SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Prêt professionnel et TEG contesté à une décimale

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en mai 2017 qui vient aborder la question spécifique de la contestation du taux effectif global et du taux d’intérêt erroné dans la cadre d’un contrat de prêt professionnel.

 

Dans cette affaire, une société commerciale avait assigné une banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du TEG mentionné dans deux contrats de prêt professionnel.

 

Dans le cadre de son pourvoi elle faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l’article R 313-1 du Code de la Consommation tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global, pour lequel elle réclamait la substitution du taux conventionnel au seul taux légal, ce qui peut représenter un impact économique non négligeable sur la totalité des deux prêts,

 

Malheureusement la Cour de Cassation rejette le pourvoi et relève que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 l’an mentionné dans le contrat de prêt professionnel et le produit du taux de période non contesté par le manque d’échéance de remboursement dans l’année à 5,743 % étaient donc inférieurs à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de la Consommation, de telle sort que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel et contrat de prêt.

 

Pour autant, cette jurisprudence relative au prêt professionnel est intéressante à plus d’un titre,

 

Dans le cadre d’une analyse a contrario de cette décision, il n’échappera pas, au lecteur attentif, que la Haute juridiction confirme que même dans le cadre d’un contrat de prêt professionnel l’emprunteur, fut-ce t’il professionnel ou commerçant, demeure bien fondé à assigner la banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du Taux effectif global mentionné dans le contrat du prêt en question.

 

Dans cette affaire l’établissement bancaire B a consenti, les 23 mai et 24 septembre 2007, à la société J deux prêts professionnels,

 

Cette même société J a assigné l’établissement bancaire par acte du 18 septembre 2012, soit dans le délai de 5 ans suivant la classique prescription quinquennale qui est souvent opposée par la banque au demandeur.

 

Dans son assignation, la société J sollicitait la nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global mentionné dans les deux contrats de prêt professionnel.

 

Or, dans le cadre de son pourvoi, la société J fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de rejeter ses demandes tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global annoncé dans son contrat de prêt professionnel et à voir substitué à compter de la date de ce prêt le taux d’intérêt légal au taux conventionnel.

 

En effet, elle considère que l’article R 313-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction issue du Décret n°2002928 du 10 juin 2002 applicable en la cause, dispose que le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire utilisée pour calculer le taux effectif global et calculer le cas échéant avec une précision de moyenne décimale a pour objet, non pas d’édicter une marge d’erreur admissible mais de déterminer le degré de précision dans l’expression dudit taux et les modalités d’application d’un chiffre arrondi.

 

De telle sorte que ni l’établissement bancaire, ni finalement la Cour d’appel, ne pouvait exciper, pour un prêt professionnel, des dispositions de cet article R 313-1 du Code de la Consommation caractérisant un seuil de tolérance d’une décimale alors même que la banque croyait bon opposer à la société J le fait que l’erreur de taux inférieur à une décimale entrainait une absence d’effet de l’erreur en tant que telle.

 

La société J précise, dans le cadre de son pourvoi, que le prêt professionnel entre dans la catégorie des prêts mentionnés au 3 de l’article L 311-3 du Code de la Consommation de telle sorte qu’il résulte des dites dispositions qu’il suffisait que taux effectif global applicable dans la cause est un taux annuel proportionnel au taux de période à terme échu exprimé pour son unité monétaire et lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire.

 

Le rapport ainsi calculé le cas échéant avec une précision d’au moins une décimale.

 

A ce sujet, la Cour de cassation rappelle qu’en présence d’un prêt, et d’un prêt professionnel, les parties peuvent s’accorder sur le calcul de l’intérêt conventionnel à savoir le taux de rémunération sur la base d’une année bancaire de 360 jours comme elles l’ont fait en l’espèce ainsi qu’en atteste l’article 2 des Conditions Générales du contrat litigieux qui stipule dans les conditions financières que le prêt donnera lieu au profit de la banque à des intérêts calculés sur le montant utilisé au taux indiqué dans les conditions particulières du présent acte sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.

 

Pour autant, nonobstant l’éventuelle erreur inférieure à une décimale la société J rappelle qu’aux termes des dispositions légales règlementaires la banque devait calculer dans le contrat de prêt professionnel le taux effectif global sur la base d’une année civile de 365 jours.

 

Dès lors elle fait observer à la Cour que si au sein du contrat de prêt professionnel  le TEG est calculé sur la base d’une année bancaire de 365 jours, il apparaît inconcevable que l’établissement bancaire puisse à la fois présenter un calcul d’intérêt annuel sur la base d’une année de 360 jours alors qu’il justifie dans le même temps d’un taux effectif global calculé sur une base de 365 ou 366 jours.

 

La société J considère, quant à elle, que le seuil de tolérance d’une décimale visé dans l’article R 313-1 du Code de la Consommation ne porte que sur le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire et non sur le résultat du taux effectif global en tant que tel de telle sorte qu’elle serait bien fondé à obtenir la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la Cour ne partage pas cet avis et considère qu’en tout état de cause que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 % l’an mentionné dans le contrat de prêt est le produit du taux de période non contesté par le nombre d’échange de remboursement dans l’année de 5,143 % est inférieur à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de a Consommation de telle sorte que cet à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel du contrat de prêt.

 

De telle sorte que le moyen de la société J n’est pas fondé,

 

Le pourvoi est rejeté,

 

Pour autant, cette décision est intéressante à plusieurs égards.

 

En premier lieu, elle rappelle, en tant que de besoin, que les prêts professionnels entrent dans la catégorie des prêts mentionnés dans le code de la consommation,

 

En effet, l’article L311-3 du Code de la Consommation a vocation à imposer à l’établissement bancaire une justification des modalités de calcul du taux effectif global nonobstant la décimale près visée par l’article R 313-1 du Code de la Consommation.

 

Le deuxième point intéressant est qu’il convient de rappeler à l’emprunteur, fusse-t-il commercial ou professionnel que celui-ci à l’obligation de rapporter la preuve que le taux effectif global est erroné.

 

Cela peut sembler, sur un terrain purement économique et humain, curieux car s’il y a bien un professionnel de la finance en mesure de justifier des modalités de calcul du TEG c’est bel et bien la banque,

 

Pour autant, l’établissement bancaire se garde bien de justifier du bien fondé de son TEG, étant rappelé qu’au égard aux règles de procédure civile qui s’imposent, c’est au demandeur de démontrer une erreur dans le taux effectif global.

 

Cette erreur doit être démontrée sur un terrain juridique , cela va sans dire, mais également sur un terrain mathématique et l’on ne peut que recommander au demandeur qui souhaite assigner la banque en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels au titre d’une erreur dans le taux effectif global de rapporter la preuve mathématique et de faire réaliser une analyse pour pouvoir rapporter la preuve sur un terrain purement concret et factuel.

 

Enfin, il est malgré tout regrettable que la Cour de Cassation ne distingue absolument pas la question relative à l’obligation qu’a l’établissement bancaire de calculer le taux effectif global sur une base de 365 jours alors qu’in fine il apparaît clairement que les taux de périodes sont calculés sur une base d’une année bancaire de 360 jours.

 

Pourtant, il apparait logique que dans la même lignée le calcul des intérêts annuels se fasse sur la même base.

 

Dès lors il peut sembler curieux que d’un côté celle-ci valide un taux effectif global à 365 jours et ne fasse pas de difficulté à ce que l’année bancaire soit finalement calculée à 360 jours dès lors qu’il n’y a pas une erreur de plus d’un décimale sur le taux effectif global in fine.

 

Pour autant, cette décision attire l’attention en ce qu’elle confirme l’opportunité que doivent avoir les emprunteurs professionnels et commerciaux quant à leur leur faculté d’assigner la banque en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels, à condition que cette erreur du taux effectif global soit à la fois démontrée et à la fois supérieure à une décimale pour pouvoir espérer obtenir gain de cause.

 

SCI et délai de contestation du taux effectif global

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’année 2017 relatif à la question spécifique du taux effectif global d’un prêt bancaire, vaste sujet qui fait couler beaucoup d’encre,

 

Tant le sujet est d’actualité et amène à remettre en question l’ordre bancaire établi,

 

Tant on peut s’étonner du fossé parfois ressenti par les praticiens entre les principes visés dans la jurisprudence de la Cour de Cassation et les décisions rendues par les juridictions de première instance qui opposent parfois une interprétation et une appréciation souveraine des juges du fond qui ont tendance à considérer que le taux effectif global est nécessairement juste.

 

Ce que d’aucuns emprunteurs pourraient considérer se heurter à une véritable présomption de TEG juste s’explique procéduralement par le fait qu’en sa qualité de demandeur à la nullité de la clause de stipulation des intérêts du prêt, c’est à lui de rapporter la preuve de l’erreur,

 

Cela peut cependant être mal compris notamment par l’emprunteur en difficulté financière qu’il soit personne physique, simple particulier, profane et non averti, ou qu’il soit une société civile familiale dont l’état d’ignorance financière est parfois tout aussi important,

 

Par voie de conséquence, la démonstration peut être effectuée par une analyse actuarielle ou bien encore par une expertise judiciaire, laquelle n’est pas nécessairement acquise de plaine droit, et la pratique montre que bon nombre de juridictions ne ressentent pas le besoin de recourir à l’intervention d’un sachant impartial,

Or, dans pareil cas, faute d’expertise judiciaire, il n’est pas rare de constater que les juges du fond se satisfassent finalement assez facilement des explications « techniques » de l’établissement bancaire,

Pour autant, l’enjeu, et la lourde sanction attachée à ce contentieux, alimentent inlassablement le contentieux en la matière,

 

En effet, l’annulation de l’ensemble des intérêts conventionnels, passés, présents et futurs, représentent un enjeu économique majeur,

 

Les deux axes majeurs récurrents de contestation du TEG consistent en premier lieu à vérifier l’ensemble des frais et accessoires intégrés dans le taux effectif global, et en deuxième lieu à vérifier si les intérêts annuels ont été déterminés non pas sur une base habituelle de 360 jours par an, mais bel et bien sur une base de 365 ou 366 jours par an,

 

Il convient de rappeler que les dispositions légales imposent à l’établissement bancaire de justifier de la justesse de son taux effectif global et des modalités de calcul y afférents lesquels sont clairement définis par l’article L 313-1 du code de la consommation et R313-1 du même code.

 

Pour autant, avant de procéder aux contestations et vérifications relatives aux modalités d’établissement du taux effectif global, le demandeur doit d’abord passer le cap de la recevabilité,

 

En effet, la contestation du taux effectif global repose avant toute chose dans l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, ledit contentieux en nullité étant prescriptible par 5 ans,

 

Pour autant, ce délai de 5 ans semble en décalage avec des prêts bancaires, des prêts immobiliers, dont l’erreur peut apparaître bien après le délai de 5 ans,

 

C’est bien souvent lorsque, victime des hasards malheureux de la vie, l’emprunteur en difficulté financière ne pouvant plus faire face à ses obligations, se retrouve destinataire d’une déchéance du terme et d’un décompte de créance « enrichi » d’un grand nombre de frais et d’intérêts divers et variés qui laisse à penser à l’emprunteur que celui-ci s’est épuisé pendant des années à payer des échéances d’un prêt qui demeure du sur la base d’une somme tout aussi importante.

 

Dans pareil cas, il peut sembler parfaitement légitime que le débiteur s’intéresse finalement aux modalités d’octroi de son prêt et au taux contractuel,

 

Pour autant, il n’est pas rare que plusieurs années se soient écoulées entre la mise en place du prêt et la demande du débiteur en annulation de la clause de stipulation d’intérêts,

 

La banque, toujours réfractaire à aborder ce délicat sujet, n’hésite alors pas à faire état de la prescription quinquennale afin de se décharger de toutes formes d’obligations.

 

La question qui se pose alors est de savoir si la prescription quinquennale démarre au jour de la signature de l’offre de prêt ou au jour de la révélation de l’erreur.

 

La jurisprudence a évolué sur cette question puisque elle a considéré que le délai de prescription ne courrait pas forcément à compter de la signature de l’acte mais pouvait également courir au moment de la révélation de l’erreur.

 

Cette question a été consacrée par une jurisprudence du 11 juin 2009 dans laquelle la Cour de Cassation considère qu’en cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non professionnel, la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagée par celui-ci en raison d’une erreur affectant le taux effectif global, court, de même que l’exception de nullité d’une telle stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d’exécution, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur,

 

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur.

 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence a d’ailleurs rappelé ce principe par un arrêt de décembre 2011, qui est intéressant, puisqu’il considère qu’eu égard à la complexité du calcul du taux effectif global, l’erreur ne pouvait être constatée par la simple lecture des conventions.

 

Il convient de rappeler que la complexité des opérations notamment en présence d’un crédit à taux variable, ne permet pas au simple particulier de voir ou de constater une ou plusieurs erreurs dans le taux effectif global.

 

En effet, les modalités de calcul sont particulièrement complexes et ne peuvent valablement être contestées en son temps par l’emprunteur qui n’avait pas à suspecter le caractère erroné du taux effectif global et qu’il n’était pas en mesure de constater l’erreur par le seul examen des conventions.

 

Toutefois, ces dernières années la jurisprudence s’est très sérieusement durcie et a dissocié emprunteur particulier et emprunteur professionnel et plus particulièrement emprunteur personne morale, notamment les SCI.

 

Ainsi, l’emprunteur personne physique particulier et simple consommateur avait le droit de considérer que le point de départ démarrait non pas tant à la signature de l’acte mais bel et bien au jour de la révélation de l’erreur,

 

Mais inversement, l’opportunité de décaler la prescription était fermée à toutes les personnes morales et donc les SCI, fut-ce t’elles familiales, ce qui est particulièrement regrettable.

 

Pour autant, cette jurisprudence de 2017 semble inverser la tendance ce qui est salutaire.

 

Dans cette affaire, la SCI avait demandé un prêt à la un établissement bancaire qui lui a notifié un accord de financement définissant les caractéristiques générales d’un prêt à long terme et indiquant qu’une régularisation de l’acte de prêt devait intervenir par acte notarié.

 

Cet accord avait été accepté le 24 février 2005 par la SCI et l’acte authentique réitératif de prêt étant finalement conclu le 31 mars 2005.

 

Par la suite, la SCI a souhaité engager une action aux fins de nullité de la stipulation du taux effectif global au motif pris que l’établissement bancaire n’aurait pas pris en compte les frais de garantie.

 

Cette assignation est signifiée le 15 mars 2010, dans la quelle la SCI sollicitait bien sur l’annulation de la clause de stipulation des intérêts et réclamait ainsi le remboursement de l’ensemble des intérêts perçus en sus du passage de l’échéancier au seul intérêt au taux légal.

 

La Cour d’Appel déclare irrecevable l’action de la SCI au motif pris que la prescription était acquise à la date à laquelle elle a été engagée, l’arrêt retenant que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels engagée par la SCI, qui a souscrit un prêt pour les besoins de son activité, est la date à laquelle l’offre de la banque a été acceptée par la SCI

 

Ce qui constitue la date de contrat de prêt et donc le point de départ de la prescription quinquennale,

 

La Cour de Cassation, qui a pourtant opté pour un durcissement des droits des SCI, particulièrement en 2016, semble revenir sur sa position et semble changer son fusil d’épaule,

 

En effet, elle considère dans cette jurisprudence qu’en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription se situe au jour ou l’emprunteur a connu ou aurait du connaitre l’erreur affectant celui-ci, la Cour d’Appel, qui a retenu comme point de départ de cette prescription la date d’un document ne constatant aucun taux effectif global a violé les textes susvisés.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient permettre aux SCI, qui sont d’ailleurs bien souvent des SCI familiales, de bénéficier de ce décalage de prescription, tant il est vrai que ce n’est que bien souvent en cas d’incident de paiement ou en cas de difficulté que les décomptes apparaissent et que l’erreur dans le taux effectif global peut se dévoiler aux yeux de l’emprunteur.

 

Dès lors, la SCI est donc bien fondée à envisager l’annulation de la clause de stipulation des intérêts même dans un temps éloigné de l’acte de prêt car désormais elle peut considérer que le point de départ de la prescription démarre au jour de la révélation de l’erreur,

 

L’arrêt est satisfaisant sur cette question,

Pour autant, il n’échappera pas au lecteur attentif que la Cour de Cassation a considéré que ce décalage de prescription pouvait également être évoquée par une SCI qui aurait souscrit un prêt pour les besoins de son activité professionnelle.

 

Deux bémols cependant,

 

En effet, si cet arrêt édicte désormais qu’il a matière à prendre comme point de départ de la prescription quinquenale le jour de la révélation de l’erreur, il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence offre des limites importantes sur deux points précis.

 

Le 1er point est qu’il faut, pour bien comprendre l’arrêt de la Cour, que l’offre de prêt ne comprenne pas de taux effectif global, car tel était le cas en l’espèce,

 

En 2ème point, il n’échappera pas que l’assignation dans cette affaire a été signifiée le 15 mars 2010 afin de contester un acte authentique qui a été établi le 31 mars 2005.

 

Qu’en serait il si l’offre de prêt intégrait un taux effectif global quand bien même celui-ci serait erroné et si l’action faite par le débiteur, SCI, serait diligentée après le délai de 5 ans de la réitération de l’acte chez le notaire ?

 

Tout laisse donc à penser que la Cour de Cassation n’est pas allée au bout de son raisonnement et n’a fait qu’entrouvrir une porte qui peut malheureusement être rapidement refermée.

 

Pour autant, si d’aucun y verrait une bouteille à moitié vide, il convient d’y voir à mon sens une bouteille à moitié pleine,

 

En effet, il était que ce recul des droits des SCI initiée en 2016 finisse enfin, au profit d’une approche plus protectrice des droits des emprunteurs, qui peuvent emprunter par le biais de SCI familiales pour des raisons successorales ou familiales, et qui ont par là même un comportement bien éloigné d’un vrai professionnel,

 

Par voie de conséquence, la SCI demeure bien fondée à bénéficier de dispositions propres au code de la consommation et réclamer la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

A force de solliciter le bénéfice des dispositions du code de la consommation, certaines SCI vont finir par opposer à l’établissement bancaire cette prescription biennale tant redoutée par cette dernière,