Le juge de l’orientation peut il constater d’office la péremption du commandement de payer valant saisie et rejeter la demande d’office la prorogation des effets du commandement de payer demandé par l’établissement bancaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en octobre dernier qui vient aborder la problématique récurrente de la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

Dans cette affaire, la banque aux droits de laquelle venait une société de titrisation avait fait délivrer à Mme Y un commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 23 avril 2013, et l’avait ensuite fait assigner, par acte du 20 juin 2013, à une audience d’orientation.

Par jugement d’orientation du 17 mars 2015, le Juge de l’Exécution avait déclaré nul le commandement, mis fin aux poursuites de saisie immobilière, ordonné la mainlevée et la radiation dudit commandement et avait dit n’y avoir lieu à prorogation de ses effets.

La banque a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 31 mars 2015 et a été autorisée, par ordonnance du 8 avril 2015, à faire assigner pour l’audience du 23 septembre 2015 Madame Y devant la Cour,

Par ordonnance du 24 avril 2015, le Premier Président de la Cour d’Appel, saisi en application de l’article R. 121-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, avait ordonné le sursis à exécution du jugement d’orientation.

La banque faisait grief à l’arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il avait mis fin aux poursuites de saisie immobilière, ordonné la mainlevée et la radiation du commandement ainsi qu’avoir dit n’y avoir lieu à la prorogation des effets du commandement de payer.

Celle-ci considérait que le Juge de l’Exécution ne pouvait aborder la problématique de la prorogation du commandement de payer valant saisie immobilière. 

Elle reprochait au Juge de l’Exécution d’avoir vérifié si le délai prévu à l’article R. 321-20 était expiré lors de la demande de prorogation des effets du commandement de payer.

La banque est venue soulever un certain nombre de moyens.

Elle considère, en premier lieu, quele commandement de payer valant saisie avait cessé de produire effet et que le juge aurait dépassé le champ des contestations émises par les parties.

Elle considère ensuite que sil’expiration du délai prévu à l’article R. 321-20 est acquis, il n’en demeure pas moins que c’est à une partie intéressée de demander au juge de l’exécution de constater la péremption du commandement de payer valant saisie et d’ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier mais qu’en tout état de cause, le juge ne pouvait le relever d’office.

Dans l’hypothèse où ce dernier serait saisi d’une demande de prorogation, celui-ci n’aurait pas vocation à se prononcer sur cette demande, il devrait d’abord se prononcer sur la demande de prorogation et ensuite sur la demande de constat de la péremption.

Le dernier argument soulevé par la banque est de considérer que la demande de sursis à l’exécution proroge les effets attachés à la saisie si la décision attaquée a ordonnée la main levée de la mesure.

Il en va de même de l’ordonnance qui prononce ce sursis,

A bien y comprendre selon la banque, en matière de saisie immobilière, la prorogation des effets attachés à la saisie implique la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie.

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

La Cour rejette le pourvoi en considérant qu’en application de l’article R. 321-20, alinéa 1, du Code des Procédures Civiles d’Exécution, le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi,

Dès lors, il appartient au juge, saisi d’une demande de prorogation des effets du commandement de payer, de vérifier, au jour où il statue, que le délai prévu à l’article R. 321-20 n’est pas expiré.

Enfin, la Haute Juridiction considère qu’au visa del’article R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution que la suspension ou la prorogation des effets du commandement de payer ne pouvait résulter que de la publication d’une décision de justice et relève  que la seule décision publiée ne l’avait été que le 28 avril 2015, soit postérieurement à l’expiration du délai de deux ans de l’article R. 321-20 susmentionné, la Cour d’Appel en a exactement déduit que le commandement avait cessé de produire effet le 24 avril 2015.

Immanquablement cette jurisprudence est intéressante.

Elle illustre la réflexion portée devant la Cour de cassation sur l’office du juge, tant de manière générale, devant toutes les juridictions de fond, que de manière plus spécifique devant le juge de l’orientation,

La saisine d’office du juge d’orientation et les vérifications d’office que celui-ci doit effectuer, tant en présence d’un débiteur à la défense « incomplète » que tant en l’absence du débiteur, demeure une interrogation d’actualité.

A mon sens il est important que la jurisprudence s’affine sur cette question et finalise son raisonnement,

En effet, il convient de rappeler l’avis de la Cour de cassation d’avril 2018 qui autorise le juge de l’orientation de vérifier d’office l’exigibilité de la créance de la banque qui veut saisir le bien immobilier de son débiteur, tout comme cette jurisprudence qui précise que le juge de l’orientation n’est pas tenu de vérifier le caractère prescrit ou non de la créance de la banque.

Désormais la Cour de cassation invite le juge a tirer toutes conséquence de la péremption de la publication d’un commandement de payer valant saisie immobilière.

Cette jurisprudence est salutaire,

Elle doit inviter le juge de l’orientation à procéder à un minimum de vérification sans croire « sur parole » l’établissement bancaire.

Elle doit surtout inviter le débiteur et son conseil à se défendre et aider le juge dans son office.

Elle rappelle enfin au débiteur que les moyens de défense contre la banque sont nombreux et doivent tous êtres vérifiés et utilisés.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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