Quels sont les moyens de contestations pour un client insatisfait d’une entreprise de création de site et de référencement ?

laurent latapie avocat reportage 2025
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Une entreprise d’import/export soucieuse d’une belle visibilité sur Internet conclu un abonnement avec une entreprise de création de site et de référencement. Dans l’hypothèse où les prestations ne sont pas réalisées comment mettre fin au contrat d’abonnement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Versailles ce 12 février 2025, N°RG 23/01813, et qui vient aborder les moyens de contestation que peut avoir un client contre une entreprise de création de site et de référencement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société I, met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne.

 

La société N a pour activité le commerce import / export de gros non spécialisé à inter-entreprise.

 

Le 20 décembre 2019, la société N a souscrit auprès de la société I un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables par tacite reconduction d’un montant de 19 857.20 €, soit, 23 828.54 € TTC, payable en trois mensualités suivant la date anniversaire du contrat.

 

Un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables

 

Le 23 décembre 2019, la société I a adressé à la société N une facture d’un montant de 23 828.64 € TTC à lui régler en trois mensualités de 7 942.88 € chacune les 15 janvier, 15 février et 15 mars 2020.

 

Aucune des trois échéances n’ayant été réglées par la société N, la société I a adressé un courriel de relance le 19 juin 2020.

 

Par courriel du même jour, la société N lui a répondu qu’un paiement en quatre fois sur l’année avait été prévu avec le commercial de la société I et a indiqué que les deux premiers trimestres seraient payés la semaine suivante.

 

Par un virement du 05 août 2020, la société N a payé la somme de 11 914.34 € et, par courriel du 17 août 2020, s’est engagé à payer le solde, soit la somme de 11 914.30 € à la fin du mois d’octobre suivant.

 

Le paiement annoncé n’étant pas intervenu, le conseil de la société I a mis en demeure la société N de régler la somme de 11 914.30 € par lettre recommandé avec accusé de réception du 04 novembre 2021 en vain.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte du 17 décembre 2021, la société I a assigné en paiement la société N devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

 

Par jugement en date du 30 novembre 2022, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société N à payer à la société I la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021, outre 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Un appel interjeté par le client insatisfait des prestations techniques de commercialisation et de référencement

 

C’est dans ces circonstances que la société N a interjeté appel de ce jugement et a sollicité à hauteur de Cour d’appel de Versailles d’infirmer le jugement en toute ses dispositions, de sommer avant dire droit la société I de justifier de l’ensemble de ses diligences techniques en terme de commercialisation de référencement et prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société I, débouter la société I de sa demande de paiement de la somme de 11 914.30 € et de la condamner inversement au paiement de dommages et intérêts de la somme de 11 914.30 € pour non-exécution du contrat.

 

Cette somme se compensant avec le montant de la facture réclamée par la société I, outre l’allocation de 5 000.00 € de dommages et intérêts à titre de préjudice complémentaire.

 

Un contrat d’abonnement résilié aux torts exclusifs de l’entreprise de création de site et de référencement

 

La société N soutenant en effet que le contrat d’abonnement devait être résilié aux torts exclusifs de la société I qui a manqué à ses obligations contractuelles en réalisant moins de la moitié des prestations contractuellement prévues.

 

La société N précisant que la société I n’a pas réalisé les prestations relatives à l’accès à la plateforme, la fiche entreprise ou encore au référencement sur le moteur de recherche.

 

L’absence totale de preuve des prestations effectuées en termes de référencement et sur internet

 

Elle fait valoir que, malgré ses demandes, la société I n’apporte aucune preuve de la réalisation des prestations effectuées sur le terrain technique se limitant à produire des éléments juridiques.

 

La société N se prévoit enfin également des effets de la crise sanitaire, les ventes escomptées notamment au garage n’ayant pas été réalisées.

 

La société N demande enfin et avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et en termes de référencement.

 

En effet, la société N prétendait que, en l’absence de preuve de diligences effectuées, elle n’était pas tenue de payer à la société I le solde de l’abonnement d’un montant de 11 914.30 €.

 

La Cour d’appel rappelle que la demande de résiliation judiciaire formulée par la société N repose sur l’article 1217 du Code civil qui précise que :

 

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

 

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

 

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

 

– obtenir une réduction du prix ;

 

– provoquer la résolution du contrat ;

 

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

 

L’article 1224 du Code civil précise quant à lui :

 

« Ainsi, il appartient à celui qui invoque l’exception d’inexécution prévu par l’article 1219 du même Code en alléguant que son contractant n’a rempli que partiellement son obligation d’établir cette inexécution. »

 

La société N doit donc démontrer que la société I n’a pas réalisé l’intégralité des prestations prévues au contrat et sa demande avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et, en termes de référencement, ne peut qu’être rejeté.

 

La société N ne pouvant ainsi suppléer sa propre carence dans l’administration de l’inexécution contractuelle qu’elle avait.

 

Le 20 décembre 2019, la société N représentée par son Président a accepté et signé l’offre de contrat d’abonnement proposée par la société I à laquelle étaient annexées les conditions générales de vente de la société I qui ont bien été paraphées et signées par le dirigeant, contrairement à ce que prétend la plaignante.

 

Un contrat d’abonnement signé et accepté par la société N

 

Ce contrat prenant effet le 23 décembre 2019 pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction comporte un descriptif détaillé des prestations incluses dans l’abonnement.

 

La société N ne démontre pas que les prestations commandées n’ont pas été exécutées.

 

L’absence d’éléments probants du demandeur quant aux prestations prétendument non réalisées de l’entreprise de création de site et de référencement

 

Elle se limite à produire un échange de courriels de Monsieur N, dirigeant de la société N, avec le service administration des ventes, puis, le service comptabilité de la société I entre le 19 juin 2020 et le 25 janvier 2021.

 

Or, le 19 juin 2020, l’assistance ADV de la société I écrit à Monsieur N, dirigeant de la société N, qu’il est toujours redevable de la somme de 23 828.64 € correspondant au montant total du contrat conclu le 23 décembre 2019.

 

Monsieur N répond le même jour qu’il va régler les deux premiers trimestres la semaine suivante et admet qu’il est en retard.

 

Le paiement n’intervenant pas comme indiqué, une relance adressée le 20 juillet 2020, un règlement de 11 914.34 € est effectué par virement le 05 août 2020 et, par courriel du 17 août 2020, Monsieur N dirigeant de la société N informe l’assistance ADV de la société I qu’il procédera fin octobre au paiement du solde, soit, 11 914.30 €.

 

Le règlement du solde ne sera pas effectué, donnant lieu à une nouvelle relance du service comptabilité de la société I le 25 janvier 2021, à laquelle Monsieur N dirigeant de la société N apportait la réponse suivante :

 

« Merci de bien vouloir me faire un avoir des prestations qui n’ont pas été réalisées.

 

Nous règlerons la facture en suivant. »

 

Ce dernier courriel ne contient aucune précision sur les prestations qui n’auraient pas été réalisées entre la moitié et les trois quarts selon l’appelante et si dans ses écritures la société N affirme que les prestations relatives à la plateforme, la fiche d’entreprise et les référencements sur le moteur de recherche n’ont pas été effectuées, elle n’apporte pas le moindre élément pour le démontrer et ce tandis que la société I verse au débat des pièces attestant de l’exécution de ces prestations qui ne sont pas utilement critiquées par l’appelante.

 

La société N manque ainsi à établir l’inexécution par la société I de ses obligations contractuelles, il s’en suit qu’elle doit être déboutée de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société I et qu’elle doit être condamnée par confirmation de jugement entrepris à lui payer le solde de l’abonnement souscrit, soit la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021.

 

Comment démontrer la carence de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met en lumière les difficultés que peut avoir un client fasse à une entreprise de prestation de service sur internet au titre notamment de prestation de référencement en ligne.

 

En effet, dans cette affaire, l’entreprise I met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, à savoir, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne avec tout un système de référencement sans que pour autant l’entreprise qui a contracté ces prestations, qu’il paye d’ailleurs relativement cher, soit satisfait de ces prestations.

 

Or, la difficulté est qu’effectivement l’entreprise cliente met un certain temps à se rendre compte de l’inefficacité ou de l’inefficience des prestations internet proposées par l’entreprise spécialisée en la matière.

 

Toute la difficulté de cette affaire, pour laquelle la société N a été mise en défaut, est qu’elle n’a finalement pas mis en exergue tout de suite ses doutes et ses interrogations quant à la réalité des prestations effectuées.

 

Dès lors, cette jurisprudence, même si elle semble rendue à l’encontre de l’entreprise cliente et finalement pouvant être lue comme favorable à l’entreprise de prestation de service sur internet, doit être analysée avec un certain recul.

 

Comment contester l’absence de prestations d’une entreprise de création de site et de référencement ?

 

 

Elle démontre justement à contrario que le meilleur moyen de contester les prestations de service d’une entreprise de prestation sur internet est justement de rapporter la preuve de ce que celle-ci ne réalise pas les prestations en question.

 

Le comportement critiquable de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Or, toute la difficulté est que, en cas de litige, le premier réflexe que va avoir l’entreprise de prestation en ligne va être de couper l’accès au site ainsi qu’à l’ensemble des accès de référencement au client mécontent, lui enlevant par la même tous les moyens de preuve lui permettant de contester les prestations non-réalisées par l’entreprise de référencement et de mise en place de site internet.

 

Dès lors, cela est très fréquemment constaté et cela démontre bien que l’entreprise, qui veut contester les prestations réalisées par l’entreprise de référencement, doit anticiper dès ses premiers mécontentements afin de constater justement l’inefficience ou la défaillance de l’entreprise de prestation de service en ligne, sans quoi, celle-ci, par la suite, vient reprocher à l’entreprise cliente devant la juridiction saisie son incapacité à démontrer en quoi celle-ci serait inefficace et inefficiente.

 

Dès lors, la charge de la preuve s’inverse, il appartient bien sûr à l’entreprise cliente qui veut contester ce contrat de prestation en ligne de constater dès le début, au besoin par commissaire de justice et par constat d’huissier, l’ensemble des défaillances ou des éléments qui laisseraient à penser que la prestation n’est pas réalisée.

 

Cette démonstration dès le début par l’entreprise qui saura être suffisamment réactive sera à ce moment-là à même de démontrer la carence de l’entreprise réalisant les prestations de service en ligne devant la juridiction compétente, ce qui lui permettra d’obtenir finalement gain de cause et de se voir rembourser des prestations qui n’ont finalement pas été réalisées.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr