Responsabilité du mandataire liquidateur et prescription de l’action, quel point de départ ?

laurent latapie avocat reportage 2025
laurent latapie avocat reportage 2025
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Un chef d’entreprise d’une SCI en liquidation judiciaire souhaite engager la responsabilité du mandataire liquidateur. Il lui reproche une perte de chance de présenter un plan de redressement, puis dans le cadre de la liquidation judiciaire finalement prononcée d’avoir mal réalisé les actifs de la SCI. Quel est le point de départ de cette action en responsabilité contre le mandataire liquidateur ? Le jour du fait générateur de la faute commise ou le jour de la clôture qui détermine l’étendue du préjudice ? Le mandataire liquidateur peut-il inversement demander l’allocation de dommages et intérêts contre le débiteur au motif pris de ce que cette action en responsabilité contre le mandataire liquidateur serait abusive ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 13 février 2025, N°RG 23/15934, qui vient aborder le cas spécifique d’une action en responsabilité faite par un débiteur en liquidation judicaire contre son mandataire liquidateur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la SCI L était propriétaire d’un immeuble à Marseille élevé de deux étages sur rez-de-chaussée avec galetas.

 

Par jugement en date du 08 février 2011, saisi par l’assignation d’un créancier, le Tribunal de Grande Instance de Marseille avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de ladite SCI L dont le gérant était Monsieur V.

 

Par jugement en date du 13 septembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé par la suite la liquidation judiciaire de la SCI L et désigné Maître A es-qualité de mandataire liquidateur.

 

Saisi par requête du liquidateur judiciaire en date du 11 octobre 2012 aux fins de vente du bien immobilier de la SCI L avec une mise à prix de 100 000.00 € et faculté de baisse de moitié en cas de carence d’enchères sur 50 000.00 €, le Juge commissaire a, par ordonnance en date du 15 janvier 2013, autorisé ladite vente par adjudication.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte en date du 25 janvier 2013, Monsieur V, dirigeant de la SCI L, a interjeté appel de la décision.

 

Par ordonnance en date du 22 octobre 2013, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel d’Aix en Provence avait constaté la caducité de l’appel formé par Monsieur V à l’encontre de la décision déférée pour défaut de conclusions dans le délai requis.

 

Une responsabilité du mandataire liquidateur en cas d’adjudication ?

 

Puis, par jugement d’adjudication en date du 30 janvier 2014, l’immeuble a été adjugé pour la somme de 121 000.00 €, outre 1 059.72 € au titre des loyers perçus pendant la période.

 

Le passif de la SCI L a été intégralement réglé et c’est dans ces circonstances que, selon jugement en date du 24 mars 2015, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif.

 

Puis, selon ordonnance en date du 01er octobre 2015, le Juge commissaire a approuvé le compte-rendu de fin de mission établi par le mandataire liquidateur, Maître A, es-qualité.

 

L’assignation en responsabilité du mandataire par le débiteur

 

Or, par acte extrajudiciaire signifié le 18 juillet 2019, Monsieur V a assigné Maître A à titre personnel devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes aux fins de voir déclarer Maître A responsable pour ne pas avoir présenté un plan de redressement de la SCI L et condamner Maître A à payer à Monsieur V la somme de 50 000.00 € pour perte de chance de présenter un plan de redressement mais également et surtout de condamner Maître A à payer à Monsieur V la somme de 250 000.00 € au titre de dommages et intérêts sur la dévalorisation immobilière, outre 244 800.00 € au titre de la perte de revenus locatifs à ce jour, outre la somme de 612 000.00 € au titre de la perte de chance de bénéficier des revenus locatifs à venir.

 

C’est dans ces circonstances que, par jugement en date du 17 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de Tarascon a déclaré prescrite l’action initiée par Monsieur V à l’encontre de Maître A, déclaré irrecevable l’ensemble des demandes de Monsieur V et, condamné ce dernier aux dépens, outre un article 700 de 3 000.00 €.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur V a interjeté appel de la décision le 27 décembre 2023 en maintenant ses demandes à l’encontre du mandataire judiciaire.

 

En effet, à l’appui de ses demandes, Monsieur V soutenait que Maître A avait commis deux fautes.

 

En effet, il reprochait au mandataire judiciaire de ne pas l’avoir accompagné dans le cadre du redressement judiciaire afin d’envisager sérieusement un plan de redressement viable qui aurait permis de payer le passif et de conserver le bien.

 

La responsabilité du mandataire judiciaire et la perte de chance de présenter un plan de redressement

 

Il reproche aussi au mandataire liquidateur de ne pas avoir procédé à une réalisation de l’actif maximisé en se contentant d’envisager une vente aux enchères sur la base d’une mise à prix fixée forfaitairement sans qu’aucune hypothèse de vente à l’amiable et d’expertise ait été envisagée.

 

Monsieur V faisait valoir à hauteur de Cour que l’immeuble loué en son entier pouvait générer un revenu locatif de près de 2 550.00 € par mois et que le bien avait été estimé le 07 avril 2010 entre 390 000.00 €, fourchette basse, et 400 000.00 €, fourchette haute.

 

Monsieur V soutient que le préjudice découlant de la réalisation des actifs est en lien direct avec l’insuffisance des actifs de la liquidation judiciaire, lequel ne peut être déterminé qu’au moment où l’ensemble des opérations liquidatives sont clôturées et en tire pour conséquence que c’est la clôture pour extinction du passif qui fait partir le délai de prescription de l’action en responsabilité contre le mandataire liquidateur puisque c’est le point de départ de la caractérisation du préjudice en question.

 

Un point de départ de l’action en responsabilité collé au jour de la clôture ?

 

Pour autant, le mandataire liquidateur ne partage pas son analyse puisqu’il rappelle que Monsieur V est un tiers et que son action est dès lors soumise à la prescription de l’article 2224 du Code civil et est comme telle prescrite dès lors que,

 

S’agissant du premier grief, Monsieur V ne pouvait ignorer que la SCI L dont il était le gérant ne pouvait bénéficier d’un plan de redressement par les faits du jugement qui l’a déclaré en liquidation judiciaire, soit, à compter du 13 septembre 2011,

 

La responsabilité du mandataire liquidateur lors des opérations de réalisation des actifs

 

S’agissant du second grief, Maître A, mandataire liquidateur, soutient que Monsieur V a connu le 30 janvier 2014 lors de la vente aux enchères du bien le fait que son immeuble ne pourrait être vendu à un prix supérieur, de telle sorte que son action qui a été introduite le 10 juillet 2019 était prescrite.

 

Le mandataire liquidateur faisant valoir que Monsieur V n’a pas qualité à agir dans la mesure où il ne justifie pas de la valeur de l’immeuble et le mandataire liquidateur soutient avoir rempli son obligation de moyen.

 

Il conteste toute faute, fait valoir l’absence de collaboration de la SCI L à la procédure ainsi que la dissimulation de son bien immobilier par la SCI, outre le détournement de loyers de l’immeuble qu’aurait encaissé directement Monsieur V.

 

L’absence de collaboration du dirigeant et le détournement des loyers encaissés par ce dernier

 

Il rappelle enfin qu’il n’avait pas reçu pour mission d’assister la débitrice dans l’élaboration d’un plan de redressement et avait pour mission principale la préservation des droits des créanciers.

 

Le mandataire liquidateur allant même jusqu’à soutenir que l’action formée par Monsieur V est abusive et lui a causé un préjudice moral et personnel faisant valoir l’absence de collaboration de Monsieur V et sa dissimulation de l’immeuble de la SCI, outre l’encaissement des loyers directement entre ses mains nonobstant les effets de la procédure collective proprement dite.

 

La Cour d’appel rejoint l’analyse du mandataire liquidateur sur la problématique de la prescription et semble, par ce biais-là, purger toute réflexion de fond sur l’éventuelle faute commise par le mandataire liquidateur.

 

Le point de départ de la responsabilité du mandataire attaché à la faute commise

 

En effet, sur les mérites de l’appel, la Cour d’appel rappelle en tant que de besoin que, en vertu de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles immobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits qui permettent de l’exercer.

 

La prescription d’une action en responsabilité court non pas du jour du fait générateur de la faute mais de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle ce dommage a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en a pas eu précédemment connaissance.

 

Le fait générateur de la faute, point de départ de l’action en responsabilité du mandataire

 

Ainsi, la prescription de l’action en responsabilité du mandataire liquidateur court ainsi à compter de la manifestation de dommages à celui qui s’en prévaut pour demander indemnisations.

 

Monsieur V soutient que le mandataire liquidateur a commis deux fautes à l’origine des dommages qu’il invoque.

 

En premier lieu, il fait grief à Maître A de ne l’avoir pas accompagné dans le cadre du redressement judiciaire afin d’envisager un plan de redressement viable qui aurait permis de payer le passif et de conserver le bien.

 

Or, Monsieur V a eu connaissance du dommage résultant de l’absence du plan de redressement lorsque le Tribunal de Grande Instance a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire le 13 juin 2011.

 

En second lieu, Monsieur V a fait grief à Maître A, es-qualité de liquidateur judiciaire, de n’avoir pas réalisé l’actif de la SCI en son montant maximal.

 

Or, Monsieur V a eu connaissance du dommage résultant de la faute alléguée lors de l’audience de vente aux enchères publiques du bien de la SCI pour un montant de 121 000.00 € le 30 janvier 2014.

 

Or, Monsieur V a assigné Maître A en responsabilité le 10 juillet 2019, à défaut pour Monsieur V d’avoir introduit son action dans le délai de cinq ans suivant la date du 13 juin 2011 s’agissant du premier grief allégué et suivant la date du 30 janvier 2014 s’agissant du second grief allégué, Monsieur V est prescrit en son action et il convient de confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Tarascon en toutes ses dispositions.

 

La demande de dommages et intérêts sollicitée par le mandataire liquidateur contre son débiteur

 

Concernant la problématique des demandes de dommages et intérêts formulées par le mandataire liquidateur, la Cour rappelle que l’article 1240 du Code civil dispose que :

 

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

 

Le demandeur à l’action en responsabilité doit démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

 

Or, Maître A soutient que l’action de Monsieur V est abusive et qu’elle lui cause un préjudice moral et personnel sans cependant le démontrer.

 

Étant observé que l’obstruction de la procédure collective qu’il reproche à Monsieur V ne relève pas d’une indemnisation d’un préjudice du liquidateur qu’il soit moral, personnel ou professionnel.

 

De telle sorte que la Cour déboute Maître A de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

 

L’action en responsabilité contre le mandataire liquidateur par le débiteur, jugée abusive ?

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient une fois de plus aborder la problématique de la responsabilité du mandataire liquidateur qui peut assez facilement engager sa responsabilité puisque le dirigeant de la SCI en question venait lui reprocher, à la fois une absence d’accompagnement sérieux dans le cadre de la présentation d’un plan et, à la fois des conditions de réalisation des actifs catastrophiques puisque le mandataire liquidateur semble avoir poussé le bien à la vente aux enchères publiques sans avoir même réalisé une expertise judiciaire pour déterminer à tout le moins la fixation d’un prix de vente aux enchères publiques qui aurait peut-être permis d’obtenir une réalisation dans les meilleures conditions possibles car effectivement malheureusement, à bien des égards, si le mandataire judiciaire peut choisir de préférer une vente aux enchères publiques au détriment d’une vente amiable afin de s’assurer que le bien soit vendu au juste prix et que sa responsabilité ne se voit pas engagée, il n’en demeure pas moins que celui-ci peut quand même voir sa responsabilité engagée s’il n’a pas tout mis en œuvre pour réaliser l’actif dans les meilleures conditions possibles.

 

Le reproche qui pourrait être fait à Monsieur V finalement dans cette affaire est d’avoir peut-être tardé à réfléchir à cette action en responsabilité pour laquelle il se retrouve finalement prescrit alors que, malgré tout, la réflexion qui consiste à considérer que le préjudice ne peut être caractérisé finalement qu’à la clôture de la liquidation judiciaire, tantôt parce que l’ensemble des créanciers n’ont pas été désintéressés, tantôt parce que le débiteur ne récupère pas le bonni qui aurait pu lui revenir et qu’il espérait avoir pour lui permettre de rebondir et de repartir dans les meilleures conditions possibles.

 

Or, la Cour d’appel ne retient pas cette approche et considère que, dans la mesure où le débiteur a été informé en sa qualité de gérant de la SCI des différents obstacles qu’il a rencontré et qu’il vient finalement reprocher bien plus tard au mandataire liquidateur, ce dernier a donc bel et bien eu connaissance de ces éléments et donc des fautes qu’il souhaitait caractériser à l’encontre du mandataire liquidateur.

 

De telle sorte que ce dernier se retrouve finalement prescrit bien que, à mon sens, la réflexion de la responsabilité du mandataire liquidateur trouve véritablement son expression lorsque la clôture survient et que les comptes sont enfin faits entre actif et passif dans le cadre de la réalisation des opérations de liquidation judiciaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Promesse unilatérale de vente caduque et réalisation forcée de la vente 

laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement
laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement
laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement

 

Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation. Si celui-ci se rétracte ou refus de réitérer, est-il possible d’obtenir la réalisation forcée de la vente ou le litige ne peut se résoudre que par l’allocation de dommages et intérêts?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 novembre 2024, N°21-12.661, qui vient rappeler que, depuis un revirement de jurisprudence du 23 juin 2021, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation juge que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence a rendu son arrêt le 05 janvier 2021 et considérait qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts.

 

Or, alors que se faisant, la Cour d’appel se conforme à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel a violé les articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil dans la rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance N°2016-131 du 10 février 2016.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, par acte authentique du 21 octobre 1971, Madame et Monsieur S & D avaient promis de vendre à Madame et Monsieur M & K ou à leurs ayants-droits la parcelle de terrain cadastrée section A cadastre 2 et que cette dernière exploitait sur une commune selon bail du 23 septembre 1961.

 

Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 01er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.

 

Une promesse unilatérale de vente consentie pour 4 années

 

L’ensemble des antagonistes, à savoir, S & D d’un côté et M & K de l’autre, sont décédés respectivement les 28 décembre 1978 et 06 mars 1999 laissant pour leur succéder, la première, son fils, Monsieur L le promettant, la seconde, son fils, Monsieur U le bénéficiaire.

 

Par lettre recommandé du 01er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu’il considérait la promesse de vente comme caduque.

 

Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.

 

Une levée d’option par le bénéficiaire sans réponse du promettant

 

Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné le 17 janvier 2018 aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 2 et de condamnation en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Or, le bénéficiaire faisait grief à la Cour d’appel de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 3 ainsi que sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive alors que, selon lui, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

Ainsi, en considérant qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts, la Cour d’appel avait, selon le bénéficiaire, violé les dispositions des articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil.

 

Une réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant ?

 

Le bénéficiaire faisant également grief à la Cour d’avoir apprécié la vileté du prix qui devait s’effectuer non à la date de la promesse de vente mais à la date de la levé d’option.

 

En effet, le bénéficiaire considérait que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de réalité de la vente.

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation vient apporter deux séries de réponses qui sont autant d’instructions et qui vont immanquablement appeler à une large publication de ces jurisprudences.

 

Premièrement, sur la question de savoir s’il y avait matière à obtenir la réitération forcée de la vente ou de simples dommages et intérêts, la Cour de cassation apporte un certain nombre de réponses et ce, au visa des articles 1101, 1134 alinéa 1er et 1142 du Code civil.

 

La réalisation forcée de la vente en sus des dommages et intéréts

 

Ainsi, la Cour de cassation rappelle :

 

Aux termes de l’article 1101 du Code civil, le contrat est une convention par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à faire ou à ne pas faire quelque chose.

 

Aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

 

Aux termes enfin de l’article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.

 

La Cour de cassation rappelle que, alors qu’il était jugé antérieurement en matière de promesse unilatérale de vente que la levée de l’option postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre de volonté réciproque de vendre ou d’acquérir.

 

De sorte que la réalisation forcée ne pouvait être ordonnée, la violation par le promettant de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droits qu’à dommages et intérêts, la Cour de cassation procédant à un revirement de jurisprudence, juge depuis une décision du 23 juin 2021, troisième Chambre civile, N°20-17.554, que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exécution de l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente.

 

Le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

Ainsi, bien qu’annonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible dans pareils cas d’ordonner la réalisation de la vente forcée s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts.

 

En statuant ainsi sans se conformer en l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

Concernant la fixation du prix de vente

 

Concernant la fixation du prix, la Cour de cassation rappelle là-encore que les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

 

Et, aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, 1591 du même Code, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

 

Un prix de vente déterminé et désigné par les parties

 

Ainsi, pour confirmer le rejet de la demande de transfert de propriété de l’immeuble promis, la Cour d’appel dénonce que l’appréciation du prix s’effectue non pas à la date de la promesse mais à celle de l’échange de l’accord des volontés, c’est-à-dire, à la date de levé de l’option par le bénéficiaire.

 

Soit, en l’occurrence, le 18 novembre 2016.

 

La disparité entre les offres de prix obtenu par le promettant et la proposition d’achat émanant du bénéficiaire établissant le caractère ni réel ni sérieux du prix en conduisant à la nullité de l’acte.

 

La Cour de cassation considère que, en statuant ainsi, alors que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient outre le consentement du vendeur les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire, de sorte que la vileté du prix s’apprécie à la différence de l’action en décision de provision ouvert dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivant du Code civil à la date de la promesse et non à celle de la levée d’option.

 

Le promettant d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre le bien

 

Ainsi, cette jurisprudence est particulièrement intéressante puisqu’elle vient rappeler que, désormais, en l’état du revirement de jurisprudence du 23 juin 2021 opéré par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation.

 

Ce qui est extrêmement satisfaisant dans l’hypothèse où, par extraordinaire, le promettant décide de changer d’avis sans raison valable par ailleurs.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Saisie immobilière et l’importance de la description juridique du bien saisi

Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, la question se pose de savoir ce que doit comprendre le procès-verbal de description établi par l’huissier de justice ? La description doit-elle se limiter à la composition et la superficie ou doit-elle aussi comprendre la situation juridique du bien ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, première Chambre civile, ce 26 juin 2024, N°23-13.236, et qui rappelle que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la description des lieux effectuée dès la signification du commandement de payer valant saisie immobilière doit s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien et doit dès lors inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, les consorts K, pour financer l’acquisition de diverses parcelles, avaient contracté un prêt auprès d’une banque garanti par une description de privilège de prêteur de deniers d’hypothèque conventionnelle.

 

Les consorts K, ayant rencontré des difficultés économiques, ont cessé de régler les échéances du prêt et la banque a procédé à la déchéance du terme et a envisagé le recouvrement forcé de sa créance en engageant une procédure de saisie immobilière des parcelles en question et c’est dans ces circonstances qu’elle a délivré un commandement de payer valant saisie le 14 avril 2008.

 

Une déchéance du terme, point de départ de la saisie immobilière

 

Le 05 mai 2008, soit dans la même foulée de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, Maître B, huissier de justice, a donc dressé à la demande du créancier saisissant le procès-verbal descriptif des parcelles visé au commandement de payer valant saisie.

 

La nullité du commandement de payer valant saisie immobilière

 

Le 16 novembre 2011, à la demande d’un acquéreur, un jugement a prononcé la nullité du commandement de payer, délivré le 14 avril 2008 ainsi que de tous les actes de procédure subséquent au motif pris que les parcelles saisies comportaient un bâtiment construit pour partie sur une parcelle non-saisie.

 

C’est dans ces circonstances que, le 22 février 2019, la banque considérant que son propre avocat intervenant pour lancer la procédure de saisie immobilière et l’huissier de justice ont commis des fautes et ont conduit l’annulation de la procédure de saisie immobilière et les a donc assignés en responsabilité et en indemnisation.

 

L’action en responsabilité de la banque contre son propre avocat et son propre huissier de justice

 

Or, l’huissier de justice s’est donc pourvu en cassation et faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de déclarer qu’il a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la banque et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts alors que, selon l’huissier instrumentaire dont la responsabilité était recherchée,

 

Quant à la question de la responsabilité de l’huissier de justice concernant la description des lieux la Cour d’appel considérait que la description des lieux telle que visée par l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution ne s’entend pas seulement de leur composition et superficie mais également de la situation juridique du bien qui doit faire l’objet d’une présentation rigoureuse dans la mesure où ce procès-verbal est annexé au cahier des conditions de vente et qui ne doit ainsi comporter aucune inexactitude de nature à affecter la contenance du bien saisi.

 

Tandis que ce texte ne prévoit pas que soit inclus au procès-verbal de description un état de la situation juridique du bien, de telle sort que, pour l’huissier, la Cour d’appel avait violé par fausse interprétation de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

Il convient de reprendre le texte de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution qui a dit :

 

« Le procès-verbal de description comprend :

 

1° La description des lieux, leur composition et leur superficie ;

 

2° L’indication des conditions d’occupation et l’identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ;

 

3° Le cas échéant, le nom et l’adresse du syndic de copropriété ;

 

4° Tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant. »

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rappelle que, selon l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de description comprend notamment la description des lieux par leur composition et leur superficie et tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Quel contenu dans le procès-verbal de description ?

 

C’est donc, pour la Haute juridiction, à bon droit que la Cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait, dès lors, inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle en tant que de besoin que l’avocat intervenant, tout comme le commissaire de justice intervenant, pour l’établissement bancaire peut engager sa responsabilité lorsque finalement le débiteur ou un éventuel acquéreur arrive à faire prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et faisant ainsi tomber toute la procédure de saisie immobilière subséquente mais elle vient également rappeler que le procès-verbal de description du bien saisi doit bien sûr comprendre la description des lieux, leur composition et leur superficie, ainsi que tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Cette description des lieux devant s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien.

 

Cette obligation est à mon sens car elle est également utile et utilisable par le débiteur saisi qui peut également contester les conditions dans lesquelles ce procès-verbal de description du bien saisi peut être contesté.

 

À bon entendeur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’adoption possible de l’enfant par la mère d’intention malgré le refus de la mère biologique

Un couple de femmes ayant un recours à une assistance médicale à procréation se sépare avec pertes et fracas par la suite. La mère d’intention souhaite adopter l’enfant désiré dans le cadre de leur projet parental commun mais se heurte au refus de la mère biologique. L’adoption est-elle possible ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue ce 23 mai 2024, Première Chambre civile, N°22-20.069, et qui vient apporter quelques précisions lorsqu’un couple de femmes a eu un recours à une procréation médicalement assistée dans le cadre d’un projet parental commun.

 

Un enfant voulu et désiré par un couple de femmes

 

Dans pareil hypothèse, cette jurisprudence vient consacrer l’idée suivant laquelle le Juge peut prononcer l’adoption de l’enfant par la femme n’ayant pas accouché et ce, même si la mère biologique refuse de reconnaitre conjointement l’enfant dès lors que ce refus est injustifié et que l’adoption sert l’intérêt de l’enfant apprécié souverainement par le Juge.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Madame D et Madame W s’étaient mariées le 23 juin 2018.

 

En couple depuis plusieurs années, elles poursuivaient un projet parental commun.

 

Le 04 octobre 2018, Madame D a donné naissance à F, né d’une assistance médicale à procréation pratiquée en Belgique avec un donneur anonyme.

 

Par acte notarié du 23 octobre 2019, elle a consenti à l’adoption plénière de l’enfant par Madame W, son épouse, or, ce consentement a été rétracté le 29 novembre suivant après la séparation du couple.

 

Une adoption plénière initiée dans le cadre d’un projet parental commun

 

C’est dans ces circonstances que, le 30 novembre 2020, Madame W a déposé une requête en adoption plénière de leur enfant commun, Mademoiselle F.

 

Il est bien évident que la mère biologique, Madame D, ne partageait pas cette analyse et, à hauteur de Cour de cassation, faisait grief à la Cour d’appel d’avoir prononcé l’adoption plénière de leur fille F au profit de Madame W.

 

Madame D faisait tout aussi grief à la Cour d’appel d’avoir, en conséquence, dit qu’elle portera les noms D et W et de transmettre l’arrêt en vue de sa retranscription avec mention sur les registres d’état civil et de dire de même logique qu’il appartiendra au Juge aux affaires familiales de statuer sur les modalités de l’autorité parentale.

 

Pour Madame D cela était inconcevable et celle-ci venait, à hauteur de Cour de cassation, soutenir plusieurs moyens.

 

Une adoption judiciaire forcée possible de l’enfant sans le consentement du parent biologique

 

Il est vrai qu’à titre exceptionnel le Tribunal peut prononcer l’adoption forcée d’un enfant sans consentement du parent biologique s’il relève par une décision spécialement motivée que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige.

 

Pour autant, Madame D venait reprocher à la Cour d’appel d’avoir prononcé cette adoption en se bornant à relever qu’il y avait des difficultés entre Madame D et Madame W et que ces dernières portaient une affection sans pareil pour leur enfant commune, Mademoiselle F.

 

Or, Madame D considérait que Madame W, à plusieurs reprises, s’était désintéressée de l’enfant et ne méritait du coup pas cette adoption plénière.

 

Une mère d’intention se désintéressant de l’enfant ?

 

Puis, bien plus, Madame D reprochait finalement à Madame W de ne pas rapporter la preuve suivant laquelle un double lien de filiation constituait une protection complémentaire pour l’enfant sans même s’expliquer sur les conditions dans lesquelles cette protection aurait vocation à bénéficier à Mademoiselle F.

 

C’est l’occasion parfaite pour la Cour de cassation de venir finalement s’exprimer sur les conditions dans lesquelles une adoption peut être faite au profit de la mère d’intention lorsqu’un couple de femmes a eu recours à une procréation médicalement assistée dans le cadre d’un projet parental commun et que finalement le couple se sépare et que la mère biologique souhaite en tirer tous les bénéfices au détriment clairement de la mère d’intention.

 

La Cour de cassation vise l’article 6-4 alinéa 1er de la Loi numéro 2021-1017 du 02 août 2021 relative à la bioéthique qui précise que lorsqu’un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à procréation à l’étranger avant la publication de la présente Loi, il peut faire devant le notaire une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché.

 

Un couple de femmes ayant un recours à une assistance médicale à procréation

 

Cette reconnaissance établie la filiation à l’égard de l’autre femme.

 

L’article 9 de la Loi N°2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption dispose quant à lui que, à titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente Loi lorsque sans motif légitime la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant, autrement dit la mère biologique, refuse la reconnaissance conjointe prévue au 4 de l’article 6 de la Loi numéro 2021-1017 du 02 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la même Loi dans les conditions prévues par la Loi étrangère sans que puisse lui être opposé l’absence de lien conjugal, ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du Code civil.

 

Le Tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige.

 

Quel est l’intérêt de l’enfant ?

 

Le tribunal statue par une décision spécialement motivée, l’adoption entraine les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité, du concubin.

 

Ainsi, comme le souligne très justement la Haute juridiction, le pourvoi pose la question de savoir si le législateur en prévoyant que le Tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et, si la protection de ce dernier l’exige, à entendu subordonner le prononcé de l’adoption à une condition autonome tendant à l’exigence de protection de l’enfant.

 

La Cour de cassation rappelle que ce dispositif transitoire a été créé pour régler la situation de couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à procréation à l’étranger avant la Loi du 02 août 2021 et qui se sont séparés de manière conflictuelle depuis le projet parental commun.

 

Il ressort de l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de l’article 9 précité que celui-ci a pour objectif de ne pas priver l’enfant issu de ce projet parental de la protection qu’offre un second lien de filiation du seul fait de la séparation conflictuelle de ses parents et du refus consécutif de la femme inscrite dans l’acte de naissance d’établir la reconnaissance conjointe prévue au 4 de l’article 6 de la Loi relative à la bioéthique.

 

Selon ce même exposé, l’adoption sera prononcée que si ce refus n’est pas légitime et s’il est conforme à l’intérêt de l’enfant.

 

Une adoption par la mère d’intention conforme à l’intérêt de l’enfant

 

Dès lors, pour la Haute juridiction, elle admet que le législateur ait posé une exigence supplémentaire supposant de démontrer concrètement que la mesure d’adoption est indispensable pour protéger l’enfant d’un danger conduirait à limiter considérablement la possibilité d’adoption plénière alors même que le refus de reconnaissance conjointe serait injustifié.

 

Ainsi, une telle interprétation s’inscrirait en contradiction avec l’objectif recherché par le législateur.

 

Dès lors, il y a lieu de considérer qu’au regard du projet parental commun dont a procédé l’assistance médicale à la procréation réalisée, l’adoption de l’enfant peut être prononcé si, en dépit du refus sans les motifs légitimes de la femme qui a accouché de procéder à la reconnaissance conjointe, elle est conforme à l’intérêt de l’enfant souverainement apprécié par le Juge en considération des exigences de sa protection.

 

Un projet parental commun ayant déterminé l’assistance médicale à la procréation

 

La Cour de cassation s’intéresse donc au sort particulier de cette petite F entre ses deux parents, Madame D et Madame W, et souligne que la Cour d’appel a relevé que la naissance de la petite F, sa grande fragilité et l’attention constante qui lui était nécessaire avait pu déstabiliser le couple que formaient depuis plusieurs années Madame D et Madame W, laquelle avait préféré s’éloigner pour ne pas exposer l’enfant à des disputes incessantes mais que Madame D n’en considérait pas moins Madame W comme l’autre parent de l’enfant auquel elle avait donné naissance.

 

La Cour d’appel a donc retenu que le fait que Madame W ait refusé tout contact avec celui-ci au début de la crise sanitaire, au mois de mars 2020, ne traduisait pas un désintérêt de sa part mais la volonté de le protéger de tout risque de contamination dès lors qu’elle exerçait la profession d’aide-soignante.

 

La Haute juridiction confirme que la Cour d’appel a souligné que celle-ci portait un grand intérêt à l’enfant F qu’elle considérait comme sa fille, la recevait dans un cadre adapté à son bien être sans vouloir se l’approprier de façon exclusive et était en capacité de repérer ses besoins et d’y répondre.

 

Une mère d’intention soucieuse du bien-être de l’enfant

 

Dès lors, c’est à bon droit que la Cour d’appel a estimé que l’enfant, qui était né d’un projet parental commun, devait pouvoir être adopté par Madame W afin de s’inscrire dans deux familles qui la considéraient toutes deux comme leur petite fille.

 

De l’ensemble de ces constatations et appréciations, la Cour d’appel a, pour la Haute juridiction, souverainement déduit que l’adoption plénière de F par Madame W était conforme à l’intérêt de l’enfant, de telle sorte que celle-ci avait légalement et parfaitement justifié cette décision.

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rejette le pourvoi de Madame D.

 

Cette jurisprudence est très satisfaisante puisqu’elle vient donc confirmer que lorsqu’un couple de femme a eu recours à une procréation médicalement assistée dans le cadre d’un projet parental commun le Juge peut donc prononcer l’adoption de l’enfant par la femme n’ayant pas accouché et ce, même si la mère biologique refuse de reconnaitre conjointement l’enfant, dès lors que ce refus est injustifié et que l’adoption sert l’intérêt de l’enfant.

 

L’intérêt de l’enfant est alors apprécié souverainement par le Juge.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Responsabilité des parents du fait de leur enfant et autorité parentale conjointe

laurent latapie avocat divorce et séparation

Revirement jurisprudentiel important concernant la responsabilité objective des parents du fait de leur enfant. Abandon du critère de résidence habituelle de l’enfant ou de notion de cohabitation au profit du critère d’autorité parentale conjointe. Peut-on y voir une consécration du principe de coparentalité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en Assemblée Plénière ce 28 juin 2024, N°22-84.760, et qui va immanquablement faire parler d’elle puisque la Cour de cassation interprète désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs et juge désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l’égard duquel ils exercent conjointement l’autorité parentale engage leur responsabilité qu’importe le mode de garde fixé par le juge aux affaires familiales.

 

De telle sorte que, pour la Haute juridiction, il en résulte que les deux parents, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l’enfant n’a pas été confié à un tiers pas une décision administrative ou judiciaire.

 

La responsabilité objective des parents du fait de leur enfant

 

Cette jurisprudence vient modifier la responsabilité des parents du fait de leur enfant qui, jusqu’à lors, était essentiellement attachée à la notion de résidence principale lorsque les parents étaient séparés, schéma désormais classique en la matière et la vraie question était de savoir lequel des deux parents devait assumer la responsabilité des faits délictuels de leur enfant lorsque l’enfant était tantôt en garde alternée, tantôt en résidence principale chez l’un de ses parents avec un droit de visite et d’hébergement plus ou moins élargit chez l’autre parent.

 

Quels sont les faits ?

 

 

Dans cette affaire, Madame X, civilement responsable, et les sociétés avaient formés des pourvois contre l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence, Chambre des mineurs du 17 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre le deuxième du chef de destruction de bois par incendie pouvant causer un dommage aux personnes ou un dommage irréversible à l’environnement à prononcer sur les intérêts civils.

 

Le Tribunal pour enfants avait déclaré l’enfant E coupable du chef de destruction de bois par incendie pouvant causer un dommage aux personnes ou un dommage irréversible à l’environnement et se prononçant sur les intérêts civils à déclarer ses deux parents, Madame X d’un côté chez laquelle la résidence était fixée au moment des faits, et Monsieur P qui avait un droit de visite et d’hébergement, civilement responsables du fait des actes commis par leur enfant.

 

Monsieur P avait relevé appel de cette décision et finalement, à hauteur de Cour de cassation, la question se posait de savoir lequel des deux parents pouvait être civilement responsable de leur enfant, E.

 

Lequel des deux parents doit être tenu civilement responsable de son enfant ?

 

À hauteur de Cour de cassation, Monsieur P contestait la décision qui l’avait déclaré civilement responsable de son fils, E, alors que, selon lui, les dispositions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil tel qu’interprété par la Cour de cassation jusqu’à lors comme attribuant la responsabilité de plein droit en cas de divorce au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant avait été fixée quand bien même l’autre parent bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement exercerait conjointement l’autorité parentale porte atteinte au droit de mener une vie familiale normale et l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant des dixième et onzième alinéa du préambule de la constitution de 1946 ainsi qu’au respect de la vie privée garantie à l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au principe d’égalité de la Loi consacré par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

Pour la société qui s’était constituée partie civile, cette dernière considérait que le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant chez eux, qu’il en résulte que le parent divorcé chez lequel n’a pas été fixé judiciairement la résidence de son enfant mineur au même titre que l’autre parent responsable civilement de plein droit du fait de cet enfant.

 

Des parents solidairement responsables au titre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale

 

Que dès lors, pour décider que Monsieur P n’était pas civilement responsable de son fils mineur, la décision rendue par la Cour d’appel qui avait énoncé que la résidence demeurait en l’espèce le critère déterminant pour engager la responsabilité de Monsieur P.

 

En effet, Monsieur P considérait quant à lui en toute hypothèse que si devant le Juge civil il n’est pas civilement responsable de plein droit du fait de son enfant mineur le parent divorcé ou séparé de corps auquel n’a pas été attribué l’exercice de l’autorité parentale ou chez lequel, en cas d’exercice conjoint, l’enfant mineur n’a pas sa résidence habituelle, la victime peut toutefois agir à l’encontre dudit parent sur le fondement de la responsabilité pour faute.

 

Qu’en revanche, devant le Juge pénal, en application de l’article 2 du Code de procédure pénale, la juridiction répressive est incompétente pour rechercher il est civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l’article 1240 du Code civil.

 

Dès lors, la question se posait très clairement de savoir dans quelles conditions la Cour de cassation allait déterminer la responsabilité de plein droit du ou des parents du fait de leur enfant.

 

La responsabilité de plein droit des parents du fait de leur enfant

 

En effet, Monsieur P reprochait à la Cour de l’avoir déclaré civilement responsable de son fils mineur alors que, selon lui, en cas de divorce la responsabilité de plein droit prévue par l’article 1242 alinéa 4 du Code civil incombe aux deux parents en ce qu’ils exercent conjointement l’autorité parentale.

 

Qu’en effet, l’article 18-1 de la convention internationale des droits de l’enfant impose aux états d’assurer la reconnaissance du principe de la coparentalité pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement.

 

Une responsabilité incombant au parent bénéficiaire de la résidence principale ?

 

Qu’ainsi, en écartant pourtant la responsabilité de Monsieur P au motif que la responsabilité de plein droit prévu par l’article 1242 alinéa 4 du Code civil incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée quand bien même l’autre parent bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement exerce conjointement l’autorité parentale, la Cour d’appel aurait, selon le pourvoyant, méconnu le principe susvisé en violant, à la fois les articles 1242 du Code civil, et celui de l’article 18-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation vient apporter une réponse qui emporte immanquablement un revirement de jurisprudence.

 

Un revirement jurisprudentiel retenant désormais la notion d’autorité parentale conjointe

 

Cette dernière s’exprime au visa de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil en précisant que dans cette rédaction antérieure à la Loi numéro 2002-305 du 04 mars 2002 relative à l’autorité parentale, l’article 1384 alinéa 4 du Code civil disposait que père et mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux.

 

Dans sa version issue de la Loi du 04 mars 2002 précitée qui pose le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, ce texte devenu article 1242 alinéa 4 du Code civil dispose que le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsable du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux.

 

Ainsi, pour la Cour de cassation, ce texte n’envisageant que la situation de l’enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a donc dû interpréter la notion de cohabitation lorsque les parents de vivent pas ensemble.

 

La Cour de cassation avait jugé à cet égard à plusieurs reprises, avant même l’entrée en vigueur de la Loi du 04 mars 2002, que cette condition de cohabitation n’était remplie qu’à l’égard du parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant avait été fixée par un Juge.

 

Rappelons la jurisprudence en la matière, deuxième Chambre civile de Cour de cassation, 20 janvier 2000, N° de pourvoi 98-14.479.

 

Ainsi, sur la base de cette ancienne jurisprudence, le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant avait été fixée assumait intégralement la responsabilité d’un dommage causé par son enfant mineur qui lui incombait donc entièrement quand bien même l’autre parent bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement exerçait conjointement l’autorité parentale, cela avait d’ailleurs été confirmé, et que l’autorité parentale est que le fait dommageable de l’enfant a eu lieu pendant cet exercice, ce que rappelait d’ailleurs la jurisprudence Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 novembre 2012, N°11-86.857.

 

L’abandon du critère de résidence habituelle de l’enfant ou de cohabitation

 

Or, la Cour de cassation souligne elle-même que cette jurisprudence ancienne est de nature à susciter des difficultés dans des situations de plus en plus fréquentes où les enfants résident alternativement chez l’un et l’autre de leur parent, ou encore celle où ces derniers conviennent d’une résidence des enfants sans saisir le Juge.

 

Ainsi, cette jurisprudence antérieure est critiquée par une large partie de la doctrine et parfois écartée par des juridictions de fond qui privilégient la seule condition de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou apprécie concrètement le lieu de résidence effectif de l’enfant au moment du dommage.

 

En outre, elle se concilie parfaitement avec l’objectivation progressive de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur qui permet notamment une meilleure indemnisation des victimes.

 

La Cour de cassation juge en effet que l’article 1384 alinéa 4 devenu 1242 alinéa 4 du civil dicte une responsabilité de plein droit des pères et mères du fait de dommages causés par l’enfant mineur habitant avec eux dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer comme le rappelle une jurisprudence bien ancrée, Cour de cassation, deuxième Chambre civile, 19 février 1997, Pourvoi N°94-21.111.

 

Une responsabilité objective des parents même en l’absence de faute de l’enfant

 

Ainsi, la Cour de cassation énonce également que cette responsabilité n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant, de sorte qu’il suffit pour qu’elle soit engagée qu’un dommage soit directement causé par son fait même non fautif.

 

La jurisprudence est acquise en la matière, notamment à travers quatre arrêts d’Assemblée Plénière du 13 décembre 2002.

 

Ainsi, les parents ne peuvent s’exonérer de cette responsabilité objective au seul motif qu’ils n’ont commis aucune faute, qu’elle soit de surveillance ou d’éducation, la Cour de cassation rappelant son positionnement acquis de longue date à la lueur des articles susvisés.

 

Enfin, cette jurisprudence qui décharge sa responsabilité de plein droit le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant n’a pas été fixée s’accorde également parfaitement avec l’objectif de la Loi du 04 mars 2002 de promouvoir le principe de coparentalité.

 

Une jurisprudence conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant

 

Ce principe reflète en droit interne celui posé par l’article 18-1 de la convention internationale des droits de l’enfant selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement, laquelle subsiste après la séparation du couple parental.

 

La Cour de cassation souligne dès lors que l’ensemble de ces considérations conduit la haute juridiction à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l’égard duquel ils exercent conjointement l’autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administratives judiciaires confient ce mineur à un tiers.

 

Il en résulte, en conséquence, que les deux parents, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l’enfant n’a pas été confié à un tiers par une décision administrative judiciaire.

 

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient chambouler la notion de responsabilité civile des parents, surtout lorsque ces derniers sont séparés, puisque jusqu’à lors c’était la notion de résidence principale qui était prise en considération mais, comme le souligne la Haute juridiction elle-même, cela devient de plus en plus incompatible avec une réalité quotidienne des enfants qui sont effectivement de plus en plus en présence de parents séparés, de plus en plus avec un cadre juridique poussant à la garde alternée, auquel je crois particulièrement, dont plusieurs propositions de Loi sont en cours de débat au Sénat et à l’Assemblée Nationale qui visent à considérer que, par principe, l’enfant devrait être avec ses deux parents en garde alternée.

 

La consécration du principe de coparentalité ?

 

Ainsi, la portée de cette jurisprudence semble d’importance et fera immanquablement l’objet de publication à venir puisqu’effectivement elle rappelle à travers cette jurisprudence que, désormais, les deux parents, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de l’enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l’enfant n’a pas été confié à un tiers par une décision administrative judiciaire, ces derniers étant responsables qu’importe que celui-ci soit tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre parent, les deux sont responsables et doivent donc contribuer à arme égale et de manière parfaitement égalitaire à responsabiliser leur enfant, à assurer son éducation et son entretien, et à en supporter les conséquences si un fait délictuel devait se produire.

 

Cela tend à un parfait respect de l’égalité du principe de coparentalité et à l’idée même d’une garde alternée qui se développe de plus en plus et qui est actuellement en cours de débat en Assemblée Nationale et au Sénat afin de permettre de consacrer cette coparentalité, aussi bien au profit de la mère qu’au profit du père surtout, et de permettre ainsi de consacrer également une garde alternée au profit des deux parents.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Le droit du surendettement pour empêcher une saisie immobilière, quelle perspective ? 

laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles

Un débiteur voyant sa résidence secondaire faire l’objet d’une procédure de saisie immobilière souhaite protéger son bien en se plaçant sous la protection d’une procédure de surendettement. Est-ce possible ? est-ce efficace ? Surtout lorsqu’une première procédure de surendettement a déjà été octroyée au débiteur.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser, une fois n’est pas coutume, à un jugement qui a été rendu par le Tribunal de proximité de Lagny sur Marne dans le département de Seine-Et-Marne ce 13 septembre 2024, jugement N°1472 dans lequel une personne en saisie immobilière voulait se protéger à travers les dispositions pourtant très protectrices du Droit du surendettement.

 

Quels sont les faits ?

 

En effet, Monsieur B faisait l’objet d’une saisie immobilière pour un solde de crédit immobilier que ce dernier avait tenté de renégocier suite à la déchéance du terme qui a été prononcée par la banque et pour laquelle, malgré de nombreuses tentatives de résolution du litige, ce dernier s’était retrouvé acculé en saisie immobilière.

 

Il importe de préciser que ce bien n’était pas sa résidence principale mais sa résidence secondaire, ce qui est quand même important car tout laisse à penser qu’effectivement cela a impacté l’approche du Juge de proximité dans cette affaire.

 

Dans cette affaire, ce dernier acculé à une saisie immobilière inévitable avait pris soin de saisir la commission de surendettement de sa résidence principale en saisissant la commission de surendettement de Seine-Et-Marne.

 

Une saisine de la commission de surendettement pour stopper la saisie immobilière

 

Pour autant, le 21 décembre 2023, la commission de surendettement de Seine-Et-Marne avait déclaré irrecevable la demande présentée par Monsieur B aux fins de bénéficier des dispositions légales propre au traitement des surendettements des particuliers au motif suivant :

 

  • Absence de surendettement lié à un endettement personnel.

 

La commission constate que l’actif des époux B constitue une résidence secondaire dans le Sud estimée à 490 000.00 € et supérieur à leur passif d’un montant de 136 115.00 €.

 

Dès lors, la commission de surendettement précisant que les débiteurs ont la possibilité d’obtenir un délai de grâce conformément aux articles L 314-20 du Code de la consommation et de l’article 1343-5 du Code civil auprès du Tribunal judiciaire.

 

De telle sorte que ces derniers ont déclaré irrecevable le surendettement.

 

Une demande de surendettement jugée irrecevable par la commission

 

La décision d’irrecevabilité a été notifiée aux consorts B qui ont effectivement contesté cette mesure pour amener l’affaire devant le Juge de proximité de Lagny-Sur-Marne en Seine-Et-Marne.

 

Le recours du débiteur contre la décision d’irrecevabilité de la commission

 

En effet, dans le cadre de leur recours et dans la contestation de la décision de rejet de la commission de surendettement, ces derniers faisaient valoir que le bien immobilier estimé à 490 000.00 € était une résidence secondaire et qu’ils avaient justement sollicité la commission de surendettement aux fins de bénéficier des dispositions de la consommation leur permettant d’obtenir un délai de grâce plus long pour procéder à la réalisation de l’actif afin de désintéresser entièrement la créance.

 

Il rappelle que le délai de grâce sollicité n’est pas octroyé par le Juge de l’orientation qui, par nature, refuse en matière de saisie immobilière des délais pour pouvoir procéder à la réalisation des actifs.

 

Une demande de délai de grâce sollicité par le débiteur pour pouvoir bien vendre le bien

 

Il précise qu’une vente à vil prix serait défavorable tant aux droits du créancier qu’à ceux du débiteur et indique que le bien immobilier acquis à titre de résidence secondaire est l’effort et le sacrifice d’une vie entière de travail et que le droit du surendettement concerne également des débiteurs propriétaires en difficulté financière.

 

Des délais de grâce compatible avec la préservation des intérêts des créanciers

 

Ces derniers mettent en avant, par le truchement de leur conseil, leur bonne foi pour pouvoir bénéficier de la procédure de surendettement afin de bénéficier d’un premier palier d’une seule durée de deux ans ce qui, en soit, n’était pas attentatoire aux droits du créancier puisque, immanquablement, ces derniers étaient garantis par un commandement de payer valant saisie immobilière qui avait été publié à la conservation des hypothèques et que, dès lors, le créancier ne perdait rien à permettre au débiteur de vendre dans de bonnes conditions, voir, de se faire racheter la créance par un membre de sa famille.

 

Lors de cette audience, ces derniers représentés par mon cabinet ont exposé être retraités et propriétaires d’un bien immobilier sur la région Parisienne mais également d’une résidence secondaire située sur la commune de Fayence dans le Var avec une procédure de saisie immobilière sans octroi de délai de grâce, jugement ayant fait l’objet d’un recours et dont la décision devait être rendue par la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 26 octobre 2024.

 

Ces derniers précisant que le calendrier de remboursement de la dette déchue ne se présentait pas bien car ils indiquaient que leur fille devait vendre un bien immobilier personnel à Villepinte pour lequel un compromis avait été signé afin de solder la dette de ses parents.

 

Ils sollicitaient, par la même, la recevabilité de leur dossier de surendettement afin d’obtenir un moratoire d’une durée de vingt-quatre mois.

 

Une procédure de surendettement pour obtenir un moratoire de vingt-quatre mois

 

Dans le cadre de l’étude du dossier, il apparaissait également l’existence de deux sociétés civiles immobilières qui étaient des coquilles vides sans actif qui n’avaient pas été radiées, faute pour ces derniers d’avoir pris en charge le coût des opérations de radiation et de liquidation desdites SCI en question.

 

Il importe également de rappeler que, à cette audience, aucun des créanciers n’avaient comparu, certains d’entre eux ayant fait parvenir un courrier faisant état de leur créance et de ce que ces derniers s’en remettaient à la décision du Tribunal.

 

Ce qui n’est quand même, dans certains cas, pas rien.

 

C’est dans ces circonstances que la Présidente du Tribunal de proximité statuant en Droit du surendettement de Lagny-Sur-Marne s’est posé deux séries d’interrogations.

 

La première, sur la recevabilité de la contestation.

 

La deuxième, sur le bien-fondé de la contestation.

 

La recevabilité de la contestation de la décision de la commission par le débiteur saisi

 

Sur la recevabilité de la contestation, elle rappelle que l’article R 722-1 du Code de la consommation dispose que la commission examine la recevabilité de la demande et se prononce par une décision motivée.

 

La décision de recevabilité est notifiée au débiteur, aux créanciers, aux établissements de paiements et aux établissements de crédits teneurs de compte du déposant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

 

La décision d’irrecevabilité est notifiée au seul débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

 

La lettre de notification indique que la décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours à compter de sa notification par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission.

 

Elle précise que cette déclaration indique les nom, prénom et adresse de son auteur, la décision attaquée ainsi que les motifs du recours.

 

Elle est signée par ce dernier.

 

La Présidente du Tribunal de proximité constatant que le recours a été exercé dans les formes et délais prescrits par l’article R 722-1 du Code de la consommation, de telle sorte que le recours des consorts B était recevable.

 

Sur le bienfondé de la contestation, il convient de rappeler que l’article L 711-1 du Code de la consommation précise que le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.

 

Le bienfondé de la contestation du débiteur saisi

 

La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes professionnelles et non-professionnelles exigibles et à échoir.

 

Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non-professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.


Dans le cadre d’une procédure de surendettement, la bonne foi du débiteur est présumée, il appartient à celui qui se prévaut de leur mauvaise foi de démontrer celle-ci.

 

La bonne ou mauvaise foi doit s’apprécier compte-tenu des circonstances de la cause et en fonction du comportement du débiteur au moment du dépôt de sa demande mais aussi à la date des faits qui sont à l’origine du surendettement et pendant le processus de formation de la situation de surendettement.

 

Il résulte des articles précités que, si la mauvaise foi du débiteur peut résulter de la volonté systématique affichée de recours au crédit pour réaliser des dépenses somptueuses et à mener un train de vie distendu, elle n’en saurait pour autant résulter de la seule aggravation de l’endettement pour faire face à des difficultés persistantes ou encore des choix inadéquats ayant conduit le débiteur à s’inscrire dans une spirale de surendettement.

 

En l’espèce, la Juge retient qu’il apparait que la commission de surendettement a considéré que la situation des époux B ne comportait pas d’endettement personnel relevant du surendettement et que ces derniers étaient en mesure d’obtenir des délais de grâce par l’intermédiaire d’une requête aux fins de suspension des échéances de leur crédit immobilier par le Juge des contentieux et de la protection du Tribunal judiciaire prévu par les dispositions du Code de la consommation sans viser expressément des délais auprès du Juge de l’exécution.

 

Une absence d’endettement personnel du débiteur saisi

 

Or, il résulte des pièces versées au débat que les époux B avaient déjà saisi la commission de surendettement des particuliers du Var en date du 19 décembre 2016 avec recevabilité du dossier le 25 janvier 2017 et ont obtenu le bénéfice d’un précédent moratoire d’une durée de vingt-quatre mois par décision du 23 août 2017 de la commission de surendettement ayant préconisé la suspension de l’exigibilité des créances pendant une durée de vingt-quatre mois aux fins de procéder à la vente des biens immobiliers du couple, soit, une maison en région Parisienne, un appartement à Fréjus et un terrain avec une construction.

 

Néanmoins, les époux B avaient à l’époque contesté ces mesures en formulant également une demande de vérification des créances et c’est dans ces circonstances que par jugement du 18 février 2019 le Tribunal d’Instance de Fréjus en son temps avait prononcé la déchéance des époux B du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers du fait de l’absence de respect des préconisations de la commission relative à la mise en vente des biens immobiliers, de l’absence de production de l’acte de propriété de leur terrain et de l’absence de production par le débiteur des documents relatifs à son statut de gérant d’une SCI à Aulnay-Sous-Bois découvert par l’un de ses créanciers.

 

Sur recours des époux B, et par arrêt du 12 janvier 2021, la Cour d’appel d’Aix en Provence avait décidé de confirmer le jugement de Première Instance sur la déchéance uniquement à l’encontre de Monsieur B au bénéfice de la procédure de surendettement du fait de sa dissimulation ou tentative de dissimulation d’une partie de ses biens, sanction personnelle du fait de sa qualité d’associé de gérant de SCI, et avait renvoyé Madame B, son épouse, devant la commission de surendettement des particuliers du Var pour l’élaboration d’une nouvelle mesure, cette dernière n’ayant pas à encourir des mesures de déchéance au même titre que son conjoint du fait qu’elle n’avait pas la qualité d’associé dans lesdites SCI susvisées et que la sanction personnelle de déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement ne peut frapper que le débiteur auteur des fausses déclarations, des actes de détournement ou de dissimulations prévus à l’article L 761-1 du Code de la consommation sans pouvoir s’étendre automatiquement en présence d’un couple au conjoint dans le cadre d’une demande conjointe.

 

Procédure de surendettement sur surendettement ne vaut ?

 

Le Juge souligne encore qu’il ressort de l’ensemble des éléments produits par les époux B qu’ils bénéficient en pratique de délais depuis 2016 pour finaliser la vente de leur bien immobilier et que ces derniers ont saisi d’un nouveau dossier de surendettement la commission de surendettement de Seine-Et-Marne qui a été déclaré irrecevable par la commission pour absence de surendettement au regard de leur patrimoine immobilier avec contestation de la décision aux seules fins d’obtenir un moratoire de vingt-quatre mois pour mettre en vente leur bien immobilier à Fayence alors que, dès 2017, un délai moratoire de vingt-quatre mois avait déjà été accepté par la commission du Var pourtant contesté par les débiteurs.

 

Le Tribunal relève que les époux B sont dans la même situation depuis 2016 et que ces derniers tentent encore d’obtenir des délais moratoires qu’ils indiquent ne pas pouvoir obtenir devant le Juge de l’exécution dont la décision ordonnant la vente forcée de leur bien immobilier à Fayence a fait l’objet d’un recours en cours de traitement par la Cour d’appel à ce jour.

 

C’est dans ces circonstances que le Tribunal constate que Monsieur B a été déclaré irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement par un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 12 janvier 2021, ce qui ne la pas empêché de déposer un nouveau dossier de surendettement conjointement avec son épouse pour solliciter un nouvel examen d’une situation exactement similaire auprès de la commission de Seine-Et-Marne, redevenu leur domicile principal et qu’ils ne souhaitent plus vendre contrairement à ce qui avait été indiqué dans leur procédure de surendettement Varoise.

 

Un moratoire demandé par le débiteur afin d’obtenir des fonds de membre de la famille

 

Sur les arguments relatifs à l’obtention de délais du fait de solde du prêt de leur résidence secondaire à Fayence par leur fille, le Tribunal observe que le mandat de vente signé par la fille B sur son bien immobilier propre sis sur la commune de Villepinte ne fait pas parti du patrimoine du débiteur daté d’il y a plus d’un an sans vente effective à ce jour et surtout, que la valeur de ce bien immobilier retenue dans le mandat de vente confié pour 260 000.00 € semble avoir été artificiellement gonflée, les débiteurs produisant un nouvel avis de valeur récent de ce bien réévalué entre 130 et 140 000.00 € par l’agence X datant du 13 juin 2024 alors que, dans le cadre de la procédure Varoise, ils avaient déjà produit un avis de valeur estimé entre 150 et 176 000.00 € sur le même bien appartenant à leur fille sur la commune de Villepinte effectué par une agence Y le 27 juin 2020, soit, il y a plus de quatre ans.

 

Ainsi, le Tribunal de proximité précise que, même si la Loi rappelle que le débiteur propriétaire de la résidence principale dont la valeur estimée est égale ou supérieure au montant de l’ensemble de leurs dettes peuvent relever d’une situation de surendettement, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce les débiteurs sont aussi propriétaires d’une résidence secondaire à Fayence dont la vente forcée est sollicitée par le créancier, qu’il apparait que la vente de ce bien permettrait de désintéresser l’ensemble des créanciers.

 

Une saisie immobilière de la résidence secondaire nécessaire pour désintéresser les créanciers ?

 

Les époux B n’ayant manifestement effectué aucune véritable démarche depuis huit ans pour vendre un de leurs biens immobiliers et continuent d’affirmer depuis quatre ans que leur fille va procéder au remboursement des créances dues par la vente de son logement personnel en région Parisienne alors que le bien a été évalué récemment pour un montant de prix de vente entre 130 et 140 000.00 €, ce qui ne couvre pas le montant des créances dues par le couple B d’un montant de 236 515.00 €.

 

Dès lors, s’ils réitèrent leur demande de délais alors que le bénéfice d’un moratoire dans l’attente de la vente d’un bien immobilier en procédure de surendettement n’a, en principe, vocation qu’à éviter une procédure de redressement personnel avec liquidation judiciaire du bien immobilier afin de favoriser la vente amiable du bien immobilier à un meilleur prix alors que le débiteur ne justifie depuis plusieurs années d’aucune démarche sérieuse tendant à la mise en vente d’un bien immobilier de leur actif propre afin de rembourser leur créancier.

 

C’est dans ces circonstances que le Tribunal de proximité de Lagny-Sur-Marne conclut que la présomption de bonne foi des époux B est en conséquence renversée et que ces derniers ne peuvent être considérés en état de surendettement dans le cadre de l’importance de leur patrimoine immobilier qui doit leur permettre de désintéresser leurs créanciers.

 

Le Tribunal les déclarant ainsi irrecevables à bénéficier de la procédure de surendettement.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Nonobstant le caractère décevant de la décision proprement dite, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre la stratégie du débiteur saisie qui tente le tout pour le tout pour empêcher la saisie immobilière de sa résidence secondaire.

 

Le droit du surendettement, bien utilisé offre de belles perspectives et peut bloquer la procédure de saisie immobilière à plus d’un titre.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Comment obtenir la résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager lorsque le débirentier ne paye aucune redevance ? 

Laurent LATAPIE avocat 2025 faillite et divorce

Une dame âgée vent l’un de ses appartements sur la Côte d’Azur à travers un contrat de vente en viager. Cependant les débirentiers qui profitent du bien pour le louer en location saisonnière ne payent aucune redevance. Est-il possible d’obtenir résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager lorsque le débirentier ne paye aucune redevance ? Comment les expulser ? comment obtenir des dommages et intérêts ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence ce 01er avril 2025 et qui, loin d’être un bête poisson d’avril, vient soulever la question de la résolution d’un contrat aux torts exclusifs du débit rentier dans le cadre d’une vente en viager.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte authentique du 25 avril 2016, Madame R et son mari décédé depuis ont vendu un viager aux consorts P, un bien immobilier situé sur la commune de Fréjus au prix de 185 000.00 € comprenant une rente viagère annuelle révisable de 15 360.00 €, payable en douze mensualités de 1 280.25 € chaque mois jusqu’au décès des vendeurs.

 

Or, les débirentiers, qui ont cru bon profiter de la proximité de ce logement aux abords de Fréjus Plage, ont procédé quant à eux à de la location Airbnb sans pour autant payer les rentes viagères qu’ils devaient régler tous les mois.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte du 28 juillet 2020, Madame R a adressé un commandement de payer visant l’arrêt de la rente viagère estimée à 19 164.00 € dans un délai de soixante jours, à défaut de quoi la clause résolutoire stipulée à l’acte de vente serait appliquée.

 

La défaillance des débirentiers

 

Par la suite, un deuxième commandement de payer visant cette fois-ci la somme de 19 899.13 €, visant une fois de plus la clause résolutoire, a été adressé les 16 et 17 février 2022 aux débits rentiers.

 

C’est dans ces circonstances que Madame R a fait citer les consorts P devant le Tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter la résolution judiciaire du contrat, le paiement d’une indemnité correspondant aux arrérages restants à devoir, outre l’expulsion des débits rentiers et le paiement d’une indemnité d’occupation.

 

Par jugement rendu le 08 février 2024, le Tribunal judiciaire avait prononcé la résolution judiciaire de la vente en viager reçue en la forme authentique le 25 avril 2016, rappelé que pour être opposable aux tiers la publication du jugement au service de la publicité foncière compétent devait être effectuée par la partie demanderesse, condamné les consorts P à payer à Madame R la somme de 30 302.00 € à titre de dommages et intérêts, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 1 000.00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Pour statuer ainsi, le Tribunal avait effectivement considéré que les débirentiers ne prouvaient pas qu’ils s’étaient libéré des arriérés de paiement de la rente viagère, de sorte que l’absence de paiement de cette dernière constituait un manquement suffisamment grave justifiant la résolution du bail.

 

Le non-paiement de la redevance par les débirentiers, motif de résiliation judiciaire du contrat de vente en viager ?

 

En outre, il était effectivement jugé que les consorts P devaient être condamné à la somme de 30 302.00 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subit en l’absence de versement régulier de la rente viagère.

 

En revanche, le Tribunal judiciaire avait débouté Madame R de sa demande d’expulsion considérant que l’occupation du bien par les consorts P n’était pas prouvée et qu’ils étaient, en tout état de cause, tenu de libérer les lieux par l’exécution de la résolution de la vente.

 

De même, il était jugé que la demande d’une indemnité d’occupation n’était pas fondée au regard des effets de la résolution du contrat et en absence de tout élément pour déterminer le montant d’une telle indemnité.

 

C’est dans ces circonstances qu’appel avait été interjeté par les débirentiers.

 

Fort heureusement, une fois n’est pas coutume, Madame R, déjà âgée et ayant déjà perdu son mari, a sollicité de la Cour d’appel d’Aix en Provence un calendrier court afin de ne pas se retrouver finalement exposée à un risque de décès sérieux avant que le procès se termine, ce qui aurait été à l’avantage des débits rentiers qui, pourtant, ne respectaient pas leur obligation.

 

Un calendrier court pour empêcher les débirentiers de jouir d’une procédure longue

 

Fort heureusement, la Cour d’appel a entendu ce cri de détresse et a fixé une date d’audience très courte, ce qui amène finalement à un arrêt rendu le 01er avril 2025, soit, à peine un an après le jugement qui avait été rendu en Première Instance le 08 février 2024 et on ne peut que saluer le calendrier de procédure et la rapidité à laquelle la Cour s’est exprimée.

 

Étant précisé que cette rapidité est essentiellement due à l’insistance du conseil de Madame R en la personne de votre serviteur qui a pris soin de tancer la Cour et d’attirer son attention toute particulière sur l’urgence de la situation.

 

Les appelants, les consorts P qui étaient d’une mauvaise foi pas tentée car depuis longtemps ils ne réglaient plus les rentes qui étaient à leur charge alors que ces derniers louaient le bien et en tiraient forcément profit, ont soulevé plusieurs moyens.

 

Tout d’abord, une fin de non-recevoir soulevée en cause d’appel.

 

La nullité de l’assignation en résiliation judiciaire du contrat de vente en viager ?

 

En effet, les appelants excipent de la nullité de l’assignation sur le fondement de l’article 193 du Code de procédure civile soutenant, d’une part, qu’elle n’avait pas été délivrée au nom de Monsieur P car les deux consorts P s’appelaient ainsi mais seul un des P avait été touché par l’assignation et, d’autre part, qu’elle avait été délivrée le 05 mai 2023, soit, postérieurement à l’audience de première Instance de décembre 2022 et ils soutenaient que cela leur avait causé grief dès lors que l’acte aurait dû leur être signifié à leur domicile et qu’ils auraient dû bénéficier de l’allongement du délai qui leur était dû pour préparer leur défense.

 

Les consorts P arguent en outre la nullité de la signification du jugement du 08 février 2024 faisant valoir, d’une part, que l’acte remis à Monsieur P mentionné une date de décision erronée du 08 avril 2024, ce qui lui causait un grief dès lors qu’il n’avait pas pu savoir si la décision signifiée était bien la même que celle annexée et que, d’autre part, l’acte n’avait jamais été signifié à l’autre Monsieur P.

 

Pour autant, la Cour ne s’y trompe pas.

 

En effet, celle-ci rappelle que, aux termes de l’article 123 du Code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu’il n’en soit disposé autrement.

 

Les appelants sont donc recevables à présenter en cause d’appel la fin de non-recevoir tirée du défaut de signification régulière de l’assignation.

 

Cependant, s’agissant de nullité pour vice de forme, elle nécessite la preuve d’un grief subi conformément aux dispositions de l’article 114 du même Code.

 

Une absence de griefs pour les débirentiers qui ne payent aucune redevance depuis plus de 2 ans,

 

Or, la Cour souligne, à juste titre à mon sens, que pour soutenir que la signification n’aurait pas été régulière et que cela leur cause grief, les consorts P indiquent qu’ils n’ont pu bénéficier d’un allongement des délais vivant à l’étranger et donc d’un temps supplémentaire pour préparer leur défense.

 

Or, les articles 643 et 144 du Code de procédure civile auxquels ils se réfèrent, qui prévoient une augmentation de délais procéduraux de deux mois pour les parties résidant à l’étranger ne bénéficient qu’à la partie qui doit accomplir l’acte de procédure en l’espèce Madame R et non au défendeur.

 

Enfin, comme justement relevé par le Tribunal en Première Instance, Madame R produit au débat en pièces 10 et 11 les justificatifs de signification accomplis conformément aux dispositions de l’article 4§3 de l’article 9§ du règlement Européen et du conseil du 13 novembre 2007, de sorte que Monsieur P, quand bien même justifie pour sa part de la remise de l’assignation à sa personne qu’en mai 2023, il ne démontre pas l’irrégularité de la signification opérée à son égard.

 

Il en résulte que la nullité de la signification de l’assignation délivrée par Madame R n’est donc pas encourue.

 

S’agissant enfin de la nullité de la signification du jugement, l’erreur de mention sur l’acte de la date de la décision annexée constitue une erreur matérielle et, en toute hypothèse, constitue là-encore, un vice de forme qui, sur le fondement de l’article 114 du Code de procédure civile requiert démonstration pour aboutir d’un grief.

 

Or, là-encore, les consorts P ne démontrent pas en quoi cette mention erronée leur aurait porté grief puisqu’ils ont pu faire appel de la décision signifiée.

 

Ils sont, dès lors et à juste titre, déboutés de leur fin de non-recevoir.

 

La vraie question se pose bien sûr quant à la problématique de la demande de résolution du contrat de vente en viager.

 

L’absence de paiement de la redevance dans un contrat de vente en viager

 

Les consorts P, en effet, soutenaient que Madame R ne rapportait pas la preuve de l’absence de paiement des arriérages, le tableau qu’elle produisait n’était pas suffisant dès lors qu’il s’agissait d’une preuve qu’elle s’était constitué elle-même et ne justifiait pas de la gravité de leur comportement qui justifierait la résolution du contrat tel que l’a prononcé le Tribunal.

 

De surcroit, les consorts P considéraient qu’elle a exécuté la convention de mauvaise foi en leur délivrant des actes à une adresse qui n’était pas la leur.

 

Madame R, quant à elle, soutenait au contraire que la résolution judiciaire du contrat de vente en viager s’imposait au regard des manquements graves et renouvelés des débits rentiers à leurs obligations de s’acquitter mensuellement et d’avance une rente viagère.

 

Elle faisait valoir que les débits rentiers ne payaient que de manière sporadique et aléatoire comme le démontrent les décomptes qu’elle produit.

 

Elle rappelle enfin que l’acte portant vente en viager mentionnait expressément qu’elle sera résolue un mois après un simple commandement de payer resté sans effet, ce qui est bien le cas en l’espèce.

 

Enfin, Madame R ajoute que l’article 7 de l’acte de vente lui permet, au titre de la Loi des parties, de solliciter l’allocation à titre d’indemnité contractuelle des sommes déjà perçues à titre de rentes viagères.

 

La résolution judiciaire du contrat de vente en viager

 

La Cour rappelle que le contrat de vente viagère litigieux a été placé antérieurement à la réforme du droit des contrats et de l’ordonnance de 2016 entrant en vigueur au 01er octobre 2016, de sorte que, seul le droit antérieur est applicable au cas d’espèce.

 

L’article 1978 du Code civil prévoit que le seul défaut de paiement des arriérages de la vente viagère n’autorise pas celui en faveur de qui elle a été constitué à demander la résolution de la vente.

 

Toutefois, cette disposition n’est pas d’ordre public et il est des jurisprudences constantes que les parties peuvent déroger à ces dispositions en l’insérant dans le contrat de vente moyennant rente viagère une clause résolutoire exprimant de manière non-équivoque leurs intentions de mettre fin de plein droit très souvent après mise en demeure ou commandement de payer à leur convention en cas de non-paiement des rentes.

 

Cette clause doit être expresse et non-équivoque.

 

Or, en l’espèce, l’acte de vente prévoit en son article 7 que, à défaut par le débit rentier de payer exactement les arriérages de la rente et en cas de mise en demeure par le crédit rentier ou débit rentier d’avoir acquittée la rente, la vente sera résolue de plein droit après un simple commandement de payer resté infructueux pendant soixante jours et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de cette clause sans qu’il ne soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire.

 

Dans ce cas, tous les arriérages perçus par le crédirentier et tous les embellissements et améliorations apportés au bien vendu seront de plein droit et définitivement acquis au crédit rentier, sans recours ni répétition de la part du débit rentier défaillant, et, à ce titre, de dommages et intérêts et indemnités forfaitairement fixés.

 

La Cour souligne que les parties ont donc prévu dans l’acte des dispositions expresses permettant à Madame R de demander la résolution du contrat en cas de défaut de paiement d’arriérages.

 

Le défaut de paiement de la redevance par le débirentier

 

Celle-ci étant de plein droit, après simple commandement, restée infructueuse pendant soixante jours.

 

Madame R a fait délivrer deux commandements de payer dont le dernier datait du 16 février 2022 visant la clause résolutoire et faisant état d’un montant de rentes impayées de plus de 19 664.00 € délivrés aux consorts P, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Par la suite, Madame R fournira un décompte réactualisé réalisé par ces soins sur la base d’une rente indexée de 1 280.00 € indiquant un total impayé de 30 302.00 € au jour de l’assignation.

 

Les appelants, quant à eux, contestent ce décompte et soutiennent avoir réglé l’ensemble des sommes réclamées.

 

Toutefois, selon les dispositions de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui s’en prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de cette obligation.

 

Or, les consorts P, à l’appui de leur affirmation, ne produisent strictement aucun relevé de comptes ou pièces justifiant des virements mensuels de la rente qu’ils revendiquent.

 

Ainsi, à défaut de rapporter la preuve qu’ils se sont acquittés des rentes dues à Madame R, ils ont, de manière réitérée et depuis au moins l’année 2019, manqué à leurs obligations justifiant à prononcer la demande par Madame R de la clause résolutoire de la décision.

 

Et la décision de première Instance mérite confirmation de ce chef.

 

Quels dommages et intérêts en cas de résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager ?

 

S’agissant de la demande de dommages et intérêts, il a été rappelé ci-dessous par ailleurs que les parties avaient prévu expressément que, de l’anéantissement du contrat, toutes les sommes effectivement payées par les acquéreurs débirentiers seraient conservées par le vendeur crédit rentier à titre de dommages et intérêts.

 

Aucune restitution au débiteur ne saurait être ordonnée de ce titre.

 

Par ailleurs, Madame R demande l’indemnisation de son préjudice du fait de la jouissance par les appelants du bien sans aucune rente aux parties en la privant ainsi, non seulement du bien, mais des ressources que la vente devait lui procurer.

 

Le préjudice de jouissance dans le cas d’un contrat de vente en viager

 

Au regard de l’importance de la défaillance des débits rentiers invoquée portant des retards de versement de plusieurs années, Madame R, crédit rentier qui justifie d’un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par la clause pénale rappelée ci-dessus après, est fondée à réclamer le paiement de dommages et intérêts complémentaires du montant des sommes impayées jusqu’au jour de l’arrêt rendu, soit, 30 302.00 € arrêté à la date du jugement et à parfaire jusqu’au jour de l’arrêt à raison de 1 280.00 € par mois supplémentaire.

 

Ainsi, c’est à juste titre que le Tribunal a rappelé les effets de la résolution du contrat et l’anéantissement de la vente entrainant l’impossibilité pour les débits rentiers de se maintenir dans les lieux, aucune indemnité d’occupation ne peut être réclamée.

 

En revanche, il est possible à Madame R, qui a poursuivis la résolution judiciaire du contrat pour non-paiement des rentes de demander l’expulsion des débirentiers.

 

L’expulsion des débirentiers

 

En effet, il est constant, sous l’empire des droits antérieurs à la réforme de 2016, que cette expulsion est conditionnée par l’acquisition effective de la clause résolutoire au prononcé judiciaire de la résolution, l’expulsion pouvant être ordonnée qu’après résolution et à la condition que le contrat ait été résolu pour inexécution.

 

Tel est bien le cas en l’espèce et il y a lieu d’ordonner l’expulsion des consorts P, occupants sans droit ni titre, ainsi que celle de tout occupant de leur chef dans le mois de la signification de la décision rendue et avec le concours de la force publique et d’un serrurier si nécessaire.

 

Ainsi, cet arrêt de Cour d’appel est extrêmement satisfaisant et rappelle qu’un contrat de vente en viager peut être résilié dans la mesure où les débits rentiers ne régleraient pas la rente mensuelle permettant ainsi au crédit rentier de récupérer son bien, de conserver l’ensemble des rentes qui ont déjà été versées et, dans le cas particulier de cette jurisprudence en l’état du grave préjudice subi par Madame R, d’obtenir en plus l’indemnisation d’un préjudice distinct qui consiste à leur reprocher l’ensemble des sommes qui n’auraient pas été réglées.

 

Ce qui est extrêmement satisfaisant.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Quels sont les moyens de contestations pour un client insatisfait d’une entreprise de création de site et de référencement ?

laurent latapie avocat reportage 2025
laurent latapie avocat reportage 2025
laurent latapie avocat reportage 2025

Une entreprise d’import/export soucieuse d’une belle visibilité sur Internet conclu un abonnement avec une entreprise de création de site et de référencement. Dans l’hypothèse où les prestations ne sont pas réalisées comment mettre fin au contrat d’abonnement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Versailles ce 12 février 2025, N°RG 23/01813, et qui vient aborder les moyens de contestation que peut avoir un client contre une entreprise de création de site et de référencement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société I, met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne.

 

La société N a pour activité le commerce import / export de gros non spécialisé à inter-entreprise.

 

Le 20 décembre 2019, la société N a souscrit auprès de la société I un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables par tacite reconduction d’un montant de 19 857.20 €, soit, 23 828.54 € TTC, payable en trois mensualités suivant la date anniversaire du contrat.

 

Un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables

 

Le 23 décembre 2019, la société I a adressé à la société N une facture d’un montant de 23 828.64 € TTC à lui régler en trois mensualités de 7 942.88 € chacune les 15 janvier, 15 février et 15 mars 2020.

 

Aucune des trois échéances n’ayant été réglées par la société N, la société I a adressé un courriel de relance le 19 juin 2020.

 

Par courriel du même jour, la société N lui a répondu qu’un paiement en quatre fois sur l’année avait été prévu avec le commercial de la société I et a indiqué que les deux premiers trimestres seraient payés la semaine suivante.

 

Par un virement du 05 août 2020, la société N a payé la somme de 11 914.34 € et, par courriel du 17 août 2020, s’est engagé à payer le solde, soit la somme de 11 914.30 € à la fin du mois d’octobre suivant.

 

Le paiement annoncé n’étant pas intervenu, le conseil de la société I a mis en demeure la société N de régler la somme de 11 914.30 € par lettre recommandé avec accusé de réception du 04 novembre 2021 en vain.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte du 17 décembre 2021, la société I a assigné en paiement la société N devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

 

Par jugement en date du 30 novembre 2022, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société N à payer à la société I la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021, outre 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Un appel interjeté par le client insatisfait des prestations techniques de commercialisation et de référencement

 

C’est dans ces circonstances que la société N a interjeté appel de ce jugement et a sollicité à hauteur de Cour d’appel de Versailles d’infirmer le jugement en toute ses dispositions, de sommer avant dire droit la société I de justifier de l’ensemble de ses diligences techniques en terme de commercialisation de référencement et prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société I, débouter la société I de sa demande de paiement de la somme de 11 914.30 € et de la condamner inversement au paiement de dommages et intérêts de la somme de 11 914.30 € pour non-exécution du contrat.

 

Cette somme se compensant avec le montant de la facture réclamée par la société I, outre l’allocation de 5 000.00 € de dommages et intérêts à titre de préjudice complémentaire.

 

Un contrat d’abonnement résilié aux torts exclusifs de l’entreprise de création de site et de référencement

 

La société N soutenant en effet que le contrat d’abonnement devait être résilié aux torts exclusifs de la société I qui a manqué à ses obligations contractuelles en réalisant moins de la moitié des prestations contractuellement prévues.

 

La société N précisant que la société I n’a pas réalisé les prestations relatives à l’accès à la plateforme, la fiche entreprise ou encore au référencement sur le moteur de recherche.

 

L’absence totale de preuve des prestations effectuées en termes de référencement et sur internet

 

Elle fait valoir que, malgré ses demandes, la société I n’apporte aucune preuve de la réalisation des prestations effectuées sur le terrain technique se limitant à produire des éléments juridiques.

 

La société N se prévoit enfin également des effets de la crise sanitaire, les ventes escomptées notamment au garage n’ayant pas été réalisées.

 

La société N demande enfin et avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et en termes de référencement.

 

En effet, la société N prétendait que, en l’absence de preuve de diligences effectuées, elle n’était pas tenue de payer à la société I le solde de l’abonnement d’un montant de 11 914.30 €.

 

La Cour d’appel rappelle que la demande de résiliation judiciaire formulée par la société N repose sur l’article 1217 du Code civil qui précise que :

 

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

 

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

 

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

 

– obtenir une réduction du prix ;

 

– provoquer la résolution du contrat ;

 

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

 

L’article 1224 du Code civil précise quant à lui :

 

« Ainsi, il appartient à celui qui invoque l’exception d’inexécution prévu par l’article 1219 du même Code en alléguant que son contractant n’a rempli que partiellement son obligation d’établir cette inexécution. »

 

La société N doit donc démontrer que la société I n’a pas réalisé l’intégralité des prestations prévues au contrat et sa demande avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et, en termes de référencement, ne peut qu’être rejeté.

 

La société N ne pouvant ainsi suppléer sa propre carence dans l’administration de l’inexécution contractuelle qu’elle avait.

 

Le 20 décembre 2019, la société N représentée par son Président a accepté et signé l’offre de contrat d’abonnement proposée par la société I à laquelle étaient annexées les conditions générales de vente de la société I qui ont bien été paraphées et signées par le dirigeant, contrairement à ce que prétend la plaignante.

 

Un contrat d’abonnement signé et accepté par la société N

 

Ce contrat prenant effet le 23 décembre 2019 pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction comporte un descriptif détaillé des prestations incluses dans l’abonnement.

 

La société N ne démontre pas que les prestations commandées n’ont pas été exécutées.

 

L’absence d’éléments probants du demandeur quant aux prestations prétendument non réalisées de l’entreprise de création de site et de référencement

 

Elle se limite à produire un échange de courriels de Monsieur N, dirigeant de la société N, avec le service administration des ventes, puis, le service comptabilité de la société I entre le 19 juin 2020 et le 25 janvier 2021.

 

Or, le 19 juin 2020, l’assistance ADV de la société I écrit à Monsieur N, dirigeant de la société N, qu’il est toujours redevable de la somme de 23 828.64 € correspondant au montant total du contrat conclu le 23 décembre 2019.

 

Monsieur N répond le même jour qu’il va régler les deux premiers trimestres la semaine suivante et admet qu’il est en retard.

 

Le paiement n’intervenant pas comme indiqué, une relance adressée le 20 juillet 2020, un règlement de 11 914.34 € est effectué par virement le 05 août 2020 et, par courriel du 17 août 2020, Monsieur N dirigeant de la société N informe l’assistance ADV de la société I qu’il procédera fin octobre au paiement du solde, soit, 11 914.30 €.

 

Le règlement du solde ne sera pas effectué, donnant lieu à une nouvelle relance du service comptabilité de la société I le 25 janvier 2021, à laquelle Monsieur N dirigeant de la société N apportait la réponse suivante :

 

« Merci de bien vouloir me faire un avoir des prestations qui n’ont pas été réalisées.

 

Nous règlerons la facture en suivant. »

 

Ce dernier courriel ne contient aucune précision sur les prestations qui n’auraient pas été réalisées entre la moitié et les trois quarts selon l’appelante et si dans ses écritures la société N affirme que les prestations relatives à la plateforme, la fiche d’entreprise et les référencements sur le moteur de recherche n’ont pas été effectuées, elle n’apporte pas le moindre élément pour le démontrer et ce tandis que la société I verse au débat des pièces attestant de l’exécution de ces prestations qui ne sont pas utilement critiquées par l’appelante.

 

La société N manque ainsi à établir l’inexécution par la société I de ses obligations contractuelles, il s’en suit qu’elle doit être déboutée de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société I et qu’elle doit être condamnée par confirmation de jugement entrepris à lui payer le solde de l’abonnement souscrit, soit la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021.

 

Comment démontrer la carence de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met en lumière les difficultés que peut avoir un client fasse à une entreprise de prestation de service sur internet au titre notamment de prestation de référencement en ligne.

 

En effet, dans cette affaire, l’entreprise I met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, à savoir, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne avec tout un système de référencement sans que pour autant l’entreprise qui a contracté ces prestations, qu’il paye d’ailleurs relativement cher, soit satisfait de ces prestations.

 

Or, la difficulté est qu’effectivement l’entreprise cliente met un certain temps à se rendre compte de l’inefficacité ou de l’inefficience des prestations internet proposées par l’entreprise spécialisée en la matière.

 

Toute la difficulté de cette affaire, pour laquelle la société N a été mise en défaut, est qu’elle n’a finalement pas mis en exergue tout de suite ses doutes et ses interrogations quant à la réalité des prestations effectuées.

 

Dès lors, cette jurisprudence, même si elle semble rendue à l’encontre de l’entreprise cliente et finalement pouvant être lue comme favorable à l’entreprise de prestation de service sur internet, doit être analysée avec un certain recul.

 

Comment contester l’absence de prestations d’une entreprise de création de site et de référencement ?

 

 

Elle démontre justement à contrario que le meilleur moyen de contester les prestations de service d’une entreprise de prestation sur internet est justement de rapporter la preuve de ce que celle-ci ne réalise pas les prestations en question.

 

Le comportement critiquable de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Or, toute la difficulté est que, en cas de litige, le premier réflexe que va avoir l’entreprise de prestation en ligne va être de couper l’accès au site ainsi qu’à l’ensemble des accès de référencement au client mécontent, lui enlevant par la même tous les moyens de preuve lui permettant de contester les prestations non-réalisées par l’entreprise de référencement et de mise en place de site internet.

 

Dès lors, cela est très fréquemment constaté et cela démontre bien que l’entreprise, qui veut contester les prestations réalisées par l’entreprise de référencement, doit anticiper dès ses premiers mécontentements afin de constater justement l’inefficience ou la défaillance de l’entreprise de prestation de service en ligne, sans quoi, celle-ci, par la suite, vient reprocher à l’entreprise cliente devant la juridiction saisie son incapacité à démontrer en quoi celle-ci serait inefficace et inefficiente.

 

Dès lors, la charge de la preuve s’inverse, il appartient bien sûr à l’entreprise cliente qui veut contester ce contrat de prestation en ligne de constater dès le début, au besoin par commissaire de justice et par constat d’huissier, l’ensemble des défaillances ou des éléments qui laisseraient à penser que la prestation n’est pas réalisée.

 

Cette démonstration dès le début par l’entreprise qui saura être suffisamment réactive sera à ce moment-là à même de démontrer la carence de l’entreprise réalisant les prestations de service en ligne devant la juridiction compétente, ce qui lui permettra d’obtenir finalement gain de cause et de se voir rembourser des prestations qui n’ont finalement pas été réalisées.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr