurance groupe

 

La Cour de cassation va plus loin encore en rappelant qu’en l’absence d’adhésion de l’emprunteur à cette assurance, la banque doit rapporter la preuve qu’elle a exécuté son obligation d’éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle.

 

Il est vrai que bon nombre de crédits, et plus particulièrement de crédits immobiliers, s’accompagnent d’assurance groupe venant protéger l’emprunteur en cas de difficulté qu’il pourrait rencontrer dans le cadre des années passant, plus particulièrement en crédits immobiliers où nous sommes sur des délais qui peuvent aller de vingt à trente ans, qui font qu’il est difficile de penser être à l’abri pendant toute cette longue période de quelque incident ou accident de parcours que ce soit.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur V avait souscrit 21 prêts immobiliers entre 2001 et 2008 auprès de la banque pour financer l’acquisition et les travaux de rénovation de plusieurs biens immobiliers à usage locatif.

 

Ce dernier avait pourtant fait le choix de ne pas adhérer à l’assurance groupe proposée par le prêteur, notamment, je présume, au motif pris du fait que les biens immobiliers en question avaient des fins de revenus locatifs.

 

Par la suite, le 29 octobre 2010, un protocole d’accord de rééchelonnement de la totalité des prêts avait été conclu entre Monsieur V et la banque.

 

Un arrêt de travail de l’emprunteur à la suite d’une maladie dégénérative

 

Puis, le 27 septembre 2012, Monsieur V avait été mis en arrêt de travail à la suite d’une maladie dégénérative.

 

C’est dans ces circonstances que, le 14 décembre 2012, Monsieur V a assigné la banque en responsabilité en lui reprochant de ne pas l’avoir mis en garde sur les risques qu’il encourrait à ne pas souscrire une assurance décès invalidité avec incapacité totale de travail.

 

La Cour d’appel de Caen avait débouté Monsieur V de ses prétentions et ce dernier s’était pourvu en cassation.

 

Ce dernier effectivement faisait grief à la Cour d’appel de Caen de rejeter son action en responsabilité à l’encontre de la banque fondée sur le manquement à l’obligation de conseil quant à l’adhésion des assurances facultatives et de condamner à payer diverses sommes au titre de ces prêts.

 

Le manquement à l’obligation de conseil quant à l’adhésion des assurances facultatives

 

Selon lui, le banquier prêteur qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques l’exécution de tout ou partie de ses engagements est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle emprunteur, la remise de notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

 

Pour autant, Monsieur V faisait grief à la Cour d’appel d’avoir relevé pour juger que le manquement de la banque à cette obligation n’était pas établi, que le devoir d’information du prêteur sur l’étendue de l’assurance suppose que l’emprunteur souscrive à l’assurance groupe proposée par le prêteur.

 

Comment éclairer l’emprunteur en matière d’assurance groupe ?

 

Qu’en le devoir d’éclairer l’emprunteur en matière d’assurance existe dès lors qu’une banque qui a consenti un prêt à un emprunteur lui propose d’adhérer à un contrat d’assurance groupe qu’elle a souscrit et ne saurait être exclu par l’absence d’adhésion de l’emprunteur qui ne peut prendre cette décision que s’il a été dûment éclairé.

 

Selon Monsieur V, il revient donc au banquier prêteur tenu d’une obligation d’information de conseil ou de mise en garde de prouver qu’il a bien rempli cette obligation tantôt de proposer une parfaite adéquation entre une assurance groupe et le financement proposé, tantôt de remplir cette même obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre de Monsieur V lorsque ce dernier ne souhaite pas adhérer à une assurance groupe.

 

Monsieur V rappelant qu’il appartient bien sûr à la banque de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation d’information, de conseil et de mise en garde, la charge de la preuve reposant effectivement sur les épaules de l’établissement bancaire.

 

La charge de la preuve quant à l’obligation d’information

 

La Cour de cassation partage en soit le pourvoi de Monsieur V et, au visa des articles 1315 devenu 1353 et 1147 du Code civil, vient finalement rappeler les obligations de l’établissement bancaire concernant la problématique du contrat d’assurance groupe en précisant notamment qu’il résulte de l’article 847 du Code civil que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer un contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.

 

La remise d’une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

 

La Cour de cassation considérant par ailleurs au visa de l’article 1315 ou 1353 du Code civil que c’est au débiteur de l’obligation de rapporter la preuve de son exécution et donc de l’établissement bancaire.

 

Ainsi, pour écarter la responsabilité de la banque, l’arrêt énonce que le devoir d’information du prêteur sur l’étendue de l’assurance suppose que l’emprunteur souscrive à l’assurance du groupe qui lui est proposé par le prêteur.

 

Le devoir d’information du préteur sur l’étendue de l’assurance

 

Puis, après avoir relevé que le contrat de prêt litigieux contienne une information sur l’assurance de groupe souscrite par la banque et la possibilité pour l’emprunteur de souscrire une garantie équivalente auprès de l’assureur de son choix.

 

Ainsi, si la Cour d’appel retient que Monsieur V a reconnu avoir été informé des clauses et conditions de l’assurance groupe et a renoncé en toute connaissance de cause à y adhérer et relève dans son arrêt que pour divers prêts il s’est assuré auprès d’un autre assureur de son choix qui était tenu de l’informer sur les risques couverts à sa situation personnelle pour en déduire que le manquement de la banque à son obligation d’information et de conseil n’était pas établi.

 

Pour autant, la Cour de cassation rappelle, d’une part, que la banque qui avait consenti des prêts assortis de la proposition d’adhérer à un contrat d’assurance groupe était tenu, en l’absence d’adhésion de l’emprunteur à cette assurance, de l’éclairer sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle et, d’autre part, qu’il incombait à la banque de rapporter la preuve qu’elle avait exécuté cette obligation.

 

L’adéquation entre le contrat d’assurance groupe et le financement proposé

 

La Cour de cassation va plus loin dans son raisonnement et en tire bien sûr des conséquences.

 

Elle rappelle ainsi que pèse bien sur la banque une obligation de conseil et de mise en garde, à la fois sur l’adéquation entre le contrat d’assurance groupe et le financement proposé, mais également fait peser à l’établissement bancaire cette même obligation de conseil et de mise en garde afin d’éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de cette situation personnelle.

 

La charge de la preuve reposant donc sur le débiteur de l’obligation, et donc, l’établissement bancaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Responsabilité de la banque et retraits d’argent par l’épouse qui a subtilisé la carte bancaire de son mari

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Quelle est la responsabilité de la banque en cas d’opérations de paiement non autorisées sur le compte de son titulaire ? quels sont les délais pour contester ces opérations de paiement non autorisés ? Hypothèse de retraits et de paiements effectuée par une épouse à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle a obtenu à son insu.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence de la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024, N°22-18.074, qui vient caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire alors que les opérations de banque ont été effectuées par, non pas le titulaire du compte, mais par son épouse qui avait subtilisé le doublon de sa carte bancaire.

 

En effet, dans cette jurisprudence, la Cour de cassation rappelle que les retraits et paiements effectués par une épouse à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle a obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées.

 

La responsabilité de la banque pour des opérations de paiement non autorisées

 

De telle sorte que l’action en responsabilité de la banque pour ces opérations que l’utilisateur de service de paiement s’est abstenu de contester dans le délai de treize mois, applicable quand bien même la banque est l’employeur de l’épouse, est irrecevable pour cause de forclusion.

 

Cette jurisprudence venant rappeler les délais dans lesquels le titulaire du compte est en mesure de le contester.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur L avait assigné le 15 juin 2017 la banque en sa qualité de commettant d’une salariée, Madame X, qui est alors son épouse séparée de biens et qui s’était fait établir et remettre à son insu un doublon de la carte de paiement qu’il détenait sur un compte ouvert dans les livres de cette banque qui avait, entre 2007 et 2011, utilisé cette carte pour effectuer des retraits et payer différents achats dont le montant était débité sur le compte de son époux.

 

Monsieur L formait pourvoi en cassation en suite de l’arrêt qui avait été rendu par la Cour d’appel de Nîmes en avril 2022 au motif pris de ce que ce dernier faisait griefs à la Cour d’appel d’avoir déclaré son action dirigée contre la banque irrecevable et de substituer la cause d’irrecevabilité tirée de la forclusion à celle de la prescription retenue par le premier Juge.

 

Le délai de forclusion pour contester une opération de paiement non autorisé

 

En effet, ce dernier rappelait, au visa de l’article L 133-24 du Code monétaire et financier que, en cas d’opération de paiement non autorisée signalé par l’utilisateur de service de paiements, le remboursement immédiat du montant de l’opération non autorisée par le prestataire de service de paiement du payeur est conditionné au signalement de l’opération par l’utilisateur dans un délai de treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion tel que le rappelle l’article susvisé.

 

Pour autant, Monsieur L rappelait que l’émission d’une carte bancaire en doublon par la banque à la demande de sa préposée à l’insu du titulaire du compte ne constitue pas une opération de paiement non autorisée.

 

La responsabilité de la banque du fait de sa préposée

 

Qu’en l’espèce, Monsieur L avait effectivement engagé une action en responsabilité à l’égard de la banque en sa qualité de commettant en raison de la demande d’autorisation frauduleuse et de l’obtention par sa préposée d’une carte de doublon à l’insu du titulaire du compte.

 

Or, pour juger que l’action en responsabilité engagée à l’encontre de la banque était recevable pour cause de forclusion, la Cour d’appel avait relevé que la situation entre l’utilisateur du moyen de paiement et la banque est régis par le droit spécial de l’article L 133-24 du Code monétaire et financier enfermant le délai d’action du titulaire du compte dans le délai de forclusion de treize mois.

 

Un délai d’action du titulaire du compte inscrit dans un délai de forclusion de treize mois

 

De sorte que le demandeur, qui s’était abstenu de contester en temps utile des opérations litigieuses intervenues sur son compte, ne peut prétendre engager la responsabilité du prestataire de service de paiement passé ce délai.

 

Or, pour Monsieur L, en subordonnant la recevabilité de l’action en responsabilité intentée contre la banque au respect des délais fixés à l’article L 133-24 du Code monétaire et financier qu’en l’action intentée visait à retenir la responsabilité du banquier commettant en raison de l’émission d’une carte doublon demandée frauduleusement à l’insu du titulaire du compte par la préposée, tant bien même celle-ci serait son épouse séparée de biens, s’analyse non pas en une opération de paiement non autorisé, de telle sorte que ce dernier était bien fondé à engager la responsabilité du banquier en sa qualité de commettant du fait de son préposé suivant responsabilité contractuelle de cinq ans.

 

La responsabilité contractuelle de la banque de cinq ans

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

 

La Haute juridiction rappelle en tant que de besoin que selon l’article L 133-6 du Code monétaire et financier, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.

 

Il en résulte que, contrairement à ce que postule Monsieur L, les retraits et paiements effectués par Madame X à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle avait obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées par le payeur titulaire du compte,

 

Pour autant, il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 16 mars 2023 (BEOBANK c/ C-351/21) que dès lors que la responsabilité de la banque, prestataire de service de paiement, est recherchée sur le fondement d’une opération de paiement non autorisée, elle est seule applicable au régime de la responsabilité définie au visa de l’article L 133-18 à L133-20 du Code monétaire et financier et ce, à l’exclusion de tout autre régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.

 

Bien plus, pour la Haute juridiction, selon l’article L 123-24 du Code du commerce, l’utilisateur des services de paiement signale sans tarder à son prestataire de service de paiements une opération de paiement non-autorisée ou mal exécutée et, au plus tard, dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.

 

Un délai de forclusion de 13 mois pour contester une opération de paiement non-autorisée

 

De telle sorte que la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la Cour d’appel a fait application de l’article L 123-24 du Code monétaire et financier quand bien même la banque se trouvait être l’employeur de Madame X.

 

Que dès lors, Monsieur L, qui entendait engager la responsabilité de la banque pour des opérations de paiement intervenues sur son compte entre 2007 et 2011 et qu’il s’était abstenu de les contester dans le délai de treize mois, ce n’est qu’à juste titre que la Cour d’appel en a exactement déduit que cette action était irrecevable pour cause de forclusion.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, elle rappelle effectivement que le titulaire d’un compte bancaire peut engager la responsabilité de la banque en cas d’opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées par l’établissement bancaire.

 

Cependant, elle rappelle quand même que ce délai est strictement encadré par un délai de forclusion de treize mois à compter d’une opération litigieuse.

 

Qu’il appartient donc au titulaire du compte d’être malgré tout attentif au sort de son compte bancaire et à ses opérations car même si on peut aisément comprendre que tout à chacun est pris par ses affaires courantes, un minimum de vigilance quant à la gestion de ses comptes bancaires et de ses finances demeure malgré tout un point à s’assurer et à vérifier afin de justement ne pas se retrouver par la suite hors délai car finalement le délai de forclusion de treize mois reste un délai assez court.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr