Créance prescrite, entre surendettement et saisie immobilière

Laurent LATAPIE avocat famille 2021
Laurent LATAPIE avocat famille 2021

9 ans après la déchéance du terme, un établissement bancaire peut-il engager une procédure de saisie immobilière ? Le créancier ne serait-il pas prescrit ? Quelles sont les incidences des deux procédures de surendettement initiées par le débiteur dans ce laps de temps ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en juin dernier qui vient aborder la problématique de l’enchevêtrement d’une procédure de saisie immobilière avec une procédure de surendettement afin de savoir s’il est possible d’évoquer la prescription de la créance nonobstant les actes liés à la procédure de surendettement et au plan qui a été octroyé en son temps.

Quels sont les faits ?

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entreprise par la banque à l’encontre des époux L concernant un bien situé dans le Var, le Juge de l’Exécution de l’Immobilier avait, le 22 novembre 2019 :

  • validé la procédure,
  • constaté une créance de 227 315,97 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2017
  • ordonné la vente forcée des biens.

Le titre exécutoire invoqué était un acte authentique de prêt établi le 18 novembre 2005, pour un montant emprunté de 205 644 euros.

Les consorts L entendaient soutenir la prescription de la procédure de saisie immobilière alors même qu’ils avaient fait l’objet de deux procédures de surendettement.

Prescription de la créance

La question était de savoir si l’enchevêtrement des actes permettait d’envisager une prescription.

En effet la déchéance du terme était intervenue le 19 février 2009 sur la base d’un acte notarié du 18 novembre 2005 et l’on ne pouvait que légitimement s’interroger sur la prescription de la procédure de saisie immobilière initiée sur la base d’un commandement de payer, signifié le 16 février 2018 soit 9 ans plus tard.

Les consorts L considéraient que la banque était prescrite en ses demandes sur le fondement de l’article L 137-2, du Code de la Consommation qui précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La créance de la banque au titre de l’acte notarié du 18 novembre 2005 avait été fixée au passif des époux L à hauteur de 193 196,46 euros au principal avec intérêts au taux contractuel à compter du 19 février 2009 et de 13 523,75 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la même date, par jugement contradictoire du 5 octobre 2010 rendu après citation délivrée le 2 avril 2010.

Qu’en est-il de la procédure de surendettement ?

Il résultait des documents versés aux débats que les époux L avaient déposé un dossier de surendettement le 24 juillet 2009 lequel a été déclaré recevable le 26 août 2009 et avait abouti à des recommandations, comprenant un rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois afin de permettre aux époux L de vendre leur bien immobilier, aujourd’hui saisi, estimé à 360 000 euros établies par la commission le 10 décembre 2011 et auxquelles le Juge d’instance avait conféré force exécutoire par ordonnance du 9 mai 2012.

Surendettement sur surendettement ne vaut ?

Par la suite, les époux L avaient de nouveau déposé un dossier de surendettement le 9 mai 2014, alors qu’ils venaient juste d’être destinataires d’une mise en demeure de la banque en date du 28 avril 2014.

Or, la commission de surendettement avait déclaré irrecevable ce nouveau dépôt de dossier de surendettement, irrecevabilité confirmée, malgré leur recours exercé le 30 juin 2014, par jugement du Juge d’instance en date du 17 décembre 2015, date à laquelle la prescription biennale avait recommencé à courir.

Par la suite, le créancier justifiait de la délivrance aux époux débiteurs d’un commandement aux fins de saisie-vente en date du 11 août 2016, et ce, bien avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré le 16 février 2018.

C’est dans ces circonstances que le Juge de l’Exécution avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de considérer que la prescription est acquise et les époux avaient été déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

A hauteur de Cour d’Appel, les consorts L avaient souhaité apporter des précisions complémentaires

 

Sur appel de cette décision, la Cour dans un arrêt en date du 22 octobre 2020 avait d’ailleurs ordonné une réouverture des débats et invité les parties à :

 

  • -s’expliquer sur le contexte dans lequel a été rendu un jugement le 5 octobre 2010 par le Tribunal d’Instance et à communiquer l’acte d’assignation, afin de vérifier s’il constitue un titre exécutoire en justifiant également de sa signification

 

  • -présenter leurs observations sur l’éventuelle modification du délai de prescription qui serait alors s’agissant d’un jugement de condamnation et donc d’un titre exécutoire, non plus biennale mais décennale

 

  • -à toutes fins dans le cadre de surendettement justifier d’un accusé de réception pour la lettre de caducité en date du 28 avril 2014

 

Il importe de préciser à ce stade que Monsieur L avait rencontré de graves problématiques de santé et pris du retard dans la défense de ses intérêts.

 

Problème de santé et validité de la procédure d’appel

 

L’ordonnance de clôture avait été rendue le 9 mars 2021 et ce n’est que postérieurement que les appelants avaient déposé de nouvelles conclusions, le 23 mars 2021.

 

Par requête, les époux L avaient sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, indiquant n’avoir pu se mettre en état en vue de l’audience, l’époux n’étant pas en capacité de s’occuper de ses affaires courantes, selon certificat de son médecin traitant en date du 16 février 2021.

 

Pour autant la Cour d’Appel a considéré que les termes du certificat médical étant imprécis sur la durée de l’incapacité, étant souligné que cette pièce est datée du 16 février 2021, soit plus d’un mois avant la date d’audience, que madame L, devrait être en mesure avec son conseil, même en cas de difficultés de santé de son époux, d’assurer le suivi de la procédure alors qu’il n’est pas évoqué une altération durable des capacités mentales de Monsieur L et de démarches entreprises en vue d’une mesure de protection.

 

Cette approche est particulièrement spécieuse et la Cour d’Appel aurait pu permettre à Monsieur L de faire valoir ses droits.

 

Caducité du plan de surendettement

 

La Cour d’appel souligne que certains éléments étaient insuffisamment exposés devant elle, en particulier, l’existence d’un jugement du 5 octobre 2010 prononcé par le Tribunal d’Instance non produit et explicité, et la nécessité de vérifier la caducité d’un plan de surendettement dont bénéficiaient les débiteurs, qui aurait alors interdit l’exercice des poursuites.

 

Cependant, à bien y regarder, le Tribunal d’Instance, par jugement en date du 5 octobre 2010 signifié le 29 octobre 2010, avait été saisi le 2 avril 2010, par la banque en paiement d’une ouverture de crédit du 13 avril 2007 et d’un prêt personnel en date du 6 ou 13 mars 2006 non remboursés. Monsieur L s’était présenté seul à l’audience pour lui-même et son épouse qu’il représentait.

 

En raison d’une procédure de surendettement, l’établissement financier avait alors sollicité uniquement la fixation de ses créances.

 

Ce qui semble logique.

 

Le Tribunal avait également statué sur un prêt immobilier, contracté le 18 novembre 2005, d’un montant initial de 205 644 euros remboursable sur 216 mois, au taux de 3.85 % l’an.

 

Ce prêt correspondant manifestement au prêt notarié basant actuellement la saisie immobilière poursuivie à l’encontre de Monsieur et Madame L

 

Au titre du prêt immobilier, le Tribunal avait fixé au passif du surendettement, le montant de 193 196.46 euros avec intérêt contractuel de 3.85 % l’an à compter du 19 février 2009 jusqu’à parfait paiement et 13 523.75 euros au titre de la clause pénale due, portant intérêt au taux légal à compter du 19 février 2009 également.

 

Les éléments du surendettement, ressortent désormais d’une ordonnance du même Tribunal, en date du 9 mai 2012, qui homologue la recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Var, laquelle préconise un rééchelonnement sur 2 ans, afin de permettre la vente de l’immeuble estimé à 360 000 euros sans prévoir de remboursement dans l’attente afin que le prix permette de désintéresser les créanciers, le passif étant estimé à 268 905,00 euros.

 

La banque a tenté de substituer le titre exécutoire en cours de procédure et la Cour d’Appel souligne que la banque, jusqu’à la réouverture des débats devant la Cour d’Appel  ne s’est pas prévalu du jugement rendu le 5 octobre 2010 et qu’elle a fait le choix, dans le commandement de payer valant saisie immobilière de ne viser que le prêt notarié du 18 novembre 2005 sans doute parce qu’il ne porte pas expressément condamnation au paiement et également pour les conditions dans lesquelles il a été prononcé par le Tribunal d’Instance.

 

La Cour d’Appel rappelle que la procédure de saisie immobilière ne lui permet pas de substituer un titre à un autre en cours d’instance.

 

Ce qui est heureux.

 

Cependant, dans le cas des consorts L, force est de constater que l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes procédures de surendettement n’ont pas permis d’acquérir la prescription de la créance bancaire, au titre du prêt immobilier.

 

Au contraire, ces procédures de surendettement ont été autant de prétextes à l’interruption de la prescription, permettant, in fine, à la banque, même plus de 9 ans après la déchéance du terme, d’envisager, et d’obtenir, la saisie immobilière de son débiteur.

 

L’enchevêtrement entre procédure de surendettement et procédure de saisie immobilière permettent dans certain cas de soulever la prescription de la créance bancaire.

 

Mais pas dans n’importe quelle condition.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Droit du surendettement et arrêt du plan d’apurement par la Cour d’Appel

Laurent Latapie avocat surendettement juge
Laurent Latapie avocat surendettement juge

Quel est le pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’une contestation par le débiteur ou par les créanciers contre les mesures, désormais imposées par la Commission de surendettement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser au fonctionnement de la procédure de surendettement et au recours possible qu’a le débiteur, tout comme le créancier d’ailleurs, pour remettre en question et contester le plan d’apurement désormais imposé par la Commission de surendettement.

 

La question est de savoir quelles sont les options et possibilités offertes à la personne surendettée tant devant la Commission de surendettement que devant les Juges du fond, et ce, jusqu’à hauteur de Cour.

 

Il convient de rappeler que si le débiteur ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise et lorsque ce dernier se place sous la protection des droits de surendettement, la Commission de surendettement a vocation à lui proposer, et désormais imposer, un plan de surendettement pour faire face à ses créanciers.

 

Il convient de rappeler que jusqu’à peu, la commission de surendettement pouvait proposer des mesures qui pouvaient être discutées et même négociées entre débiteur et créanciers, au besoin devant le juge.

 

Désormais, au visa des articles L733-1 et suivant du Code de la consommation, la commission de de surendettement peut désormais imposer les mesures prévues et par la même, le plan d’apurement du passif des débiteurs.

 

Pour autant, que l’on soit en présence de mesures autrefois recommandées et désormais imposés, le recours juridictionnel a toujours été ouvert au débiteur, tout comme aux créanciers pour contester lesdites mesures, et d’être, par la même occasion, force de proposition en proposant un autre projet de plan de surendettement, plus adapté aux besoins et aux capacités de la personne surendettée.

 

Le texte prévoit clairement que le Juge saisi d’une telle contestation est alors tenu de déterminer et de reprendre dans son jugement l’ensemble des mesures qu’il doit redéfinir, en suite des mesures imposées par la commission de surendettement.

 

La même obligation pèse au juge à hauteur de Cour d’appel, dans l’hypothèse où la décision de première instance est frappée d’appel.

 

La Cour d’appel étant pareillement tenue par cette même obligation.

 

Celle-ci devant répondre à deux questions.

 

Premièrement la Cour d’appel doit s’exprimer à sur l’éligibilité du débiteur à la procédure de surendettement avec tous les débats qu’il peut y avoir concernant la notion de bonne foi.

 

Deuxièmement, la Cour doit également traiter la situation de surendettement et arrêter le plan d’apurement du passif du débiteur sans renvoyer nécessairement la cause devant la Commission de surendettement afin de définir, ou de redéfinir de nouvelles mesures imposées.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur K a formé un recours contre la mesure imposée de la commission de surendettement des particuliers.


Ce dernier contestait l’adoption de mesures de désendettement.

 

Il a ensuite interjeté appel du jugement ayant statué sur ce recours.

 

Cependant, il décide finalement de se pourvoir en cassation car il reproche notamment à la Cour d’appel d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable le recours de Monsieur K et d’avoir déclaré Monsieur K était éligible à la procédure de surendettement sans pour autant revenir sur les modalités de purge du passif, notamment au travers une décision espérée de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

 

La Cour d’appel, pour rejeter l’idée même d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, considérait que l’épargne de retraite pouvait parfaitement être débloquée et que le produit de la vente de l’ensemble immobilier devait à ce moment-là désintéresser prioritairement les créanciers bénéficiant de privilèges ou de sûretés sur ses biens, puis, par la suite les autres créanciers.

 

Pour autant, à hauteur de cassation, Monsieur K faisait grief à la Cour d’appel d’avoir renvoyé le dossier à la commission de surendettement des particuliers pour traiter sa situation de surendettement au regard justement des éléments d’actifs évoqués dans sa décision.  

 

Ce dernier considérait que le Juge saisi de la contestation, au visa de l’article L133-10 du Code de la consommation se doit de prendre toute ou partie des mesures définies aux articles L733-1 et suivants du Code de la consommation.

 

Par voie de conséquence, la Cour d’appel ne pouvait raisonnablement renvoyer le dossier à la commission de surendettement des particuliers pour traiter la situation de surendettement de Monsieur K.

 

Monsieur K rappelait qu’aux termes de l’article L333-2 du Code de la consommation, le Juge peut vérifier, même d’office, non seulement la validité des créances déclarées dans le cadre de la procédure de surendettement, mais également, de vérifier si le débiteur se trouvait bien dans la situation définie à l’article L331-2 dudit code, lui permettant de bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement.

 

De telle sorte que la Cour ne pouvait ignorer que si l’état du passif avait été définitivement acquis par la commission à la somme de 1 361 885,17 €, celle-ci avait le pouvoir de réactualiser la créance pour les besoins de la procédure de surendettement.

 

Bien plus, il lui appartenait de déterminer si, oui ou non, Monsieur K était véritablement éligible à une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire alors même que ce dernier avait déjà perdu son bien immobilier personnel.

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle rappelle en tant que de besoin que le Juge saisi du recours, dans le cadre d’une mesure imposée par la commission de surendettement, peut, et finalement doit procéder aux vérifications d’office.

 

Le juge se doit, dans le cadre de sa décision, d’arrêter le plan d’apurement du passif du débiteur sans la renvoyer devant la commission de surendettement.

 

Bien plus encore, il doit surtout procéder aux vérifications d’usage et être réceptif aux contestations du débiteur notamment en ce que celui-ci remet en question les passifs déclarés.

 

Il apparait bien évidemment important, pour le débiteur en surendettement d’être là encore utilement conseillé et assisté car les choix imaginés et conçus dans la préparation et le suivi de la procédure de surendettement peuvent être plus que déterminants.

 

A l’avocat d’amener le juge à prendre la bonne décision…

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Nouvelle procédure de surendettement suite à la déchéance de la première

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Le débiteur de bonne foi peut-il représenter un nouveau dossier de surendettement alors qu’il a subi une décision de déchéance de sa première procédure de surendettement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation en ce mois de mars 2020 et qui vient aborder la problématique du cumul des procédures de surendettement qui viennent se cumuler les unes aux autres, surtout lorsque la première a fait l’objet d’une décision de déchéance de droit au surendettement.

 

La question se pose de savoir si le débiteur de bonne foi peut représenter un nouveau dossier de surendettement alors qu’il a obtenu une déchéance voir qu’il a subi une déchéance dans le cadre d’une première procédure de surendettement.

 

Il convient de rappeler que la procédure de surendettement, tout comme le droit à l’entreprise en difficulté pour les commerçants, est un droit protecteur du consommateur en difficulté et ce critère de bonne foi peut d’ailleurs être un barrage difficile à passer empêchant le débiteur malheureux de se retrouver sous la protection des dispositions protectrices du droit du surendettement.

 

Notamment lorsque le débiteur est acculé à travers de nombreux crédits qui sont générateurs de nombreux frais ou nombreux frais et intérêts lorsque par ailleurs ces derniers risquent de voir leur bien immobilier personnel saisi par un des créanciers.

 

Dans cette affaire, le Juge du Tribunal d’instance avait par jugement du 17 février 2017, ordonné la déchéance de Madame Y à la procédure de surendettement dont elle bénéficiait.

 

Cette dernière a alors déposé une nouvelle demande de traitement de sa situation financière qui a été par la même déclarée irrecevable par la commission de surendettement.

 

C’est dans ces circonstances que Madame Y a engagé une procédure aux fins d’obtenir le bénéfice d’une nouvelle procédure de surendettement.

Elle faisait notamment grief à la commission de surendettement d’avoir rejeté sa demande, tout comme au jugement qui s’en était suivi, d’avoir rejeté son recours qu’elle avait formée contre la décision de la commission de surendettement des particuliers et de confirmer cette décision d’irrecevabilité.

 

Madame Y considérait que la déchéance du droit au bénéfice d’une procédure de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande si le requérant démontre l’existence d’éléments de nouveau de nature à conduire à une analyse différente de la situation.

 

Dès lors, Madame Y reprochait au Juge de première instance d’avoir déclaré sans incidence d’éventuelles survenances d’évènements nouveaux postérieurs au jugement du 07 février 2017.

 

Ce qui aurait pourtant permis, sur la seule base de la survenance de ces éléments nouveaux, dits évènements postérieurs à la première décision de la commission de surendettement qui aurait dû l’amener à s’exprimer à nouveau et de faire droit à cette nouvelle procédure de surendettement réclamé par Madame Y.

 

Effectivement, dans cette affaire il convient de rappeler que Madame Y avait fait l’objet d’un premier jugement en date du 24 mai 2016 qui avait droit à la recevabilité de sa demande au bénéfice de la procédure de surendettement.


Dite décision qui avait été confirmé alors qu’elle subissait déjà les contestations de son bailleur qui s’était opposé à tout report, échelonnement ou effacement à venir et concernant cette créance du bailleur, notamment le bailleur souvent par ailleurs, la mauvaise foi du débiteur.

 

Cette contestation quasi automatique de la notion de bonne foi par les créanciers est malheureusement bien trop fréquente, et bien souvent infondée.

 

En effet, classiquement, les créanciers considérent que, dès lors que le débiteur ne remplit pas ses obligations financières il est nécessairement de mauvaise foi.

 

Ceci est à mon sens une ineptie car malheureusement la vie est ainsi faite que celle-ci n’est pas un long fleuve tranquille et réserve bon nombre de surprises bonnes et bien souvent mauvaises amenant tout emprunteur à faire face à des situations difficiles, voire inextricables.

 

Or, le Juge de première instance reprochait à Madame Y d’abord reçu de son ex-époux une soulte,  dans le cadre de son divorce ce qui aurait très largement permis de solder un certain nombre de dettes, ce dont elle s’était bien gardée de faire état dans son dossier de surendettement.

 

C’est dans ces circonstances que la Présidente de première instance à re-convoquée Madame Y afin de l’entendre sur ses différentes prétentions.

 

Malheureusement, la lettre de convocation adressée en recommandé est retournée au greffe avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse », celle-ci n’étant dès lors ni présente ni représentée à l’audience, la juridiction avait alors prononcée la déchéance de Madame Y du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers au motif pris de sa mauvaise foi procédurale.

 

Madame Y a fait alors le choix de ne pas faire appel.

 

Ceci d’autant plus que dans bien des cas il n’est pas de droit.

 

Il était peut-être plus judicieux de représenter un nouveau dossier.

 

La commission de surendettement devant alors s’interroger sur un éventuel changement à venir dans cette situation.

 

Or, c’est dans ces circonstances que Madame Y a effectivement déposé son nouveau dossier de surendettement avec de nouveaux éléments, de telle sorte qu’il était bien question d’une situation nouvelle postérieure à la première procédure de surendettement.

 

La Cour de cassation considère au visa de l’article L761-1 premier du Code de la consommation que la déchéance du débiteur du bénéfice des dispositions de traitement de sa situation de surendettement ne fait pas nécessairement obstacle à une nouvelle demande, si, et seulement si, il existe de nouveaux éléments.

 

Ainsi, pour déclarer irrecevable la demande de Madame Y, le jugement retenait qu’une première décision avait été rendue le 07 février 2017, dont elle n’avait pas fait appel et qu’elle était désormais définitive.

 

De telle sorte, qu’elle était déchue de la procédure de surendettement des particuliers, ce qui lui interdisait de déposer à nouveau un dossier de surendettement sans qu’il ne soit nécessaire de s’interroger sur un éventuel changement dans sa situation.

 

Or, c’est justement sur ce point que la Cour de cassation casse, et annule la décision précédente puisqu’elle considère qu’il appartenait au Juge dans le cadre de la présentation d’un nouveau dossier de surendettement de rechercher si les faits allégués par Madame Y constituaient ou non des éléments nouveaux dans la situation de celle-ci pouvant rendre recevable se demande aux fins d’ouverture d’une nouvelle procédure de surendettement.

 

Cette jurisprudence est intéressante, elle est importante à mon sens.

 

Rappelons, au besoin, que le droit de surendettement est le droit du pauvre, les gens sont en difficulté par nature, et ils ont malheureusement pour fâcheuse habitude de croire être capable de se défendre tous seuls dans le cadre d’une commission qu’ils considèrent acquise à leur cause.

 

Or, malheureusement la pratique judiciaire montre bien que cela est loin d’être le cas, la commission de surendettement procède à des vérifications vigilantes et scrupuleuses de la notion de bonne foi qu’elle interprète pas forcément dans le sens que pourrait le penser le débiteur.

 

Ce qui amène un bon nombre de déconvenues de personnes qui ont bien souvent mal présenté leur dossier de surendettement et non pas cru bon de passer par les compétences d’un avocat pour se faire assister et aider.

 

Pour autant, les enjeux sont bien souvent importants, il n’est pas rare, d’ailleurs, de voir bon nombre de personnes se retrancher dans le cadre d’une procédure de surendettement alors même qu’ils ont leur bien immobilier exposé à une saisie immobilière.

 

Dès lors, il n’est pas rare que ces derniers en pratique fassent l’objet d’un échec, d’un refus ou bien d’une déchéance de leur droit.

 

De telle sorte que ces derniers sont alors amenés à envisager une nouvelle demande de procédure surendettement qui peut être parfaitement envisagée à la seule et expresse condition que celle-ci soit présentée en bonne et due forme et ce sur la base d’éléments nouveaux clairement présentés.

 

Le rôle du conseil à ce stade-là est extrêmement important.

 

A bon entendeur…..

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Fin du rétablissement personnel du débiteur surendetté et sort des actifs ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

En droit du surendettement, le juge peut-il prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif alors que le débiteur surendetté détient encore des actifs ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juillet 2020 concernant la problématique du droit du consommateur et du surendettement des particuliers

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n’a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif que s’il constate que le débiteur ne possède rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Dans cette affaire, le juge d’un tribunal d’instance de Versailles avait, par jugement du 10 décembre 2015, prononcé l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au profit de Madame J et avait également désigné un mandataire.

Après le dépôt, par ce dernier ,du bilan économique et social, le juge avait, par jugement du 29 mai 2017, arrêté la liste des créances et prononcé la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif ce qui a pour effet de générer une purge du passif.

L’enjeu est donc de taille.

L’un des créanciers, la banque, a interjeté appel de ce jugement.

La banque faisait grief à l’arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d’actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Madame J et de dire que la clôture pour insuffisance d’actif entraînait en conséquence l’effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d’une hypothèque conventionnelle.

La banque rappelait que le mandataire, avait pour mission de procéder aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers, de recevoir leurs déclarations de créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d’ouverture de dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, de vérifier les créances et d’évaluer les éléments d’actif et de passif.

Elle considérait qu’il appartenait au juge de constater et de vérifier que le débiteur ne possédait rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle.

Ou bien de vérifier que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

De telle sorte que le juge ne pouvait par conséquent se prononcer valablement au regard de considérations liées à l’insuffisance de l’actif réalisable pour désintéresser les créanciers.

A bien y comprendre, le juge ne pouvait donc se satisfaire du fait l’actif de cette dernière ne serait pas suffisant à désintéresser les créanciers de telle sorte la clôture de la procédure de rétablissement personnel par des considérations tirées de l’insuffisance de l’actif réalisable pour désintéresser les créanciers ne pourrait être prononcée.

La Cour de Cassation vient rappeler qu’au visa des articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1er, devenu L. 742-21 du Code de la Consommation, il résulte de ces textes que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n’a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif que s’il constate que le débiteur ne possède rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Ainsi la Cour de Cassation rappelle le bon sens économique.

La difficulté est que la banque avait déclaré sa créance, liée à un prêt bancaire immobilier.

En effet, Madame J avait acquis, en l’état futur d’achèvement, un appartement situé dans le Gers ,financé en totalité par le prêt consenti par la banque.

La banque ne s’était pas opposée à la vente du bien.

Cependant c’était sans compter la pugnacité et la résistance d’un certain nombre d’investisseurs, dont Madame J à l’encontre de la banque et la société de courtage en crédits immobiliers qui avaient finalement fait le choix d’engager leur responsabilité au titre de manquement de conseil.

Choix heureux.

La banque et la société de courtage avaient été condamnées in solidum à payer à Madame J la somme principale de 80 000 euros.

Pour autant, la banque considère que le premier juge n’aurait pas dû constater l’insuffisance des actifs pour désintéresser les créanciers sans passer par la liquidation judiciaire de son patrimoine total.

La Cour de Cassation vient sanctionner le fait qu’il y avait un actif réalisable dans cette affaire et que celui-ci devait être vendu peu importe que le prix de la vente ne parvienne pas à désintéresser intégralement des créanciers.

Tant bien même encore il viendrait se compenser avec quelque créance de condamnation de la banque…

La jurisprudence est intéressante car elle rappelle les modalités de réalisation des actifs dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers, tout comme elle rappel l’office du juge dans le cadre de ses vérifications lorsque celui-ci souhaite clôturer une procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr