Créance prescrite, entre surendettement et saisie immobilière

Laurent LATAPIE avocat famille 2021
Laurent LATAPIE avocat famille 2021

9 ans après la déchéance du terme, un établissement bancaire peut-il engager une procédure de saisie immobilière ? Le créancier ne serait-il pas prescrit ? Quelles sont les incidences des deux procédures de surendettement initiées par le débiteur dans ce laps de temps ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en juin dernier qui vient aborder la problématique de l’enchevêtrement d’une procédure de saisie immobilière avec une procédure de surendettement afin de savoir s’il est possible d’évoquer la prescription de la créance nonobstant les actes liés à la procédure de surendettement et au plan qui a été octroyé en son temps.

Quels sont les faits ?

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entreprise par la banque à l’encontre des époux L concernant un bien situé dans le Var, le Juge de l’Exécution de l’Immobilier avait, le 22 novembre 2019 :

  • validé la procédure,
  • constaté une créance de 227 315,97 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2017
  • ordonné la vente forcée des biens.

Le titre exécutoire invoqué était un acte authentique de prêt établi le 18 novembre 2005, pour un montant emprunté de 205 644 euros.

Les consorts L entendaient soutenir la prescription de la procédure de saisie immobilière alors même qu’ils avaient fait l’objet de deux procédures de surendettement.

Prescription de la créance

La question était de savoir si l’enchevêtrement des actes permettait d’envisager une prescription.

En effet la déchéance du terme était intervenue le 19 février 2009 sur la base d’un acte notarié du 18 novembre 2005 et l’on ne pouvait que légitimement s’interroger sur la prescription de la procédure de saisie immobilière initiée sur la base d’un commandement de payer, signifié le 16 février 2018 soit 9 ans plus tard.

Les consorts L considéraient que la banque était prescrite en ses demandes sur le fondement de l’article L 137-2, du Code de la Consommation qui précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La créance de la banque au titre de l’acte notarié du 18 novembre 2005 avait été fixée au passif des époux L à hauteur de 193 196,46 euros au principal avec intérêts au taux contractuel à compter du 19 février 2009 et de 13 523,75 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la même date, par jugement contradictoire du 5 octobre 2010 rendu après citation délivrée le 2 avril 2010.

Qu’en est-il de la procédure de surendettement ?

Il résultait des documents versés aux débats que les époux L avaient déposé un dossier de surendettement le 24 juillet 2009 lequel a été déclaré recevable le 26 août 2009 et avait abouti à des recommandations, comprenant un rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois afin de permettre aux époux L de vendre leur bien immobilier, aujourd’hui saisi, estimé à 360 000 euros établies par la commission le 10 décembre 2011 et auxquelles le Juge d’instance avait conféré force exécutoire par ordonnance du 9 mai 2012.

Surendettement sur surendettement ne vaut ?

Par la suite, les époux L avaient de nouveau déposé un dossier de surendettement le 9 mai 2014, alors qu’ils venaient juste d’être destinataires d’une mise en demeure de la banque en date du 28 avril 2014.

Or, la commission de surendettement avait déclaré irrecevable ce nouveau dépôt de dossier de surendettement, irrecevabilité confirmée, malgré leur recours exercé le 30 juin 2014, par jugement du Juge d’instance en date du 17 décembre 2015, date à laquelle la prescription biennale avait recommencé à courir.

Par la suite, le créancier justifiait de la délivrance aux époux débiteurs d’un commandement aux fins de saisie-vente en date du 11 août 2016, et ce, bien avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré le 16 février 2018.

C’est dans ces circonstances que le Juge de l’Exécution avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de considérer que la prescription est acquise et les époux avaient été déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

A hauteur de Cour d’Appel, les consorts L avaient souhaité apporter des précisions complémentaires

 

Sur appel de cette décision, la Cour dans un arrêt en date du 22 octobre 2020 avait d’ailleurs ordonné une réouverture des débats et invité les parties à :

 

  • -s’expliquer sur le contexte dans lequel a été rendu un jugement le 5 octobre 2010 par le Tribunal d’Instance et à communiquer l’acte d’assignation, afin de vérifier s’il constitue un titre exécutoire en justifiant également de sa signification

 

  • -présenter leurs observations sur l’éventuelle modification du délai de prescription qui serait alors s’agissant d’un jugement de condamnation et donc d’un titre exécutoire, non plus biennale mais décennale

 

  • -à toutes fins dans le cadre de surendettement justifier d’un accusé de réception pour la lettre de caducité en date du 28 avril 2014

 

Il importe de préciser à ce stade que Monsieur L avait rencontré de graves problématiques de santé et pris du retard dans la défense de ses intérêts.

 

Problème de santé et validité de la procédure d’appel

 

L’ordonnance de clôture avait été rendue le 9 mars 2021 et ce n’est que postérieurement que les appelants avaient déposé de nouvelles conclusions, le 23 mars 2021.

 

Par requête, les époux L avaient sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, indiquant n’avoir pu se mettre en état en vue de l’audience, l’époux n’étant pas en capacité de s’occuper de ses affaires courantes, selon certificat de son médecin traitant en date du 16 février 2021.

 

Pour autant la Cour d’Appel a considéré que les termes du certificat médical étant imprécis sur la durée de l’incapacité, étant souligné que cette pièce est datée du 16 février 2021, soit plus d’un mois avant la date d’audience, que madame L, devrait être en mesure avec son conseil, même en cas de difficultés de santé de son époux, d’assurer le suivi de la procédure alors qu’il n’est pas évoqué une altération durable des capacités mentales de Monsieur L et de démarches entreprises en vue d’une mesure de protection.

 

Cette approche est particulièrement spécieuse et la Cour d’Appel aurait pu permettre à Monsieur L de faire valoir ses droits.

 

Caducité du plan de surendettement

 

La Cour d’appel souligne que certains éléments étaient insuffisamment exposés devant elle, en particulier, l’existence d’un jugement du 5 octobre 2010 prononcé par le Tribunal d’Instance non produit et explicité, et la nécessité de vérifier la caducité d’un plan de surendettement dont bénéficiaient les débiteurs, qui aurait alors interdit l’exercice des poursuites.

 

Cependant, à bien y regarder, le Tribunal d’Instance, par jugement en date du 5 octobre 2010 signifié le 29 octobre 2010, avait été saisi le 2 avril 2010, par la banque en paiement d’une ouverture de crédit du 13 avril 2007 et d’un prêt personnel en date du 6 ou 13 mars 2006 non remboursés. Monsieur L s’était présenté seul à l’audience pour lui-même et son épouse qu’il représentait.

 

En raison d’une procédure de surendettement, l’établissement financier avait alors sollicité uniquement la fixation de ses créances.

 

Ce qui semble logique.

 

Le Tribunal avait également statué sur un prêt immobilier, contracté le 18 novembre 2005, d’un montant initial de 205 644 euros remboursable sur 216 mois, au taux de 3.85 % l’an.

 

Ce prêt correspondant manifestement au prêt notarié basant actuellement la saisie immobilière poursuivie à l’encontre de Monsieur et Madame L

 

Au titre du prêt immobilier, le Tribunal avait fixé au passif du surendettement, le montant de 193 196.46 euros avec intérêt contractuel de 3.85 % l’an à compter du 19 février 2009 jusqu’à parfait paiement et 13 523.75 euros au titre de la clause pénale due, portant intérêt au taux légal à compter du 19 février 2009 également.

 

Les éléments du surendettement, ressortent désormais d’une ordonnance du même Tribunal, en date du 9 mai 2012, qui homologue la recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Var, laquelle préconise un rééchelonnement sur 2 ans, afin de permettre la vente de l’immeuble estimé à 360 000 euros sans prévoir de remboursement dans l’attente afin que le prix permette de désintéresser les créanciers, le passif étant estimé à 268 905,00 euros.

 

La banque a tenté de substituer le titre exécutoire en cours de procédure et la Cour d’Appel souligne que la banque, jusqu’à la réouverture des débats devant la Cour d’Appel  ne s’est pas prévalu du jugement rendu le 5 octobre 2010 et qu’elle a fait le choix, dans le commandement de payer valant saisie immobilière de ne viser que le prêt notarié du 18 novembre 2005 sans doute parce qu’il ne porte pas expressément condamnation au paiement et également pour les conditions dans lesquelles il a été prononcé par le Tribunal d’Instance.

 

La Cour d’Appel rappelle que la procédure de saisie immobilière ne lui permet pas de substituer un titre à un autre en cours d’instance.

 

Ce qui est heureux.

 

Cependant, dans le cas des consorts L, force est de constater que l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes procédures de surendettement n’ont pas permis d’acquérir la prescription de la créance bancaire, au titre du prêt immobilier.

 

Au contraire, ces procédures de surendettement ont été autant de prétextes à l’interruption de la prescription, permettant, in fine, à la banque, même plus de 9 ans après la déchéance du terme, d’envisager, et d’obtenir, la saisie immobilière de son débiteur.

 

L’enchevêtrement entre procédure de surendettement et procédure de saisie immobilière permettent dans certain cas de soulever la prescription de la créance bancaire.

 

Mais pas dans n’importe quelle condition.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

TEG erroné, entre prescription et déchéance totale ou partielle des intérêts du prêt

Laurent Latapie Avocat urbanisme et construction
Laurent Latapie Avocat urbanisme et construction

En cas de TEG erroné au sein d’un acte de prêt immobilier, quels sont les délais de prescription pour poursuivre l’établissement bancaire ? Et dans l’hypothèse où l’action ne serait pas prescrite, quelle est la sanction désormais prévue ? Sommes-nous en présence d’une possibilité d’annulation de la clause de stipulation des intérêts ou d’une déchéance totale ou partielle soumise à l’appréciation du juge ?

article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue en décembre 2020 qui vient aborder le sort du droit aux intérêts contractuels lorsque le TEG est erroné.

Pourtant, le sujet a déjà été très largement abordé.

Des portes se sont ouvertes grâce à la jurisprudence de la Cour de cassation il y maintenant plus de vingt ans de cela.

Au grand dam des banques qui ont tout fait pour l’empêcher,

Puis la jurisprudence a été par la suite de plus en plus sévère à l’encontre des emprunteurs,

Ainsi, cette jurisprudence est intéressante à double titre.

En premier lieu, elle vient rappeler les enjeux en matière de prescription pour pouvoir contester la validité du TEG et le calcul des intérêts du prêt.

En deuxième lieu, elle détermine la sanction désormais claire et incontestable en la matière.

Quels sont les faits ?

Suivant offre acceptée en date du 17 mars 2008, la banque avait consenti à Monsieur U un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier.

 

Soutenant que des erreurs affectaient le taux effectif global (TEG) du prêt, l’emprunteur a, par acte du 14 octobre 2013, assigné la banque en annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, substitution de l’intérêt légal, et, subsidiairement, en déchéance de son droit aux intérêts.

 

La banque a alors opposé à l’emprunteur plusieurs arguments, notamment que la sanction de telles erreurs était la déchéance du droit aux intérêts, et non pas l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, mais que par ailleurs, et surtout, l’action était prescrite.

 

Dès lors, qu’en est-il des délais de prescription ?

En cas de TEG erroné, et dans l’hypothèse où l’action ne serait pas prescrite, quelle est la sanction désormais prévue ?

En effet, sommes-nous en présence d’une possibilité d’annulation de la clause de stipulation des intérêts ou d’une déchéance totale ou partielle soumise à l’appréciation du juge ?

Dans le cadre de cette procédure, Monsieur U soutenait que le délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant, dans l’offre de crédit immobilier, le taux effectif global et qu’il n’avait pas la possibilité de déceler des erreurs sur ce dernier, au jour de la conclusion du contrat.

Il est bien évident que Monsieur U, en sa qualité d’emprunteur profane, n’était pas en mesure de déceler l’irrégularité tenant à l’omission des frais de notaire, et ce, à la seule lecture de l’offre de prêt, laquelle ne lui permettait pas de s’interroger sur les frais de nature à être intégrés, ou non, dans le coût du crédit.

Bien plus encore Monsieur U soutenait que les irrégularités tenant à l’omission des frais de souscription des parts sociales et des frais de domiciliation bancaire et au recours à l’année lombarde dans le calcul du TEG ne pouvaient être simplement appréhendé par sa complexité.

En défense, la banque considérait que dès l’acceptation de l’offre, le 17 mars 2008, Monsieur U était à même de déceler plusieurs des erreurs dont il entend se prévaloir et qui pouvaient fonder son action » et que l’emprunteur « ne pouvait invoquer la découverte de prétendues nouvelles irrégularités issues de travaux de tiers, auquel il a eu recours, pour voir retarder le point de départ de la prescription, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté »,

Cette approche est spécieuse car il est bien évident que l’emprunteur profane n’est pas en mesure d’appréhender les modalités qui composent le TEG et de déceler les irrégularités qui s’en suivraient.

Lorsque la banque est interrogée sur la validité du TEG et de ses modalités de calcul, elle se terre dans un silence sans faille et n’apporte aucune réponse.

Le recours à un analyste actuariel peut sembler alors de bon aloi et ne peut être que vivement conseillé.

Dans l’hypothèse où l’emprunteur vient remettre en question le TEG, la charge de la preuve lui incombe.

Pour autant, la Cour de cassation retient l’argumentation de la banque.

La Solution entre prescription et déchéance

La Cour de cassation considère que la seule lecture de l’offre du prêt litigieux révèle que les frais de notaire n’étaient pas chiffrés.

L’emprunteur pouvait ainsi, sans qu’il soit besoin de compétences particulières, se convaincre de l’absence de prise en compte de ces frais pour le calcul du TEG et de l’erreur invoquée de ce chef,

Ceci d’autant, qu’au vu de l’offre mentionnant tant le taux de période que le TEG annuel et une périodicité mensuelle, le calcul tendant à démontrer le défaut de proportionnalité du TEG par rapport au taux de période est une opération dépourvue de complexité à laquelle l’emprunteur pouvait lui-même procéder.

Elle ajoute que le rapport produit par l’emprunteur tendant à démontrer que l’offre de prêt est irrégulière a été établi à la seule lecture de celle-ci, sans autre document, ni procéder au moindre calcul.

A bien y comprendre, l’emprunteur, même profane, serait à même de déceler seuls que différents postes n’avaient pas été pris en compte dans le calcul du TEG, et les éventuelles erreurs affectant celui-ci.

De telle sorte que la Cour d’Appel avait raison d’estimer que l’acceptation de l’offre par les emprunteurs constituait le point de départ du délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts et en a exactement déduit que la prescription était acquise.

Dès lors toutes les portes se ferment pour obtenir un allongement des délais de prescription.

La réponse de la Cour de Cassation est extrêmement claire sur ce point.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Cumul entre action en responsabilité contre la banque et suspension judiciaire des échéances

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de difficultés financières conjoncturelles ou structurelles, un emprunteur peut-il solliciter une suspension judiciaire des échéances ET engager la responsabilité de la banque au titre des obligations de conseil et de mise en garde ? Comment imbriquer intelligemment deux procédures aux philosophies et prescriptions distinctes ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à l’enchevêtrement particulier pouvant exister entre une procédure devant l’ancien Tribunal d’instance, désormais juridiction de proximité, aux fins d’obtenir la suspension judiciaire des échéances et de l’autre, la classique action en responsabilité que le débiteur peut opposer à la banque alors même que ce dernier soulève par ailleurs la prescription de la créance bancaire, voire même lorsque l’emprunteur conteste la validité de la déchéance du terme.

 

L’enchevêtrement procédural n’est pas toujours heureux entre les différentes demandes que l’emprunteur en difficulté peut faire et les prétentions de la banque, qui ne manque pas de tout faire pour poursuivre en paiement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, suivant offre acceptée le 11 mai 2006, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier de 145 000 € réaménagé par avenant en 2008.

 

 Dans la même foulée, en décembre 2008, la banque avait également consenti à l’emprunteur un prêt relais d’un montant de 200 000 €.

 

Cependant en l’état de différents impayés, Madame X qui était prévenante et prudente, a décidé d’engager une action aux fins de suspension judiciaire des échéances du prêt et a obtenu une Ordonnance de référé le 22 avril signifiée le 06 mai 2010.

 

Ladite Ordonnance du président du Tribunal d’instance, ordonnait la suspension judiciaire des échéances du prêt pour une durée de 24 mois à compter de la signification de la décision rendue et reportait le remboursement du prêt relais au 1eroctobre.

 

Pour autant, et par la suite, la banque a fait le choix d’assigner l’emprunteur en paiement, et ce, suivant assignation délivrée le 03 janvier 2014 suivant.

 

La prescription, premier moyen de défense du débiteur

 

En défense, le débiteur envisage de solliciter la prescription de l’action du créancier, et oppose la prescription biennale en prenant comme point de départ le prononcé de la décision du Tribunal d’instance ordonnant justement la suspension judiciaire des échéances du prêt.

 

La première des argumentations soulevées par le débiteur était alors d’imaginer opposer la prescription biennale puisque depuis l’Ordonnance il ne s’était rien passé.

 

Or, il ressort des circonstances de la cause que le débiteur avait adressé les courriers du 26 janvier 2011 et du 28 février 2012, dans lequel l’emprunteur s’était rapproché de l’établissement bancaire afin de trouver une solution amiable, comportement qui pouvait être interprété comme interruptif de prescription.

 

En effet, ces deux correspondances peuvent avoir un effet interruptif de prescription en ce que ces derniers caractérisaient la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier, cette reconnaissance suspendant la prescription de la créance.

 

Pour autant, le débiteur considérait que la procédure de suspension judiciaire des échéances ne faisait que suspendre les échéances mais ne suspendait en rien les délais de prescription,

 

De telle sorte que les seules correspondances du 26 janvier 2011 et du 28 février 2012 ne suffisaient pas à interrompre la prescription, car par la suite, et dans le cadre de la procédure de suspension judiciaire des échéances, faute de demande de la banque, celle-ci était prescrite, qu’importe la procédure.

 

La débitrice combattait les prétentions de la banque.

 

Elle considérait même que les pourparlers transactionnels ne peuvent être constitutifs d’une reconnaissance de dette interruptive des délais de prescriptions, de telle sorte que celle-ci était acquise.

 

Par ailleurs, la seule existence de correspondances ne saurait suffire.  

 

Il appartenait quand même au juge de s’assurer de l’absence totale d’équivoque et de vérifier la véracité de l’aveu clair et non équivoque de l’existence même de la créance de la banque.

 

A bien y comprendre, une simple demande de négociation ne saurait suffire.

 

Quelle interruption à la prescription ?

 

La Cour de cassation ne partage malheureusement pas cette analyse et considère que la décision du Juge des référés ayant ordonné à la suspension du prêt amortissable pendant 24 mois à compter de la signification de l’Ordonnance et reporté par la même le remboursement du prêt relais au 1er octobre 2010 avait un effet interruptif à la date de signification de l’Ordonnance intervenue dès lors le 06 mai 2010.

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que par la lettre du 26 janvier 2011, l’emprunteur a manifesté sa volonté d’aboutir à une résolution amiable de réaménagement de la créance avec effet au mois de juillet 2012 et qu’il a par ailleurs réitéré cette volonté par un courrier électronique du 28 février 2012 dans lequel il exprimait son interrogation sur l’intégration du prêt amortissable dans l’acte d’accord.

 

La reconnaissance expresse de la créance

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que l’emprunteur a, dans ses actes, reconnu clairement et sans équivoque la créance de la banque de telle sorte que la Cour d’appel n’a pu qu’en déduire que lesdits actes étaient bels et bien interruptifs de prescription de sorte que l’action de la banque était encore recevable.

 

Dès lors, finalement ce n’est pas tant l’idée même d’une déchéance de la suspension judiciaire des échéances du prêt qui mettent en difficulté Madame X mais bel et bien les courriers qu’elle a fait par la suite afin de trouver une solution amiable.

 

De telle sorte qu’à bien y réfléchir, il n’est pas toujours bien-fondé d’adresser quelques correspondances que ce soit à l’établissement bancaire, qui quant à elle se garde bien d’écrire quoi que ce soit.

 

Pour autant, cela n’avait pas empêché Madame X d’engager une action en responsabilité contre la banque au titre des manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde.

 

Or, dans le cadre de cette action en responsabilité, c’est au tour de la banque de soulever la prescription de l’action.

 

Cela peut sembler paradoxal.

 

D’un coté la banque demeure toujours recevable pour poursuivre son débiteur,

 

D’un autre coté, le débiteur serait prescrit à engager la responsabilité de la banque,

 

Les mêmes actes et éléments de procédure profitant à l’un (la banque), et pas à l’autre (le débiteur poursuivi),

 

Sic,

 

Or, la prescription n’est pas à sens unique,

 

Il appartient au débiteur d’y être extrêmement attentif lors de l’établissement de sa défense juridique er judiciaire tout comme dans ses choix d’attaque contre le créancier. `


Car, comme à chacun sait, la meilleure défense……

 

La prescription, entre attaque et défense

 

Pour autant, dans cette affaire, la Cour de cassation considère que la débitrice, Madame X, est prescrite dans son action en responsabilité contre la banque.

 

Les Juges du fonds reprochaient au débiteur d’avoir formalisé ce moyen tiré de la responsabilité de la banque pour manquement à ses devoirs d’informations et de mise en garde, lesquels  ne tendaient qu’au rejet de la demande en paiement formulé contre le débiteur, et ce, passé le sacro saint délai de prescription de la responsabilité contractuelle de de cinq ans qui a comme point de départ à compter de l’octroi du prêt

 

Dans ce sens là, immanquablement, la prescription était acquise.

 

Madame X tentait de considérer que cette demande était un moyen de défense au fond sur laquelle la prescription est sans incidence dans la mesure ou sa demande est une demande reconventionnelle celle-ci ne pouvait être assujettie à quelque forme de prescription que ce soit.

 

A bien y comprendre, la prescription ne s’appliquerait pas aux exceptions opposées à la demande principale, lorsqu’il revient au Juge du fond de restituer au moyen tiré de la responsabilité de la banque sa qualification de défense au fond.

 

Cependant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

 

En effet, la Cour de cassation considère que la demande relative à la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde formée en réponse à l’action en paiement engagée par celle-ci, constitue une demande reconventionnelle aux fins d’allocation d’une indemnité pour perte de chance dont la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime.

 

De telle sorte que, lorsque Madame a soulevé la responsabilité de la banque pour manquement de ces devoirs d’information, de conseil et de mise en garde par ses seules et simples premières conclusions du 26 mai 2015, celle-ci était déjà atteint de prescription.

 

Telle est la sentence de la Haute juridiction.

 

Prescription sur prescription ne vaut

 

Plusieurs remarques s’imposent à ce stade.

 

Premièrement, force est de constater qu’effectivement les conclusions consacrant la responsabilité de la banque au titre des sacro-saints manquements aux obligations de conseils et de mise en garde aurait dû être formalisées bien avant.

 

Ceci d’autant plus que les procédures judiciaires existaient depuis un certain temps.

 

Plusieurs conclusions s’imposent.

 

En effet, force est de constater que le contentieux contre la banque nécessite une ingénierie et une anticipation évidente des arguments juridiques tout comme du choix judiciaire.

 

En effet, si l’emprunteur, devenu débiteur, considère être en difficulté par rapport à l’établissement bancaire et ne pouvant faire face à ses obligations, il doit impérativement anticiper la situation, lancer les hostilités, et engager une action en fin de suspension judiciaire des échéances.


Cependant, rien ne l’empêche, à ce stade, en plus de cela, d’imaginer également engager une action en responsabilité contre la banque lui permettant notamment de contester la réalité de la déchéance du terme si celle-ci se présentait,

 

Cette approche a tout son sens.

 

Car, non seulement le débiteur fonde sa demande de suspension judiciaire des échéances sur des difficultés financières qu’il vient de rencontrer de manière conjoncturelle,

 

Tout en imaginant engager la responsabilité de la banque au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde, si par extraordinaire il ressort que ces difficultés financières sont finalement structurelles, la banque leur ayant octroyé un financement inadapté ne pouvant que les mettre, à court ou moyen terme, en difficulté.

 

Ainsi, l’action contre la banque aux fins de suspension judiciaire des échéances, tout comme l’action contre la banque au titre de ses manquements de conseil et de mise en garde sont régies par des logiques et des problématiques de recevabilité et de prescription propres, notamment en matière de prescription.

 

Toute la magie du Conseil et avocat du débiteur est de choisir l’ingénierie juridique et judiciaire capable d’allier les deux avec force et intelligence.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Sort de l’indivision forcée et perpétuelle en saisie immobilière

Laurent Latapie Avocat Miami
Laurent Latapie Avocat Miami

En présence d’une indivision forcée et perpétuelle, le créancier saisissant peut-il se contenter de signifier l’habituel commandement de payer valant saisie immobilière et de saisir par la suite le juge d’orientation, ou doit-il évacuer cette indivision forcée et perpétuelle au travers d’une action en licitation partage ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue par la Cour d’Appel de Pau qui vient aborder la problématique de l’indivision forcée et perpétuelle afin de déterminer si la banque doit procéder par voie de licitation partage ou si elle peut engager une action en saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et suivant acte authentique en date du 29 juillet 2018, la banque avait octroyé un prêt à Monsieur R et à son épouse un prêt d’un montant de 290 000 euros destiné à l’acquisition d’une médina située au Maroc, remboursable en 179 échéances au taux conventionnel de 4,80% l’an et au taux effectif global de 5,5813% l’an.

 

Le contrat prévoyait en garantie l’inscription d’une hypothèque conventionnelle de premier rang, à hauteur de 200 000 euros sur un bien situé en France et appartenant aux consorts R.

 

Suite à plusieurs échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme selon courrier du 26 septembre 2013.

 

Par la suite, et par acte d’huissier du 19 septembre 2014 la banque a fait délivrer aux emprunteurs un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour le recouvrement d’une somme de 277.445,94 euros outre les frais d’acte en vertu du prêt notarié du 29 juillet 2008.

 

Suivant acte en date du 17octobre 2014, Madame R a assigné la banque devant le Juge de l’Exécution aux fins de mainlevée du commandement de payer invoquant l’article 47 du Code de Procédure Civile en raison de sa fonction de juge prud’homale paloise.

 

Par jugement rendu le 9 février 2015, le tribunal s’est déclaré incompétent a rejeté les demandes formulées par les époux R, déclaré le commandement aux fins de saisie vente du 19 septembre 2014 régulier.

 

C’est dans ces circonstances que la banque a fait délivrer un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière le 24 octobre 2016 portant sur trois parcelles et pour une somme de 301.028,94 euros créance arrêtée au 29 septembre 2016.

 

Lancement de la procédure de saisie immobilière

 

Le commandement de payer a été déposé au 1er Bureau du service de la publicité foncière le 23 décembre 2016

 

Par acte d’huissier en date du 13 février 2017, la banque a fait assigner Monsieur et Madame R devant le Juge de l’Orientation aux fins de statuer sur la demande de vente sur saisie immobilière de l’immeuble litigieux.

 

Par jugement d’orientation contradictoire rendu le 19 avril 2019, le Juge de l’Exécution sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil :

 

  • Déclaré nulle la saisie immobilière de la parcelle AI

 

  • Dit que cette nullité entraine l’irrégularité de l’ensemble de la procédure de saisie immobilière et donc la nullité du commandement valant saisie du 24 octobre 2016

 

La banque a alors interjeté appel de cette décision

La question qui se posait était liée à la saisie de l’un des trois parcelles qui faisait l’objet d’une indivision forcée et individuelle.

 

Sort de l’indivision forcée et éternelle

 

Le premier juge a retenu, sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil que la saisie de cette parcelle était nulle entraînant l’irrégularité de l’ensemble de la saisie, au motif que cette parcelle, indivise, ne pouvait être saisie directement par le créancier.

 

La banque soutenait que l’indivision relative à la parcelle AI était une indivision forcée et perpétuelle qui échappait aux dispositions de l’article 815- 17 du Code Civil.

 

Madame R quant à elle contestait ce caractère en exposant que la parcelle indivise ne constitue pas un accessoire indispensable du bien immobilier principal.

 

La saisie portait sur les parcelles AI 39 sur laquelle était édifiée une maison, AI 114 chemin d’accès à la maison depuis la parcelle AI 101et sur les droits indivis d’1/4 de la parcelle Al 101 qui permettait d’accéder au chemin.

 

Saisie immobilière classique ou licitation partage ?

La Cour d’Appel rappelle que, suivant les dispositions de l’article 815-17 du Code Civil, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis, meubles ou immeubles.

 

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui.

 

Cependant, le régime légal des indivisions tel que prévu aux articles 815 et suivants du Code Civil ne s’applique pas aux indivisions forcées et perpétuelles portant sur des biens affectés à titre d’accessoire indispensable à l’usage commun de plusieurs fonds appartenant à des propriétaires différents.

 

Il résulte des titres notariés versés au débat, ainsi que du plan cadastral que la parcelle indivise est affectée exclusivement à l’usage d’accès à plusieurs fonds appartenant à des propriétaires distincts, dont la parcelle chemin d’accès à la maison édifiée sur la parcelle, appartenant à Madame R.

 

L’indivision forcée et perpétuelle

 

Par suite, l’indivision qui affecte cette parcelle constitue une indivision forcée et perpétuelle dont la nature exclut l’application du droit commun de l’indivision et notamment les dispositions de l’article 815-17 exonérant la banque d’une nécessité de procéder par voie de licitation partage.

 

La Cour d’Appel a donc infirmé la décision du Juge de l’Orientation en ce qu’elle a considéré que les droits indivis de Madame R sur la parcelle AI 101 ne pouvaient faire l’objet d’une saisie.

 

Elle considère que la saisie de ces droits est donc régulière, de même que celle des parcelles AI 39 et AI 114, issue du commandement de payer en date du 24 octobre 2016, publié le 23 décembre 2016.

 

La Cour d’Appel a donc autorisé cette vente en considérant que la problématique de l’indivision forcée et individuelle échappait aux dispositions de l’article 815-17.

 

Ce qui est intéressant dans cette affaire est que dans la mesure où la banque avait été déboutée de ses prétentions aux fins de saisie immobilière, elle avait interjeté appel.

 

Par ailleurs, la question était de savoir ce qu’il en était de la survie du commandement de payer valant saisie immobilière et de la prorogation de ses effets.

 

En effet, la banque avait saisi le Premier Président de la Cour d’Appel aux fins de suspension de l’exécution provisoire de doit pour être autorisée à voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

La banque avait été déboutée de cette demande.

 

Or, il était loisible d’imaginer que la banque était bien fondée à ressaisir le Juge de l’Exécution immobilier pour voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Un pourvoi en cassation est en cours et il va amener à deux réponses particulières.

 

Premièrement déterminer si, en présence d’une indivision forcée et perpétuelle le créancier doit saisir directement ou s’il doit envisager de passer par le biais d’une licitation partage ?

 

Deuxièmement, est que et la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière peut être ordonnée devant le juge de l’orientation alors que la saisie immobilière a été annulée par ce dernier et que la procédure est toujours pendante à hauteur de Cour ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement

Laurent Latapie avocat droit de l'entreprise en difficulté 2020
Laurent Latapie avocat droit de l’entreprise en difficulté 2020

A quel moment le dirigeant caution peut soulever le caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement ? Cette disproportion doit-elle être analysée au jour de la conclusion de l’engagement de cautionnement ou au jour où la caution est poursuivie par l’établissement financier ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendu en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de la remise en question de l’engagement de cautionnement lorsque la caution entend opposer à l’établissement financier un manquement à ses obligations et plus particulièrement lorsqu’il est question du caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le 1er février 2010, la banque avait consenti à la société F un prêt de 170 000 euros, pour lequel, Monsieur Q, alors gérant, s’est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros.

Se prévalant d’une créance impayée, la banque a alors assigné en paiement
la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette même procédure, la banque avait également poursuivi Monsieur Q en qualité de caution,

Lequel a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à l’obligation de mise en garde qui pesait sur la banque.

En qualité de caution, Monsieur Q soutenait que l’organisme dispensateur de crédit ne pouvait se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Caractère disproportionné de la caution

A bien y comprendre, le caractère disproportionné de l’engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine devant s’apprécier au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en œuvre par l’organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution.

Monsieur Q mettait en avant le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque.

Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir considéré que l’engagement de caution de Monsieur Q n’étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010 et que dès lors, la banque n’avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d’exécuter son engagement lorsqu’il a été poursuivi.

De même, Monsieur Q reprochait à la Cour d’Appel de s’être abstenue de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013.

Il soutenait également que la banque avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et rappelait que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l’alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l’emprunteur.

La banque, quant à elle, n’avait pas manqué de souligner que la caution était également dirigeante de l’entreprise.

Monsieur Q soutenait que le devoir de mise en garde comportait trois obligations à la charge du banquier dispensateur d’un crédit, parmi lesquelles le devoir d’alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l’emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d’appel de constater la défaillance de la banque dans l’exécution de son obligation préalable d’information.

De telle sorte que le dirigeant caution ne pouvait raisonnablement revendiquer ce manquement.

Pour autant, Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel de ne pas avoir procédé à la recherche demandée quant à l’accomplissement par la banque de son obligation précontractuelle d’information sur le risque de non-remboursement encouru.

A bien y réfléchir, il convenait quand même de rappeler que la société débitrice avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt.

Cette circonstance aurait dû caractériser le manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde.

Pour autant, il convient de rappeler la rigueur du droit de cautionnement et les dernières jurisprudences en la matière qui sont plus favorables à l’établissement financier qu’à la caution.

Ce qui, en soi ,ne peut qu’interpeller.

En effet, concernant la disproportion de l’engagement de caution, la Cour de Cassation rappelle qu’il résulte de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu’un cautionnement conclu par une personne physique n’était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s’en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

La disproportion, oui, à quel moment ?

La Cour de cassation souligne, encore, que pour invoquer le manquement d’un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers une caution, fût-elle non avertie, celle-ci doit rapporter la preuve que l’engagement n’était pas adapté à ses capacités financières personnelles et qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur, débiteur principal.

En l’occurrence, dans cette affaire, la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n’était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l’existence d’un risque d’endettement de la société F et, de l’autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l’emprunt, aucun incident de paiement n’avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l’ouverture de la liquidation.

Cette approche ne résout pas tout.

Comment soulever la disproportion de l’engagement de cautionnement ?

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle revient sur les moyens de défense que peut avoir le dirigeant caution lorsque son entreprise est en liquidation judiciaire et que la banque se retourne contre lui.

Il importe de préciser que la Cour de Cassation considère que la notion de disproportion s’analyse essentiellement au jour de l’engagement de cautionnement qu’importe que par la suite la caution n’arrive plus à y faire face.

La notion d’obligation de conseil et de mise en garde est moins aisée à être soulevée par le chef d’entreprise.

Ce que la Cour de Cassation ne dit pas mais qui mérite d’être clairement rappelé est que l’essentiel de cette argumentation juridique repose également sur des éléments probatoires puisqu’il appartient à la caution qui entend se défendre face à l’établissement bancaire de rapporter la preuve de sa situation patrimoniale et non pas à la banque de rapporter la preuve que l’engagement n’était pas proportionné.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Saisie pénale immobilière et atteinte proportionnée au droit à la propriété, quelle motivation ?

Laurent Latapie avocat saint Raphael
Laurent Latapie avocat saint raphael

Le juge d’instruction, qui prononce une mesure de saisie pénale immobilière et de confiscation des biens immeubles, doit-il motiver sa décision et apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit de la propriété du mis en cause ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai dernier et qui vient aborder la question très spécifique de la saisie pénale immobilière réglementée par le Code de procédure pénale et qui vient quand même porter clairement atteinte au droit de la propriété.

 

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle amène à s’interroger sur l’étendue des pouvoirs du Juge d’instruction décidant d’ordonner une saisie pénale immobilière alors même que l’instruction n’est pas terminée et que, par là même, le principe de présomption d’innocence prévaut, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Tel était le débat devant la chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Cayenne, dans le cadre d’une information ouverte à l’encontre de Monsieur X pour des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et de blanchissement aggravés, ladite chambre d’instruction confirmant les Ordonnances du Juge d’instruction sur ce point.

 

Quels sont les faits ?

 

Il convient de reprendre les faits de l’espèce.

 

Monsieur X avait été mis en examen des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés.

 

Faits commis entre 2011 et 2014 consistants dans l’organisation de jeux clandestins qui avait produit un bénéfice total estimé à plusieurs milliers d’euros.

 

Sommes que Monsieur X avait, comme de rien, « omis » de déclarer à l’administration fiscale et auprès des Caisses, sociale et qui avait étés « blanchies » en octroyant des prêts personnels ou des prêts sur gages au profit de tierces personnes qui ont pu acquérir par ce biais différents biens immobiliers outre les classiques dépenses de la vie courante.

 

C’est dans ces circonstances, que dans le cadre de la mise en examen dans la procédure d’instruction ouverte contre Monsieur X, des chefs d’infraction de la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés, le juge d’instruction avait finalement ordonné la saisie pénale, et donc la confiscation de 5 biens immobiliers dont Monsieur X était propriétaire, en considérant notamment que la valeur totale des biens équivalait en tout ou en partie aux produits des infractions reprochées.

 

L’intéressé encourait également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de son patrimoine.

 

Saisie pénale et confiscation des immeubles

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur X a interjeté appel puis un pourvoi en Cassation sur cette saisie pénale immobilière qu’il entendait contester.

 

Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, il est possible d’envisager la confiscation qui peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la disposition.

 

Ainsi, l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, permet au Juge d’instruction de procéder à une saisie de l’intégralité ou d’une partie du patrimoine immobilier et mobilier de Monsieur X.

 

C’est dans ces circonstances que le juge d’instruction a sollicité la saisie pénale des actifs immobiliers de Monsieur X, en lien avec les faits de blanchiment aggravés, pour lesquels il avait été mis en examen, confisquant ainsi son patrimoine personnel.

 

Pour autant, Monsieur X entendait soulever plusieurs moyens de contestations.

 

Au niveau procédural, ce dernier soulevait le fait que la saisie de tout ou partie du patrimoine ne peut être ordonnée par le Juge d’instruction que sur requête du Procureur de la République ou d’office après avis du ministère public.

 

Monsieur X faisait notamment valoir que le Juge d’instruction ne pouvait valablement ordonner la saisie d’une partie de son patrimoine, sur le fondement de l’article 706-148 du Code de procédure pénale dès lors que la saisine du ministère public portait sur 5 saisies immobilières distinctes reposant ainsi sur une base légale différente puisque ce dernier se fondait sur l’article 706-150 du Code de procédure pénale.

 

Monsieur X reprochait au Juge d’instruction de s’être borné à affirmer qu’il pouvait valablement limiter la saisie du patrimoine de 5 immeubles litigieux.

 

A bien y comprendre, il appartenait au juge d’instruction de vérifier que le bien immobilier dont il a ordonné la confiscation dans le cadre de la saisie pénale était bien compris et visé dans les réquisitions prises par le Ministère public au même titre que les autres biens immobiliers qui ont été saisis.

 

Et que dès lors, c’est à bon droit que Monsieur X faisait valoir que la confiscation du patrimoine dont il avait fait l’objet portait à une atteinte grave et manifestement injustifiée au regard du droit et au respect de ses biens.

 

De plus, Monsieur X reprochait au Juge de s’être borné à affirmer de manière générale et abstraite que les saisies litigieuses ne caractérisaient pas une attente grave, dans la mesure ou il ne s’agissait que de mesures conservatoires, par là même compatibles avec la notion de proportionnalité de l’atteinte portée au droit et au respect des biens de Monsieur X par la portée des confiscations au regard de sa situation personnelle.

 

Ce point est important, car il rappelle quand même que la mesure du Juge d’instruction n’est que conservatoire et n’a vocation qu’à perdurer jusqu’à la décision pénale définitive de condamnation pour lequel celle-ci doit être intégralement reprise.

 

La Cour de Cassation retient cette argumentation et fait droit de l’interprétation de Monsieur X.

 

Caractère proportionnel de la confiscation

 

En effet, la Cour de Cassation rappelle que le Juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit d’intérêt et que par ailleurs, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision.

 

Au niveau de la décision rendue par le juge d’instruction, il convient de rappeler, au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale, ainsi qu’au visa du protocole n°1 à la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme, que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

 

La Cour de Cassation reproche au Juge d’instruction, et à la chambre d’instruction de la Cour d’appel, de rejeter le moyen de l’atteinte disproportionnée portée au droit de la propriété du demandeur au seul motif pris que les saisies pénales immobilières en cause ne seraient pas de nature à constituer une atteinte à la propriété privée dès lors qu’elles ne constituent que des mesures conservatoires.

 

Or, la Cour de Cassation rappelle qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les meures critiquées en ce qu’elles concernent les éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit d’infraction ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de Monsieur X, le juge d’instruction n’avait pas justifié sa décision.

 

Cet arrêt est intéressant à bien d’un titre.

 

En premier lieu, il convient de rappeler qu’il appartient au Juge d’instruction de motiver ses décisions et de d’établir le lien, actif par actif, produit par produit entre l’infraction caractérisée et l’actif saisi tout en caractérisant clairement la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect des biens appartenant au mis en examen.

 

Il ne peut se satisfaire d’une phrase type en indiquant, de manière parfaitement évasive et par une formulation générique, que la mesure de saisie a été ordonnée au regard de la situation personnelle du mis en examen, alors qu’il appartient au juge de caractériser de manière spécifique et développée les raisons de la confiscation.

 

Par ailleurs, cette jurisprudence rappelle que la mesure prise de confiscation qui est la première étape du droit de la saisie pénale immobilière, n’est qu’une mesure conservatoire et surtout qu’une mesure provisoire qui ne peut durer par nature que jusqu’à ce que la juridiction pénale statue et condamne de manière définitive Monsieur X, des chefs d’infraction qui lui sont reprochés.

 

En effet, devant la juridiction correctionnelle, la saisie pénale devra être confirmée et réitérée avec une décision de la juridiction pénale qui devrait être immanquablement motivée.

 

Sans quoi celle-ci ne serait plus valable.

 

Rappelons à cette fin que la juridiction pénale ne peut reconfirmer la saisie pénale immobilière par une simple substitution de motif de ce qu’a été pris par le Juge des libertés et de la détention, du Juge d’instruction alors qu’il prend un caractère définitif avec une appréhension totale et définitive de l’actif immobilier en question.

 

La saisie pénale immobilière n’est pas de droit pour le ministère public ni pour le Juge d’instruction ou le Juge des libertés et de la détention.

 

Elle a vocation à être caractérisée en disposition du Code de procédure pénale aux articles 706-148 et suivants déterminent clairement les conditions dans laquelle la saisie doit être faite.

 

Elle doit être proportionnée et largement motivée au travers d’un lien direct avec l’infraction pour lequel Monsieur X serait mis en examen ou tel prévenu serait poursuivi, et surtout la mesure n’est que conservatoire et provisoire.

 

Les moyens de contestations ont nombreux.

 

Les obligations à la charge du ministère public et du Juge d’instruction le sont tout autant.

 

Ce qui est autant d’atouts et de points de développement qui doivent être pris en considération pour permettre au mis en examen de se défendre afin de préserver son patrimoine qui n’est pas forcément en lien avec l’infraction pour laquelle celui-ci est mis en examen et qu’on lui reprochait.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Confiscation pénale d’un bien immeuble appartenant à deux époux

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Dans le cadre d’une saisie pénale immobilière, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué, ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État ? Quel est le sort des droits de l’époux de bonne foi, ignorant des agissements litigieux ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente de la Cour de cassation et qui vient apporter des précisions quant au fonctionnement d’une saisie pénale.

 

La saisie pénale d’un bien commun

 

Plus précisément, cette jurisprudence apporte des précisions lorsque la confiscation du produit d’infraction porte sur un bien dépendant d’une communauté conjugale et que le conjoint condamné est reconnu de bonne foi.

 

En effet, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué au profit de l’Etat ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État, protégeant ainsi l’autre époux, de bonne foi.

 

Cette jurisprudence est intéressante.

 

Elle illustre bien le fait que, finalement, l’époux commun en bien est moins bien traité dans le cadre de la confiscation pénale d’un bien immobilier appartenant au couple, que dans le cadre d’une simple indivision d’un couple vivant en union libre.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclaré Monsieur F coupable d’abus de confiance et avait ordonné la confiscation à titre de produit d’infraction un appartement sur Rennes ainsi que d’une maison d’habitation située dans le même département, appartenant tant au condamné qu’à Madame D. son épouse, tous deux mariés sous le régime de la communauté légale.

 

Madame D, épouse de bonne foi, ignorante par ailleurs des faits reprochés à son conjoint, avait alors saisi la Cour afin de rectifier l’arrêt de condamnation en précisant que la confiscation ne portait que sur la seule part indivis des immeubles appartenant au condamné dans la mesure où celle-ci n’avait pas été poursuivie pleinement et était donc de parfaite bonne foi.

 

Alors que le couple est marié sous le régime de la communauté légale, la question est de savoir si l’épouse de bonne foi pouvait voir préserver sa part indivise, alors que l’intégralité du bien a été transférée dans le cadre de la saisie pénale,

 

Ou bien, la saisie pénale se fait bien sur l’intégralité du bien et ne permet d’ouvrir à l’égard de l’époux commun en bien qu’à un simple droit de récompense que le condamné devra à la communauté lors de la dissolution du couple et du patrimoine commun.

 

La solution

 

Pour rappel au visa de l’article L131-21 du Code pénal que la condamnation à la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cadres prévus par la loi.

 

La haute juridiction rappelle aussi qu’elle préserve les droits des propriétaires, et propriétaires indivis de bonne foi même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction.

 

Ainsi, lorsque le bien confisqué constitue un bien indivis appartenant à la personne condamnée et à un tiers, ce dit bien est alors saisi sur la base de la seule saisie pénale des droits indivis au profit de l’État, de sorte que les droits des tiers de bonne foi sont préservés.

 

Pour autant, lorsque le bien confisqué constitue un bien commun à la personne condamnée et à son conjoint, la situation présente une spécificité tenant à ce qu’en l’application de l’article 1413 du Code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude du débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu.

 

Il en est ainsi même lorsque l’infraction sur laquelle repose la saisie pénale immobilière a été commise par un époux seul.

 

Il résulte de l’article 1467 du Code civil que lorsque la communauté est dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés.

Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive.

 

 

Pour la Cour de cassation il s’en déduit que la confiscation d’un bien commun prononcé en répression d’une infraction commise par l’un des époux, seul ne peut qu’emporter sa dévolution pour le tout à l’Etat.

 

La confiscation est donc alors totale sur le bien commun, de telle sorte que l’époux de bonne foi ne peut opposer sa bonne foi et donc évoquer ’indivision.

 

La saisie pénale se fait de manière indivise sur le bien commun.

 

La saisie pénale immobilière se fait sur l’intégralité de l’actif.

 

Pour autant, la Cour de cassation rappelle que cette confiscation et cette dévolution ne fait pas disparaitre les droits de l’époux de bonne foi dès lors que la confiscation constitue une pénalité en argent est susceptible de faire naître un droit à récompense à la communauté lors de la dissolution de celle-ci, déduction faite du profit retiré en l’application de l’article 1417 du Code civil au même titre qu’une amende et payée par la communauté.

 

Cependant, la vraie question demeure, quelle valorisation des droits survivrait au profit de l’époux de bonne foi dans le cadre de la liquidation de la communauté qui aurait lieu après la saisie pénale ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Retards de paiement du prêt bancaire immobilier et suspension judiciaire des échéances

Laurent Latapie Avocat immobilier
Laurent Latapie Avocat immobilier

L’emprunteur d’un prêt immobilier, rencontrant des retards dans le paiement de ses échéances et qui se heurte à la passivité de l’établissement bancaire, peut-il saisir le tribunal et obtenir la suspension judiciaire des échéances ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à la nouvelle rédaction de l’article L414-20 du Code de la consommation, tout aussi connu sous l’ancien article L313-12 du Code de la consommation, article permettant de solliciter judiciairement la suspension judiciaire des échéances d’un prêt bancaire.

 

Cet article permet effectivement d’envisager, en cas de difficultés économiques rencontrées par des emprunteurs, qu’il s’agisse d’un prêt de consommation, d’un prêt personnel ou bien encore d’un prêt immobilier, de solliciter des délais pour faire face à leur difficulté conjoncturelle.

 

En effet, il n’est pas rare de constater que l’établissement bancaire, pourtant premier partenaire économique de ses clients et emprunteurs qui rencontrent des difficultés économiques et financières conjoncturelles et qui manifestent justement leurs inquiétudes à leur banquier, demeure passif et taisant, laissant les emprunteurs en difficulté seuls avec leurs difficultés,

 

Et ce, même lorsque les emprunteurs en difficulté sollicitent des délais pour faire face à ses difficultés qui n’ont par nature vocation qu’à être conjoncturelles.

 

Or, dans certains contrats de prêts, il n’est pas rare de constater que dans les conditions générales il est inséré une clause permettant à l’établissement bancaire d’octroyer des délais pour des périodes malheureusement extrêmement trop courtes, de 3 à 6 mois maximum, et ce, à grand renfort de frais et d’intérêts intercalaires, intérêts majorés qui mettent d’autant l’emprunteur en difficulté qui a besoin d’un second souffle pour repartir de bon pied.

 

Or, malheureusement les hypothèses de difficultés économiques conjoncturelles sont nombreuses, et peuvent survenir à tout moment, notamment en cas de séparation et de divorce, d’un licenciement ou même en cas de décès lorsque la compagnie d’assurances qui organise l’assurance décès fait des difficultés pour indemniser la victime et désintéresser la banque.

 

L’année 2020 et cet état d’urgence sanitaire et de confinement, lié à cette crise internationale de COVID, et ce sont des pans entiers de l’économique qui ont été sacrifiés, plongeant un grand nombre de personnes, salariés ou chefs d’entreprises, dans de vraies difficultés économiques et financières certes conjoncturelles mais dont beaucoup n’en voient pas la fin.

 

Les hypothèses sont donc nombreuses et il n’est pas rare que l’emprunteur se heurte à un mur de silence de la part de l’établissement bancaire dont les propositions, lorsque celui-ci formalise finalement une proposition de report d’échéances, sont très largement insuffisantes et pour des périodes bien trop courtes.

 

Fort heureusement, l’emprunteur a la possibilité de saisir le Juge en état de difficultés économiques rencontrées par ces derniers alors qu’ils ont toujours manifestés de nombreux efforts de paiement et se heurte juste à une problématique de paiement conjoncturel.

 

Il convient également de souligner que la jurisprudence permet également la suspension et terme d’échéance même en cas d’échéance du terme du prêt.

 

Ce point est important, car tant bien même la banque prononcerait la déchéance du terme, tout en restant silencieuse aux appels au secours des emprunteurs, la demande de délais peut être sollicitée même lorsque la déchéance du terme a été prononcée.

 

Il ne faut par ailleurs pas oublier que l’emprunteur devenu débiteur peut aussi contester la validité de la déchéance du terme.

 

Plusieurs jurisprudences vont en ce sens.

 

Dans tous les cas, les emprunteurs peuvent demander une suspension judiciaire des échéances du prêt bancaire et, ou prêt immobilier, et ce devant le juge, alors que l’établissement bancaire s’y refuse.

 

L’emprunteur peut alors demander au juge une suspension pouvant s’étendre jusqu’à deux ans.

 

Cependant, il convient d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait que dans cette procédure judiciaire, l’établissement bancaire risque fort d’être son principal et plus farouche adversaire.

 

En effet, il importe de rappeler, à ce stade, que ce n’est pas une demande acquise de droit.

 

La banque soutenant malgré tout que, nonobstant les difficultés économiques rencontrées, et qu’elle n’ignore pourtant pas, que la situation financière de l’emprunteur permet de faire face à ses obligations nonobstant les périodes difficiles qu’elle rencontre ou bien encore que la situation difficile est tellement acquise qu’elle est irrémédiable et que par conséquent octroyer 2 ans n’apporterait rien de plus ni à l’emprunteur ni à l’établissement bancaire.

 

Transformant ainsi le premier partenaire économique de l’emprunteur en véritable adversaire pour lequel il faut impérativement faire preuve de pugnacité contre cette dernière.

 

Il importe de préciser que l’emprunteur peut obtenir jusqu’à 2 ans de délais.

 

A charge pour l’emprunteur en difficulté de démontrer le caractère conjoncturel des difficultés.

 

Il importe encore de préciser que l’emprunteur peut également demander que tout paiement dans le laps de temps octroyé aurait vocation à s’amortir sur le capital restant dû sans s’impacter sur quelques intérêts que ce soit.

 

Ce que, là encore, le banquier se garde bien de proposer….

 

L’emprunteur pouvant encore proposer que, dans le laps de temps octroyé, les sommes dues ne produiraient aucun intérêt.

 

Ce qui peut être effectivement très rassurant et salvateur pour les personnes qui rencontrent des difficultés.

 

La seule obligation qui perdurerait serait naturellement de payer les cotisations d’assurance obligatoires attachées au prêt, afin de permettre à l’emprunteur de demeurer assuré, et d’être garanti, en cas de sinistre nonobstant la suspension judiciaire des échéances.

 

L’emprunteur en difficulté peut se retourner en cas de silence et de mutisme de la banque,

 

L’emprunteur peut aussi aller voir le juge pour expliquer sa situation et à demander des délais,

 

Ainsi il est important que l’emprunteur ait bien conscience que lorsque celui-ci rencontre des difficultés, qu’il s’agisse d’un licenciement, d’un divorce ou encore d’un décès et qu’il se heurte à un mur de silence ou une résistance particulière de l’établissement bancaire pour l’octroi de délais, ce dernier peut aller chercher en justice les délais et peut obtenir jusqu’à 2 ans de suspension judiciaire des échéances pouvant être accompagnés d’un gel des intérêts.

 

A bon entendeur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit et liquidation judicaire

Laurent Latapie faillite internationale
Laurent Latapie faillite internationale

Une entreprise se trouvant en difficulté financière du fait de la rupture subite par la banque du concours et des prêts bancaires, et se retrouvant sous le coup d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaire, peut-elle engager la responsabilité de la banque pour rupture fautive de crédit ? la banque peut-elle se retrancher derrière les dispositions protectrices de l’article L650-1 du code du commerce ou engage t’elle quand même sa responsabilité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et qui vient aborder la question récurrente, surtout en ces temps difficiles, et en ces phases de confinement successives, de la responsabilité de la banque lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, et que comme de rien, la banque décide de mettre fin à toute forme de concours, laissant ainsi à penser que la banque peut et elle peut engager sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.

 

La question qui se pose est de savoir sur quel fondement puisque la responsabilité de la banque est classiquement abordée au visa de l’article L650-1 du Code de commerce lorsque l’entreprise est sous le coup d’une procédure collective, sauvegarde de justice, redressement judiciaire, ou bien encore en liquidation judiciaire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société CF avait souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la banque X différentes ouvertures de crédit.

 

Malheureusement, les 02 octobre 2014 et 02 février 2015, les deux banques ont, respectivement, notifiés à la société CF la donation des concours consentis.

 

C’est dans ses circonstances que dans la même foulée, la société CF s’est retrouvée en cessation des paiements, et a dû déposer le bilan, de telle sorte que, par jugement en date du 21 avril 2015, le Tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société CF.

 

C’est dans ses circonstances que la société CF dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire a pris l’initiative d’engager une action en responsabilité contre la banque sur le fondement en responsabilité contractuelle des banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil ainsi que l’article L313-12 du Code monétaire et financier pour rupture abusive du crédit.

 

Or, à hauteur de Cour d’appel, la société CF et son mandataire de justice, avaient été déboutés par la Cour d’appel de Bourges, qui avait, tout simplement, déclarée leur action irrecevable au motif pris que l’article L650-1 du Code de commerce était applicable.

 

Quelle responsabilité contre la banque ?

 

Cependant, dès le début de la procédure, la société CF avait considéré que l’article L650-1 du Code de commerce ne pouvait être applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi abusif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive de crédit.

 

Celle-ci ayant par là même fondée son action contre la banque sur la base de sa responsabilité de droit commun semblait bien fondée à le faire.

 

De telle sorte qu’en appliquant ce texte à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Il convient de rappeler que l’article L650-1 alinéa 1er du Code de commerce, précise que lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceci.

 

Une thèse avait d’ailleurs été faite en son temps par votre serviteur, « le soutien bancaire à l’entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 », thèse publiée à l’université de Nice en 2010 et qui vient aborder justement toutes la finesse et les finalités liées à l’article L650-1 du Code de commerce tout comme cette thèse abordait également tous les moyens de mettre en difficulté l’établissement bancaire nonobstant en dehors du champ classique de l’article L650-1 du Code de commerce, nouvelle disposition protectrice des établissements bancaires qui avait en son temps fait couler beaucoup d’encre.

 

Au visa de cet article, la Cour d’appel avait effectivement considéré qu’il n’était ni établi ni même allégué que les banques intimées se serait rendue coupable de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées à ces derniers, de telle sorte que les prétentions de la société CF se heurtait à la rigueur des critères limités de l’article L650-1 précité et ne pouvait donc obtenir gain de cause sur cette seule base.

 

Pour autant, la société CF considérait que l’article L650-1 du Code de commerce n’était applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive du crédit, de telle sorte qu’en appliquant ce texte en action à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait forcément violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Quant à elle, la Cour de cassation ne s’y trompe pas et vient effectivement exclure l’application de l’article L650-1 du Code de commerce dans le cadre de cette action en responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit.

 

La Cour de cassation rappelle au visa de l’article L650-1 du Code de commerce, qu’aux termes de ce texte lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraudes et d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteurs ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci.

 

La banque demeure responsable pour sa rupture de crédit

 

Pour autant, pour déclarer l’action en responsabilité irrecevable, l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges retient que les demandes fondées sur l’exclusion de l’article L313-12 du Code monétaire et financier, aux fins d’octroi de dommages et intérêts en raison de la rupture du crédit à court terme doit s’analyser comme constituant au sens de l’article L650-1 du Code de commerce des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que les banques se seraient rendues coupables de fraudes, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours ont été disproportionnées.

 

Or, la Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi alors que les dispositions de l’article L650-1 du Code de commerce ne concerne que la responsabilité du créancier lorsqu’il est recherché du fait des concours qu’il a consenti, seul l’octroi estimé fautif de ceux-ci et non leur retrait peut engager leur responsabilité en application de ce texte.

 

De telle sorte que la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a violé l’article L150-1 du Code de commerce.

Elle casse et annule l’arrêt en question puis renvoi l’affaire devant la Cour d’appel autrement composée afin que celle-ci détermine et tranche la responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit au visa non plus de l’article L650-1 du Code de commerce mais bel et bien des articles 1134 et 1147 du Code civil et de l’article L313-12 du Code monétaire et financier qui vient justement sanctionner la banque pour rupture abusive de crédit.


Dès lors, en cas de rupture du concours bancaire ou du crédit bancaire, exposant l’entreprise au dépôt de bilan et à la liquidation judiciaire, l’établissement bancaire engage clairement sa responsabilité et le chef d’entreprise ne doit pas négliger cette option.

 

A bon entendeur…

 

 

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Crédit à la consommation et remise du bordereau de rétraction

latapie avocat contentieux bancaire
latapie avocat contentieux bancaire

La signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction est-elle suffisante ? Ou bien appartient-il à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise effective du bordereau de rétractation ? Dans tous les cas, il en va de déchéance du droit aux intérêts du prêt à la consommation.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient rappeler en tant que de besoin les obligations pesant sur l’établissement de crédit quant à la preuve de la remise du bordereau de rétractation à son client et emprunteur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et suivant acte du 07 février 2013, l’établissement de crédit avait consenti à Monsieur I, emprunteur un crédit à la consommation.

 

A la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur Monsieur I, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque avait, par acte des 08 et 09 juin 2015 assignée Monsieur I paiement du solde du prêt, ainsi que l’UDAF, l’organisme de tutelle, prise en sa qualité de curateur.

 

L’emprunteur a alors demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l’article L311-12 du Code de la consommation.

 

Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L311-12 du Code de la consommation, le consommateur peut, dans un délai de 14 jours, exercer son droit de rétractation en utilisant le formulaire détachable de la rétractation jointe à son exemplaire du contrat de crédit.

 

Or, la reconnaissance écrite par l’emprunteur dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci.

 

Pour autant, cela ne saurait forcément suffire.

 

En effet, le texte impose que ce formulaire figure également sur l’exemplaire conservé par le prêteur.

 

Or, dans cette affaire sur la page 4 de l’offre préalable, immédiatement avant la signature de l’emprunteur, figure la mention suivante : « Je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation et de la notice d’information d’assurance ».

 

Monsieur I avait effectivement souscrit une telle reconnaissance et ne rapportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau ou, à défaut de son caractère irrégulier, de telle sorte que, pour la banque, ce dernier ne pouvait se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

 

Monsieur I et l’organisme de curatelle ne partagent pas cette analyse.

 

Le formulaire de rétractation détachable :

 

Le prêteur doit apporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétraction détachable visé par l’article L311-12 du Code de la consommation.

 

Il est vrai qu’une clause est prévue au sein de l’offre de prêt au terme de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation qui peut être considéré comme un indice.

 

Cependant, cela ne saurait suffire.

 

Il appartient malgré tout à l’emprunteur d’établir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation.

 

Le seul fait que Monsieur I ait reconnu à travers une clause de l’offre de prêt, la remise du bordereau permettant de présumer l’arrêté de ces remises de bordereaux sans constater l’existence d’autres éléments de nature à corroborer l’exécution parfaite de son obligation par l’emprunteur ne saurait suffire à satisfaire aux obligations prévues par les articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation.

 

La Cour de cassation reprend l’argumentation pertinente de l’emprunteur concernant la preuve de la remise du bordereau de rétractation concernant ce crédit à la consommation.

 

La remise effective du bordereau de rétractation :

 

En effet, la Cour de cassation considère qu’il résulte des articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétraction, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit.

 

A défaut, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire, est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le Juge.

 

La Cour de cassation rappelle que ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive n°2008/48/CE du Parlement européen et du conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CE.

 

La Cour de cassation rappelle encore que par arrêt du 18 décembre 2014, CA CONSUMERS FINANCE C449/13, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens en ce qu’elle s’oppose à ce qu’en raison d’une clause type, les Juges doivent considérer que le consommateur a reconnu la pleine et parfaite exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur.

 

Cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité d’être reconnu par la directive 2008/48.

 

La Haute juridiction précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne suffit pas à consacrer l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national implique seulement que le consommateur atteste de la remise qu’il lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée.

 

La Cour de cassation ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer, par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.

 

Bien plus, le consommateur doit pouvoir toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant.

 

Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait en vertu du droit national la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.

 

Pour la Cour de cassation, il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait aux obligations précontractuelles et que contrairement à ce que précédemment jugé la Cour de cassation, 1ère chambre civile 16/01/2013 pourvoi n°12-14122, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

 

Dès lors, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur.

 

Rappelons que la Cour d’appel avait cru bon rejeter la demande de l’emprunteur au motif pris de ce que la reconnaissance écrite, par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétraction détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective, de telle sorte que l’emprunteur n’apportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétraction par le prêteur ou à défaut son caractère irrégulier.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que, tant bien même l’emprunteur signerait une clause dans laquelle il reconnaît avoir été destinataire du formulaire détachable qui serait joint à son exemplaire du contrat de crédit, il n’en demeure pas moins que le prêteur doit rapporter la preuve de sa remise effective.

 

Il appartient au prêteur de fournir d’autres indices montrant bien qu’il a bien rempli cette obligation sans se retrancher derrière une vulgaire clause obscure suivant lequel l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr