Déchéance du terme d’un prêt immobilier au profit d’une SCI familiale, quelle sortie de crise ? 

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Est-il possible de remettre en question la validité de la déchéance du terme devant le juge de l’exécution, tant bien même une décision de justice aurait déjà été rendue, et échapper ainsi à une saisie immobilière ? Une SCI familiale peut-elle se servir des décisions protectrices de la CJUE en la matière ? Entre droit du consommateur et droit de l’entreprise en difficulté, quelle sortie de crise ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 31 octobre 2024, N°RG 23/08666, qui vient aborder l’hypothèse d’une saisie immobilière à l’encontre d’une société civile immobilière qui a eu « l’outrecuidance » d’envisager remettre en question la validité de la déchéance du terme réalisée par la banque dans des conditions plus que critiquables.

 

En effet, il n’est malheureusement pas rare de voir, premièrement, des banques solliciter des montages immobiliers par le truchement de la création d’une SCI, alors qu’en soi ce n’est pas forcément d’une nécessité absolue.

 

Le financement d’un prêt bancaire par le biais d’une SCI

 

Et, deuxièmement, en cas de difficultés économiques et en cas d’impayés d’une ou plusieurs échéances, de voir la banque finalement se précipiter assez rapidement sur l’idée même d’une déchéance du terme sans vraiment donner une chance à la SCI en difficulté de faire face à ses obligations avec un léger retard mais en lui donnant une légère marge de manœuvre pour faire face à ses difficultés.

 

C’est le cas dans cette affaire,

 

Quels sont les faits ?

 

Un jeune couple avec des enfants en bas âge, souhaite acquérir un bien immobilier.

 

Sur les bons conseils de leur banquier ces derniers organisent le montage de leur achat immobilier à travers la création d’une SCI familiale.

 

Cependant, le couple rencontre des difficultés financières et plusieurs impayés se cumulent,

 

Ces derniers tentent de trouver une solution amiable, et tente d’amorcer des négociations avec leur banquier.

 

Toute leurs tentatives restent lettre morte,

 

Bien plus, la banque se précipite vers une déchéance du terme, rendant la créance intégralement exigible et enclenchant de même concert une saisie immobilière afin d’envisager, finalement assez rapidement, la vente du bien immobilier qui était pourtant l’objet de ce financement, et donc l’objet d’un certain nombre de projets par les associés de la SCI,

 

La banque leur réclamant le paiement d’une somme de 213 578.34 € en principal, intérêts de retard, indemnités pour frais irrépétibles.

 

La saisie immobilière de la résidence des associés de la SCI familiale,

 

Dans la mesure où le commandement de payer valant saisie immobilière demeurait sans effet, par la suite, la banque avait assigné la SCI devant le Juge de l’orientation du Tribunal judiciaire de Grasse,

 

C’est dans ces circonstances qu’un jugement d’orientation a été rendu le 01er juin 2023 dans lequel le Juge de l’exécution de Grasse constatait que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du Code de procédure civile d’exécution étaient remplies, fixait le montant de la créance du créancier suivant à la somme de 209 277.92 €, outre intérêts jusqu’à la distribution du prix de vente, et ordonnait la vente aux enchères publiques du bien immobilier dont s’agit.

 

Il importe à ce seul stade de préciser que le Juge d’orientation en première Instance avait rejeté les contestations de la SCI pour cause d’autorité de la chose jugée d’un jugement qui avait été rendu le 07 septembre 2015, signifié le 15 septembre suivant, lequel relevait d’une mise en demeure du 27 juillet 2021, de régulariser les échéances impayées suivi d’une lettre de déchéance du terme du 28 septembre 2021, qui comportait le détail des sommes dues au titre des échéances impayées, du capital restant dû, des intérêts de retard et des indemnités de déchéance.

 

Une décision de justice, servant de titre exécutoire à la saisie immobilière

 

Le premier Juge retenait que le décompte de la créance intégrée dans le commandement était conforme aux prescriptions de l’article R 321-3 du Code des procédures civiles d’exécution en mentionnant une somme due en principal de 209 277.92 € selon jugement du 07 septembre 2022, outre une indemnité pour frais irrépétibles, et outre des intérêts de retard au taux contractuel.

 

C’est dans ces circonstances que la SCI a formé appel du jugement précité et a tenté de remettre en question la validité de la déchéance du terme.

 

Une remise en question de la validité de la déchéance du terme

 

C’est dans ces circonstances que, par arrêt avant dire droit, la Cour d’appel avait été malgré tout assez réceptive à l’idée d’une problématique de validité de la déchéance du terme et avait rendu un arrêt avant dire droit le 08 février 2024 en soulevant d’office l’application du régime légal des clauses abusives et en posant la question du caractère abusif de la clause stipulée à l’article 14 des conditions de l’acte de prêt relatives à l’exigibilité anticipée.

 

La Cour prononçait la réouverture des débats et invitait les parties à formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d’office et ses éventuelles conséquences sur le caractère liquide exigible de la créance en enjoignant notamment la SCI de produire ses statuts et un KBIS de son immatriculation au RCS.

 

Dès lors, tout laissé à penser qu’il y avait matière à envisager une remise en question de la validité de la déchéance du terme.

 

La validité de la déchéance du terme face aux décisions de la CJUE

 

Ceci d’autant plus que, bon nombre de jurisprudences nationales et Européennes ont abordé cette question.

 

En effet, il résulte d’un arrêt rendu par la grande Chambre de la Cour de justice de l’Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6-1 et 7-1 de la directive 93/13 devaient être interprétés en ce sens, qu’ils s’opposaient à une législation nationale qui, en raison de les faits de l’autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au Juge d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire, ni au consommateur après l’expiration du délai pour former opposition d’invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente lorsque lesdites clauses ont déjà fait l’objet dans la procédure d’exécution hypothécaire d’un examen d’office par le Juge de leur caractère éventuellement abusif.

 

Mais que la décision juridictionnelle autorisant l’exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l’existence de cet examen, ni n’indique que l’appréciation portée par ce Juge à l’étude dudit examen ne pourra plus être mis en cause en l’absence d’opposition formée dans ledit délai. (CJUE 600/19 IBERCAJA BANCO)

 

La Cour d’appel souligne encore qu’un arrêt du même jour, C-693/19 SPV PROJECT 503 SARL, et, C-831/19 BANCO DI DESIO E DELLA BRIANZA, mentionnent que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens, qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que lorsque une injonction de payer prononcée par un Juge sur demande des créanciers n’a pas fait l’objet d’une opposition formée par le débiteur, le Juge de l’exécution ne peut, au motif de l’autorité de la chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l’éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.

 

Ainsi, aucun moyen de droit interne, autorité de la chose jugée, demandes nouvelles, ne peuvent être opposés au consommateur pour refuser d’examiner même pour la première fois en cause d’appel son droit à protection contre les clauses abusives en raison de la nécessaire effectivité du droit de l’union Européenne.

 

Le consommateur protégé par la jurisprudence de la CJUE face à la banque

 

L’article L 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat de prêt du 03 juillet 2014 dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels au consommateur sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

La SCI Familiale, professionnel ou consommateur ?

 

Le droit positif interne en France considère que constitue une activité professionnelle celle d’une personne morale qui, en vertus de son objet social, procure sous quelques formes que ce soit des revenus s’agissant d’immeuble en propriété ou en jouissance, le volume de l’activité et la circonstance, qu’elle soit limitée à la gestion de son patrimoine étant indifférente.

 

Une autre jurisprudence, le droit Français précise encore que la SCI qui souscrit un prêt afin d’acquérir un immeuble conformément à son objet social agit à des fins professionnelles et ne peut donc invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses du contrat.

 

Dès lors, la Cour d’appel d’Aix en Provence rappelle en tant que de besoin que dans cette affaire, le jugement réputé contradictoire du 07 septembre 2022 et qui sert de titre exécutoire à la procédure de saisie immobilière, ne porte pas mention d’un examen du caractère abusif ou non de la clause de la déchéance du terme appliquée par le créancier poursuivant.

 

Ainsi, l’autorité de la chose jugée du jugement en question, signifié le 15 septembre 2022, est un moyen de droit interne qui ne peut être opposé à l’emprunteur en l’état de la nécessaire effectivité du droit de l’Union Européenne.

 

L’autorité de la chose jugée, titre exécutoire opposable à une SCI

 

Cependant, il appartient au préalable à la SCI en question d’établir sa qualité de consommateur ou de non professionnel susceptible de bénéficier du régime de protection contre les clauses abusives.

 

Or, la Cour s’attèle à l’analyse des statuts et souligne que l’article 2 des statuts de la SCI stipule que :

 

« Cette société a pour objet la gestion pour son propre compte de tous immeubles, bâtis ou non bâtis, qu’elle aurait acquis par vente ou de toute autre manière ainsi que l’aménagement, la rénovation, la transformation de tous immeubles à usage d’habitation sans entremise ni intermédiaire pour le compte d’autrui ainsi que toutes les opérations juridiques, administratives, ou financières et de gestion à caractère mobilier ou immobilier concourant à la réalisation de l’objet sans lui faire perdre sa nature civile et la constitution de toutes les suretés réelles ou hypothécaires et notamment l’acquisition d’un appartement de type T3 sur la commune de Cannes, bien ciblé dans le cadre de la procédure de saisie immobilière. »

 

La Cour d’appel souligne encore que le prêt souscrit le 12 septembre 2022 par la SCI auprès de la banque est donc en rapport direct avec son objet social dès lors qu’il constitue une opération financière dont la finalité est de financer le paiement du prix de l’achat du bien immobilier nommément désigné dans les statuts.

 

Par conséquent, pour la Cour d’appel le doute n’est plus permis.

 

La SCI ne peut se prévaloir de la qualité de non-professionnel et invoquer le caractère abusif de la clause de la déchéance du terme appliquée par le créancier poursuivant.

 

Cette jurisprudence est très intéressante puisqu’on ne peut que reconnaitre l’attrait juridique qu’a la Cour d’appel quant à la pertinence des jurisprudences rendues par la Cour de justice de l’Union Européenne et qui vient justement impacter l’application du droit interne quant à la validité des clauses abusives au regard des dispositions conventionnelles.

 

Cela est extrêmement satisfaisant.

 

Cependant, de plus en plus de montages financiers proposés par les établissements bancaires s’accompagnent d’incitations très fortes de le faire par le truchement de SCI que les emprunteurs ont vocation à créer, bien souvent à la demande expresse de l’établissement bancaire qui n’a pas de scrupule de le demander clairement.

 

Plusieurs enseignements ont vocation à être tirés de cette jurisprudence même si celle-ci n’est malheureusement pas salutaire pour cette SCI.

 

La sanction d’une déchéance du terme trop rapidement prononcée

 

Le premier est qu’immanquablement l’apport jurisprudentiel des décisions de la Cour de justice de l’Union Européenne qui vient effectivement sanctionner la banque qui prononce une déchéance du terme sur la base de conditions générales du contrat trop rapide ou trop automatique, ont vocation à être sanctionnées par la jurisprudence au motif pris de ce que ces dernières seraient des clauses abusives.

 

Cela est rassurant et permet de rééquilibrer le rapport de force entre l’établissement bancaire et emprunteur en difficultés en ce que la banque ne peut, malgré ses promesses initiales d’accompagner son client en toutes circonstances et quelles que soient les difficultés, de se précipiter vers une déchéance du terme à la première difficulté rencontrée.

 

Cela est effectivement rassurant car la pratique bancaire est effectivement plus que critiquable à cet égard.

 

Ce qui fait que, désormais, la jurisprudence impose une mise en demeure circonstanciée avec un temps suffisant pour permettre à l’emprunteur en difficultés de se repositionner et de trouver des solutions en partenariat cette fois-ci avec sa banque.

 

Une mise en demeure préalable obligatoire à la déchéance du terme

 

Ce qui montre que l’emprunteur a vocation à vérifier les conditions dans lesquelles la déchéance du terme est prononcée et doit effectivement amorcer une vraie discussion et doit amener l’établissement bancaire à amorcer une vraie discussion afin de trouver des vraies solutions de sortie de crise sans se précipiter vers une déchéance du terme et une saisie immobilière parfaitement inacceptable.

 

La deuxième des leçons est que ces jurisprudences permettent aux consommateurs, quand bien même ces derniers auraient été condamnés même devant le Juge de l’exécution, de revenir sur cette problématique de vérifications de validité des clauses de déchéance du termes comme étant ou n’étant pas abusives,

 

Cela est immanquablement rassurant car il est vrai qu’en pratique il n’est pas rare de voir des débiteurs assignés qui poursuivent toujours des tentatives de négociations avec la banque et occultés la phase judiciaire, de telle sorte que ces derniers se retrouvent condamnés en paiement et se retrouvent par la suite exposés à une saisie immobilière dévastatrice,

 

lorsqu’ils ont parfaitement compris qu’ils allaient voir leur bien saisi et vendu aux enchères publiques dans des conditions catastrophiques, lorsqu’ils essaient de se défendre à ce stade, il

 

Cette solution jurisprudentielle permettant au consommateur d’avoir un deuxième moyen de discussion quant à la validité de la déchéance du terme devant le Juge de l’exécution tant bien même ce dernier aurait été condamné par les Juges du fond.

 

La remise en question d’une déchéance du terme même après un jugement rendu

 

Même si je pense qu’il ne faut pas jouer avec le feu et qu’il convient de se défendre en soulevant tous les moyens de fait et de droit à la première assignation venue, il n’en demeure pas moins que ces jurisprudences de la Cour de justice de l’Union Européenne offrent des opportunités de sortie de crise non négligeables.

 

Quelles solutions pour une SCI familiale qui n’est pas un consommateur ?

 

Le troisième des points importants de cette jurisprudence est de rappeler malheureusement que la SCI n’est pas un consommateur et la Cour d’appel dans cette jurisprudence a pris soin d’opposer ces jurisprudences de la Cour de justice de l’Union Européenne afin d’amener établissements bancaires et débiteurs saisis de s’expliquer sur la qualification juridique qu’ils donnent à la SCI en question afin de déterminer si celle-ci est un consommateur ou un professionnel.

Dans cette affaire, la SCI et son conseil ont soulevés et mis en avant tout le caractère familial de la SCI en question car les associés n’étaient qu’un simple couple.

 

Finalement la Cour n’avait pas été sensible à cette argumentation en se rattachant non pas à la réalité matérielle de cette SCI qui était une simple SCI familiale avec un jeune couple et des enfants qui souhaitait se porter acquéreur et qui avait « bêtement » suivi les conseils bien avisés de la banque qui leur avait conseillé de passer par le montage d’une société civile immobilière pour les financer (sic…).

 

Des statuts de SCI familiale la définissant comme consommateur ?

 

Le quatrième enseignement revient à l’Homme de Loi ou à l’expert-comptable qui va établir ses statuts car si l’établissement bancaire se fait fort de propositions sur le montage de ces SCI car celle-ci a bien appréhendé l’intérêt de ce montage juridique qui permet d’évincer le débiteur en difficultés de tout recours ou utilisation des dispositions protectrices du Code de la consommation, il n’en demeure pas moins que celui qui va par la suite créer ces statuts à la demande de son client qui souhaite se porter acquéreur d’un bien, c’est finalement tantôt l’Homme de Loi, avocat ou notaire, tantôt l’expert-comptable qui, à bien des égards, également procède à l’établissement de ses statuts.

 

Je pense qu’il est important de penser que, dans ces cas-là, il n’est pas forcément inopportun de sortir des carcans et des modèles que ces derniers ont pour habitude d’utiliser de manière quasiment systématique et automatique, rien n’empêche le rédacteur d’acte des statuts de reconnaitre au sein de ces statuts la qualité de consommateur de la SCI qui n’aurait que pour simple objet celui de créer un logement familial en dehors de toute vocation dite à caractère professionnel.

 

Il m’apparait important de souligner que la rédaction de pareils statuts est actuellement encore anecdotique même si mon cabinet, dans certains cas, le propose, elle n’a pour l’instant pas fait encore l’objet de contentieux proprement dit et ne permet pas encore de savoir quelle interprétation pourrait en faire des Juges du fond quant au caractère professionnel ou non professionnel desdits statuts en question et de ladite SCI.

 

Pour autant, reconnaitre au sein des statuts que l’objet de la société civile immobilière ne consiste qu’à créer un cocon familial dans le cadre d’une société civile immobilière qui n’a qu’un but familial bien parfois à caractère successoral car il est parfois opportun de passer par des transmissions de parts sociales à des fins successorales plus que par des donations entre vif sur des biens immobiliers acquis à titre personnel mais peut amener à une interprétation des statuts qui laisserait à penser que ces derniers n’ont aucun caractère professionnel.

 

Si dans l’objet social de la société civile immobilière il est clairement précisé que la SCI n’a aucun caractère professionnel, que celle-ci n’est qu’une SCI familiale composée de membres, qui ne sont eux-mêmes pas plus professionnel de l’immobilier ou de la construction, pourrait amener finalement à attraire le droit de la consommation au sein des sociétés civiles immobilières.

 

Un objet social de SCI à redéfinir au regard du droit de la consommation

 

Pour ma part, mon cabinet a, à plusieurs reprises, abordé cette approche dans le cadre de la rédaction de statuts de société civile immobilière et reste dans l’attente d’une évolution jurisprudentielle sur cette problématique très spécifique qui découle directement de la réforme de la consommation et qui, pour l’heure, n’a pas encore vu le jour car, hasard faisant, ces derniers clients n’ont pas encore rencontrés de difficulté économique.

 

Cela mérite en tout cas une vraie réflexion quant à la rédaction de ces statuts car la saine lecture de l’arrêt de la Cour d’appel laisse à penser que, si dans les statuts cette dernière ne se reconnaissait justement pas la qualité de professionnel mais se reconnaissait la qualité de consommateur, cela pourrait amener effectivement à une interprétation différente des jurisprudences de l’Union Européenne par les Juges du fond Français.

 

Le droit de l’entreprise en difficulté au secours de la SCI familiale ?

 

In fine, le cinquième des enseignements qui découle de cette jurisprudence consiste à rappeler qu’il ne faut pas oublier que, tant bien même la SCI serait bêtement professionnelle et non pas consommateur, celle-ci a malgré tout un certain nombre de moyens de s’en sortir.

 

En effet, n’oublions pas que, en sa simple qualité de société civile immobilière, celle-ci a la possibilité, non pas de jouir des avantages des dispositions du Code de la consommation, mais de jouir des dispositions du Code du commerce puisqu’il convient de rappeler que depuis la réforme du 26 juillet 2005, les sociétés civiles immobilières ont le droit de bénéficier, tout comme les sociétés commerciales, des dispositions avantageuses et protectrices du droit de l’entreprise en difficulté et peuvent alors à ce moment-là se placer sous une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et pouvoir bénéficier ainsi de l’arrêt des poursuites individuelles et de pouvoir présenter un plan qui peut être étalé sur dix ans.

 

Ce qui fait que ce serait à ce moment-là la Chambre des procédures collectives du Tribunal judiciaire territorialement compétent qui donnerait sa confiance sur un plan qu’il établirait jusqu’à dix ans et qui viendrait finalement pallier l’absence de confiance de la banque qui lui a refusé toute forme d’échéancier.

 

À bon entendeur…

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Organisme caution et déchéance du terme, qui paye?

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de prêt immobilier octroyé par une banque à un emprunteur, en présence d’un organisme caution, quels sont les moyens de contestation lorsque déchéance du terme faisant l’organisme caution poursuit l’emprunteur malheureux ? En cas de nullité de la déchéance du terme, comment remettre toutes les parties en état ? 

Il convient de s’intéresser à la relation tripartite entre débiteur, établissement bancaires et organisme de caution, et ce, au travers d’une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris

La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt en ce mois de septembre 2021 qui vient aborder sous la plume de votre serviteur cette problématique très particulière selon laquelle il appartient au débiteur de ne jamais oublier que s’il est défaillant auprès de l’établissement bancaire et qu’un organisme de caution intervient, il devra dans le cadre d’un procès en responsabilité se défendre contre les deux établissements.

Et si, comme cela est trop fréquent, l’organisme caution assigne l’emprunteur malheureux, il lui appartiendra, non seulement de se défendre contre l’organisme caution, mais en sus, d’attaquer l’établissement bancaire, et ce, dans le même procès, 

Quels sont les faits ? 

Dans cette affaire, selon offre de prêts émise le 22 octobre et acceptée le 3 novembre 2010, la banque avait consenti aux consorts E engagés solidairement

·      Un prêt immobilier PII d’un montant de 254 300 euros remboursable en 276 mensualités

·      Un prêt immobilier à taux zéro, d’un montant de 27 000 euros

L’organisme de caution avait donné son accord de cautionnement, par actes sous seing privé en date du 14 octobre 2010.

Les emprunteurs ayant laissé impayées plusieurs échéances de leurs prêts, l’organisme de caution a été appelée en sa qualité de caution, et a désintéressé la banque des sommes suivantes :

·      Quittance subrogative du 30 mai 2014 pour la somme de 11 537,46 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 254 300 euros

·      Quittance subrogative du 4 juin 2014 pour la somme de 3 047,50 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 27 000 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015, pour la somme de 250 560,21 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 254 300 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015 pour la somme de 10 335,09 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 27 000 euros.

L’organisme de caution a informé les débiteurs de ce qu’il était amené à payer les sommes dues en leurs lieu et place, puis leur en a demandé remboursement, vainement.

L’assignation en paiement de l’organisme caution

Par suite, selon acte d’huissier daté du 15 mars 2016, l’organisme de caution a fait assigner Monsieur et Madame E en paiement, devant le Tribunal de Grande Instance.

Le 24 novembre 2016, ces derniers ont appelé la banque en intervention forcée.

L’intervention forcée de la banque 

Un jugement a été rendu le 28 mars 2019 et la banque en interjeté appel.

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient discuter à hauteur de Cour d’Appel, des enchevêtrements procéduraux, de la régularité de la déchéance du terme et des conséquences que cela pouvait avoir dans l’exécution du contrat et des relations tripartites.

Sur la régularité de la déchéance du terme

Monsieur et Madame E faisaient grief à l’organisme de caution qui les avait assignés en paiement, d’avoir désintéressé le prêteur de fonds, la banque, alors que la déchéance du terme avait été irrégulièrement prononcée par cette dernière et que les consorts E entendaient contester la validité de ladite déchéance en se basant justement sur les stipulations contractuelles.

Le tribunal retenant le bienfondé de la contestation quant à la validité de la déchéance du terme, avait constaté que la banque n’avait pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 2 septembre 2015, et l’avait condamnée à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros qui correspondait à la somme à laquelle ceux-ci avaient été condamnés à payer à l’organisme de caution.

En conséquence le tribunal avait ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre le remboursement des échéances postérieures à la dernière échéance impayée.

Il est vrai qu’en demandant la condamnation de la banque à payer une somme égale à celle réclamée par l’organisme de caution, cela permettait de repartir sur la base de l’échéancier du prêt. 

En sauvant par la même le bien immobilier, objet du prêt. 

Il ressortait des éléments du dossier que les conditions contractuelles de déchéance du terme prévues dans l’offre de prêt litigieuse prévoyaient que “le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts etaccessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours”, notamment en cas de défaillance dans le remboursement des échéances du prêt.

En l’espèce, les emprunteurs avaient été défaillants dans l’exécution de leur obligation due au titre des prêts litigieux.

La banque faisait valoir qu’elle leur avait adressé, courant 2013, trois courriers de mise en demeure d’avoir à régulariser les impayés puis un courrier de déchéance du terme en date du 24 septembre 2015.

Pour autant la teneur de ces lettres de 2013, dont deux seulement sont qualifiées en leur entête de “mise en demeure” ne permettaient pas de retenir que ces courriers constituent la mise en demeure préalable contractuellement prévue. 

Une déchéance du terme non valide

La Cour d’Appel considère que la banque se contente de rappeler aux emprunteurs leurs manquements à leur obligation de paiement des échéances des prêts, de les inciter à régulariser leur situation, et d’indiquer qu’à défaut elle serait contrainte de procéder au recouvrement judiciaire de sa créance.

En revanche il n’est nullement fait référence à un possible prononcé de la déchéance du terme comme sanction de la défaillance des emprunteurs. 

D’ailleurs de telles poursuites, si elles avaient été exercées, pouvaient bien évidemment se limiter à une demande de règlement des échéances impayées sans que pour autant il ne soit, pour l’heure, question de déchéance du terme

Au vu des stipulations contractuelles, il était loisible à la banque de se prévaloir ou pas de la déchéance du terme, et rien ne lui imposait en ce cas de le faire dans un délai déterminé.

Monsieur et Madame E répondant dès le 28 avril 2014 aux sollicitations de l’organisme de caution l’ont informée de leurs difficultés financières tenant à un découvert bancaire important et ont proposé de régler le retard de manière échelonnée. 

Suite à une nouvelle relance en date du 30 mai 2014 aux fins de régularisation, sous peine d’inscription au FICP, Madame E précisait dans un courrier électronique daté du 19 juin 2014 quelle avait été la nature de leurs difficultés à savoir un important découvert générant retrait de l’autorisation de découvert, frais multiples, et retards dans l’acquittement d’une dette fiscale ensuite régularisée selon échéancier en cours jusqu’en août 2014 et indiquait que le remboursement des prêts immobiliers avaient été repris “autant que faire se peut” .

Elle ajoutait que pour s’acquitter de la somme due, elle était en mesure de verser 500 euros par mois. 

Cette proposition a été acceptée par l’organisme de caution prenant soin de souligner que les échéances courantes devaient être réglées à la banque à bonne date le plan de paiement remboursement devenant caduc, à défaut.

La lettre du 24 septembre 2015 dûment adressée à l’un et l’autre des co-emprunteurs, porte prononcé de la déchéance du terme et réclamation du reglement de l’intégralité des sommes restant dues de ce fait, au titre de l’un et l’autre prêt, et ne constitue pas une mise en demeure préalable conforme aux stipulations contractuelles qui serait de nature à faire considérer comme régulière la déchéance du terme prononcée dans une second temps, le 23 octobre 2015, laquelle se présente d’ailleurs comme annulant et remplaçant la précédente.

Ainsi et par suite et comme l’a retenu le premier juge, il n’est pas rapporté la preuve de l’envoi par la banque, d’une mise en demeure préalable au prononcé des deux déchéances du terme.

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit que banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015.

Absence de déchéance du terme, quelle conséquence ? 

Dès lors la question qui se posait était de savoir quelles étaient les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme pour les rapports entre Monsieur et Madame E et l’organisme de caution car c’est cette mécanique qui est au cœur du problème.

Les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme sont d’importance, pour chacune des parties dans cette relation tripartite,

Qu’il s’agisse de l’emprunteur, 

Qu’il s’agisse de l’établissement bancaire ou organisme préteur, 

Qu’il s’agisse de l’organisme caution, 

Cependant la vraie question demeure, 

Comment en tirer les conséquences entre toutes les parties et comment enchevêtrer tout cela ?

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E emprunteurs et l’organisme de caution :

L’organisme de caution qui sollicitait en première instance le remboursement par Monsieur et Madame E, de l’intégralité des sommes qu’elle avait elle-même versées à la banque aux lieu et place des emprunteurs, à hauteur de cour modifie sa demande et ne réclame plus que la condamnation de Monsieur et Madame E à lui payer les sommes versées à la banque au titre des échéances impayées.

Ce faisant, l’organisme de caution admet que lui est opposable l’irrégularité de la déchéance du terme.

L’organisme de caution, justifie également avoir été appelé en paiement en sa qualité de caution, par courrier émanant de la banque daté du 31 octobre 2013, et avoir adressé à Monsieur et Madame E, un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception daté du 7 décembre 2015 par lequel il a les a informés de ce qu’il était amené à rembourser en leurs lieu et place l’intégralité du solde de la créance du prêteur, et en a demandé remboursement sous huitaine, à défaut de quoi des poursuites judiciaires seraient engagées sans nouvel avis.

L’organisme de caution indique enfin et surtout : “Il ressort des décomptes de créance produits aux débats que Monsieur et Madame E ont effectué des versements à hauteur de la somme totale de 36 285 euros »

Ces règlements ont permis de solder leur dette à l’égard de l’organisme de caution et lui resteront acquis. 

L’organisme de caution demande à la Cour d’Appel de condamner Monsieur et Madame E à lui payer la somme de 35 107,22 euros et s’engage à restituer le trop-perçu.

La Cour considère que Monsieur et Madame E sont, dans le principe, redevables à l’égard de l’organisme de caution, des sommes dont s’est acquittée la caution au titre des échéances impayées des contrats de prêt. 

De telle sorte qu’il sera donc fait droit à la demande de l’organisme de caution tendant à voir condamner solidairement Monsieur et Madame E au paiement de la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances, l’organisme de caution s’engageant à leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop versée.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre la banque préteur de fonds et l’organisme de caution :

La Cour d’Appel précise qu’en l’absence de déchéance du terme régulièrement acquise, la banque ne pouvait valablement actionner la caution au titre du capital restant dû des deux prêts et des pénalités afférentes à l’exigibilité anticipée.

Il est ainsi constant et l’organisme de caution en justifie, que ce dernier a désintéressé la banque, à ce titre sur la base des quittances subrogatives fournies aux débats

Il y a lieu à répétition de l’indu, et en conséquence de condamner la banque à restituer à l’organisme de caution au titre des deux prêts, le solde du capital restant dû et pénalités, soit les sommes de 234 912,95 euros (232 875,23 euros + 2 037,72 euros) au titre du prêt d’un montant de 254 300 euros, et de 5 460,09 euros (5 250 euros + 210,09 euros) au titre du prêt d’un montant de 27 000 euros.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E et la banque prêteuse de fonds :

La Cour d’Appel considère que faute de déchéance du terme régulièrement prononcée, seules les échéances impayées, sont dues, la question concernant dorénavant les seuls rapports entre les emprunteurs et la caution qui a été amenée à payer à leur place, tel que cela a été exposé.

Le remboursement du prêt sera repris, point sur lequel le jugement sera donc confirmé tant dans le principe que dans les modalités.

Il est vrai que le jugement de première instance avait ordonné à la banque de permettre aux consorts E de reprendre l’exécution des contrats de prêts donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance échue impayée celle de septembre 2015 ce à compter du présent jugement sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée en septembre 2015 et ledit jugement de manière à remettre dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme.

Quelle solution globale ? 

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré, en ce qu’il a énoncé que la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015 ; en ce qu’il a ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre l’exécution des contrats de prêt, donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance impayée  ce à compter du présent jugement et sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée entre septembre 2015 et le présent jugement, de manière à remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne solidairement Monsieur et Madame E à payer à l’organisme de caution la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances ;

Dit que l’organisme de caution, qui conservera le bénéfice des sommes déjà versées par Monsieur et Madame E devra leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop perçue ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a : condamné la banque à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros égale à celle qu’ils ont été condamnés à payer à l’organisme de caution

Déboute la banque de ses demandes

Condamne la banque à restituer à l’organisme de caution le montant correspondant au solde du capital restant dû et pénalités au titre des deux prêts, 

Cette jurisprudence met en avant la problématique particulière complexe pouvant exister entre l’action de l’organisme de caution contre le débiteur principal qui n’a plus lien avec la banque en l’état des quittances subrogatives mais qui évoque son recours personnel et non pas subrogatoire de telle sorte que le débiteur n’a pas de moyens de contestation.

Dès lors, il lui appartient d’appeler en cause la banque pour lui opposer un certain nombre de griefs notamment au titre de sa responsabilité ou de la validité de la déchéance du terme.

Il est extrêmement important d’orchestrer les chefs de demandes de manière précise entre le débiteur, l’établissement bancaire et l’organisme de caution.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/sort-de-la-caution-et-extinction-de-la-creance-en-procedure-collective/

Déchéance du terme, obligation de mise en garde et moyens de contestation contre la banque

Laurent Latapie Avocat vente

Quels sont les moyens de contestation que l’on peut opposer à la banque qui vous poursuit en paiement ? entre validité de la déchéance du terme, contestation des intérêts du prêt et responsabilité de la banque au titre de son obligation de mise en garde, les moyens sont nombreux. Pourtant cette jurisprudence rappelle que ces moyens ne sont pas acquis de droit, à charge pour l’emprunteur de faire preuve de pugnacité.

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Acte authentique et créance indéterminable : l’impossible saisie

Une saisie immobilière peut-elle être engagée sur la seule base d’un acte authentique ayant force exécutoire alors que le solde rendu exigible après la déchéance du terme est augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et surtout de l’indemnité forfaitaire, dits éléments qui ne sont pas nécessairement déterminés dans le cœur de l’acte ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en ce mois de mars 2018 et qui vient aborder la question spécifique du caractère exécutoire d’un acte authentique,

 

En effet, la question est de savoir si oui ou non le débiteur peut contester l’acte authentique pour remettre en cause son caractère exécutoire.

 

Cet acte authentique revêtu du caractère exécutoire est un acte bien pratique pour le créancier qui, en cas de défaillance du débiteur, peut immédiatement engager des mesures d’exécution sans passer par une décision de justice,

 

Il n’échappera d’ailleurs pas au lecteur attentif que la jurisprudence commentée n’a pas été publiée au Bulletin, ce qui laisse quand même à penser que les rares jurisprudences bénéfiques pour les débiteurs et les emprunteurs en difficulté sont diffusés au « compte goute »…,

 

Dans cette affaire, une banque avait consenti un prêt bancaire à une société X par acte authentique, établi par un notaire, et revêtu de la force exécutoire,

 

Le même acte authentique formalisait également l’engagement de caution solidaire des consorts Y,

 

Face à la défaillance de la société X, la banque a fait signifier à l’encontre des consorts Y, cautions solidaires, par acte du 24 décembre 2015, un commandement aux fins de saisie immobilière sur leur résidence principale,

 

La procédure de saisie immobilière est engagée devant la juridiction du Tribunal d’instance de Colmar, ce qui est important car la procédure est spécifique et différente, en l’état de l’application du droit local d’Alsace Moselle.

 

C’est dans ces circonstances que le Tribunal d’Instance de Colmar, par ordonnance du 27 janvier 2016, a ordonné l’exécution forcée de l’immeuble appartenant aux cautions.

 

Les cautions ont alors formé un pourvoi immédiat contre cette ordonnance,

 

Le président du Tribunal d’instance, (car la procédure prévoit cette démarche spécifique) a renvoyé l’affaire la Cour d’Appel.

 

Ladite Cour d’appel ayant fait droit aux prétentions des cautions, la banque s’est pourvu en cassation,

 

Pour motiver son pourvoi, la banque rappelle qu’aux termes de l’article 794-5 du Code de Procédure Civile Locale une créance pour laquelle une vente forcée peut-être ordonnée doit être déterminée et résulter de l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée est sollicitée.

 

La banque laisse à penser que tel est le cas,

 

Pourtant, cela est loin d’être acquis,

 

Des lors, le titre exécutoire doit contenir le montant dû conformément à ses dispositions intégrées à l’article L11-5 du Code de Procédure Civile d’Exécution.

 

Qu’il en résulterait dès lors que la somme doit être déterminée et fixée sans élément extérieur et ultérieur à l’acte authentique.

 

Or, la difficulté rencontrée est que l’acte authentique en question et en vertu duquel la requérante avait sollicité la vente forcée du bien des cautions mentionne pourtant les conditions du prêt consenti qui sont par ailleurs reproduites dans un tableau d’amortissement.

 

La banque quant à elle considérait que les éléments constitutifs de la créance, requis par l’article L11-6 du Code Procédure Civile d’Exécution étaient bel et bien présents dans le cœur même de l’acte authentique,

 

Fort heureusement, le débiteur ne l’entendait pas de cette oreille,

 

La caution considérait que la créance invoquée à l’appui de la requête en saisie immobilière ne résultait pas directement de l’acte authentique en tant que tel,

 

Sauf à devoir la déterminer un fois la déchéance du terme acquise dont le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et surtout de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé.

 

Ce décompte de créance est d’importance car l’ensemble des pénalités frais et intérêts viennent très souvent bousculer l’équilibre de la créance pour un débiteur conscient de ses défaillances mais qui n’imagine jamais se retrouver avec une créance aussi importante lorsqu’il regarde le décompte proposé dans le commandement de payer,

 

Ainsi, dans cette affaire, le débiteur, et caution, considérait que seul le commandement de payer qui avait été signifié le 24 décembre 2015 détaillait la somme réclamée qui était, à cette date, de 166 919.05 euros au titre du capital restant dû en principal arrêté au 26 octobre 2015 soit bien après l’acte authentique en question.

 

Dès lors, selon le débiteur l’acte authentique ne pouvait suffire à rendre la créance déterminable.

 

Dans cet arrêt qui n’est pas publié, rappelons le encore, la banque tentait de passer outre cette difficulté en soulignant le fait que c’était seulement en vertu des dispositions applicables au département du Bas Rhin du Haut Rhin et de-là Moselle que la difficulté apparaissait,

 

En effet, elle soutenait que dans la mesure ou le titre exécutoire établi par Notaire portant sur une somme d’argent déterminée contenant une clause de soumission en exécution forcée immédiate à laquelle le débiteur avait consenti, c’était à bon droit que la banque avait requis l’exécution forcée d’un acte authentique à l’encontre de la caution personnelle dans la mesure où cet acte contenait une clause de soumission à exécution forcée immédiate à laquelle toutes les parties avaient consenti.

 

Pour autant, rien ne laissait à penser que cette clause de soumission à exécution forcée immédiate n’empêchait pas le débiteur de contester le caractère exécutoire de l’acte authentique,

 

Ceci d’autant plus que les conditions du prêt consenti étaient reproduites dans l’acte authentique avec le tableau d’amortissement,

 

A bien y croire la banque, les éléments constitutifs de la créance y figuraient bien.

 

Fort heureusement, les débiteurs cautions contestent cette argumentation,

Ils considèrent, à juste titre, que le la somme due au titre de l’engagement de caution résultait essentiellement du décompte de la créance arrêtée au 26 octobre 2015 et était détaillée seulement dans le commandement de payer qui avait été signifiée au débiteur poursuivi,

 

De telle sorte que la créance en question ne résultait nullement de l’acte authentique sauf à devoir déterminer une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’était pas encore fixé,

 

Pour la Cour de cassation, les conditions des articles L111-2 , L111-5 et L11-6 du Code de Procédure Civile d’Exécution n’étaient pas caractérisées,

 

La sanction est immédiate,

 

L’acte authentique perds son caractère exécutoire et ne peut donc constituer un titre exécutoire en tant que tel.

 

La Cour de Cassation, une fois n’est pas coutume, dans cet arrêt non publié, fait droit finalement à l’argumentation du débiteur.

 

Selon la Haute juridiction, il résulte de l’article 794-5 du Code Procédure Civile Locales applicables en Alsace et Moselle devenu l’article L111-5 du Code Procédure Civile d’Exécution que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée et non pas seulement déterminable,

 

La Cour relève ensuite que si l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée avait été sollicitée mentionnait les conditions du prêt consenti reproduites dans un tableau d’amortissement la créance invoquée à l’appui de sa requête ne résultait pas de l’acte sauf à devoir la déterminer une fois la déchéance du terme acquise par le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé.

 

La Haute juridiction confirme le raisonnement de la Cour d’Appel qui a exactement déduit, sans se contredire et sans dénaturer l’acte authentique notarié du 1er octobre 2013, que la créance pour laquelle la vente forcée du bien était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée.

 

Ce raisonnement est intéressant,

 

Pouvons nous y voir une absence totale du caractère exécutoire de l’acte authentique ou un caractère exécutoire mais pour lequel le caractère non déterminable empêcherait une saisie immobilière ?

 

Sur cette question, la Cour de Cassation ne répond pas clairement,

 

A bien y comprendre, l’acte authentique serait insuffisant lorsque la créance pour laquelle la vente forcée du bien était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée,

 

Mais est ce que pour autant ce raisonnement empêcherait une saisie immobilière ?

 

C’est ce que laisse à penser l’arrêt en tout cas c’est comme ça que l’arrêt sanctionne l’établissement bancaire,

 

Pour autant, sommes nous surs du fondement juridique retenu par la Haute juridiction ?

 

En effet, d’un coté la Cour de Cassation semble faire une avancée non négligeable en reconnaissant quand même que le principe même de la créance à vocation à être remis en question sérieusement dans la mesure où le créancier ne peut se satisfaire d’une créance insuffisamment déterminée dans l’acte authentique,

 

Cependant, l’arrêt ne semble pas complet,

 

En effet si la Haute juridiction que la créance est insuffisant déterminée pour fonder une mesure de saisie, je pense cependant qu’il faudrait clairement faire enlever à l’acte authentique son caractère exécutoire faute de créance suffisamment déterminée.

 

Cela mettrait fin peut-être, à une pratique ô combien douteuse qui consiste pour la banque, détentrice d’un acte authentique et de deux ou trois échéances impayées, de prononcer la déchéance du terme et d’enclencher très rapidement une procédure de saisie immobilière,

 

Cette jurisprudence viendrait apporter un nouvel équilibre,

 

Faute de créance suffisamment déterminable, le créancier ne pourrait saisir aussi facilement,

 

Il serait alors contraint d’engager une action judiciaire pour obtenir un titre exécutoire et saisir par la suite,

 

L’emprunteur malheureux serait alors en mesure de mieux faire valoir ses droits à contestation en engageant, dans un débat serein, la responsabilité de la banque qui a peut-être mal ou trop rapidement prononcé une déchéance du terme dévastatrice,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Dessaisissement du débiteur en cas de reprise de liquidation judiciaire

Qu’en est il du dessaisissement du débiteur en cas de reprise d’une liquidation judiciaire initialement clôturée pour insuffisance d’actif ? Que peux faire la banque en cas d’impayés sur un prêt le temps de la reprise ? le débiteur peut-il opposer ce dessaisissement à l’établissement bancaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en mars dernier qui vient aborder la problématique des effets d’une reprise de liquidation judiciaire sur le dessaisissement général du débiteur alors que celle-ci avait été initialement clôturée pour insuffisances d’actifs.

L’arrêt est intéressant car il précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée,

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau le dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation ;

Ceci est d’autant plus important qu’il n’est pas rare de constater que certaines reprises de liquidation judiciaire interviennent parfois plusieurs années après la clôture de la liquidation judiciaire initiale, alors même que les débiteurs ont refait leur vie,

Ceci est d’autant plus salutaire qu’il n’est pas rare de voir certaines procédures collectives s’inscrire dans la longueur.

Voire de se rouvrir ou de reprendre plusieurs années après au motif d’un actif qui aurait été oublié,

En effet, celles-ci s’accompagnent dans un premier temps de la réalisation des actifs et dans un deuxième temps du désintéressement des créanciers à travers un état de collocation qui vient impacter le débiteur qui se trouve un liquidation judiciaire pendant un certain temps.

Cela empêche le débiteur de contracter, de créer une nouvelle société ou de reprendre une nouvelle activité.

Dans cette affaire Monsieur Y exerçait l’activité de négoce de vins et spiritueux immatriculé au registre du commerce pour cette acticité le 24 février 1986.

Par jugement du 12 juin 1987, Monsieur Y a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et par un jugement du 24 juin 1998, le même tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Dite liquidation judiciaire entrainant le dessaisissement général du débiteur,

Par jugement du 26 janvier 2000 le tribunal de commerce a clôturé les opérations de liquidation judiciaire.

Cependant, par jugement du 7 octobre 2003, la réouverture des opérations de liquidation judiciaire a été ordonnée au motif pris que certains actifs n’avaient pas été réalisés convenablement.

La difficulté rencontrée est que Monsieur Y avait contracté un prêt en 2004, soit le temps de la liquidation judiciaire et s’était trouvé défaillant de telle sorte que la banque l’avait poursuivi en paiement,

La banque avait obtenu sa condamnation au paiement de la somme de 7 733,47 euros dont 7 683,47 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,635% à compter du 14 décembre 2011, date de la déchéance du terme, et la somme de 50 euros au taux légal à compter de cette même date ;

Or le débiteur contestait cette condamnation en paiement puisqu’il considérait que le prêt avait été contracté alors même qu’il était encore en liquidation judiciaire et qu’il faisait l’objet d’un dessaisissement,

Il se fondait notamment sur l’article L 641-du Code de Commerce qui précise: « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée ; les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. »

La procédure de liquidation judiciaire emporte donc dessaisissement du débiteur, dessaisissement général du débiteur, qui ne peut durant cette procédure contracter de nouveaux emprunts

Le débiteur considérait que le prêt ne pouvait être que nul et que la banque ne pouvait donc pas le poursuivre en paiement, celui-ci faisant l’objet d’un dessaisissement,

La réouverture de la liquidation judiciaire est strictement prévue par les dispositions de l’article 643-13 du Code de Commerce qui précise :

« Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. S’il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.

La reprise de la procédure produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs du débiteur que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ». 

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation

Le dessaisissement n’est pas total et le débiteur de trouve donc libre de contracter au besoin de nouveaux engagements bancaires.

Malheureusement dans le cas d’espèce, le débiteur a rencontré de nouvelles difficultés économiques et s’est trouvé poursuivi par la banque.

Ce dernier a essayé d’opposer le dessaisissement mais cela n’a pas trompé la Cour de Cassation qui précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et à l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée.

Cet arrêt est important car la pratique montre bien qu’il n’est pas rare de constater que la reprise de la liquidation judiciaire, amène souvent l’ensemble des partenaires du débiteur, établissement bancaire compris à tirer tous les effets d’une liquidation judiciaire avec un dessaisissement général qui amène le débiteur à subir dans le cadre de cette reprise la clôture des comptes du débiteur et parfois même à subir la déchéance du terme de l’ensemble des prêts.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Décompte de créance, saisie immobilière et prescription

Dans le cadre d’une saisie immobilière, le débiteur peut-il contester le décompte de créance annexé au commandement de payer, peut-il solliciter d’autres documents bancaires, et surtout, peut-il se baser sur ce décompte de créance pour contester le TEG et en s’en servant aussi comme point de départ du délai de prescription à 5 ans, lorsque l’obtention du prêt en litige remonte à bien avant ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en mars 2018 qui vient aborder les moyens que peut opposer le débiteur saisi à l’encontre de l’établissement bancaire notamment sur le décompte de créance,

 

Fort d’un acte notarié de prêt immobilier en date du 24 septembre 2007 et de la défaillance de l’emprunteur, la banque avait fait délivrer à Monsieur G un commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016 et publié le 6 février 2017 pour paiement de la somme de 961 082,33 euros suivant décompte de créance joint,

 

Ceci fait, la banque a assigné Monsieur G à l’audience d’orientation du Juge de l’exécution près le Tribunal de Grande Instance,

 

Par jugement en date du 13 juillet 2017 le Juge d’orientation avait rejeté la demande de communication de pièces présentée par Monsieur G en sus du décompte de créance fourni, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle du chef de responsabilité contractuelle du créancier, débouté Monsieur G de l’ensemble de ses demandes, déclaré irrecevables comme prescrits les moyens de la nullité de la clause de stipulation d’intérêt du délai d’acceptation et a ordonné la vente forcé du bien.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur G a frappé d’appel la décision en litige et une fois de plus la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE vient briller par une sévérité particulière en rejetant l’ensemble des moyens de faits et de droits soulevés par le débiteur afin de contester les prétentions de la banque.

 

Dans le cadre de cette procédure, Monsieur G avait tenté de contester l’exigibilité de la créance de la banque en remettant en cause la validité de la déchéance du terme et ce notamment à la lueur des jurisprudences récentes qui ont été rendues en 2015 qui amènent le débiteur à penser que toute mise en déchéance du terme automatique était parfaitement contestée.

 

Or, la Cour rend une décision sévère,

 

En premier lieu elle considère, au visa de l’article 954 du Code de procédure civile que le débiteur n’a pas suffisamment développé les moyens sur lesquels les prétentions sont fondées.

 

Cela peut quand même sembler curieux dans la mesure où cette argumentation et les développements qui vont de pair ont été prises dans le cadre de ses conclusions de première instance puis reprises dans ses conclusions d’appel,

 

En deuxième lieu, Monsieur G contestait la validité de la déchéance du terme eu égard aux prescriptions de la loi et de la jurisprudence en la matière.

 

Or, la Cour considère qu’il ressort des termes de l’acte notarié de prêt au paragraphe « définition et conséquence de la défaillance de l’emprunteur » :

 

« Est réputé défaillant sans qu’il soit besoin d’adresser une mise en demeure en cas notamment de non paiement à bonne date, d’une quelconque somme due par lui. Le prêteur étant en droit, dans ces circonstances, d’exiger le remboursement immédiat du solde du contrat ».

 

Pourtant, est ce bien conforme à la jurisprudence en la matière ?

 

Pour la Cour, le contrat est sans ambigüité,

 

Il n’est pas contesté que Monsieur G n’a pas pu régler aucune mensualité de prêt depuis l’année 2013 et qu’il n’a pas repris les versements à l’issue du moratoire d’un an accordé au mois de février 2014 dans le cadre de la procédure de traitement de surendettement dont il a déjà bénéficié.

 

Dans ces conditions, la Cour considère que la banque était en droit de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de plein droit du prêt sans l’envoi d’une mise en demeure préalable alors même que la jurisprudence est pourtant claire en la matière.

 

Cette décision est curieuse sur ce point,

 

Par ailleurs, le débiteur avait également voulu contester le taux effectif global au motif pris qu’il était erroné, en remettant notamment en cause le décompte de créance fourni aux débats,

Cette argumentation permettait à la fois de contester le décompte de créance proposé par l’établissement bancaire,

 

Tout comme de contester la validité de la saisie immobilière,

 

Pour ce faire cependant, le débiteur a réclamé des éléments complémentaires à la banque, au delà de ce décompte de créance que celle-ci fournit classiquement dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière,

 

En effet, la banque lance sa procédure de saisie immobilière et assigne le débiteur à comparaitre devant le juge de l’orientation sur la base de documents prescrits par la loi, et qui comprennent notamment un décompte de créance,

 

Or la remise du décompte de créance n’est pas nécessairement suffisant et satisfaisant,

 

Bien plus, cela n’enlève rien au fait que le débiteur saisi, qui est considéré comme un paria par l’établissement bancaire, se retrouve sans décompte de créance et sans documents,

 

Le compte bancaire clôturé et l’accès internet aux comptes coupé, le débiteur se retrouve en manque d’information concrète pour pouvoir contester la créance de la banque et notamment vérifier sur les relevés bancaires antérieurs et postérieurs à la déchéance du terme prononcé,

 

Pourtant cette vérification d’usage permettrait de s’assurer que la banque n’a pas privilégié ses frais bancaires astronomiques au détriment du remboursement du prêt,

 

En effet, il n’est pas rare de constater que l’ensemble des frais et pénalités pouvant être pris sur un compte bancaire peut pousser à la déchéance du terme alors que bien souvent le débiteur mis en difficulté aurait pu faire ou a tenté de faire face en rattrapant son arriéré.

 

Ce rattrapage est alors mis à mal par l’ensemble des frais et pénalités qui sont prélevés en premier et qui empêche le débiteur de régulariser la situation dans de bonnes conditions.

 

Or, devant la Cour, Monsieur G avait renouvelé in limine litis sa demande de communication de pièces par la banque et afin d’obtenir divers justificatifs notamment pour obtenir communication d’un certain nombre de documents, savoir :

 

  • Justificatif de décompte de créance et du calcul des intérêts,
  • Justificatif de décompte de créance avec les intérêts année par année.
  • Toute attestation émanant de la banque afin que cette dernière rappelle les modalités de calcul des intérêts annuels sur une base de 360 jours annuel ou sur une base de 365/366 jours annuel.
  • L’offre de prêt et les conditions générales de l’offre de prêt ainsi que le justificatif de la déchéance du terme.

 

Pour autant, la Cour s’y refuse et ne somme pas, avant dire droit la banque de communiquer ces éléments,

 

La Cour s’estime suffisamment renseignée par la banque et considère que l’établissement financier a régulièrement communiqué le décompte de créance qu’il estime propre à justifier du principe du droit et du montant de sa créance et que ces documents sont suffisants pour permettre à la Cour de statuer sur les contestations.

 

Ceci est à mon sens fort regrettable car le propre du débat contradictoire est effectivement d’avoir d’accès aux documents permettant de se défendre dans de bonnes conditions,

 

Or, dans pareil cas, seul le créancier est suffisamment armé pour envisager une saisie immobilière ce qui est fortement regrettable.

 

Ceci d’autant plus qu’il n’est pas rare de constater que dès les premières difficultés économiques, la banque qui prononce la déchéance du terme clôture également le compte bancaire a découvert sur lequel les échéances de prêt étaient prélevées,

 

Cette clôture du compte amène bien souvent la banque à bloquer l’accès internet au débiteur mais pourtant client, qui n’a plus accès à ces informations bancaire et relevés,

 

Rendant le débiteur aveugle, ce dernier n’ayant plus aucune visibilité sur ces comptes, sur ses dettes et les frais et intérêts qui sont générés,

 

Pourtant la remise de ces documents peut avoir de l’importance dans le cadre de la contestation de la déchéance du terme, comme sus-évoqué, tout comme de la contestation du TEG et de la validité de la clause de stipulation des intérêts,

Et ce, à double titre,

 

En premier lieu, pour permettre au débiteur, et au juge saisi, de vérifier si le TEG est erroné,

 

En deuxième lieu, pour décaler le point de départ de la prescription en pareille matière, qui est de 5 ans, en vertu de l’article L312-33 du Code de la Consommation et de l’article 1907 du Code Civil.

 

En effet, le point de départ de cette prescription de 5 ans court, soit à compter du jour de l’acte de prêt, soit à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque lorsque l’examen de la teneur de l’acte ne permet pas de la constater,

 

Le point de départ de la prescription peut être décalée au jour de la révélation de l’erreur à l’emprunteur.

 

A condition que la banque fournisse un minimum de précision,

A condition que le juge somme la banque de communiquer ces éléments lorsque celle-ci ne les communique pas,

 

Or, dans cette affaire, la Cour considère que la prescription des demandes en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels résultant du Taux Effectif Global a commencé à courir à la date de la signature desdits actes.

 

L’offre de crédit ayant été accepté le 5 septembre 2007 et l’acte authentique de prêt ayant été signé le 24 septembre suivant, la prescription était dès lors acquise à la date de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016.

 

Dès lors, le débiteur invoque l’irrégularité du TEG figurant à l’acte de prêt en raison de l’absence d’explication des modalités de son calcul et l’erreur affectant le calcul des intérêts annuels déterminés par référence en année bancaire de 360 jours,

 

Bien plus, en tant qu’appelant, il fait grief au premier Juge d’avoir déclaré prescrite sa demande tendant à voir substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel en faisant courir la prescription quinquennale à compter de la date du prêt alors que la seule lecture de cet acte ne permet pas de vérifier quelque éléments que ce soit au sujet du TEG,

 

La Cour relève que l’acte authentique du prêt immobilier reçu le 24 septembre 2007 reprend les caractéristiques du crédit énoncés dans l’offre de prêt accepté par Monsieur G le 5 septembre précédent pour un montant en capital de 1 038 100 euros dont 760 000 euros devaient être remboursés par les fonds à provenir de la vente d’un bien immobilier dans les 24 mois suivant le versement du crédit en l’état d’un montage au titre d’un crédit relais.

 

Le capital était alors remboursable en 360 échéances mensuelles moyennant un taux d’intérêt initial de 4,27 % l’an et un Taux Effectif Global de 5,54 % l’an dont le mode de calcul est détaillé à l’acte, de même que les charges annexes prises en compte pour le calcul de ce TEG à hauteur de 0,51%.

 

La Cour se contredit complètement,

 

En effet, d’un coté elle considère que la lecture de l’offre et de l’acte notarié ne permet pas de vérifier si, comme le soutient Monsieur G, le taux d’intérêt a été fixé sur une base de 360 jours par an, ce qui affecterait la validité du TEG,

 

Et de l’autre coté, elle considère que les erreurs que le débiteur invoque étaient susceptibles d’être décelées à la lecture de l’offre et du contrat de prêt,

 

De telle sorte que l’appelant ne démontre pas ne pas avoir pu les appréhender au jour de l’offre de prêt ou de l’acte de prêt,

La Cour retient même, et c’est un comble, que le débiteur ne ne démontre pas plus que les erreurs qu’il invoque lui auraient été révélé postérieurement.

 

Et pour cause, la banque se refuse de communiquer quoi que ce soit,

 

Cela est spécieux,

 

La Cour reconnait elle-même que la lecture de l’offre et de l’acte notarié du prêt ne permet pas de conclure que le taux d’intérêts aurait été fixé sur une base de 360 jours ou de 365 ou 366 jours,

 

Dès lors, force est pourtant de constater que l’emprunteur avait accepté cette offre de prêt et réitéré cet acte de prêt dans des conditions obscures, avec un véritable vide juridique et contractuel quant à la définition des modalités de calcul du TEG en question.

 

Bien plus, la Cour d’appel, qui ne se refuse rien, vient même considérer que rien n’empêchait par la suite Monsieur G de soulever la contestation en dehors de ce fameux délai de 5 ans.

 

Cela est véritablement spécieux,

 

Le silence de la banque, et la passivité à cet égard des juges du fond, empêchent le débiteur d’avoir accès à des informations qui permettraient de justement révéler l’erreur,

 

C’est aussi mal comprendre l’argumentation du débiteur qui rappelle en tant que de besoin que conformément au droit de la saisie immobilière le commandement de payer valant saisie immobilière est accompagné d’un décompte de créance.

 

Que ce décompte de créance fait état d’un certain nombre d’intérêts, frais et accessoires lesquels sont vérifiables et peuvent justement cristalliser des erreurs quant à la validité du TEG,

 

Pour autant, la Cour considère que ce décompte de créance ne peut servir de nouveau point de départ de la prescription au motif pris notamment de ce qu’il appartenait à l’emprunteur de rechercher bien avant cela si oui ou non le TEG était erroné,

 

Cela est regrettable,

 

A mon sens, la banque doit fournir les documents qui permettent de vérifier la véracité et la justesse du décompte de créance,

 

En ce considérant suffisamment éclairée par le décompte de créance, la Cour s’exonère d’un « devoir de curiosité » qu’elle oppose pourtant elle-même au débiteur qui aurait du s’interroger et interroger la banque dans les 5 ans de l’obtention du prêt,

 

A cet égard d’ailleurs, la Cour ne précise même pas si pareille démarche aurait eu un quelconque effet interruptif de prescription,

 

Bref, dans cette affaire la Cour s’est fourvoyée en présumant que la banque avait forcément raison et que son décompte de créance était forcément juste,

 

Cela n’est pas acceptable,

 

Fort heureusement, le conseil du débiteur malheureux se doit d’apporter la contradiction sur ce point, et se doit de tout faire pour préserver les droits de l’emprunteur, qui voit ses droits bafoués par la pratique bancaire et judiciaire lorsque celui-ci, du fait des mauvais hasards de la vie, a eu « l’outrecuidance » de ne plus respecter les échéances de son prêt,

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Insaisissabilité et droit de poursuite post-clôture pour insuffisance d’actif

Un créancier non-professionnel peut il saisir un bien immobilier après une clôture pour insuffisance d’actif alors que le bien immobilier du débiteur n’a pas été réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire en l’état d’une déclaration d’ insaisissabilité ?

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déclaration d’ insaisissabilité et vient préciser si le créancier non-professionnel à un droit de poursuite à l’encontre du débiteur.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle nous enseigne que la déclaration d’ insaisissabilité est inopposable au créancier qui dispose dès lors d’un droit de poursuite quand bien même la procédure serait clôturée pour insuffisances d’actifs.

 

Il convient de rappeler que la déclaration d’ insaisissabilité est une innovation majeure qui a été mise en place par une loi du 1er aout 2003 afin que l’entrepreneur puisse rendre insalissable son patrimoine personnel créant ainsi l’article L 526 -1 du Code de Commerce.

 

Cet article a été modifié le 6 aout 2015 par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » qui précise désormais que la résidence principale est de droit insaisissable.

 

Cet article précise ainsi:

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Cette jurisprudence précise que créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble,

De telle sorte qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance.

Dans cette affaire, par un acte notarié du 30 décembre 2010, Monsieur X, le débiteur avait déclaré sa résidence principale insaisissable, avant d’être mis en liquidation judiciaire le 9 décembre 2011.

La banque, qui avait consenti au débiteur un prêt pour en faire l’acquisition, l’a assigné aux fins de voir juger que, détenant une créance antérieure à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elle était en droit de poursuivre le recouvrement de cette créance seulement sur l’immeuble insaisissable et que l’arrêt à intervenir vaudrait titre exécutoire contre le débiteur.

Pour autant le contrat de prêt datait du 24 novembre 2009 et de la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble constituant la résidence principale de Monsieur X était daté du 30 décembre 2010.

Dès lors, les droits de la banque n’étaient pas nés postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité à l’occasion de l’activité professionnelle de Monsieur X et le créancier était en droit de considérer, qu’en application de l’article L. 526-11 du code de commerce, la déclaration d’insaisissabilité lui était inopposable

Pour autant la question était de savoir si dans le cadre de la liquidation judiciaire qui avait été clôturée pour insuffisance d’actifs, le créancier avait le droit de poursuivre, à nouveau, le débiteur, nonobstant l’effet de purge et s’il pouvait saisir le bien.

Il ressort que la liquidation judiciaire de Monsieur X avait été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 29 janvier 2014,

Or, en application de l’article L. 643-11 du code de commerce, « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ».

De telle sorte que ce texte pouvait laisser à penser à Monsieur X que la banque ne pouvait reprendre un droit de poursuite à son encontre et ne pouvait procéder à la réalisation de son actif.

Pour autant, et contre toute attente, l’arrêt considère que la banque est en droit de poursuivre la saisie du bien quand bien sa créance n’avait pas été vérifiée.

La Cour de Cassation ne donne pas force à l’article l’article L. 643-11 du code de commerce,

En effet, elle considère que dès lors que la créance est née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un bien de son débiteur, le créancier ne peut se voir opposer cette déclaration et a donc le droit de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien, nonobstant l’éventuelle ouverture ultérieure d’une liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur ou la clôture pour insuffisance d’actifs qui s’en suivrait.

Cet arrêt est intéressant car il rappelle que le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas déjà un, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence de sa créance et son exigibilité

Cependant, cela crée de nouvelles problématiques, auquel l’arrêt ne répond d’ailleurs pas,

En effet, la problématique de l’obligation d’obtenir un titre exécutoire, et ce, après clôture de la liquidation judiciaire, est de rester dans les délais de prescription,

En effet, nous sommes en présence d’un prêt bancaire immobilier personnel donc assujetti à une prescription biennale de deux ans qui peut être opposée à l’établissement bancaire.

Ceci est d’autant plus vrai que nous sommes en présence d’un prêt de 2009, d’une déclaration d’insaisissabilité de 2010, d’une liquidation judiciaire et d’un jugement de clôture pour insuffisances d’actifs en date du 29 janvier 2014.

Ce n’est qu’après cela que la banque a cru bon assigner le débiteur.

A mon sens, la prescription biennale est parfaitement opposable au créancier et la question qui peut se poser est de savoir à quelle date celle-ci a vocation à courir.

De prime abord à compter de la déchéance du terme et à défaut à partir du moment de la liquidation judiciaire et la question est de savoir si la liquidation judiciaire a un effet suspensif.

Or, tout laisse à penser que la prescription a vocation à être suspendue ou interrompue jusqu’à ce que la créance soit admise au passif.

Dans la mesure où celle-ci ne l’a jamais été, à mon sens le point de départ le point de départ de la prescription serait le jour de la liquidation judiciaire et passé deux ans, il y aurait matière à opposer la prescription à l’établissement bancaire qui ne pourrait pas saisir le bien quand bien cette jurisprudence novatrice laisserait à penser qu’il peut le faire.

Par voie de conséquence, encore et toujours le débiteur peut résister aux attaques de ses créanciers,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Déchéance du terme non valable et assignation en paiement, quelle efficacité ?

Il convient de s’intéresser à une nouvelle jurisprudence, rendue cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déchéance du terme d’un prêt bancaire lorsque l’emprunteur non commerçant est défaillant.

 

Cette jurisprudence rappelle que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier sur la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Les faits sont les suivants,

 

Le 24 novembre 2007, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier d’un montant de 277 635 euros, ce qui n’est pas rien, remboursable en 240 mensualités de 1897.92 euros au taux fixe de 4,95 % l’an.

 

Les échéances du prêt étant demeurées impayées, la banque se prévalant de la déchéance du terme à la suite d’une mise en demeure reçue par Madame X le 5 janvier 2010 et demeurée infructueuse, l’avait alors assignée en paiement de la créance.

 

La Cour d’appel considère que pour condamner Madame X à payer à la banque la somme de 298 381.22 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010 et la capitalisation de ceux-ci,

 

L’arrêt frappé de pourvoi retient que s’il ressort des vérifications d’écritures que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Madame X, l’assignation en paiement qui s’en est suivie vaut déchéance du terme.

 

La Haute juridiction ne retient pas cette solution et cette motivation de la juridiction du deuxième degré,

 

Elle rappelle avant tout que l’établissement bancaire ne peut se prévaloir d’une déchéance du terme automatique pour un emprunteur non commerçant,

 

Or, la pratique bancaire démontre que les établissements bancaires ont pour fâcheuse habitude de prévoir une telle déchéance automatique dans des contrats rédigés de manière obscure leur permettant de prononcer la déchéance du terme et d’envisager, dans la foulée, une saisie immobilière du bien dans un délai extrêmement court et sur la seule base d’un ou deux impayés,

Cette déchéance du terme automatique est dangereuse car elle permet à l’établissement bancaire d’entrer dans ses droits de manière quasi automatique et de pouvoir lancer toute procédure de saisie immobilière à cette fin,

 

Elle est d’autant plus dangereuse lorsque l’offre de prêt est réitérée par acte notarié, par acte authentique, lequel acte authentique est revêtu de la force exécutoire, permettant ainsi au créancier, sur la seule base d’une déchéance du terme automatique découlant parfois d’un ou de quelques impayés, d’envisager sans grande difficulté la saisie immobilière de l’emprunteur en difficulté,

 

Pour que la créance soit exigible, elle doit faire l’objet d’une déchéance du terme,

 

Cette déchéance du terme doit répondre aux exigences du contrat de prêt mais doit également répondre aux critères jurisprudentiels qui imposent à l’établissement bancaire de solliciter l’emprunteur afin que celui-ci puisse régulariser les impayés avant de subir la déchéance du terme de l’intégralité du prêt,

 

Or, la pratique démontre que les difficultés rencontrées par l’emprunteur en situation d’indélicatesse financière demeurent conjoncturelles,

 

La préoccupation majeure de l’emprunteur est de faire face à ses obligations financières, nonobstant des difficultés économiques le plus souvent plus conjoncturelles que structurelles,

 

Or, dans pareil cas, avant le prononcé de la déchéance du terme il n’est pas rare de se retrouver face à un établissement bancaire qui se refuse à faire droit à une suspension des échéances du prêt, sauf à grand renfort d’intérêts intercalaires quasi prohibitifs, laissant l’emprunteur seul face à ses difficultés et l’exposant directement à une déchéance du terme,

 

Déchéance du terme prononcée, et nonobstant les efforts très importants de l’emprunteur en difficulté afin de rattraper son retard dans le paiement des échéances impayés, il est encore plus rare de constater que la banque envisage dans ce cas de remettre en place le prêt en litige afin qu’il se poursuive et que la dite déchéance soit purement et simplement annulée,

 

Pour autant, il est important de rappeler au débiteur qu’il n’est pas démuni et peut tout à fait contester cette déchéance du terme.

 

Il peut, en cas d’impayés, naturellement solliciter la suspension judiciaire des échéances en cas de silence ou de résistance de la banque, afin d’obtenir, bien souvent au forceps d’ailleurs, une suspension judiciaire des échéances du prêt,

 

Il peut également contester la déchéance du terme proprement dite lorsque si celle ci était déjà prononcée, en remettant en question son existence et sa validité voire son inopposabilité à son encontre pour amener judiciairement l’établissement bancaire à remettre en place le crédit avec son échéancier,

 

Il est bien évident que si le débiteur vient contester la déchéance du terme et que celle-ci n’est pas conforme, rien n’empêche l’emprunteur pendant cette période de poursuivre les paiements au profit des échéances à remettre en place et de faire constater par la juridiction saisie que l’ensemble des échéances ont été poursuivies de telle sorte que le prêt aurait vocation à se poursuivre naturellement.

 

Dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas valable, il appartient à l’emprunteur, et son conseil, d’en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement d’échéances mensuelles,

 

Si la question de la déchéance du terme est génératrice de nombreuses jurisprudences et doctrines, cette nouvelle jurisprudence apporte une réponse complémentaire lorsque justement ladite déchéance du terme ne serait pas valable,

 

Cette jurisprudence de 2017 rappelle que peut constituer un abus la notification d’une déchéance du terme automatique à un débiteur de bonne foi sans avertissement préalable.

 

Mais surtout, elle précise, en sus que l’établissement bancaire ne peut palier sa déchéance du terme irrégulière en considérant que l’exigibilité de la créance en litige découlerait non plus de ladite déchéance du terme irrégulière mais de l’assignation qui s’en suivrait,

 

Ainsi, la jurisprudence étudiée rappelle que si le contrat d’un prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Mais surtout, elle précise, en ce que si la déchéance du terme peut-être remise en question, la banque ne saurait rattraper le « coche » en considérant que celle-ci a procédé à un commandement de payer par huissier ou bien encore en considérant que celle-ci en assignant en paiement vient consacrer l’exigibilité de la créance et donc sa déchéance.

 

Il ne faut pas s’y tromper,

 

Il est bien évident que l’assignation ne saurait entrainer par elle-même la déchéance du terme.

 

Dans la mesure où la déchéance du terme est subordonnée à l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception manifestant l’intention de la banque de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, il est bien évident que celle-ci ne peut-être compensée ou remplacée par une assignation ou même par un commandement de payer qui ne répond pas aux dispositions contractuelles du prêt.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où l’établissement bancaire aurait manqué à ses obligations ou aurait « raté » la validité de la déchéance du terme, ce dernier ne peut tenter de régulariser la situation en assignant le débiteur ou en faisant signifier un commandement de payer,

 

L’établissement bancaire serait plutôt fondé à revoir la problématique à sa base,

La banque ayant plutôt vocation à procéder à la signification d’une nouvelle déchéance du terme conformément aux dispositions du contrat de prêt dont il se prévaut, sans tenter de créer une validation « a postériori » en signifiant tantôt un commandement de payer, tantôt une assignation en paiement, tantôt une assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation aux fins de vente immobilière,

 

Ainsi, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainerait la déchéance du terme celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier selon délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

De même, l’établissement bancaire ne peut faire découler de l’assignation ou de la procédure qui s’en suivrait une validation a postériori d’une exigibilité erronée,

 

Il appartient à l’emprunteur en difficulté, devenu débiteur fort de cette déchéance du terme particulièrement contestable d’être particulièrement vigilant, et de combattre cette notion d’exigibilité et de déchéance du terme,

 

Cette contestation permettrait à l’emprunteur de reprendre son prêt en cours, de reprendre ses paiements, au besoin sur la base d’un prêt au seul taux légal si le taux effectif global du prêt est également contesté,

Prêt immobilier et clause de domiciliation de revenus à compter du 1er janvier 2018

Il convient de s’intéresser l’encadrement de la clause de domiciliation de revenus en matière de prêt immobilier qui a fait l’objet d’une ordonnance en ce mois de juin 2017 et qui est venu apporter un certain nombre de modifications salutaires en pareille matière, tant il vrai que les établissements bancaires ont la fâcheuse habitude d’abuser de cette clause qui consiste notamment à imposer la domiciliation des salaires et des revenus de l’emprunteur au sein même de l’établissement qui lui prête de l’argent.

Cette pratique est acquise de longue date et consiste à imposer à l’emprunteur que celui-ci place l’ensemble de ses revenus de son activité salariale ou libérale sur un compte ouvert dans les livres de la banque qui a vocation à lui octroyer un crédit

Cette ordonnance de juin 2017 est salutaire car jusqu’alors cette pratique ne faisait pas l’objet d’une réglementation particulière et seule une recommandation de la Commission des clauses abusives était venue réglementer les abus et les pratiques critiquables des établissements bancaires.

C’est dire dans quelles mesures les établissements bancaires avaient les coudées franches….,

Déjà en son temps cette recommandation avait pour effet notamment de sanctionner les établissements bancaires qui consentiraient un prêt immobilier et qui n’auraient pas formalisé clairement par une offre particulière la contrepartie de la domiciliation des salaires ainsi que la mise en place des moyens de paiement.

En son article 7, la recommandation n°04-03 de la Commission des clauses abusives précisait qu’était abusive l’obligation pour l’emprunteur de verser, pendant toute la durée du prêt, l’ensemble de ses revenus sur un même compte de l’établissement préteur sous peine de déchéance du terme alors même que l’emprunteur aura satisfait à ses remboursement et de ne prévoir aucune contrepartie à ladite obligation

La condition de domiciliation doit être clairement indiquée dans l’offre de prêt, comme le précise l’article L. 313-25 du Code de la Consommation:

« Indique si le prêt est subordonné à la condition de domiciliation mentionnée à l’article L. 313-25-1. 

Si c’est le cas, sont mentionnés :

  • la durée de celle-ci, 
  • le cas échéant les frais d’ouverture et de tenue du compte sur lequel les salaires ou revenus assimilés sont domiciliés, 
  • ainsi que la nature de l’avantage individualisé consenti en contrepartie par le prêteur.

L’offre doit permettre d’identifier clairement cet avantage en mentionnant les conditions, de taux ou autres, au regard desquelles elle est établie, et qui seraient appliquées par le prêteur si l’exigence de domiciliation n’était plus respectée par l’emprunteur ».

Un nouvel article L313-25-1 est également rajouté au sein du livre 3 du Code de la Consommation et qui prévoit que le prêteur peut conditionner l’offre de prêt mentionnée à l’article L. 313-24 à la domiciliation par l’emprunteur de ses salaires ou revenus assimilés sur un compte de paiement mentionné à l’article L. 314-1 du code monétaire et financier, sous réserve pour ce prêteur de faire bénéficier en contrepartie l’emprunteur d’un avantage individualisé.

Cette condition ne peut être imposée à l’emprunteur au-delà d’une durée maximale fixée par décret en Conseil d’Etat.

Au terme du délai prévu par le contrat de crédit, l’avantage individualisé est acquis à l’emprunteur jusqu’à la fin du prêt

Si, avant le terme de ce délai, l’emprunteur cesse de satisfaire à la condition de domiciliation susmentionnée, le prêteur peut mettre fin, pour les échéances restant à courir jusqu’au terme du prêt, à l’avantage individualisé mentionné au premier alinéa, et appliquer les conditions, de taux ou autres, mentionnées au 10° de l’article L. 313-25

Enfin, l’ordonnance précise que :

« lorsque les modifications au contrat de crédit initial portent sur » la domiciliation des revenus « l’avenant mentionne cette condition, sa durée, le cas échéant les frais de tenue du compte sur lequel les salaires et revenus assimilés sont domiciliés, la nature de l’avantage individualisé consenti en contrepartie par le prêteur et les conditions, de taux ou autres« .

L’ordonnance vient clairement sanctionner les clauses contractuelles qui prévoiraient que l’emprunteur ouvre un compte de dépôt dans les livres de l’établissement bancaire préteur et que ce dernier serait autorisé à débiter le compte de l’emprunteur du montant des sommes éligibles,

Cette même ordonnance sanctionne également les clauses stipulant que l’emprunteur est obligé de domicilier auprès du préteur ses revenus quelle que soit leur nature et origine du prêt.

Immanquablement, fort de nombreuses dérives, l’ordonnance de 2017 relative aux offres de prêts immobiliers est la bienvenue puisqu’elle vient enfin réglementer clairement la domiciliation des salaires, revenus et assimilés de l’emprunteur.

Cette ordonnance reprend les recommandations prises par la Commission des clauses abusives en rappelant dans un article L 341-34 du Code de la Consommation « -Est réputée non écrite toute clause par laquelle le prêteur subordonne l’octroi du prêt ou la conclusion de l’avenant au contrat de crédit initial à la condition de domiciliation mentionnée à l’article L. 313-25-1 sans l’assortir en contrepartie de l’avantage individualisé mentionné au même article. Il en va de même de toute clause par laquelle le prêteur exige le respect de cette condition au-delà de la durée déterminée en application du même article. »

Ces dispositions sont satisfaisantes et vont s’appliquer aux offres de prêt émises à compter du 1er janvier 2018 ainsi qu’aux avenants modifiants les contrats conclus à la suite de ces offres.

Par conséquence, cela est une véritable réforme pour les établissements bancaires qui doivent faire des véritables efforts en terme de domiciliation des revenus,

Désormais, il leur appartient d’établir un avantage individualisé en contre partie d’une telle clause.

Cette réforme permet également une domiciliation délimitée dans le temps.

Tout laisse à penser que le délai qui va être fixé prochainement par décret en Conseil d’Etat devrait être de 10 ans, durée annoncée en Conseil des Ministres.

A l’issue de ce délai, l’avantage individualisé consenti par l’établissement bancaire à l’emprunteur est considéré comme définitivement acquis au prêteur et ce jusqu’au terme du contrat du crédit immobilier, ce qui est extrêmement rassurant et vient éviter des « sautes d’humeur » de l’établissement bancaire.

Surtout, il appartient d’assujettir l’établissement bancaire à une véritable obligation de conseil et d’information qui est désormais renforcée car le prêteur doit préciser dans l’acte de prêt la nature de l’avantage qu’il accorde en contre partie de la domiciliation, cet avantage devant être individualisé sous peine de sanction.

Cette reforme vient donc libérer l’emprunteur d’une certaine « prise d’otages », qui n’apparait pas forcément clairement au démarrage lorsque le prêt est octroyé et permet « in fine » à l’emprunteur une certaine liberté de manœuvre pour qu’il puisse clairement faire son choix en toute connaissance de cause et permet à l’établissement bancaire de mieux remplir ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde ce qu’elle omet parfois de faire.

Si la réglementation va dans le bon sens, il n’y a plus qu’à espérer que les juridictions du fond seront sanctionner comme il se doit les établissements bancaires fautifs,

Et en pareille matière, il est encore fort à parier que la jurisprudence sera foisonnante,

Pourvu qu’elle protège bien l’emprunteur,

Car de prime abord, tel est l’esprit de l’ordonnance en question.

Laurent Latapie Avocat à Fréjus, Saint Raphael,