Caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement

Laurent Latapie avocat droit de l'entreprise en difficulté 2020
Laurent Latapie avocat droit de l’entreprise en difficulté 2020

A quel moment le dirigeant caution peut soulever le caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement ? Cette disproportion doit-elle être analysée au jour de la conclusion de l’engagement de cautionnement ou au jour où la caution est poursuivie par l’établissement financier ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendu en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de la remise en question de l’engagement de cautionnement lorsque la caution entend opposer à l’établissement financier un manquement à ses obligations et plus particulièrement lorsqu’il est question du caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le 1er février 2010, la banque avait consenti à la société F un prêt de 170 000 euros, pour lequel, Monsieur Q, alors gérant, s’est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros.

Se prévalant d’une créance impayée, la banque a alors assigné en paiement
la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette même procédure, la banque avait également poursuivi Monsieur Q en qualité de caution,

Lequel a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à l’obligation de mise en garde qui pesait sur la banque.

En qualité de caution, Monsieur Q soutenait que l’organisme dispensateur de crédit ne pouvait se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Caractère disproportionné de la caution

A bien y comprendre, le caractère disproportionné de l’engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine devant s’apprécier au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en œuvre par l’organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution.

Monsieur Q mettait en avant le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque.

Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir considéré que l’engagement de caution de Monsieur Q n’étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010 et que dès lors, la banque n’avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d’exécuter son engagement lorsqu’il a été poursuivi.

De même, Monsieur Q reprochait à la Cour d’Appel de s’être abstenue de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013.

Il soutenait également que la banque avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et rappelait que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l’alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l’emprunteur.

La banque, quant à elle, n’avait pas manqué de souligner que la caution était également dirigeante de l’entreprise.

Monsieur Q soutenait que le devoir de mise en garde comportait trois obligations à la charge du banquier dispensateur d’un crédit, parmi lesquelles le devoir d’alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l’emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d’appel de constater la défaillance de la banque dans l’exécution de son obligation préalable d’information.

De telle sorte que le dirigeant caution ne pouvait raisonnablement revendiquer ce manquement.

Pour autant, Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel de ne pas avoir procédé à la recherche demandée quant à l’accomplissement par la banque de son obligation précontractuelle d’information sur le risque de non-remboursement encouru.

A bien y réfléchir, il convenait quand même de rappeler que la société débitrice avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt.

Cette circonstance aurait dû caractériser le manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde.

Pour autant, il convient de rappeler la rigueur du droit de cautionnement et les dernières jurisprudences en la matière qui sont plus favorables à l’établissement financier qu’à la caution.

Ce qui, en soi ,ne peut qu’interpeller.

En effet, concernant la disproportion de l’engagement de caution, la Cour de Cassation rappelle qu’il résulte de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu’un cautionnement conclu par une personne physique n’était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s’en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

La disproportion, oui, à quel moment ?

La Cour de cassation souligne, encore, que pour invoquer le manquement d’un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers une caution, fût-elle non avertie, celle-ci doit rapporter la preuve que l’engagement n’était pas adapté à ses capacités financières personnelles et qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur, débiteur principal.

En l’occurrence, dans cette affaire, la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n’était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l’existence d’un risque d’endettement de la société F et, de l’autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l’emprunt, aucun incident de paiement n’avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l’ouverture de la liquidation.

Cette approche ne résout pas tout.

Comment soulever la disproportion de l’engagement de cautionnement ?

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle revient sur les moyens de défense que peut avoir le dirigeant caution lorsque son entreprise est en liquidation judiciaire et que la banque se retourne contre lui.

Il importe de préciser que la Cour de Cassation considère que la notion de disproportion s’analyse essentiellement au jour de l’engagement de cautionnement qu’importe que par la suite la caution n’arrive plus à y faire face.

La notion d’obligation de conseil et de mise en garde est moins aisée à être soulevée par le chef d’entreprise.

Ce que la Cour de Cassation ne dit pas mais qui mérite d’être clairement rappelé est que l’essentiel de cette argumentation juridique repose également sur des éléments probatoires puisqu’il appartient à la caution qui entend se défendre face à l’établissement bancaire de rapporter la preuve de sa situation patrimoniale et non pas à la banque de rapporter la preuve que l’engagement n’était pas proportionné.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Cession des parts de la société et substitution de caution

Quelle est l’efficacité d’une clause de substitution de caution dans une cession de parts de société en redressement judiciaire face à un établissement bancaire ?

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Lyon en ce printemps 2018 et qui vient aborder la question spécifique de l’associé d’une entreprise, également caution, alors que ce dernier a procédé à une cession des parts de la société,

 

En effet, dans cette affaire le gérant caution était poursuivi par la banque alors même que l’entreprise avait fait l’objet d’un redressement judiciaire,

 

Et alors même que dans le cadre de ce redressement judiciaire une cession des parts de la société au profit d’un repreneur avait été envisagée pour permettre une bonne reprise de l’activité et au travers d’un plan de redressement viable,

 

Cette cession des parts au profit du tiers repreneur s’accompagnait dans l’acte de cession d’une reprise de l’engagement de la caution.

 

La pratique montre bien que si l’idée même d’un plan de redressement de l’entreprise avec une cession des parts par un tiers repreneur peut avoir quelque avantage il n’en demeure pas moins qu’il peut arriver que le vendeur de parts, par ailleurs gérant et caution, omette son sort particulier en qualité de caution et ne s’assure pas de pleine et parfaite effectivité de la transmission de l’engagement de la caution qui devrait normalement accompagner la cession de parts.

 

Dans cette affaire, la société E avait été constituée en octobre 98 et avait pour activité la vente de jouets sous une enseigne bien connue les consorts D étant titulaires de toutes les parts de la société et Monsieur D était par ailleurs le gérant de la société.

 

C’est dans ces circonstances que par acte du 28 août 2009 Monsieur D s’était porté caution solidaire de toutes les obligations dont la société E pourrait être tenue à l’égard de la banque dans une limite de 20 000 euros et ce pour une durée de 10 ans.

 

C’est cet engagement de cautionnement de tout engagement qui mérite bien souvent d’être contesté car même si dans le cas présent le plafond reste raisonnable, il n’en demeure pas moins que dans d’autres cas d’espèces les montants sont parfois bien plus importants et mettent en difficulté le gérant qui n’appréhende pas forcément au moment de la signature de l’engagement de caution, sa portée.

 

Car, il est vrai que dans cette affaire, en vue du financement de l’ouverture d’un nouveau magasin, la banque avait alors consenti, le 18 mai 2010, à la société E un prêt d’équipement de près de 225 000 euros, ce qui ni n’est pas rien,

 

Par acte du même jour, Monsieur D s’était alors porté caution solidaire de ce prêt en sus du premier engagement de caution dans la limite de 45 000 euros.

 

Enfin et surtout, la société E avait également souscrit le 31 mai 2013 un billet à ordre tiré sur le compte de la banque d’un montant de 75 000 euros avec l’aval de son gérant, et une échéance au 30 octobre 2013.

 

Cependant, difficultés économiques faisant, le Tribunal de Commerce de Bourg en Bresse avait, en juin 2013, prononcé le redressement judiciaire la société E.

 

De même, la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire pour la somme de 246 123,46 euros.

 

Par suite, en l’état de l’ouverture de la procédure collective, et par acte du 15 octobre 2013 la banque a assigné Monsieur D, en sa qualité de caution, et ce, en l’état de l’arrêt des poursuites individuelles, afin que le Tribunal de Commerce déclare sa créance à l’encontre de la caution bien fondée, et prononce le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de redressement initial.

 

Il est bon effectivement de rappeler qu’à ce stade, en cas d’un redressement judiciaire, si la jurisprudence et les textes permettent au créancier de prendre des garanties à l’encontre de la caution, il n’en demeure pas moins que le principe de l’arrêt des poursuites individuelles empêche la banque de poursuivre l’entreprise mais également le gérant caution, au moins pendant l’année du redressement judiciaire.

 

Pour autant, cela n’avait pas arrêté la banque qui avait souhaiter ses garantir envers la caution,

 

Or, au cours de la période d’observation, les consorts M ont souhaité se porter acquéreurs de l’entreprise en difficulté, ces derniers souhaitant reprendre l’entreprise et lui donner un second souffle,

 

Les consorts M ont déposé une offre de reprise de la société E auprès de l’administrateur,

 

Pour permettre cette reprise, ils ont ensuite acquis, par acte sous seing privé du 28 octobre 2013, l’ensemble des parts sociales des consorts D sous la condition de l’homologation de leur projet de reprise par le Tribunal de Commerce,

 

Cette condition était naturellement inévitable en droit de l’entreprise en difficulté,

 

Mais surtout, l’acte prévoyait également la reprise par les consorts M des engagements de caution des consorts D.

Cela était aussi la suite logique de la cession des parts,

 

Cela était parfaitement logique,

 

Il est bien évident que dans l’hypothèse où les consorts D procédaient à la cession des parts et vendaient leur entreprise, ils devaient dans le même temps se libérer de toute forme d’engagement à l’encontre d’une société qui n’était désormais plus la leur,

 

L’un n’allant pas sans l’autre,

 

Ce qui, au moment de l’acte ne semblait pas déranger les repreneurs qui avaient clairement signé l’acte de cession des parts, avec en son sein, la clause non équivoque de la reprise de l‘engagement de caution.

 

Or, comme à chacun sait, il faut savoir battre le fer pendant qu’il est encore chaud,

 

Il n’est pas rare de constater que si les actes de cession des parts prévoient le transfert du cautionnement, cela est rarement suivi d’effet, ce qui peut créer de nombreuses difficultés, comme tel est le cas en l’espèce, lorsque la banque finalement poursuit les cautions initiales.

 

C’est dans ces circonstances que, par jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal de Commerce a autorisé la cession des parts et que par jugement du 15 janvier 2014, le même Tribunal de Commerce a arrêté le plan de continuation présenté par la société E prévoyant notamment le remboursement sur 10 ans des créances bancaires.

 

Que pour autant, malheureusement, les repreneurs n’ont pas su être à la hauteur des espérances du Tribunal de Commerce et des cédants, de telle sorte que par la suite ladite entreprise a fait l’objet d’une liquidation judiciaire,

 

La banque a alors repris ces poursuites contre la caution, savoir Monsieur D, afin de réclamer le paiement de la somme de 134 429,15 euros outre intérêts.

 

C’est dans ces circonstances que les consorts D ont tenté d’échapper à leur responsabilité en premier lieu en opposant à la banque un manquement aux obligations de proportionnalité du prêt et des engagements de caution, et également un manquement aux obligations de conseil de mise en garde,

 

Ils ont enfin opposé à la banque le fait que la cession de parts prévoyait des substituions de cautions de telle sorte qu’il appartenait aux consorts M de les garantir des sommes pour lesquelles ces derniers pourraient être condamnés.

 

Concernant la question de disproportion, la Cour vient sanctionner le cumul des engagements de caution,

 

En effet, elle souligne que le simple fait que le dirigeant déclare au titre de ses engagements un cautionnement antérieur il appartenait à la banque de vérifier si ce nouvel engagement de caution était supportable, en sus du premier,

 

A défaut, le nouvel engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus et ses engagements antérieurs.

 

En effet, la Cour d’Appel tirant toute conséquence de cette disproportion, souligne qu’il appartenait à la banque de démontrer que le patrimoine de Monsieur D lui permettait de faire face à ses nouvelles obligations au moment où elle l’a appelé.

 

Mais plus encore, la Cour considère que la disproportion pouvait, (et devait ?), s’apprécier au jour du jugement qui a arrêté le plan de redressement date à laquelle l’obligation de Monsieur D, dirigeant caution, est devenue exigible.

 

Enfin, et surtout, la Cour d’appel apporte une réponse à l’appel en garantie de l’ancien dirigeant dirigé contre les repreneurs de la société, les consorts M.

 

Monsieur D considérait que l’appel en garantie du nouveau porteur de parts, qui s’était engagé dans l’acte de cession de parts à reprendre les engagements de caution, était parfaitement fondé au motif pris qu’aucune action contre la caution n’avait été exercée préalablement à la cession des parts,

 

De telle sorte que l’engagement devait forcément être repris par les consorts M,

 

Pour autant, la réalité factuelle révélait que l’assignation par laquelle la banque avait pris soin de se garantir nonobstant l’arrêt des poursuites individuelles était antérieure à la cession de parts,

De telle sorte que le repreneur, Monsieur M, ne serait pas tenu par une poursuite antérieure à la cession des parts et à la reprise des engagements de caution subséquentes,

 

Monsieur D tente de s’en défendre en expliquant notamment qu’il ne fût pas informé de l’action de la banque, l’assignation du 15 octobre 2013, ne lui ayant pas été délivrée à personne, que cette assignation ne faisait pas mention d’une demande effective de l’engagement de caution qu’il a souscrite.

 

Que surtout, dans la mesure ou l’action initiale n’était que « conservatoire », l’idée de Monsieur D était de considérer que ses véritables demandes en paiement ne s’étaient exprimées que par la suite, soit, au mois d’avril 2014,

 

De telle sorte que les véritables demandes en condamnation découlant cette action était réellement survenu postérieurement à l’acte de cession des parts qui est intervenu le 28 août 2013,

 

De telle sorte que l’engagement de Monsieur M de garantir les cédants contre toute action de la part de créancier pour des faits postérieurs à la cession de parts était parfaitement valide et non équivoque.

 

Or, dans l’acte de cession qui avait été conclu entre les vendeurs de parts et les repreneurs en date du 28 août 2013 notamment sur l’article intitulé «  substitution de caution, engagement des cessionnaires »,

 

Lequel précisait qu’après avoir inventorié les créances pour lesquelles les époux D s’étaient portés caution solidaire, Monsieur M prend l’engagement de se porter caution personnelle et solidaire de la société au lieu et place des consorts D et sous les mêmes conditions à l’effet de garantir lesdits paiements et obligations et de proposer toute autre garantie acceptée par les créanciers suffisait, le tout de façon que les consorts D soient relevés de leurs engagements de caution qu’ils ont souscrit et dégagés de toute obligation à cet égard.

 

La même clause prévoyant que Monsieur M s’obligeait à garantir les cédants contre toute action de la part de chacun des créanciers susvisés pour des faits postérieurs à la cession des parts et à leur rembourser immédiatement toute somme qu’ils pouvaient être tenus de payer à ce titre.

 

La clause était-elle si claire que ca ?

 

La Cour d’appel, quant à elle, interprète cette clause en ce sens que la substitution ne jouerait qu’en cas de poursuites par des créanciers qu’elle désigne contre monsieur D en sa qualité de dirigeant caution pour des faits exclusivement postérieurs à l’acte de cession de parts.

 

Cette décision peut sembler d’autant plus curieuse que dans le corps de sa décision, la Cour, considère, au visa de l’article L622-28 alinéas 2 et 3 du Code du Commerce, que dans la mesure où le créancier bénéficie d’un cautionnement consenti par une personne physique en garantie de la dette d’un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution.

 

La question se pose alors de savoir si l’assignation du 15 octobre 2013, délivrée à la requête de la banque, peut s’analyser en véritable mesure de poursuites contre Monsieur D en sa qualité de caution aux fins d’obtenir on d’un titre exécutoire même si l’instance introduite par cette assignation a été suspendue jusqu’au jugement du plan de redressement par l’effet de l’article L122-28 du Code du Commerce.

 

A bien y croire la Cour, cela semble être le cas,

 

Elle considère, ce qui peut sembler bien contestable, que la clause de substitution ne peut être invoquée à l’encontre de Monsieur M dans la mesure où l’acte de poursuite de Monsieur D, en qualité de dirigeant caution, était antérieur à la cession des parts sociales,

 

Dès lors, il y a lieu de rejeter l’appel en garantie fait par Monsieur D à l’encontre de Monsieur M.

 

Cette décision est intéressante à bien des égards.

 

En premier lieu elle rappelle que la banque ne peut cumuler les engagements de cautionnement sans exposer au dirigeant à une problématique de disproportionnalité des engagements.

 

En deuxième lieu, et surtout, elle rappelle, que dans l’hypothèse d’une cession des parts qui prévoit une substitution d’un engagement de caution par le repreneur il importe de n’oublier aucun engagement de caution et de bien s’assurer de l’efficience de la reprises desdits engagements,

 

Bien plus, il est à mon sens important d’établir cette cession des parts au contradictoire des banques partenaires afin que celles-ci soient parfaitement informés de ce transfert d’engagements de caution,

 

Idéalement, il serait bon que les cédants de parts obtiennent un accord express de la banque quant à la reprise des engagements de caution par le repreneur,

 

Sans quoi, immanquablement, l’ancien dirigeant se retrouve encore et toujours exposé à des poursuites par la banque en cas de déconfiture de l’entreprise,

 

Il est alors tout aussi contraint d’appeler en garantie le repreneur qui ne manquerait pas de faire preuve d’imagination juridique afin d’échapper à ces fameux engagements de cautionnement.

 

Sans quoi, il peut sembler bien injuste à bien des égards que ce cédant se retrouve à supporter un engagement de cautionnement après qu’il ait vendu sa société alors que justement les poursuites de la caution découlent bien souvent des erreurs ou de la mauvaise gestion, et donc de la confiture de l’entreprise qui serait du fait du nouveau repreneur.

 

Pour autant, la question de la transmission de l’engagement de caution dans le cadre d’une cession de parts ne doit surtout pas être prise à la légère,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

 

Gérant-caution et obligation de mise en garde de la banque

Le gérant-caution peut il opposer à la banque la disproportion ou bien le manquement à l’obligation de mise en garde, lorsque celui-ci est primo-dirigeant et lorsque le financement est immédiatement inapproprié ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en cette fin d’année 2017 qui vient aborder la question spécifique du droit que peut avoir un gérant-caution d’engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Dans cette affaire, en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la banque avait, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société X, dont la gérante était Mme Z…, un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z.

L’entreprise faisant faillite, l’établissement bancaire croit bon se retourner contre le gérant-caution,

Ainsi assigné en paiement, le gérant-caution a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Cette jurisprudence pose la question de la mise en garde de la caution lorsque celle-ci est gérante,

Il est vrai que la jurisprudence est toujours sévère à l’encontre du gérant-caution, ce dernier ne pouvant opposer un manquement aux obligations de conseil ou de mise en garde,

Or, dans cette affaire, il importe de préciser que le gérant-caution est primo-dirigeant,

Dans pareil cas, le primo-dirigeant, gérant-caution, a vocation à opposer à la banque ses manquements en terme d’obligation de conseil et de mise en garde,

Or, il ressort des circonstances de l’espèce que dès son démarrage, le financement proposé était voué à l’échec, ce que ne pouvait appréhender Madame Z dans la mesure ou elle n’était que primo dirigeante, et ce ne pouvait ignorer la banque, à même de comprendre que le financement proposé, aux vu de éléments comptables et financier, était parfaitement inadapté,

Dès lors, la banque est tenue à une véritable obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre de la caution, fut-ce t’il gérant-caution, dans la mesure ou ce dernier est primo-dirigeant,

Cette jurisprudence est salutaire car elle vient caractériser la responsabilité de la banque au titre du manquement au titre de son devoir de mise en garde.

Dans un premier temps, Madame Z en qualité de gérant-caution avait envisagé d’invoquer la disproportion de l’engagement de caution à l’encontre de la banque.

En effet, il convient de rappeler qu’en application de application de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation,  » un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation  »

Madame Z, même en qualité de gérant-caution, invoquait le caractère disproportionné de son engagement car lors de la signature de l’acte de cautionnement du 15 décembre 2010 elle n’avait comme justificatif de revenus que des avis de versement de l’allocation de retour à l’emploi d’un montant de 22, 20 € par jour.

La banque rappelait, quant à elle, que la fiche patrimoniale renseignée par Madame Z…faisait état que celle-ci était propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur estimée de 180 000,00 € nonobstant l’encours bancaire propre à ce bien immobilier et que l’actif patrimonial permettait de garantir l’engagement de caution, de telle sorte que la disproportion ne pouvait être retenue,

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

La Haute juridiction retient que pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de gérant-caution, il convient de tenir compte non seulement des revenus du gérant-caution mais également des biens mobiliers ou immobiliers qu’elle possède au moment de la signature.

Dès lors, la Cour considère que s’il est exact que les revenus de Madame Z étaient réduits lors de l’acquisition du fonds de commerce et de la souscription du prêt, il n’en demeure pas moins que l’existence d’un bien propre valorisé à 180. 000 € était de nature à lui permettre de faire face à ses engagements en cas de défaillance de l’emprunteur,

De telle sorte que la Haute juridiction conclut que l’engagement de gérant-caution n’était pas manifestement disproportionné,

Pour autant, tout n’est pas perdu pour le gérant-caution,

En effet, c’est sur la question du devoir de mise en garde que la Cour de Cassation a été bien plus favorable pour le gérant-caution.

La Haute Cour rappelle que le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit s’impose lorsque l’emprunteur, ou la caution, est non avertie ou profane, en cas de risque lié à un endettement excessif né de la souscription de l’engagement,

Dès lors, le défaut de mise en garde du banquier peut être sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ce qui implique la démonstration d’une faute qui a entraîné un dommage.

La Cour de Cassation procède sur la base d’un double raisonnement.

Tout d’abord elle considère que la personne, même en qualité de gérant-caution, est non avertie et que le crédit en question était non adapté et risquait de générer un endettement excessif.

Dès lors, la Haute juridiction estime que la seule qualité de gérant-caution ne suffît pas à attribuer au gérant la qualité de caution avertie.

Il faut en outre que ce gérant-caution dispose des compétences nécessaires pour apprécier la faisabilité de l’opération et les risques encourus.

Or, Madame Z était enseignante en musique et en chômage de longue durée lorsqu’elle s’est lancée dans ce projet d’acquisition d’un fonds de commerce, ce que la banque ne conteste pas.

Par ailleurs, rien n’indique que le gérant-caution aurait eu une quelconque expérience dans la gestion d’une entreprise et encore moins dans la gestion d’un commerce de thé dansant-restaurant.

Bien plus, la banque ne justifie pas non plus s’être assurée de la faisabilité du projet en demandant notamment à la gérante une étude de marché, un prévisionnel ou les bilans antérieurs du commerce concerné,

L’ensemble de ces éléments, pour la Cour de Cassation, caractérise une légèreté peu compatible avec le devoir de mise en garde de la banque,

En s’abstenant d’opérer à des vérifications élémentaires, en particulier sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités que peut avoir la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, la banque s’est privée de la possibilité de mettre en garde le gérant-caution des risques encourus ;

Ainsi, la banque a manqué à son devoir de mise en garde puisque le gérant-caution n’a pas été en mesure de prendre la mesure du risque de perdre son patrimoine immobilier qui constitue aussi le logement familial, ce bien n’étant pas immédiatement réalisable.

La Cour de Cassation souligne que les difficultés de l’entreprise qui sont survenues très rapidement après l’acquisition du fonds de commerce démontrent clairement que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement.

Dès lors, et à juste titre, la Cour de Cassation vient sanctionner l’établissement bancaire car immanquablement Madame Z, même en qualité de gérant-caution, n’était pas une caution avertie,

La Haute juridiction rappelle que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsqu’au jour de l’engagement celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti.

La Cour de Cassation a souligné le risque de l’endettement né de l’octroi du prêt, ce qui résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur,

Ceci d’autant plus que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, de telle sorte que le gérant-caution, ne pouvait qu’être exposé.

Dès lors, le gérant-caution n’est pas démuni sur le terrain juridique et judiciaire lorsque l’établissement bancaire vient le chercher en paiement,

Loin s’en faut,

Et heureusement d’ailleurs,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr