Prêt professionnel et TEG contesté à une décimale

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en mai 2017 qui vient aborder la question spécifique de la contestation du taux effectif global et du taux d’intérêt erroné dans la cadre d’un contrat de prêt professionnel.

 

Dans cette affaire, une société commerciale avait assigné une banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du TEG mentionné dans deux contrats de prêt professionnel.

 

Dans le cadre de son pourvoi elle faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l’article R 313-1 du Code de la Consommation tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global, pour lequel elle réclamait la substitution du taux conventionnel au seul taux légal, ce qui peut représenter un impact économique non négligeable sur la totalité des deux prêts,

 

Malheureusement la Cour de Cassation rejette le pourvoi et relève que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 l’an mentionné dans le contrat de prêt professionnel et le produit du taux de période non contesté par le manque d’échéance de remboursement dans l’année à 5,743 % étaient donc inférieurs à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de la Consommation, de telle sort que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel et contrat de prêt.

 

Pour autant, cette jurisprudence relative au prêt professionnel est intéressante à plus d’un titre,

 

Dans le cadre d’une analyse a contrario de cette décision, il n’échappera pas, au lecteur attentif, que la Haute juridiction confirme que même dans le cadre d’un contrat de prêt professionnel l’emprunteur, fut-ce t’il professionnel ou commerçant, demeure bien fondé à assigner la banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du Taux effectif global mentionné dans le contrat du prêt en question.

 

Dans cette affaire l’établissement bancaire B a consenti, les 23 mai et 24 septembre 2007, à la société J deux prêts professionnels,

 

Cette même société J a assigné l’établissement bancaire par acte du 18 septembre 2012, soit dans le délai de 5 ans suivant la classique prescription quinquennale qui est souvent opposée par la banque au demandeur.

 

Dans son assignation, la société J sollicitait la nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global mentionné dans les deux contrats de prêt professionnel.

 

Or, dans le cadre de son pourvoi, la société J fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de rejeter ses demandes tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global annoncé dans son contrat de prêt professionnel et à voir substitué à compter de la date de ce prêt le taux d’intérêt légal au taux conventionnel.

 

En effet, elle considère que l’article R 313-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction issue du Décret n°2002928 du 10 juin 2002 applicable en la cause, dispose que le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire utilisée pour calculer le taux effectif global et calculer le cas échéant avec une précision de moyenne décimale a pour objet, non pas d’édicter une marge d’erreur admissible mais de déterminer le degré de précision dans l’expression dudit taux et les modalités d’application d’un chiffre arrondi.

 

De telle sorte que ni l’établissement bancaire, ni finalement la Cour d’appel, ne pouvait exciper, pour un prêt professionnel, des dispositions de cet article R 313-1 du Code de la Consommation caractérisant un seuil de tolérance d’une décimale alors même que la banque croyait bon opposer à la société J le fait que l’erreur de taux inférieur à une décimale entrainait une absence d’effet de l’erreur en tant que telle.

 

La société J précise, dans le cadre de son pourvoi, que le prêt professionnel entre dans la catégorie des prêts mentionnés au 3 de l’article L 311-3 du Code de la Consommation de telle sorte qu’il résulte des dites dispositions qu’il suffisait que taux effectif global applicable dans la cause est un taux annuel proportionnel au taux de période à terme échu exprimé pour son unité monétaire et lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire.

 

Le rapport ainsi calculé le cas échéant avec une précision d’au moins une décimale.

 

A ce sujet, la Cour de cassation rappelle qu’en présence d’un prêt, et d’un prêt professionnel, les parties peuvent s’accorder sur le calcul de l’intérêt conventionnel à savoir le taux de rémunération sur la base d’une année bancaire de 360 jours comme elles l’ont fait en l’espèce ainsi qu’en atteste l’article 2 des Conditions Générales du contrat litigieux qui stipule dans les conditions financières que le prêt donnera lieu au profit de la banque à des intérêts calculés sur le montant utilisé au taux indiqué dans les conditions particulières du présent acte sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.

 

Pour autant, nonobstant l’éventuelle erreur inférieure à une décimale la société J rappelle qu’aux termes des dispositions légales règlementaires la banque devait calculer dans le contrat de prêt professionnel le taux effectif global sur la base d’une année civile de 365 jours.

 

Dès lors elle fait observer à la Cour que si au sein du contrat de prêt professionnel  le TEG est calculé sur la base d’une année bancaire de 365 jours, il apparaît inconcevable que l’établissement bancaire puisse à la fois présenter un calcul d’intérêt annuel sur la base d’une année de 360 jours alors qu’il justifie dans le même temps d’un taux effectif global calculé sur une base de 365 ou 366 jours.

 

La société J considère, quant à elle, que le seuil de tolérance d’une décimale visé dans l’article R 313-1 du Code de la Consommation ne porte que sur le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire et non sur le résultat du taux effectif global en tant que tel de telle sorte qu’elle serait bien fondé à obtenir la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la Cour ne partage pas cet avis et considère qu’en tout état de cause que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 % l’an mentionné dans le contrat de prêt est le produit du taux de période non contesté par le nombre d’échange de remboursement dans l’année de 5,143 % est inférieur à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de a Consommation de telle sorte que cet à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel du contrat de prêt.

 

De telle sorte que le moyen de la société J n’est pas fondé,

 

Le pourvoi est rejeté,

 

Pour autant, cette décision est intéressante à plusieurs égards.

 

En premier lieu, elle rappelle, en tant que de besoin, que les prêts professionnels entrent dans la catégorie des prêts mentionnés dans le code de la consommation,

 

En effet, l’article L311-3 du Code de la Consommation a vocation à imposer à l’établissement bancaire une justification des modalités de calcul du taux effectif global nonobstant la décimale près visée par l’article R 313-1 du Code de la Consommation.

 

Le deuxième point intéressant est qu’il convient de rappeler à l’emprunteur, fusse-t-il commercial ou professionnel que celui-ci à l’obligation de rapporter la preuve que le taux effectif global est erroné.

 

Cela peut sembler, sur un terrain purement économique et humain, curieux car s’il y a bien un professionnel de la finance en mesure de justifier des modalités de calcul du TEG c’est bel et bien la banque,

 

Pour autant, l’établissement bancaire se garde bien de justifier du bien fondé de son TEG, étant rappelé qu’au égard aux règles de procédure civile qui s’imposent, c’est au demandeur de démontrer une erreur dans le taux effectif global.

 

Cette erreur doit être démontrée sur un terrain juridique , cela va sans dire, mais également sur un terrain mathématique et l’on ne peut que recommander au demandeur qui souhaite assigner la banque en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels au titre d’une erreur dans le taux effectif global de rapporter la preuve mathématique et de faire réaliser une analyse pour pouvoir rapporter la preuve sur un terrain purement concret et factuel.

 

Enfin, il est malgré tout regrettable que la Cour de Cassation ne distingue absolument pas la question relative à l’obligation qu’a l’établissement bancaire de calculer le taux effectif global sur une base de 365 jours alors qu’in fine il apparaît clairement que les taux de périodes sont calculés sur une base d’une année bancaire de 360 jours.

 

Pourtant, il apparait logique que dans la même lignée le calcul des intérêts annuels se fasse sur la même base.

 

Dès lors il peut sembler curieux que d’un côté celle-ci valide un taux effectif global à 365 jours et ne fasse pas de difficulté à ce que l’année bancaire soit finalement calculée à 360 jours dès lors qu’il n’y a pas une erreur de plus d’un décimale sur le taux effectif global in fine.

 

Pour autant, cette décision attire l’attention en ce qu’elle confirme l’opportunité que doivent avoir les emprunteurs professionnels et commerciaux quant à leur leur faculté d’assigner la banque en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels, à condition que cette erreur du taux effectif global soit à la fois démontrée et à la fois supérieure à une décimale pour pouvoir espérer obtenir gain de cause.