Saisie pénale immobilière, l’histoire d’une injustice Corse

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

Résumé :

Une saisie pénale immobilière et une confiscation sont ordonnées par le JLD à l’encontre des actifs immobiliers de deux SCI, tiers à Monsieur C, auteur des faits. Pour autant, la juridictionnelle correctionnelle n’a pas repris les termes de cette saisie pénale immobilière contre les deux SCI, mais a seulement précisé : « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » avec une vague substitution de motifs. Quelles solutions pour les deux SCI qui n’ont pas été convoquées devant la juridiction correctionnelle et qui se retrouve poursuivies par l’AGRASC deux ans plus tard ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Bastia en septembre 2021 et qui vient aborder le cas particulier de deux SCI qui ont subies les affres d’une saisie pénale immobilière et pour lesquelles un pourvoi est en cours.

Il est vrai qu’initialement, il y avait matière à infraction pénale mais est-ce que pour autant, il y avait matière à saisie pénale immobilière, surtout à l’égard des deux SCI lesquelles étaient des tiers.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, et sur la base d’un extrait de naissance falsifié, Monsieur C avait obtenu la délivrance d’une carte d’identité au nom de Monsieur M moyennant laquelle, après qu’il eut été interdit bancaire et frappé d’une interdiction de gérer, a pu contracter six prêts entre le 15 décembre 2010 et le 25 mars 2013.

En produisant par ailleurs d’autres documents falsifiés de type bulletins de salaire, relevés de compte, et avis d’imposition.

Ces prêts ont permis diverses acquisitions immobilières soit directement soit par l’intermédiaire de SCI.

Il est important à ce stade de préciser que, Monsieur C était dirigeant et associé de ces deux SCI.

Cependant, par la suite, et avant même que les faits soient révélés, il était démissionnaire de ses fonctions de dirigeant des deux SCI en question et a également cédé ses parts pour se retrouver seulement associé minoritaire et sur l’une seule d’entre les deux.

Enfin et surtout, ces deux SCI ont, quant à elles parfaitement rempli leurs obligations puisque les fonds empruntés avaient permis l’acquisition d’appartements et de garages qui ont tous été loué.

Lesdits revenus locatifs ont servi à couvrir l’ensemble des crédits en cours ainsi que les charges de copropriétés ainsi que la fiscalité immobilière afférente.

Une confiscation ordonnée par le JLD

Or, ensuite de l’enquête préliminaire qui a été diligenté sur ces faits à l’encontre de Monsieur C, et par ordonnance du 07 avril 2016, le juge des libertés de la détention du Tribunal de grande instance de Bastia avait autorisé la saisie pénale immobilière de l’ensemble des biens.

Un appartement, dix places de parking motos, vingt-deux box fermés, un appartement et seize caves. Tels étaient l’ensemble des actifs acquis avec ces fonds par les deux SCI B et E en question.

Or, rappelons que la décision du juge des libertés de détention est une mesure provisoire par principe, devant être ensuite reprise, ou à tout le moins tranchée par une décision correctionnelle,

Tel fut le cas puisqu’une décision correctionnelle a été rendue par jugement de la même année,

Pour autant, au sein de cette décision, aucune référence ni aux deux SCI en question, ni à leurs actifs,

En effet, le Tribunal correctionnel de Bastia a déclaré Monsieur C coupable du fait d’escroquerie, usage de faux dans un document administratif commis de manière habituel et blanchiment aggravé.

Monsieur C étant alors condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans dont un assorti d’un sursis simple, outre une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer et gérer ou contrôler une entreprise ou une société de manière définitive,

Mais surtout, le Tribunal correctionnel ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur.

La confiscation des biens saisis en valeur

Il n’échappera pas au lecteur attentif que, ni la SCI B, ni la SCI E ont été convoqué ou avisé de quelques manières que ce soit, au besoin par COPJ, a cette audience correctionnelle alors qu’il s’agissait quand même de leurs actifs,

Car s’il est vrai que si Monsieur C était à l’initiative de cette falsification et de ces différents prêts immobiliers, il n’en demeure pas moins que ce sont les deux SCI qui ce sont finalement retrouvées propriétaires des biens immobiliers en question.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de les convoquer.

Ces dernières SCI n’ont jamais été convoquées, n’ont jamais été entendues, ni manifestées quelques moyens de fait ou de droit à la défense de leurs intérêts.

Et c’est dans ces circonstances que le jugement est devenu définitif.

La confiscation par l’Agrasc

Cependant, ce n’est que trois ans plus tard en 2018 que les deux SCI se sont rendues compte que la confiscation avait eu lieu et maintenue dans la mesure où l’AGRASC, a pris soin de se rapprocher afin de procéder d’elles afin de procéder à l’appréhension et à la vente des actifs saisis.

C’est à ce moment là que les SCI B et E ont finalement réagies.

Elles considéraient ladite saisie pénale immobilière et la confiscation qui s’en suit comme étant attentatoire à leur droit de propriété, et ont souhaité la contester.

Les deux SCI ont alors imaginé saisir la juridiction pénale aux fins de restitution et de main levée de la saisie pénale immobilière.

Pour autant, ces derniers ont rencontré les plus grandes difficultés pour obtenir gain de cause.

Le refus d’enrôlement des requêtes en mainlevée de la saisie pénale immobilière

En effet, c’est en 2018 que les SCI B et E ont diligenté des requêtes en s’apercevant de la réalité de cette saisie pénale immobilière et ont par la même diligenté des requêtes devant la juridiction corse le 17 avril 2018.

Pour autant, ces deux requêtes, aux fins de main levée, n’ont pas été pris en considération par le Ministère Public puisque le Procureur de la République du tribunal de Bastia a par correspondance du 30 avril 2018, rejeté les requêtes au motif pris que : « attendu qu’une telle demande de main levée est irrecevable dans la mesure ou le tribunal a pris une décision aujourd’hui définitive, ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur à l’encontre de Monsieur C. »

L’appel impossible pour contester la saisie pénale immobilière

Il parait logique que la seule voie de recours des deux SCI B et E soit la voie de l’appel, cependant, ces derniers n’ont jamais été convoqué à l’audience correctionnelle, n’étaient pas partie en présence à la procédure correctionnelle de telle sorte que, il m’apparait effectivement difficile pour ces derniers, de faire appel dans les délais d’une décision pour laquelle ils n’ont pas été convoqué et qu’ils n’ont absolument pas eu vent  jusqu’à ce que l’AGRASC vienne sur le terrain envisager une cession.

La requête en main levée de la saisie pénale immobilière

Pour autant, dès lors, la requête en main levée, semblait la plus adaptée, mais cette demande s’est heurtée à un refus « politique » et juridique de la part du Ministère Public.

Le conseil des deux SCI a alors contesté cette mesure et a saisi le premier Président et le Procureur général de la cour d’appel de Bastia.

Dans un premier temps le premier Président de la cour d’appel a apporté une réponse en indiquant qu’il transmettait la demande du conseil des SCI au Procureur général et in fine.

Ce dernier « dans sa grande sagesse » a adressé une réponse le 18 janvier 2019 en indiquant que la difficulté ne pouvait être tranchée que par le tribunal correctionnel de Bastia saisi par voie de requête sur le fondement de l’article 710 et 711,

Ce qui fut immédiatement fait par le conseil des deux SCI, de telle sorte qu’il a fallu plus de dix mois entre le dépôt de la requête et l’audiencement devant la juridiction correctionnelle de Bastia.

Les difficultés d’exécution d’une saisie pénale immobilière

C’est dans ces circonstances, politiques et juridiques, qu’il m’apparait bon de reprendre à titre introductif, que les deux SCI B et E ont formé un recours en application de l’article 710 et 711 du code des procédures pénales pour contester l’exécution et la justification de la saisie pénale immobilière ordonnée par le Juge du tribunal correctionnel en juillet 2016, devenue définitive puisque non révélée aux deux SCI à temps.

Or, selon l’article 710 du code de procédure pénale susvisé, tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions.

Il découle de l’article 710 que doit être examiné la requête de toute personne non condamnée pénalement, copropriétaire indivis qui soulève un incident contentieux relatif à l’exécution de la décision de confiscation

Les deux SCI saisissaient donc la juridiction correctionnelle de Bastia afin de solliciter la main levée de la saisie pénale immobilière des deux SCI de bonne foi, et ce à l’encontre des actifs saisis.

Or, la question qui se posait était de savoir à partir de quand la décision de confiscation était définitive et opposable aux deux SCI,

Car si c’est le JLD qui a ordonné la confiscation, celle-ci n’a pas été reprise, stricto sensu par la juridiction correctionnelle.

Il est important de rappeler que cette ordonnance du JLD ne peut valoir que jusqu’à la fin de la procédure d’instruction et qui a pour vocation à être reprise et confirmée par la décision correctionnelle, laquelle prend des mesures par la suite pour l’avenir.

Saisie pénale immobilière et décision du JLD, quelles limites ?

La saisie pénale immobilière et la confiscation définitive des actifs susvisés ne peuvent reposer sur la seule ordonnance du JLD.

En effet le Ministère public ne peut considérer que la requête devant le tribunal correctionnel est sans objet, et ce, dans la mesure ou la saisie pénale immobilière aurait été formalisé avant la décision correctionnelle qui n’aurait fait que la confirmer.

Or, il convient de rappeler que l’ordonnance du JLD ne peut prononcer que des mesures provisoires par nature.

Si nous devions faire un comparatif malheureux, si le JLD ordonne une détention provisoire, il est bien évident que celle-ci ne dure que jusqu’à l’audience de correctionnelle et qu’il appartient à la juridiction pénale d’ordonner le maintien du dépôt pour que la personne incarcérée, dans le cadre d’une décision provisoire, reste écrouée sur la base de la décision qui sera rendue par la suite.

Dès lors, en l’absence totale d’une notification ou d’une convocation des deux SCI devant la juridiction correctionnelle, ces derniers ont bien fondés à venir solliciter à faire état de la difficulté d’exécution et solliciter la main levée.

La saisie pénale immobilière de tiers 

Il est bien évident que la décision du tribunal correctionnel de Bastia, en litige, est extrêmement mal rédigée, puisque le tribunal confond la saisie pénale immobilière des tiers, qui représente les SCI et qui sont distincts de Monsieur C.

De telle sorte que la mention « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » n’a absolument aucune valeur et ne peut justifier la confirmation de la confiscation.

En effet, aucun des actifs visés ne sont repris ni même détaillés dans le jugement correctionnel lequel ne reprend pas la liste des actifs ni dans sa motivation ni dans son expositif.

Le tribunal laissera penser qu’il y a une confirmation de la décision, alors même que les actifs en question ne sont pas ceux de Monsieur C mais bel et bien des deux SCI qui sont désormais distinctes et pour lequel Monsieur C n’a plus aucun lien.

Dès lors, le tribunal correctionnel ne pouvait sérieusement valider la saisie immobilière sur la simple phrase : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis ».

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de reprendre l’ensemble des actifs et de les viser.

Le Tribunal correctionnel de Bastia avait l’obligation de convoquer les 2 SCI et de motiver par ailleurs sa décision en faisant un lien entre l’infraction visée et l’acquisition du bien pour justifier du bien-fondé de la saisie pénale immobilière.

Le lien indispensable entre infraction pénale et l’objet de l’actif confisqué.

De telle sorte que, à mon sens, le tribunal correctionnel ne peut procéder par adoption ou substitution de motif de l’ordonnance du JLD puisque ce dernier ne prononce que des mesures provisoires par nature.

Il appartenait à la juridiction correctionnelle de prendre des mesures définitives qui permettent à l’ensemble des actifs au service de l’état.

Rappelons que cette appréhension des actifs est une atteinte au droit de la propriété telle que constitutionnellement reconnu au travers des disposition du code de procédure pénale et du code pénal qui sont par nature d’interprétation stricte.

Dans la mesure où cette saisie n’est pas correctement réalisée ou confirmée, il y a tout lieu de penser que la saisie pénale immobilière est illicite, nulle et non avenue, et que c’est donc à bon droit que les deux SCI ont saisi la juridiction correctionnelle pour obtenir la main levée.

En effet, les deux SCI, tiers de bonne foi, sollicitent la main levée de la saisie pénale immobilière et considèrent qu’il n’y a aucune mesure pénale définitive à leur encontre, qui peut leur être opposable de quelques manières que ce soit à leur actif.

A bien y comprendre, et si nous allons jusqu’au bout du raisonnement, une simple lecture de la décision dans laquelle il est ordonné à l’encontre de Monsieur C, la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur, pourrait même laisser à penser que finalement les actifs en question des deux SCI n’ont fait l’objet d’aucune mesure de saisie pénale immobilière définitive par la juridiction correctionnelle.

De telle sorte que, l’interprétation faite de cette décision amènerait à penser que dans la mesure ou la juridiction correctionnelle ne reprend pas les actifs et ne fait aucun lien entre saisie pénale et infraction, ces derniers ne font pas l’objet de saisie pénale à la lueur de la décision correctionnelle, mais sur la seule base de l’ordonnance du JLD, laquelle est provisoire par nature de telle sorte que, à ce moment-là, celle-ci serait devenue caduc et de nul effet, à compter de la décision correctionnelle.

La décision du JLD est une décision purement provisoire, elle pourrait se comparer à une décision de détention provisoire de contrôle judiciaire qui n’a vocation à perdurer jusqu’à ce que la juridiction pénale s’exprime à travers une décision correctionnelle sauf à ce qu’elle la reprenne pour elle dans une motivation spécifique qui motive l’OP.

Quelle décision pénale pour la confiscation ?

Or, toute la difficulté et l’ambiguïté de la décision correctionnelle, pourtant parfaitement incomplète et qui procède même par substitution de motif, laisse à penser à l’AGRASC que la confiscation est devenue définitive et qu’elle est bien fondée à poursuivre les mesures coercitives sur les actifs immobiliers des deux SCI afin d’appréhender l’intégralité des actifs et de les réaliser au profit de l’État.

Dès lors, de deux choses l’une,

La difficulté d’exécution au secours de la main levée de la saisie pénale

Soit le tribunal correctionnel considère que la saisie pénale a été réitérée et confirmée dans le cadre de la décision correctionnelle qui a été rendue en lieu et place de la mesure provisoire du JLD et alors, nous sommes en présence d’une difficulté d’exécution car le juge ne peut procéder par voie de substitution de motif sur la base d’un actif qu’il a obligation de viser expressément et nommément lot par lot et pour lequel il doit également justifier du bien fondé de la dite saisie du bien de causalité existant entre le chef de la l’infraction et le produit de l’infraction qui justifierait la dite sanction complémentaire de la saisie pénale immobilière.

Et dans ce cas, seule la requête aux fins d’exécution est ouverte procéduralement aux SCI.

Soit, il y a d’autant plus une difficulté d’exécution puisque dans la mesure ou le tribunal correctionnel n’a pas réitéré la saisie pénale immobilière, décidé à titre provisoire par le JLD, les actifs seraient alors libérés de la saisie.

L’AGRASC ne peut donc pas prendre de mesure coercitive à l’encontre des deux SCI,

L’absence de l’AGRASC aux débats

Toute difficulté et également toute ineptie de ce dossier, montre la résistance de l’AGRASC qui joue au chat et à la souris et ne conclut pas, pour indiquer si elle entend se reposer sur la décision du JLD ou sur le tribunal correctionnel laissant le Ministère public valider la mesure de saisie pénale immobilière sans répondre franchement aux questions.

Effectivement on peut s’interroger sur l’impartialité du Ministère public qui finalement intervient au nom et pour le compte de l’AGRASC comme étant lui-même l’une des réminiscences de l’Etat et de son pouvoir exécutif sans pour autant répondre clairement sur l’origine du titre permettant à l’AGRASC de saisir.

Dès lors, il apparaissait tout aussi important que la décision en difficulté d’exécution soit opposable à l’AGRASC.

Dans la mesure ou les deux SCI n’ont pas été convoqué devant la juridiction correctionnelle et n’ont pas été destinataire de la décision en question, la voie de l’appel leur est définitivement fermée.

 Pour autant, Les deux SCI étaient d’autant plus de bonne foi qu’elles n’avaient, non seulement, plus aucun lien avec Monsieur C, mais que par ailleurs elles faisaient face à leurs obligations financières sur les différents actifs, remplissant leurs obligations bancaires et fiscales.

La décision de la Cour d’appel sur la difficulté d’exécution de la saisie pénale immobilière

Contre toute attente, la Cour d’appel a pris une décision complètement inverse à ce qui peut sembler, je dirais, juridiquement fondé, quant aux prétentions des deux SCI, puisqu’elle a rejeté la requête en difficulté d’exécution.

Une confiscation valide pour la Cour d’appel

En effet, la cours considère que si le jugement du tribunal correctionnel qui prononce confiscation ne reprend pas l’énumération des biens concernés, il se déduit nécessairement de la formule employée : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur », que la mesure portant sur la totalité des biens dont la saisie a été préalablement autorisé par l’ordonnance du juge des libertés de la détention en avril 2016.

A cette décision du JLD qui désigne précisément les deux SCI comme propriétaires des biens saisis, a été dument notifié par lettre recommandée le jour même à ces derniers qui n’auront émis aucun recours.

Aucun recours « note du rédacteur » aucun recours contre la décision provisoire !

Alors qu’ils auraient dû être convoqué dans la juridiction correctionnelle.

Ainsi, la cour d’appel considère que la confiscation et non la saisie ordonnée à l’encontre de Monsieur C, par une décision judiciaire devenue définitive ne peut plus être contestée.

Cependant, les requérants, en leur qualité de tiers propriétaire des biens confisqués, demeurent fondés à discuter les effets de la mesure à leur égard,

La cour rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 131-21 du code pénal, que la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et délits d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse.

Le bien-fondé de la peine de confiscation

Une telle peine de confiscation peut porter d’une part sur des biens ayant servis à commettre l’infraction qui été destinée à la commettre et dont le condamné est propriétaire et d’autre part sur tous les biens qui font l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ainsi que sur les biens qualifiés de dangereux par la loi.

Il n’est pas contestable que les biens confisqués ont été acquis frauduleusement, l’enquête ayant permis de retracer les versements de fonds nécessaires aux acquisitions réalisées par les SCI à partir du compte ouvert par Monsieur C sous une fausse identité ou l’obtention de prêts à partir de documents frauduleux.

Selon la Cour, ils constituent aussi le produit direct ou indirect des infractions et à ce titre peuvent être confisqués alors qu’ils ne sont pas la propriété de la personne condamnée.

Pour autant, à ce stade, on peut légitimement s’interroger sur la motivation de la cour d’appel qui vient finalement réécrire la décision correctionnelle de 2016 alors que la seule question qui est posée est de savoir si oui ou non, la rédaction de l’arrêt de la décision correctionnelle de 2016 était juridiquement fondée, ce qui n’était pas le cas.

En amenant la confiscation des biens saisis en valeur, le tribunal a fait application de l’alinéa 9 du texte susvisé qui prévoit que ce type de confiscation peut être exécutée sur tout bien quel qu’en soit la nature appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition.

Étant pourtant rappelé qu’il appartient à la juridiction qui procède à cette confiscation de viser nommément les actifs en question et que cette seule phrase de genre ne serait suffire.

La bonne foi du tiers subissant une saisie pénale immobilière

Par ailleurs, la cour engage un nouveau débat afin de savoir si oui ou non les deux SCI étaient de bonne foi.

Pourtant, la Cour d’appel était à même de constater que Monsieur C n’avait plus de lien avec les deux SCI en question, lesquelles ont toujours fait face à leurs obligations bancaires, financières et fiscales et qu’elles ont toujours réglé les prêts immobiliers, ont toujours payé les charges de copropriété et ont assurés l’ensemble des lots en question outre le poids fiscal de ces placements financiers ainsi que de leurs revenus locatifs.

Dès lors, il peut paraître parfaitement incongru, pour la cour d’appel, de considérer que les deux SCI ne seraient pas de bonne foi, motif suffisant pour cette dernière pour rejeter les prétentions des deux SCI qui ne seraient d’ailleurs pas fondé à contester les confiscations.

Fort heureusement un pourvoi a été diligenté,

La question se pose aussi de savoir s’il ne serait pas non plus judicieux de revenir devant le JLD,

Affaire à suivre donc,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-penale-immobiliere-et-atteinte-proportionnee-au-droit-a-la-propriete-quelle-motivation/

Local commercial, engagement de caution et bailleur professionnel, qu’en est-il?

Laurent Latapie avocat procédure de référé

Le bailleur d’un local commercial ou professionnel qui exige un engagement de cautionnement doit-il être considéré comme un créancier professionnel ? Surtout lorsque ce dernier est propriétaire de plusieurs locaux commerciaux tant en nom personnel qu’au travers ou une plusieurs SCI. L’engagement de cautionnement doit-il dans ce cas respecter le formalisme ad validitatem ou la caution peut reprocher le non-respect de ce formalisme ?

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Responsabilité de la banque et souscription d’un contrat d’assurance vie,

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Dans quelles conditions la banque engage sa responsabilité dans la souscription, l’exécution, et la résiliation d’un contrat d’assurance vie ? Ceci d’autant plus que très souvent, c’est le conseiller bancaire qui conseille ses clients quant à la souscription d’un contrat d’assurance vie pourtant établi par une compagnie d’assurance, proche mais distincte de l’établissement bancaire proprement dit.  

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juin dernier et qui vient aborder la problématique de la responsabilité de l’établissement bancaire dispensateur de crédit lorsque ce dernier subordonne l’octroi du prêt à la souscription d’une assurance vie garantissant la fin des remboursements.

Les conditions de souscription de l’assurance vie

Dans cette affaire, les consorts E qui par l’intermédiaire de la banque C avaient adhéré à deux contrats collectifs d’assurance sur la vie dénommés H souscrits par cette banque auprès de la société S, avaient en mai 2002, informé celle-là de sa volonté de résilier ses contrats et lui avait demandé de transférer leur valeur sur leur compte chèques.

La résiliation des contrats d’assurance vie

La banque, qui avait refusé de donner suite à cette demande, avait été condamnée en référé à l’exécuter et a dû verser aux héritiers des consorts E une somme correspondant à la moins-value enregistrée sur les contrats avant cette exécution et aux intérêts de droit.

Elle avait alors déclaré ce sinistre à la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance (la CGPA) auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l’activité de courtier en assurances.

Il convient dans un premier temps de s’intéresser à la portée de l’article L 140–6 du Code des Assurances qu’il convient de reprendre dans son intégralité.

« Pour les contrats d’assurance de groupe au sens de l’article L. 140-1, autres que ceux qui sont régis par le titre Ier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, et pour les contrats collectifs de capitalisation présentant les mêmes caractéristiques que les contrats de groupe au sens de l’article L. 140-1, le souscripteur est, tant pour les adhésions au contrat que pour l’exécution de celui-ci, réputé agir, à l’égard de l’adhérent, de l’assuré et du bénéficiaire, en tant que mandataire de l’entreprise d’assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit, à l’exception des actes dont l’adhérent a été préalablement informé, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, que le souscripteur n’a pas pouvoir pour les accomplir. En cas de dissolution ou de liquidation de l’organisme souscripteur, le contrat se poursuit de plein droit entre l’entreprise d’assurance et les personnes antérieurement adhérentes au contrat de groupe.

Le présent article ne s’applique pas aux contrats d’assurance en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d’activité professionnelle, souscrits par une entreprise ou un groupe d’entreprises au profit de leurs salariés ou par un groupement professionnel représentatif d’entreprises au profit des salariés de celles-ci ou par une organisation représentative d’une profession non salariée ou d’agents des collectivités publiques au profit de ses membres. Il ne s’applique pas non plus aux contrats de groupe souscrits par un établissement de crédit, ayant pour objet la garantie de remboursement d’un emprunt. »

La question était de savoir dans quelles conditions l’établissement bancaire intervenait.

En effet, la banque faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de la CGPA, la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance.

Elle considérait qu’il résulte de l’article L. 511-1 du Code des Assurances, et des articles R. 511-1 et R. 511-2 du même code, qu’est considérée comme présentation d’une opération d’assurance pratiquée par un courtier, le fait de solliciter ou de recueillir l’adhésion à un contrat d’assurance ou d’exposer oralement ou par écrit à un adhérent éventuel, en vue de cette adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat.

La responsabilité de la banque au titre de l’assurance vie

A bien y comprendre pour la banque, il résultait de ces dispositions qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer 

De telle sorte qu’en l’espèce, en proposant aux consorts E d’adhérer à un contrat d’assurance-vie collectif, auquel ils avaient souscrit, la banque avait exercé une activité de courtier.

Le banquier, courtier en assurance vie ?  

Que pour autant la Cour d’Appel avait considéré que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, et que la banque ne pouvait être garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.

La banque rappelait que l’article II- 02 A.1 des conventions spéciales de l’assurance responsabilité civile, souscrite par la banque, stipulait que « dans la limite de l’activité déclarée aux conditions particulières, le présent contrat garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages causés aux tiers du fait des activités professionnelles limitativement énumérées ci-après :

 – la présentation d’opérations d’assurance telle que définie à l’article R. 511-1 du Code des Assurances comme étant le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat d’assurance ou de capitalisation ou l’adhésion à un tel contrat ou d’exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou adhérent éventuel en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat ;

 – la gestion des contrats d’assurance conclus par l’intermédiaire de l’assuré 

 Pour la banque, il résulte de cette clause, qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer et reprochait à la Cour d’Appel d’avoir considéré pourtant que la banque étant le souscripteur du contrat d’assurance-vie auquel avait adhéré sa cliente n’était pas garantie par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.

La responsabilité de la banque et les opérations d’assurance

Enfin la banque rappelait que les pertes et les dommages causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée, contenue dans la police 

En l’espèce, les juges du fond, avaient constaté que le contrat rappelle qu’il appartient à la CGPA de rapporter la preuve des exclusions et qu’aucune clause n’interdit aux courtiers d’être souscripteur dans le cadre d’une assurance groupe ou n’exclut cette activité.

Or c’est bien dans le cadre de la gestion d’un contrat d’assurance conclu par son intermédiaire que la banque en refusant la demande de rachat, avait engagé sa responsabilité professionnelle 

Pour la banque, la Cour d’Appel s’était bornée à considérer que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, pour en déduire que cette dernière n’était pas garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la police d’assurance contenait une clause excluant la garantie de la CGPA, en cas d’assurance de groupe souscrite par l’établissement bancaire.

L’assurance de groupe souscrite par la banque

La Cour de Cassation entend répondre sur ces différents points en précisant que la banque était le souscripteur des contrats collectifs d’assurance sur la vie auxquels les consorts E avait adhéré, ce dont il résultait qu’elle était réputée être le mandataire de l’assureur tant pour les adhésions à ces contrats que pour leur exécution.

La banque, mandataire de l’assureur

La Cour d’Appel qui n’avait pas à procéder à la recherche dont l’omission est critiquée par la troisième branche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le sinistre litigieux n’était pas survenu du fait de l’activité de courtier en assurances de cette banque et, en conséquence, n’était pas garanti par le contrat souscrit auprès de la CGPA.

C’est donc à bon droit que les clients de l’établissement bancaire avaient engagé une action en responsabilité à l’encontre de cette dernière.

S’il est vrai que la banque avait cru bon déclarer ce sinistre auprès de la CGPA, la Cour de Cassation a malgré tout considéré qu’il n’y avait pas matière à garantie.

Dès lors la jurisprudence est claire.

Elle rappelle que l’établissement bancaire engage sa responsabilité tant concernant l’adhésion que l’exécution et la résiliation  liées à des contrats d’assurance vie.

Par contre la garantie découlant de la CGPA n’a pas vocation à garantir le sinistre car la Cour de Cassation considère que L. 140–6 ne s’applique pas aux contrats de groupe et que la banque a engagé sa responsabilité professionnelle et a vocation à indemniser ses clients.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/retards-de-paiement-du-pret-bancaire-immobilier-et-suspension-judiciaire-des-echeances/

Fonds commun de titrisation et saisie immobilière

Laurent LATAPIE Avocat Bankruptcy
Laurent LATAPIE Avocat Bankruptcy

 

La contestation de la créance d’un fonds de titrisation en droit de la saisie immobilière, entre exception de nullité, créance clairement individualisée et identifiable et procédure en inscription de faux, autant d’obstacles pour le débiteur saisi qui entend se défendre devant le juge de l’orientation,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix en Provence venant aborder la problématique d’une saisie immobilière engagée, non pas par le créancier initial, mais par le fonds de titrisation qui a bénéficié de la cession de la créance en litige,

Cession de créance et fonds commun de titrisation

Il convient de rappeler que la titrisation consiste en une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers, (ou immobiliers), tels que des créances,

Dans cette affaire, par jugement dont appel du 4 novembre 2016 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers saisis au préjudice de monsieur B pour une créance liquide et exigible de 66.660,44 euros en principal outre les intérêts et accessoires,

Monsieur B a frappé d’appel la décision et est venu opposer le fait que le fonds de titrisation n’était fondé à engager une procédure de saisie immobilière.

 fonds de titrisation et saisie immobilière

Là encore la Cour d’Appel d’Aix en Provence brille par une certaine sévérité à l’encontre du débiteur et donne l’amer sentiment que rien ne trouve jamais grâce aux yeux de la Cour lorsqu’il s’agit d’un débiteur.

Afin d’échapper à la rigueur de cette saisie immobilière, Monsieur B avait pris soin de soutenir un certain nombre d’arguments et venait notamment mettre en avant un moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification.

Pour autant le fonds de titrisation s’y oppose et rappelle que s’il résulte des notes en délibéré, du jugement d’orientation, des conclusions des parties que la nullité des actes de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 a bien été soutenue à l’audience d’orientation, il n’en demeure pas moins que celle-ci est contestable,

La signification de la cession de créance au profit du fonds commun de titrisation

En effet, la contestation de la validité d’un acte qui le prive d’effet de droit, en l’espèce le caractère non-définitif des titres exécutoires, devant s’entendre d’une nullité de l’acte à raison d’irrégularité qui l’affecte, moyen soutenu devant le juge de l’exécution, a vocation à être rejeté, le débiteur l’ayant soulevé au mauvais moment au mauvais endroit,

La remarque peut sembler spécieuse, ou trop rigoureusement tranchée,

Même si, sur le plan du droit de la procédure civile, celui-ci a tout son sens,

En effet, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Civile :

« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité. »

La Cour considère que l’appelant ayant soutenu dans ses conclusions devant le Juge de l’Exécution ainsi qu’il résulte du jugement déféré, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant, il en résulte l’irrecevabilité de l’exception de nullité,

Qui aurait du être soulevé avant,

Le juge de l’orientation et le fonds commun de titrisation

Ceci fait que désormais la Cour ne vient même plus reprocher au débiteur, et à son conseil, d’avoir omis tel moyen de fait ou de droit, et ce, au titre du principe de concentration des moyens,

Désormais, elle va jusqu’à reprocher au débiteur et à son conseil l’emplacement de tel ou tel argument dans le corps de ses conclusions,

Dès lors, à bien y comprendre la Cour, le débiteur, (ou son conseil), aurait eu la « maladresse » de conclure d’abord sur des problématiques de fins de non recevoir au lieu de soutenir avant toute chose l’exception de nullité, 

Il convient de rappeler que devant le Juge de l’Orientation l’ensemble des moyens de faits et de droit doit être soulevé sous peine d’irrecevabilité.

Dès lors, pareille décision de la Cour, doit être comprise comme une « piqure de rappel » au débiteur et à son conseil, dans la rédaction et l’établissement juridique et stratégiques des conclusions prises devant le Juge de l’Orientation sont fondamentalement déterminantes ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet dévolutif en cause d’appel en droit de la saisie immobilière,

De telle sorte qu’il serait impossible pour le débiteur et, ou, son conseil, de rattraper l’erreur commise en première instance devant la Cour d’Appel.

Ceci étant dit, il convient également de s’intéresser à la problématique de la cession de créance au profit du fonds de titrisation,

En effet, le débiteur, appelant, soutient que le créancier poursuivant agit en vertu de l’acte de cession de créances en date du 23 juillet 2010,

Celui-ci tente de faire croire que le fonds de titrisation envisagerait une saisie immobilière sur la seule base de la cession de créance alors qu’il devrait justifier d’un titre exécutoire,

La Cour ne s’y trompe pas,

Elle souligne qu’il résulte clairement du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 4 novembre 2015 que le fonds de titrisation vient aux droits de la Banque, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 23 juillet 2010, certes, mais ledit commandement de payer valant saisie de biens et droits immobiliers, repose aussi et surtout sur divers titres exécutoires énoncés de telle sorte que tout interprétation d’une poursuite en vertu d’un acte de cession de créance conduisant à une prescription à la date anniversaire du 23 juillet 2015 constitue immanquablement une dénaturation de l’acte d’exécution.

Il convient de rappeler de rappeler que rien n’empêche le fonds de titrisation d’envisager toute mesure d’exécution car la remise la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.

De telle sort que le droit de mettre en oeuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L 214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière de saisie immobilière de sorte que le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer le présent commandement.

Pour autant, il est important de rappeler que plusieurs moyens de contestation sérieux peuvent être opposé au fonds de titrisation,

Dès lors, on peut retrouver regrettable de constater que le débiteur, ou son conseil, n’ait pas eu la présence d’esprit de soulever bon nombre de ces moyens de contestation,

Pour autant, il n’en demeure pas moins que celui-ci en soulève au moins un intéressant,

En effet, le débiteur envisage un axe de contestation plus sérieux en venant remettre en cause la validité et le non-respect des dispositions légales en la matière concernant la cession de créances.

En effet, les articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier précisent que :

 «La cession devient opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autres formalités de sorte que les dispositions invoquées de l’article L211-37 dudit code, intéressant la cession de créances afférentes aux obligations financières mentionnées à l’article L211-36, que ne sont pas les créances présentement cédées, sont inapplicables à la cause ce dont il suit que le moyen d’irrégularité est rejeté. »

A toute fin, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 1690 du Code civil sont inapplicables en matière de Titrisation.

Sur ce point, c’est à bon droit que la Cour d’Appel considère que bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire qui doit contenir diverses énonciations, celles-ci prévues par l’article D214-227 du code susdit, dont la désignation et l’individualisation des créances cédées, comprend en l’espèce, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de monsieur B, une indentification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé, l’acte de cession étant suffisant pour identifier les créances cédées.

Dès lors, la Cour considère que, la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de Titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, il n’y a lieu de mentionner sur le bordereau de cession les décisions judiciaires obtenues par la banque à l’encontre du débiteur co-contractant du créancier cédant,

Ce serait donc en vain que monsieur B demande l’application d’une jurisprudence de la cour de cassation du 1er décembre 2015 aux termes de laquelle, au cas d’espèce déféré à la Cour suprême, la cour d’appel ayant fait ressortir que les créances dont la cession était alléguée n’étaient pas suffisamment identifiées, s’agissant d’associés, contre lesquels le créancier disposait de titres exécutoires, d’une société également condamnée, cette Cour d’Appel a pu en déduire que le Fonds Commun de Titrisation ne pouvait pas se prévaloir des titres exécutoires dont bénéficiait la caisse à l’encontre des consorts X de sorte que le moyen est rejeté.

Cette jurisprudence du 1er décembre 2015 consacre l’obligation de faire apparaître, dans le cadre de la cession de créances à un fonds de Titrisation, chaque créance comme devant doit être clairement individualisée et identifiable.

Mais surtout, la Cour considère qu’in fine, le débiteur saisi n’a pas utilisé la bonne procédure en relevant que la contestation de la régularité des mentions de l’extrait notarié confirmant ou infirmant que parmi les créances cédées figure les créances détenues à l’encontre de Monsieur B, aurait du faire l’objet d’une procédure spécifique d’inscription de faux, laquelle n’a pas été mise en œuvre.

Là encore, le choix procédural émis par le débiteur est sérieusement malmené par la Cour qui vient, une fois de plus, rejeter les prétentions du débiteur tant sur le fond que sur la forme,

Sur le fond, la Cour appréciant souverainement l’acte authentique considère que la créance de Monsieur B est clairement individualisée et identifiable,

Sur la forme, la Cour reproche à Monsieur B de n’avoir pas retenu la bonne procédure permettant de contester l’acte authentique,

De telle sorte que si la créance en litige n’avait pas été clairement individualisée et identifiable, l’erreur procédurale l’aurait emporté au détriment du fond, soit, l’absence d’opposabilité de la cession de créance par le débiteur, et par là même, l’absence de qualité à agir pour procéder à une saisie immobilière,

Le débiteur se voit débouter de l’ensemble de ses demandes ce qui est bien regrettable.

Ceci d’autant plus que la créance est classiquement cédé au fonds de titrisation à vil prix,

Si dans cette affaire, la décision n’est pas favorable au débiteur qui a pris soin de contester cette cession de créances et la qualité du fonds de titrisation, cet axe de contestation, (peut-être mieux développé) demeure néanmoins pertinent.

En effet, la cession de créances au profit d’un fonds de titrisation se fait dans le cadre d’une procédure clairement déterminée par les textes et est assujettie au respect d’un certain nombre de règles de procédure.

Il appartient au débiteur, et à son conseil, de procéder aux vérifications d’usage pour chercher une faille, tantôt dans la régularité des mentions dans le corps même de l’acte notarié, tantôt dans l’obligation d’individualiser et d’identifier clairement les créances cédées.

Ces points de vérifications sont fondamentaux et il ne faut pas oublier que dans pareils cas si le débiteur entend contester la validité même de l’acte authentique de cession de créance, il devra non seulement le conclure devant le Juge de l’Orientation mais il devra, également, envisager une procédure de faux,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière contre la banque

latapie avocat contentieux bancaire
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Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement préteur, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière, dans le cadre de mesures d’exécution,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction vente,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement prêteur,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière, aux fins de vente amiable ou de vente aux enchères, que le créancier n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

Ø  La qualité à agir du créancier poursuivant

Ø  La validité du T.E.G

Ø  L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement financier qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 le Banquier, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, un deuxième établissement, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits du premier établissement préteur, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

L’assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation

C’est dans ces mêmes circonstances que le deuxième établissement, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

L’objectif de la procédure est simple: saisir le bien immobilier et envisager tantôt une vente amiable, tantôt une vente aux enchères publiques,

C’est dans ces conditions qu’à l’audience, la SCI de construction vente résiste contre les mesures d’exécution et conteste la qualité à ester en justice du créancier poursuivant dans le cadre de sa procédure de saisie

 I/ Sur la qualité à agir :

 En effet la SCI de construction vente considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité et d’un intérêt à poursuivre le débiteur dans le cadre de la procédure

 La qualité de la banque à poursuivre le débiteur

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le demandeur ne justifie pas de sa qualité.

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 Moyens de défense de la SCI de construction

En effet, la SCI de construction vente considère à l’audience qu’il incombe à l’établissement financier, demandeur, de démontrer dans la procédure non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Qu’en est il du traité d’apport partiel?

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à ester en justice à l’audience ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que l’organisme financier réponds de sa qualité à ester en justice sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations du banquier,

Il convient de rappeler qu’en procédure, le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité et doit par voie de conséquence démontrer que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction vente concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

Deuxièmement, sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul  intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la  nullité relative de la  clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une  action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

Le demandeur, à l’audience, soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

Les juges du second degré rappellent toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au  contentieux du T.E.G, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un  consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La prescription de la contestation du TEG

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

Que précise le contrat de prêt?

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction vente que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de  prêt, par la  déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la  preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, les juges du second degré considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son  action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant  saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction vente, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à l’organisme préteur.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par l’établissement bancaire comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant les juges du fond préfèrent se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter les droits même du créancier, 

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que l’établissement financier fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de l’organisme préteur, là encore l’arrêt de la Cour est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction vente avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de son créancier afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à l’établissement bancaire de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant, là encore, la Cour préserve le créancier préteur,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que l’établissement financier n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du  remboursement du seul  prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la  vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Le créancier peut donc poursuivre sa procédure et saisir le bien immobilier de la SCI,

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de l’organisme prêteur alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, l’établissement financier serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

Ø  La qualité du créancier poursuivant à ester en justice

Ø  La validité du T.E.G

Ø  L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières, lorsque le créancier pousse à la vente amiable ou à la vente aux enchères,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

Là encore, le rôle de l’avocat est déterminant

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/commandement-de-payer-perime-pouvoir-du-juge-et-sort-de-la-saisie-immobiliere/

Organisme caution et déchéance du terme, qui paye?

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de prêt immobilier octroyé par une banque à un emprunteur, en présence d’un organisme caution, quels sont les moyens de contestation lorsque déchéance du terme faisant l’organisme caution poursuit l’emprunteur malheureux ? En cas de nullité de la déchéance du terme, comment remettre toutes les parties en état ? 

Il convient de s’intéresser à la relation tripartite entre débiteur, établissement bancaires et organisme de caution, et ce, au travers d’une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris

La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt en ce mois de septembre 2021 qui vient aborder sous la plume de votre serviteur cette problématique très particulière selon laquelle il appartient au débiteur de ne jamais oublier que s’il est défaillant auprès de l’établissement bancaire et qu’un organisme de caution intervient, il devra dans le cadre d’un procès en responsabilité se défendre contre les deux établissements.

Et si, comme cela est trop fréquent, l’organisme caution assigne l’emprunteur malheureux, il lui appartiendra, non seulement de se défendre contre l’organisme caution, mais en sus, d’attaquer l’établissement bancaire, et ce, dans le même procès, 

Quels sont les faits ? 

Dans cette affaire, selon offre de prêts émise le 22 octobre et acceptée le 3 novembre 2010, la banque avait consenti aux consorts E engagés solidairement

·      Un prêt immobilier PII d’un montant de 254 300 euros remboursable en 276 mensualités

·      Un prêt immobilier à taux zéro, d’un montant de 27 000 euros

L’organisme de caution avait donné son accord de cautionnement, par actes sous seing privé en date du 14 octobre 2010.

Les emprunteurs ayant laissé impayées plusieurs échéances de leurs prêts, l’organisme de caution a été appelée en sa qualité de caution, et a désintéressé la banque des sommes suivantes :

·      Quittance subrogative du 30 mai 2014 pour la somme de 11 537,46 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 254 300 euros

·      Quittance subrogative du 4 juin 2014 pour la somme de 3 047,50 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 27 000 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015, pour la somme de 250 560,21 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 254 300 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015 pour la somme de 10 335,09 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 27 000 euros.

L’organisme de caution a informé les débiteurs de ce qu’il était amené à payer les sommes dues en leurs lieu et place, puis leur en a demandé remboursement, vainement.

L’assignation en paiement de l’organisme caution

Par suite, selon acte d’huissier daté du 15 mars 2016, l’organisme de caution a fait assigner Monsieur et Madame E en paiement, devant le Tribunal de Grande Instance.

Le 24 novembre 2016, ces derniers ont appelé la banque en intervention forcée.

L’intervention forcée de la banque 

Un jugement a été rendu le 28 mars 2019 et la banque en interjeté appel.

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient discuter à hauteur de Cour d’Appel, des enchevêtrements procéduraux, de la régularité de la déchéance du terme et des conséquences que cela pouvait avoir dans l’exécution du contrat et des relations tripartites.

Sur la régularité de la déchéance du terme

Monsieur et Madame E faisaient grief à l’organisme de caution qui les avait assignés en paiement, d’avoir désintéressé le prêteur de fonds, la banque, alors que la déchéance du terme avait été irrégulièrement prononcée par cette dernière et que les consorts E entendaient contester la validité de ladite déchéance en se basant justement sur les stipulations contractuelles.

Le tribunal retenant le bienfondé de la contestation quant à la validité de la déchéance du terme, avait constaté que la banque n’avait pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 2 septembre 2015, et l’avait condamnée à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros qui correspondait à la somme à laquelle ceux-ci avaient été condamnés à payer à l’organisme de caution.

En conséquence le tribunal avait ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre le remboursement des échéances postérieures à la dernière échéance impayée.

Il est vrai qu’en demandant la condamnation de la banque à payer une somme égale à celle réclamée par l’organisme de caution, cela permettait de repartir sur la base de l’échéancier du prêt. 

En sauvant par la même le bien immobilier, objet du prêt. 

Il ressortait des éléments du dossier que les conditions contractuelles de déchéance du terme prévues dans l’offre de prêt litigieuse prévoyaient que “le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts etaccessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours”, notamment en cas de défaillance dans le remboursement des échéances du prêt.

En l’espèce, les emprunteurs avaient été défaillants dans l’exécution de leur obligation due au titre des prêts litigieux.

La banque faisait valoir qu’elle leur avait adressé, courant 2013, trois courriers de mise en demeure d’avoir à régulariser les impayés puis un courrier de déchéance du terme en date du 24 septembre 2015.

Pour autant la teneur de ces lettres de 2013, dont deux seulement sont qualifiées en leur entête de “mise en demeure” ne permettaient pas de retenir que ces courriers constituent la mise en demeure préalable contractuellement prévue. 

Une déchéance du terme non valide

La Cour d’Appel considère que la banque se contente de rappeler aux emprunteurs leurs manquements à leur obligation de paiement des échéances des prêts, de les inciter à régulariser leur situation, et d’indiquer qu’à défaut elle serait contrainte de procéder au recouvrement judiciaire de sa créance.

En revanche il n’est nullement fait référence à un possible prononcé de la déchéance du terme comme sanction de la défaillance des emprunteurs. 

D’ailleurs de telles poursuites, si elles avaient été exercées, pouvaient bien évidemment se limiter à une demande de règlement des échéances impayées sans que pour autant il ne soit, pour l’heure, question de déchéance du terme

Au vu des stipulations contractuelles, il était loisible à la banque de se prévaloir ou pas de la déchéance du terme, et rien ne lui imposait en ce cas de le faire dans un délai déterminé.

Monsieur et Madame E répondant dès le 28 avril 2014 aux sollicitations de l’organisme de caution l’ont informée de leurs difficultés financières tenant à un découvert bancaire important et ont proposé de régler le retard de manière échelonnée. 

Suite à une nouvelle relance en date du 30 mai 2014 aux fins de régularisation, sous peine d’inscription au FICP, Madame E précisait dans un courrier électronique daté du 19 juin 2014 quelle avait été la nature de leurs difficultés à savoir un important découvert générant retrait de l’autorisation de découvert, frais multiples, et retards dans l’acquittement d’une dette fiscale ensuite régularisée selon échéancier en cours jusqu’en août 2014 et indiquait que le remboursement des prêts immobiliers avaient été repris “autant que faire se peut” .

Elle ajoutait que pour s’acquitter de la somme due, elle était en mesure de verser 500 euros par mois. 

Cette proposition a été acceptée par l’organisme de caution prenant soin de souligner que les échéances courantes devaient être réglées à la banque à bonne date le plan de paiement remboursement devenant caduc, à défaut.

La lettre du 24 septembre 2015 dûment adressée à l’un et l’autre des co-emprunteurs, porte prononcé de la déchéance du terme et réclamation du reglement de l’intégralité des sommes restant dues de ce fait, au titre de l’un et l’autre prêt, et ne constitue pas une mise en demeure préalable conforme aux stipulations contractuelles qui serait de nature à faire considérer comme régulière la déchéance du terme prononcée dans une second temps, le 23 octobre 2015, laquelle se présente d’ailleurs comme annulant et remplaçant la précédente.

Ainsi et par suite et comme l’a retenu le premier juge, il n’est pas rapporté la preuve de l’envoi par la banque, d’une mise en demeure préalable au prononcé des deux déchéances du terme.

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit que banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015.

Absence de déchéance du terme, quelle conséquence ? 

Dès lors la question qui se posait était de savoir quelles étaient les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme pour les rapports entre Monsieur et Madame E et l’organisme de caution car c’est cette mécanique qui est au cœur du problème.

Les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme sont d’importance, pour chacune des parties dans cette relation tripartite,

Qu’il s’agisse de l’emprunteur, 

Qu’il s’agisse de l’établissement bancaire ou organisme préteur, 

Qu’il s’agisse de l’organisme caution, 

Cependant la vraie question demeure, 

Comment en tirer les conséquences entre toutes les parties et comment enchevêtrer tout cela ?

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E emprunteurs et l’organisme de caution :

L’organisme de caution qui sollicitait en première instance le remboursement par Monsieur et Madame E, de l’intégralité des sommes qu’elle avait elle-même versées à la banque aux lieu et place des emprunteurs, à hauteur de cour modifie sa demande et ne réclame plus que la condamnation de Monsieur et Madame E à lui payer les sommes versées à la banque au titre des échéances impayées.

Ce faisant, l’organisme de caution admet que lui est opposable l’irrégularité de la déchéance du terme.

L’organisme de caution, justifie également avoir été appelé en paiement en sa qualité de caution, par courrier émanant de la banque daté du 31 octobre 2013, et avoir adressé à Monsieur et Madame E, un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception daté du 7 décembre 2015 par lequel il a les a informés de ce qu’il était amené à rembourser en leurs lieu et place l’intégralité du solde de la créance du prêteur, et en a demandé remboursement sous huitaine, à défaut de quoi des poursuites judiciaires seraient engagées sans nouvel avis.

L’organisme de caution indique enfin et surtout : “Il ressort des décomptes de créance produits aux débats que Monsieur et Madame E ont effectué des versements à hauteur de la somme totale de 36 285 euros »

Ces règlements ont permis de solder leur dette à l’égard de l’organisme de caution et lui resteront acquis. 

L’organisme de caution demande à la Cour d’Appel de condamner Monsieur et Madame E à lui payer la somme de 35 107,22 euros et s’engage à restituer le trop-perçu.

La Cour considère que Monsieur et Madame E sont, dans le principe, redevables à l’égard de l’organisme de caution, des sommes dont s’est acquittée la caution au titre des échéances impayées des contrats de prêt. 

De telle sorte qu’il sera donc fait droit à la demande de l’organisme de caution tendant à voir condamner solidairement Monsieur et Madame E au paiement de la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances, l’organisme de caution s’engageant à leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop versée.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre la banque préteur de fonds et l’organisme de caution :

La Cour d’Appel précise qu’en l’absence de déchéance du terme régulièrement acquise, la banque ne pouvait valablement actionner la caution au titre du capital restant dû des deux prêts et des pénalités afférentes à l’exigibilité anticipée.

Il est ainsi constant et l’organisme de caution en justifie, que ce dernier a désintéressé la banque, à ce titre sur la base des quittances subrogatives fournies aux débats

Il y a lieu à répétition de l’indu, et en conséquence de condamner la banque à restituer à l’organisme de caution au titre des deux prêts, le solde du capital restant dû et pénalités, soit les sommes de 234 912,95 euros (232 875,23 euros + 2 037,72 euros) au titre du prêt d’un montant de 254 300 euros, et de 5 460,09 euros (5 250 euros + 210,09 euros) au titre du prêt d’un montant de 27 000 euros.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E et la banque prêteuse de fonds :

La Cour d’Appel considère que faute de déchéance du terme régulièrement prononcée, seules les échéances impayées, sont dues, la question concernant dorénavant les seuls rapports entre les emprunteurs et la caution qui a été amenée à payer à leur place, tel que cela a été exposé.

Le remboursement du prêt sera repris, point sur lequel le jugement sera donc confirmé tant dans le principe que dans les modalités.

Il est vrai que le jugement de première instance avait ordonné à la banque de permettre aux consorts E de reprendre l’exécution des contrats de prêts donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance échue impayée celle de septembre 2015 ce à compter du présent jugement sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée en septembre 2015 et ledit jugement de manière à remettre dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme.

Quelle solution globale ? 

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré, en ce qu’il a énoncé que la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015 ; en ce qu’il a ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre l’exécution des contrats de prêt, donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance impayée  ce à compter du présent jugement et sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée entre septembre 2015 et le présent jugement, de manière à remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne solidairement Monsieur et Madame E à payer à l’organisme de caution la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances ;

Dit que l’organisme de caution, qui conservera le bénéfice des sommes déjà versées par Monsieur et Madame E devra leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop perçue ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a : condamné la banque à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros égale à celle qu’ils ont été condamnés à payer à l’organisme de caution

Déboute la banque de ses demandes

Condamne la banque à restituer à l’organisme de caution le montant correspondant au solde du capital restant dû et pénalités au titre des deux prêts, 

Cette jurisprudence met en avant la problématique particulière complexe pouvant exister entre l’action de l’organisme de caution contre le débiteur principal qui n’a plus lien avec la banque en l’état des quittances subrogatives mais qui évoque son recours personnel et non pas subrogatoire de telle sorte que le débiteur n’a pas de moyens de contestation.

Dès lors, il lui appartient d’appeler en cause la banque pour lui opposer un certain nombre de griefs notamment au titre de sa responsabilité ou de la validité de la déchéance du terme.

Il est extrêmement important d’orchestrer les chefs de demandes de manière précise entre le débiteur, l’établissement bancaire et l’organisme de caution.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/sort-de-la-caution-et-extinction-de-la-creance-en-procedure-collective/

Retrait du concours bancaire et liquidation judiciaire, la banque est-elle responsable ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’établissement bancaire engage t’elle sa responsabilité de la même manière à l’encontre de l’entreprise en difficulté tant en cas de soutien abusif, qu’en cas de rupture abusive du concours initialement octroyé ? La caution peut-elle engager la responsabilité de la banque pour ses deux fautes ? Sur quel fondement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et vient aborder la problématique de la responsabilité civile de la banque lorsque celle-ci retire son concours.

 

Et ce, plus particulièrement, lorsque l’entreprise débitrice se retrouve en liquidation judiciaire.

 

La question se pose alors de savoir si la banque engage finalement sa responsabilité au visa des dispositions de l’article L650-1 du Code du commerce, qui sont liées au concours octroyé ou si finalement, le fondement juridique de la responsabilité de la banque est distinct car, finalement il est question de reprocher à la banque d’avoir retiré abusivement son concours ?

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte du 30 mars 2011, les consorts U s’étaient rendus cautions du prêt consenti à la société C par la banque.

 

Par la suite, malheureusement, la société a été mise en redressement, puis après résolution du plan en liquidation judiciaire respectivement les 18 juillet 2013 et 02 juillet 2015.

 

La banque, ne perdant pas de temps, a alors assigné en paiement les cautions.

Ces derniers, reconventionnellement, ont recherchés la responsabilité de la banque pour rupture abusive du crédit.

 

Dans le cadre de cette procédure, les cautions avaient opposé des moyens de défense classiques à l’encontre de la banque et avaient notamment soulevé le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.

Ils avaient également soulevé différents manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mises en garde.

 

Le caractère disproportionné

 

Concernant le caractère disproportionné des engagements, la fiche de renseignements avait été étudiée par la banque et ne montrait pas une disproportion manifeste au sens de l’article 341-4 du Code la consommation, devenu désormais L332-1 et L343-4 du même code.

 

Il n’y avait donc pas de caractère disproportionné de l’engagement de caution. Ces derniers étant en mesure d’honorer leur engagement de caution à hauteur de la somme de 94 436 €, somme pour laquelle ces derniers avaient été condamnés.

 

Pour autant, était-il question d’en rester là ?

 

Les cautions maintenaient que la banque était tenue d’un devoir de mises en garde à l’égard des cautions, de telle sorte qu’au ljour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution.

 

En effet, il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, de telle sorte qu’il résulterait de cet engagement, une inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et de la caution.

 

Les cautions n’en restèrent pas là et soutenaient par ailleurs que le seul statut de dirigeant ou d’associés de la société cautionnée était impropre à caractériser la qualité de caution avertie.

 

Le devoir de mise en garde

 

De telle sorte que banque ne pouvait s’exonérer de son devoir de mise en garde.

 

Sur ce deuxième point, les juges au fond ne suivent pas l’argumentation des cautions et considèrent qu’ils doivent être considérées comme des cautions averties, dès lors qu’à la date de leur engagement ils étaient propriétaires à 100 % des parts sociales de la SCI C, débiteur principal.

 

La rupture abusive du crédit

 

Mais surtout, cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient aborder la problématique de la rupture abusive du crédit par l’établissement bancaire.

 

En effet, dans le cadre de leur pourvoi, les consorts U faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy de les avoir déboutés de leur demande reconventionnelle relative à la mise en jeu de la responsabilité de la banque.

 

En effet, ces derniers considéraient que la banque engageait sa responsabilité à l’égard de la caution aussi bien pour l’octroi abusif d’un concours octroyé à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure collective que pour le cas ou le même établissement bancaire a rompu abusivement le concours.

 

Cependant la Cour d’Appel ne cède pas à l’amalgame entre deux champs de responsabilité bien distincts,

 

La Cour d’appel considérait que cette responsabilité de la banque pour un octroi abusif de concours était régie par les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce qui n’ouvre pas droit à réparation en cas de rupture abusive de crédit.

 

En effet, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, il appartient à la caution qui entend rechercher la responsabilité de la banque non pas au titre d’une action qui lui est propre en vertu du caractère accessoire de son engagement au titre d’une faute commise par le comportement de l’emprunteur débiteur principal, il appartient à la caution de rapporter la preuve soit d’une fraude soit d’une exécution caractérisée dans la gestion du débiteur soit que les garanties prises en contrepartie des concours soient disproportionnés.

 

La question qui se posait était de savoir si oui ou non, la responsabilité de la banque devait être assujettie aux dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, alors qu’il n’était pas question d’octroi de crédit, ni de soutien abusif, mais bel et bien de rupture abusive de crédit.

 

Pour autant, il est vrai que de prime abord tout semble lié.

 

En effet, dans un premier temps, les consorts U reprochaient à la banque d’avoir complaisamment donné son concours financier à la société C sans aucune vérification.

 

Puis, dans un deuxième temps, d’avoir brutalement révoqué ce concours en décidant de ramener l’autorisation de découvert bancaire qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €.

 

Acculant le débiteur principal à l’impayé, et exposant d’autant les cautions.

 

Dès lors, les cautions considéraient que la banque devait aussi voir sa responsabilité engagée pour avoir brutalement rompu le concours consenti à la société C.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation est sensible à cette problématique.

 

Tout dépend, cependant, du fondement juridique évoqué à cette fin.

 

En effet, s’il est vrai que la Cour d’appel a été sensible au fait qu’après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque avait, par la suite, brutalement révoqué son concours en décidant de ramener son autorisation de découvert qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €,

 

Si faute il y avait, il n’en demeurait pas moins que le fondement juridique n’était plus le même.

 

En effet, à juste titre, la Cour rappelle que les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce ne concernent que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait du concours qu’elle a consenti.

 

Sur la base de ce texte, seul l’octroi estimé est fautif de ceux-ci et non leur retrait peut donner lieu à l’application de ce texte.

 

Pour autant, l’établissement bancaire ne serait pas responsable en cas de rupture abusive de crédit ?

 

Bien sûr que si.

 

En effet, la Cour de cassation casse et annule puis renvoie les parties devant la même Cour d’appel autrement composée, en précisant que l’article L650-1 du code du commerce est réservé à l’établissement bancaire qui a commis une faute en octroyant un crédit.

 

Mais, dans le cas contraire, en cas justement de rupture abusive de crédit, si l’article L650-1 du Code du commerce ne trouverait à s’appliquer, il n’en demeure pas moins que le droit commun de la responsabilité a vocation à s’appliquer en cas de rupture abusive du crédit.

 

Cela est heureux.

 

En effet, cette jurisprudence est salutaire.

 

La Cour de cassation souligne que la rupture abusive du crédit ne peut être protégée par les critères extrêmement fermés de l’article L650-1 du code du commerce qui demeurent des dispositions dérogatoires et protectrices de l’établissement bancaire.

 

Par voie de conséquence, tant le débiteur principal, que la caution peuvent donc se retourner contre la banque en cas de rupture abusive de crédit.

 

Et venir ainsi sanctionner une pratique malheureusement trop courante lorsque notamment les découverts bancaires sont réduits à néant sans autre forme de procès, par l’établissement bancaire, quasi du jour au lendemain, sans aucune raison valable par ailleurs.

 

Il importe à ce moment-là au chef d’entreprise qui se trouve en difficulté, d’imaginer engager la responsabilité de la banque dès le début de la procédure collective sans avoir besoin d’attendre le prononcé de la liquidation judiciaire, véritable épée de Damoclès, exposant tant le débiteur principal que sa caution.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Opposabilité de la cession de créance au débiteur par le créancier poursuivant

Laurent LATAPIE avocat droit international
Laurent LATAPIE avocat droit international

Qu’en est-il de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur par le créancier poursuivant lorsque le débiteur n’a pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur notamment lorsque celui-ci n’est pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement au profit du créancier poursuivant.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, la banque avait, par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2015, cédé à la société V la créance qu’elle détenait sur la SCI VI au titre de deux prêts qu’elle lui avait consenti par des actes notariés des 25 avril 2005 et 22 avril 2006.

Le 8 janvier 2016, deux actes d’endossement de la copie exécutoire des actes notariés de prêt avaient été reçus par notaire.

Le 4 avril 2017, la société avait fait pratiquer entre les mains des locataires de la SCI des saisies-attributions à exécution successive, dont la SCI a sollicité la mainlevée devant un juge de l’exécution, en soutenant notamment que les actes d’endossement ne lui étaient pas opposables

L’opposabilité des actes d’endossement

Dans le cadre de son pourvoi, la SCI faisait grief à l’arrêt de la débouter de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de nullité de la saisie de créances à exécution successive pratiquée par la société,

Selon la SCI « l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance et au débiteur »,

L’absence de l’une de ces notifications entraîne son inopposabilité aux tiers

La SCI reprochait à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché, comme elle y avait été invitée, à vérifier si le notaire signataire de l’acte d’endossement l’avait notifié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la SCI,

Or, la SCI considérait que l’absence d’accomplissement de cette formalité ne pouvait être suppléée par la mention de l’endossement sur le commandement de payer délivré au débiteur.

La notification indispensable de l’acte d’endossement

La Cour de Cassation rappelle que l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, et ce, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au débiteur,

L’absence de cette notification entraîne son inopposabilité aux tiers, et donc, au débiteur.

Pour opposer à la SCI la copie exécutoire à ordre portant endossement au profit de la société et rejeter la demande de la SCI de mainlevée des saisies-attributions pratiquées par cette société à son encontre, la Cour d’Appel avait retenu que, conformément au dernier alinéa de l’article 6 susvisé, la SCI avait été informée de la cession de créance par acte du 29 juin 2015 et qu’un commandement aux fins de saisie-vente du 16 février 2016 mentionnait expressément l’endossement du 8 janvier 2016.

Pour autant, la Haute juridiction ne s’y trompe pas,

La Cour de cassation sanctionne la Cour d’Appel qui n’a pas constaté que l’acte d’endossement avait été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par le notaire à la SCI,

En effet, l’information donnée à celle-ci de la cession de créance, avant l’endossement des actes notariés, ou la mention de ces endossements dans un autre acte, ne dispensait pas le créancier poursuivant, qui se prévalait de ces actes notariés endossés pour établir sa qualité de créancière de la SCI, de justifier de cette notification,

Dès lors à défaut de notification par le notaire, l’inopposabilité aux tiers permet au débiteur saisi de contester la cession de créance.

Cela a pour effet de permettre d’obtenir la mainlevée des saisies attributions qui ont été faites.

Pour conclure, il importe de rappeler que les moyens juridiques de défense et d’attaque liés à une cession de créance sont nombreux,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Pouvoirs du juge de l’exécution et disproportion de la caution

Une caution, frappée d’une mesure de saisie conservatoire de son créancier, peut-il opposer le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de cautionnement devant le juge de l’exécution ? Le juge de l’exécution est-il compétent ? Comment la caution peut contester les mesures d’éxécution de son créancier ? Que dois t’elle opposer? 

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en ce mois de janvier 2021 qui vient aborder à la fois la notion de disproportion de l’engagement de cautionnement et vient également le pouvoir du Juge de l’Exécution lorsqu’un créancier prend une mesure conservatoire et que la caution la conteste.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Madame D s’était portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T dont elle était co-gérante.

En raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme avait été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élevait à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017.

La banque avait initié à la fois une saisie conservatoire sur les comptes de Madame D et t engagé une action afin de réclamer le paiement du solde.

Madame D avait saisi le Juge de l’Exécution pour réclamer la main levée de la saisie conservatoire en soutenant que la créance était manifestement disproportionnée

La Cour d’Appel avait considéré que « s’agissant du principe de créance,  il est acquis que l’appelante s’est portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T; qu’il est aussi établi qu’en raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme a été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élève à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017

Le principe de la créance n’est donc pas contestable, étant observé qu’il n’est pas de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par l’appelante, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond »

Qui est le juge de la disproportion de la caution ?

Madame D soutenait qu’une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le Juge de l’Exécution que si, notamment, la créance de l’auteur de la demande est apparemment fondée en son principe,

Dans pareil cas, il appartient au Juge de l’Exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en œuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l’appréciation de l’apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend.

Madame D reprochait à la Cour d’Appel d’avoir considéré que la créance alléguée par la banque paraissait fondée en son principe et d’avoir également décidée qu’il ne relevait pas de la compétence du Juge de l’Exécution d’apprécier le caractère disproportionné d’un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

Or, Madame D considérait que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

De sorte que le Juge de l’Exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l’engagement souscrit par Madame D.au profit de la banque, qui était de nature à exclure l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe,

A hauteur de Cour, il appartenait à la Cour d’Appel de procéder aux vérifications d’usage au visa des articles L.341-4 ancien du Code de la Consommation, L. 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire et L. 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

Fort heureusement, la Cour de cassation adhère à cette approche.

La Cour de Cassation rappelle que le Juge de l’Exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.

Ceci rappelé, il s’ensuit que toute personne justifiant d’une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter l’autorisation du juge de l’exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

Pour autant, la Cour de cassation précise qu’il est de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L.511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par la débitrice,

Cela est salutaire,

Les pouvoirs du juge de l’exécution

Ainsi, il incombe désormais au juge de l’exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d’examiner la contestation relative au caractère disproportionné d’un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il est tout aussi heureux et logique que le juge de l’exécution ait ses mêmes pouvoirs dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

Cela signifie surtout qu’il appartient à la caution poursuivie de ne pas omettre de contester l’ensemble des moyens de contestations qui lui sont propres et ce, même devant le Juge de l’exécution.

Ces moyens de défense, propres à la caution, peuvent, et doivent, désormais etre soulevés devant le juge de l’exécution, et ce, en sus des moyens classiques de contestation des mesures d’exécution,

A bon entendeur,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Créance prescrite, entre surendettement et saisie immobilière

Laurent LATAPIE avocat famille 2021
Laurent LATAPIE avocat famille 2021

9 ans après la déchéance du terme, un établissement bancaire peut-il engager une procédure de saisie immobilière ? Le créancier ne serait-il pas prescrit ? Quelles sont les incidences des deux procédures de surendettement initiées par le débiteur dans ce laps de temps ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en juin dernier qui vient aborder la problématique de l’enchevêtrement d’une procédure de saisie immobilière avec une procédure de surendettement afin de savoir s’il est possible d’évoquer la prescription de la créance nonobstant les actes liés à la procédure de surendettement et au plan qui a été octroyé en son temps.

Quels sont les faits ?

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entreprise par la banque à l’encontre des époux L concernant un bien situé dans le Var, le Juge de l’Exécution de l’Immobilier avait, le 22 novembre 2019 :

  • validé la procédure,
  • constaté une créance de 227 315,97 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2017
  • ordonné la vente forcée des biens.

Le titre exécutoire invoqué était un acte authentique de prêt établi le 18 novembre 2005, pour un montant emprunté de 205 644 euros.

Les consorts L entendaient soutenir la prescription de la procédure de saisie immobilière alors même qu’ils avaient fait l’objet de deux procédures de surendettement.

Prescription de la créance

La question était de savoir si l’enchevêtrement des actes permettait d’envisager une prescription.

En effet la déchéance du terme était intervenue le 19 février 2009 sur la base d’un acte notarié du 18 novembre 2005 et l’on ne pouvait que légitimement s’interroger sur la prescription de la procédure de saisie immobilière initiée sur la base d’un commandement de payer, signifié le 16 février 2018 soit 9 ans plus tard.

Les consorts L considéraient que la banque était prescrite en ses demandes sur le fondement de l’article L 137-2, du Code de la Consommation qui précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La créance de la banque au titre de l’acte notarié du 18 novembre 2005 avait été fixée au passif des époux L à hauteur de 193 196,46 euros au principal avec intérêts au taux contractuel à compter du 19 février 2009 et de 13 523,75 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la même date, par jugement contradictoire du 5 octobre 2010 rendu après citation délivrée le 2 avril 2010.

Qu’en est-il de la procédure de surendettement ?

Il résultait des documents versés aux débats que les époux L avaient déposé un dossier de surendettement le 24 juillet 2009 lequel a été déclaré recevable le 26 août 2009 et avait abouti à des recommandations, comprenant un rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois afin de permettre aux époux L de vendre leur bien immobilier, aujourd’hui saisi, estimé à 360 000 euros établies par la commission le 10 décembre 2011 et auxquelles le Juge d’instance avait conféré force exécutoire par ordonnance du 9 mai 2012.

Surendettement sur surendettement ne vaut ?

Par la suite, les époux L avaient de nouveau déposé un dossier de surendettement le 9 mai 2014, alors qu’ils venaient juste d’être destinataires d’une mise en demeure de la banque en date du 28 avril 2014.

Or, la commission de surendettement avait déclaré irrecevable ce nouveau dépôt de dossier de surendettement, irrecevabilité confirmée, malgré leur recours exercé le 30 juin 2014, par jugement du Juge d’instance en date du 17 décembre 2015, date à laquelle la prescription biennale avait recommencé à courir.

Par la suite, le créancier justifiait de la délivrance aux époux débiteurs d’un commandement aux fins de saisie-vente en date du 11 août 2016, et ce, bien avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré le 16 février 2018.

C’est dans ces circonstances que le Juge de l’Exécution avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de considérer que la prescription est acquise et les époux avaient été déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

A hauteur de Cour d’Appel, les consorts L avaient souhaité apporter des précisions complémentaires

 

Sur appel de cette décision, la Cour dans un arrêt en date du 22 octobre 2020 avait d’ailleurs ordonné une réouverture des débats et invité les parties à :

 

  • -s’expliquer sur le contexte dans lequel a été rendu un jugement le 5 octobre 2010 par le Tribunal d’Instance et à communiquer l’acte d’assignation, afin de vérifier s’il constitue un titre exécutoire en justifiant également de sa signification

 

  • -présenter leurs observations sur l’éventuelle modification du délai de prescription qui serait alors s’agissant d’un jugement de condamnation et donc d’un titre exécutoire, non plus biennale mais décennale

 

  • -à toutes fins dans le cadre de surendettement justifier d’un accusé de réception pour la lettre de caducité en date du 28 avril 2014

 

Il importe de préciser à ce stade que Monsieur L avait rencontré de graves problématiques de santé et pris du retard dans la défense de ses intérêts.

 

Problème de santé et validité de la procédure d’appel

 

L’ordonnance de clôture avait été rendue le 9 mars 2021 et ce n’est que postérieurement que les appelants avaient déposé de nouvelles conclusions, le 23 mars 2021.

 

Par requête, les époux L avaient sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, indiquant n’avoir pu se mettre en état en vue de l’audience, l’époux n’étant pas en capacité de s’occuper de ses affaires courantes, selon certificat de son médecin traitant en date du 16 février 2021.

 

Pour autant la Cour d’Appel a considéré que les termes du certificat médical étant imprécis sur la durée de l’incapacité, étant souligné que cette pièce est datée du 16 février 2021, soit plus d’un mois avant la date d’audience, que madame L, devrait être en mesure avec son conseil, même en cas de difficultés de santé de son époux, d’assurer le suivi de la procédure alors qu’il n’est pas évoqué une altération durable des capacités mentales de Monsieur L et de démarches entreprises en vue d’une mesure de protection.

 

Cette approche est particulièrement spécieuse et la Cour d’Appel aurait pu permettre à Monsieur L de faire valoir ses droits.

 

Caducité du plan de surendettement

 

La Cour d’appel souligne que certains éléments étaient insuffisamment exposés devant elle, en particulier, l’existence d’un jugement du 5 octobre 2010 prononcé par le Tribunal d’Instance non produit et explicité, et la nécessité de vérifier la caducité d’un plan de surendettement dont bénéficiaient les débiteurs, qui aurait alors interdit l’exercice des poursuites.

 

Cependant, à bien y regarder, le Tribunal d’Instance, par jugement en date du 5 octobre 2010 signifié le 29 octobre 2010, avait été saisi le 2 avril 2010, par la banque en paiement d’une ouverture de crédit du 13 avril 2007 et d’un prêt personnel en date du 6 ou 13 mars 2006 non remboursés. Monsieur L s’était présenté seul à l’audience pour lui-même et son épouse qu’il représentait.

 

En raison d’une procédure de surendettement, l’établissement financier avait alors sollicité uniquement la fixation de ses créances.

 

Ce qui semble logique.

 

Le Tribunal avait également statué sur un prêt immobilier, contracté le 18 novembre 2005, d’un montant initial de 205 644 euros remboursable sur 216 mois, au taux de 3.85 % l’an.

 

Ce prêt correspondant manifestement au prêt notarié basant actuellement la saisie immobilière poursuivie à l’encontre de Monsieur et Madame L

 

Au titre du prêt immobilier, le Tribunal avait fixé au passif du surendettement, le montant de 193 196.46 euros avec intérêt contractuel de 3.85 % l’an à compter du 19 février 2009 jusqu’à parfait paiement et 13 523.75 euros au titre de la clause pénale due, portant intérêt au taux légal à compter du 19 février 2009 également.

 

Les éléments du surendettement, ressortent désormais d’une ordonnance du même Tribunal, en date du 9 mai 2012, qui homologue la recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Var, laquelle préconise un rééchelonnement sur 2 ans, afin de permettre la vente de l’immeuble estimé à 360 000 euros sans prévoir de remboursement dans l’attente afin que le prix permette de désintéresser les créanciers, le passif étant estimé à 268 905,00 euros.

 

La banque a tenté de substituer le titre exécutoire en cours de procédure et la Cour d’Appel souligne que la banque, jusqu’à la réouverture des débats devant la Cour d’Appel  ne s’est pas prévalu du jugement rendu le 5 octobre 2010 et qu’elle a fait le choix, dans le commandement de payer valant saisie immobilière de ne viser que le prêt notarié du 18 novembre 2005 sans doute parce qu’il ne porte pas expressément condamnation au paiement et également pour les conditions dans lesquelles il a été prononcé par le Tribunal d’Instance.

 

La Cour d’Appel rappelle que la procédure de saisie immobilière ne lui permet pas de substituer un titre à un autre en cours d’instance.

 

Ce qui est heureux.

 

Cependant, dans le cas des consorts L, force est de constater que l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes procédures de surendettement n’ont pas permis d’acquérir la prescription de la créance bancaire, au titre du prêt immobilier.

 

Au contraire, ces procédures de surendettement ont été autant de prétextes à l’interruption de la prescription, permettant, in fine, à la banque, même plus de 9 ans après la déchéance du terme, d’envisager, et d’obtenir, la saisie immobilière de son débiteur.

 

L’enchevêtrement entre procédure de surendettement et procédure de saisie immobilière permettent dans certain cas de soulever la prescription de la créance bancaire.

 

Mais pas dans n’importe quelle condition.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr