Comment obtenir la résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager lorsque le débirentier ne paye aucune redevance ? 

Laurent LATAPIE avocat 2025 faillite et divorce

Une dame âgée vent l’un de ses appartements sur la Côte d’Azur à travers un contrat de vente en viager. Cependant les débirentiers qui profitent du bien pour le louer en location saisonnière ne payent aucune redevance. Est-il possible d’obtenir résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager lorsque le débirentier ne paye aucune redevance ? Comment les expulser ? comment obtenir des dommages et intérêts ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence ce 01er avril 2025 et qui, loin d’être un bête poisson d’avril, vient soulever la question de la résolution d’un contrat aux torts exclusifs du débit rentier dans le cadre d’une vente en viager.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte authentique du 25 avril 2016, Madame R et son mari décédé depuis ont vendu un viager aux consorts P, un bien immobilier situé sur la commune de Fréjus au prix de 185 000.00 € comprenant une rente viagère annuelle révisable de 15 360.00 €, payable en douze mensualités de 1 280.25 € chaque mois jusqu’au décès des vendeurs.

 

Or, les débirentiers, qui ont cru bon profiter de la proximité de ce logement aux abords de Fréjus Plage, ont procédé quant à eux à de la location Airbnb sans pour autant payer les rentes viagères qu’ils devaient régler tous les mois.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte du 28 juillet 2020, Madame R a adressé un commandement de payer visant l’arrêt de la rente viagère estimée à 19 164.00 € dans un délai de soixante jours, à défaut de quoi la clause résolutoire stipulée à l’acte de vente serait appliquée.

 

La défaillance des débirentiers

 

Par la suite, un deuxième commandement de payer visant cette fois-ci la somme de 19 899.13 €, visant une fois de plus la clause résolutoire, a été adressé les 16 et 17 février 2022 aux débits rentiers.

 

C’est dans ces circonstances que Madame R a fait citer les consorts P devant le Tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter la résolution judiciaire du contrat, le paiement d’une indemnité correspondant aux arrérages restants à devoir, outre l’expulsion des débits rentiers et le paiement d’une indemnité d’occupation.

 

Par jugement rendu le 08 février 2024, le Tribunal judiciaire avait prononcé la résolution judiciaire de la vente en viager reçue en la forme authentique le 25 avril 2016, rappelé que pour être opposable aux tiers la publication du jugement au service de la publicité foncière compétent devait être effectuée par la partie demanderesse, condamné les consorts P à payer à Madame R la somme de 30 302.00 € à titre de dommages et intérêts, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 1 000.00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Pour statuer ainsi, le Tribunal avait effectivement considéré que les débirentiers ne prouvaient pas qu’ils s’étaient libéré des arriérés de paiement de la rente viagère, de sorte que l’absence de paiement de cette dernière constituait un manquement suffisamment grave justifiant la résolution du bail.

 

Le non-paiement de la redevance par les débirentiers, motif de résiliation judiciaire du contrat de vente en viager ?

 

En outre, il était effectivement jugé que les consorts P devaient être condamné à la somme de 30 302.00 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subit en l’absence de versement régulier de la rente viagère.

 

En revanche, le Tribunal judiciaire avait débouté Madame R de sa demande d’expulsion considérant que l’occupation du bien par les consorts P n’était pas prouvée et qu’ils étaient, en tout état de cause, tenu de libérer les lieux par l’exécution de la résolution de la vente.

 

De même, il était jugé que la demande d’une indemnité d’occupation n’était pas fondée au regard des effets de la résolution du contrat et en absence de tout élément pour déterminer le montant d’une telle indemnité.

 

C’est dans ces circonstances qu’appel avait été interjeté par les débirentiers.

 

Fort heureusement, une fois n’est pas coutume, Madame R, déjà âgée et ayant déjà perdu son mari, a sollicité de la Cour d’appel d’Aix en Provence un calendrier court afin de ne pas se retrouver finalement exposée à un risque de décès sérieux avant que le procès se termine, ce qui aurait été à l’avantage des débits rentiers qui, pourtant, ne respectaient pas leur obligation.

 

Un calendrier court pour empêcher les débirentiers de jouir d’une procédure longue

 

Fort heureusement, la Cour d’appel a entendu ce cri de détresse et a fixé une date d’audience très courte, ce qui amène finalement à un arrêt rendu le 01er avril 2025, soit, à peine un an après le jugement qui avait été rendu en Première Instance le 08 février 2024 et on ne peut que saluer le calendrier de procédure et la rapidité à laquelle la Cour s’est exprimée.

 

Étant précisé que cette rapidité est essentiellement due à l’insistance du conseil de Madame R en la personne de votre serviteur qui a pris soin de tancer la Cour et d’attirer son attention toute particulière sur l’urgence de la situation.

 

Les appelants, les consorts P qui étaient d’une mauvaise foi pas tentée car depuis longtemps ils ne réglaient plus les rentes qui étaient à leur charge alors que ces derniers louaient le bien et en tiraient forcément profit, ont soulevé plusieurs moyens.

 

Tout d’abord, une fin de non-recevoir soulevée en cause d’appel.

 

La nullité de l’assignation en résiliation judiciaire du contrat de vente en viager ?

 

En effet, les appelants excipent de la nullité de l’assignation sur le fondement de l’article 193 du Code de procédure civile soutenant, d’une part, qu’elle n’avait pas été délivrée au nom de Monsieur P car les deux consorts P s’appelaient ainsi mais seul un des P avait été touché par l’assignation et, d’autre part, qu’elle avait été délivrée le 05 mai 2023, soit, postérieurement à l’audience de première Instance de décembre 2022 et ils soutenaient que cela leur avait causé grief dès lors que l’acte aurait dû leur être signifié à leur domicile et qu’ils auraient dû bénéficier de l’allongement du délai qui leur était dû pour préparer leur défense.

 

Les consorts P arguent en outre la nullité de la signification du jugement du 08 février 2024 faisant valoir, d’une part, que l’acte remis à Monsieur P mentionné une date de décision erronée du 08 avril 2024, ce qui lui causait un grief dès lors qu’il n’avait pas pu savoir si la décision signifiée était bien la même que celle annexée et que, d’autre part, l’acte n’avait jamais été signifié à l’autre Monsieur P.

 

Pour autant, la Cour ne s’y trompe pas.

 

En effet, celle-ci rappelle que, aux termes de l’article 123 du Code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu’il n’en soit disposé autrement.

 

Les appelants sont donc recevables à présenter en cause d’appel la fin de non-recevoir tirée du défaut de signification régulière de l’assignation.

 

Cependant, s’agissant de nullité pour vice de forme, elle nécessite la preuve d’un grief subi conformément aux dispositions de l’article 114 du même Code.

 

Une absence de griefs pour les débirentiers qui ne payent aucune redevance depuis plus de 2 ans,

 

Or, la Cour souligne, à juste titre à mon sens, que pour soutenir que la signification n’aurait pas été régulière et que cela leur cause grief, les consorts P indiquent qu’ils n’ont pu bénéficier d’un allongement des délais vivant à l’étranger et donc d’un temps supplémentaire pour préparer leur défense.

 

Or, les articles 643 et 144 du Code de procédure civile auxquels ils se réfèrent, qui prévoient une augmentation de délais procéduraux de deux mois pour les parties résidant à l’étranger ne bénéficient qu’à la partie qui doit accomplir l’acte de procédure en l’espèce Madame R et non au défendeur.

 

Enfin, comme justement relevé par le Tribunal en Première Instance, Madame R produit au débat en pièces 10 et 11 les justificatifs de signification accomplis conformément aux dispositions de l’article 4§3 de l’article 9§ du règlement Européen et du conseil du 13 novembre 2007, de sorte que Monsieur P, quand bien même justifie pour sa part de la remise de l’assignation à sa personne qu’en mai 2023, il ne démontre pas l’irrégularité de la signification opérée à son égard.

 

Il en résulte que la nullité de la signification de l’assignation délivrée par Madame R n’est donc pas encourue.

 

S’agissant enfin de la nullité de la signification du jugement, l’erreur de mention sur l’acte de la date de la décision annexée constitue une erreur matérielle et, en toute hypothèse, constitue là-encore, un vice de forme qui, sur le fondement de l’article 114 du Code de procédure civile requiert démonstration pour aboutir d’un grief.

 

Or, là-encore, les consorts P ne démontrent pas en quoi cette mention erronée leur aurait porté grief puisqu’ils ont pu faire appel de la décision signifiée.

 

Ils sont, dès lors et à juste titre, déboutés de leur fin de non-recevoir.

 

La vraie question se pose bien sûr quant à la problématique de la demande de résolution du contrat de vente en viager.

 

L’absence de paiement de la redevance dans un contrat de vente en viager

 

Les consorts P, en effet, soutenaient que Madame R ne rapportait pas la preuve de l’absence de paiement des arriérages, le tableau qu’elle produisait n’était pas suffisant dès lors qu’il s’agissait d’une preuve qu’elle s’était constitué elle-même et ne justifiait pas de la gravité de leur comportement qui justifierait la résolution du contrat tel que l’a prononcé le Tribunal.

 

De surcroit, les consorts P considéraient qu’elle a exécuté la convention de mauvaise foi en leur délivrant des actes à une adresse qui n’était pas la leur.

 

Madame R, quant à elle, soutenait au contraire que la résolution judiciaire du contrat de vente en viager s’imposait au regard des manquements graves et renouvelés des débits rentiers à leurs obligations de s’acquitter mensuellement et d’avance une rente viagère.

 

Elle faisait valoir que les débits rentiers ne payaient que de manière sporadique et aléatoire comme le démontrent les décomptes qu’elle produit.

 

Elle rappelle enfin que l’acte portant vente en viager mentionnait expressément qu’elle sera résolue un mois après un simple commandement de payer resté sans effet, ce qui est bien le cas en l’espèce.

 

Enfin, Madame R ajoute que l’article 7 de l’acte de vente lui permet, au titre de la Loi des parties, de solliciter l’allocation à titre d’indemnité contractuelle des sommes déjà perçues à titre de rentes viagères.

 

La résolution judiciaire du contrat de vente en viager

 

La Cour rappelle que le contrat de vente viagère litigieux a été placé antérieurement à la réforme du droit des contrats et de l’ordonnance de 2016 entrant en vigueur au 01er octobre 2016, de sorte que, seul le droit antérieur est applicable au cas d’espèce.

 

L’article 1978 du Code civil prévoit que le seul défaut de paiement des arriérages de la vente viagère n’autorise pas celui en faveur de qui elle a été constitué à demander la résolution de la vente.

 

Toutefois, cette disposition n’est pas d’ordre public et il est des jurisprudences constantes que les parties peuvent déroger à ces dispositions en l’insérant dans le contrat de vente moyennant rente viagère une clause résolutoire exprimant de manière non-équivoque leurs intentions de mettre fin de plein droit très souvent après mise en demeure ou commandement de payer à leur convention en cas de non-paiement des rentes.

 

Cette clause doit être expresse et non-équivoque.

 

Or, en l’espèce, l’acte de vente prévoit en son article 7 que, à défaut par le débit rentier de payer exactement les arriérages de la rente et en cas de mise en demeure par le crédit rentier ou débit rentier d’avoir acquittée la rente, la vente sera résolue de plein droit après un simple commandement de payer resté infructueux pendant soixante jours et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de cette clause sans qu’il ne soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire.

 

Dans ce cas, tous les arriérages perçus par le crédirentier et tous les embellissements et améliorations apportés au bien vendu seront de plein droit et définitivement acquis au crédit rentier, sans recours ni répétition de la part du débit rentier défaillant, et, à ce titre, de dommages et intérêts et indemnités forfaitairement fixés.

 

La Cour souligne que les parties ont donc prévu dans l’acte des dispositions expresses permettant à Madame R de demander la résolution du contrat en cas de défaut de paiement d’arriérages.

 

Le défaut de paiement de la redevance par le débirentier

 

Celle-ci étant de plein droit, après simple commandement, restée infructueuse pendant soixante jours.

 

Madame R a fait délivrer deux commandements de payer dont le dernier datait du 16 février 2022 visant la clause résolutoire et faisant état d’un montant de rentes impayées de plus de 19 664.00 € délivrés aux consorts P, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Par la suite, Madame R fournira un décompte réactualisé réalisé par ces soins sur la base d’une rente indexée de 1 280.00 € indiquant un total impayé de 30 302.00 € au jour de l’assignation.

 

Les appelants, quant à eux, contestent ce décompte et soutiennent avoir réglé l’ensemble des sommes réclamées.

 

Toutefois, selon les dispositions de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui s’en prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de cette obligation.

 

Or, les consorts P, à l’appui de leur affirmation, ne produisent strictement aucun relevé de comptes ou pièces justifiant des virements mensuels de la rente qu’ils revendiquent.

 

Ainsi, à défaut de rapporter la preuve qu’ils se sont acquittés des rentes dues à Madame R, ils ont, de manière réitérée et depuis au moins l’année 2019, manqué à leurs obligations justifiant à prononcer la demande par Madame R de la clause résolutoire de la décision.

 

Et la décision de première Instance mérite confirmation de ce chef.

 

Quels dommages et intérêts en cas de résolution judiciaire d’un contrat de vente en viager ?

 

S’agissant de la demande de dommages et intérêts, il a été rappelé ci-dessous par ailleurs que les parties avaient prévu expressément que, de l’anéantissement du contrat, toutes les sommes effectivement payées par les acquéreurs débirentiers seraient conservées par le vendeur crédit rentier à titre de dommages et intérêts.

 

Aucune restitution au débiteur ne saurait être ordonnée de ce titre.

 

Par ailleurs, Madame R demande l’indemnisation de son préjudice du fait de la jouissance par les appelants du bien sans aucune rente aux parties en la privant ainsi, non seulement du bien, mais des ressources que la vente devait lui procurer.

 

Le préjudice de jouissance dans le cas d’un contrat de vente en viager

 

Au regard de l’importance de la défaillance des débits rentiers invoquée portant des retards de versement de plusieurs années, Madame R, crédit rentier qui justifie d’un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par la clause pénale rappelée ci-dessus après, est fondée à réclamer le paiement de dommages et intérêts complémentaires du montant des sommes impayées jusqu’au jour de l’arrêt rendu, soit, 30 302.00 € arrêté à la date du jugement et à parfaire jusqu’au jour de l’arrêt à raison de 1 280.00 € par mois supplémentaire.

 

Ainsi, c’est à juste titre que le Tribunal a rappelé les effets de la résolution du contrat et l’anéantissement de la vente entrainant l’impossibilité pour les débits rentiers de se maintenir dans les lieux, aucune indemnité d’occupation ne peut être réclamée.

 

En revanche, il est possible à Madame R, qui a poursuivis la résolution judiciaire du contrat pour non-paiement des rentes de demander l’expulsion des débirentiers.

 

L’expulsion des débirentiers

 

En effet, il est constant, sous l’empire des droits antérieurs à la réforme de 2016, que cette expulsion est conditionnée par l’acquisition effective de la clause résolutoire au prononcé judiciaire de la résolution, l’expulsion pouvant être ordonnée qu’après résolution et à la condition que le contrat ait été résolu pour inexécution.

 

Tel est bien le cas en l’espèce et il y a lieu d’ordonner l’expulsion des consorts P, occupants sans droit ni titre, ainsi que celle de tout occupant de leur chef dans le mois de la signification de la décision rendue et avec le concours de la force publique et d’un serrurier si nécessaire.

 

Ainsi, cet arrêt de Cour d’appel est extrêmement satisfaisant et rappelle qu’un contrat de vente en viager peut être résilié dans la mesure où les débits rentiers ne régleraient pas la rente mensuelle permettant ainsi au crédit rentier de récupérer son bien, de conserver l’ensemble des rentes qui ont déjà été versées et, dans le cas particulier de cette jurisprudence en l’état du grave préjudice subi par Madame R, d’obtenir en plus l’indemnisation d’un préjudice distinct qui consiste à leur reprocher l’ensemble des sommes qui n’auraient pas été réglées.

 

Ce qui est extrêmement satisfaisant.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Quels sont les moyens de contestations pour un client insatisfait d’une entreprise de création de site et de référencement ?

laurent latapie avocat reportage 2025
laurent latapie avocat reportage 2025
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Une entreprise d’import/export soucieuse d’une belle visibilité sur Internet conclu un abonnement avec une entreprise de création de site et de référencement. Dans l’hypothèse où les prestations ne sont pas réalisées comment mettre fin au contrat d’abonnement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Versailles ce 12 février 2025, N°RG 23/01813, et qui vient aborder les moyens de contestation que peut avoir un client contre une entreprise de création de site et de référencement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société I, met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne.

 

La société N a pour activité le commerce import / export de gros non spécialisé à inter-entreprise.

 

Le 20 décembre 2019, la société N a souscrit auprès de la société I un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables par tacite reconduction d’un montant de 19 857.20 €, soit, 23 828.54 € TTC, payable en trois mensualités suivant la date anniversaire du contrat.

 

Un contrat d’abonnement d’une durée de douze mois renouvelables

 

Le 23 décembre 2019, la société I a adressé à la société N une facture d’un montant de 23 828.64 € TTC à lui régler en trois mensualités de 7 942.88 € chacune les 15 janvier, 15 février et 15 mars 2020.

 

Aucune des trois échéances n’ayant été réglées par la société N, la société I a adressé un courriel de relance le 19 juin 2020.

 

Par courriel du même jour, la société N lui a répondu qu’un paiement en quatre fois sur l’année avait été prévu avec le commercial de la société I et a indiqué que les deux premiers trimestres seraient payés la semaine suivante.

 

Par un virement du 05 août 2020, la société N a payé la somme de 11 914.34 € et, par courriel du 17 août 2020, s’est engagé à payer le solde, soit la somme de 11 914.30 € à la fin du mois d’octobre suivant.

 

Le paiement annoncé n’étant pas intervenu, le conseil de la société I a mis en demeure la société N de régler la somme de 11 914.30 € par lettre recommandé avec accusé de réception du 04 novembre 2021 en vain.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte du 17 décembre 2021, la société I a assigné en paiement la société N devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

 

Par jugement en date du 30 novembre 2022, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société N à payer à la société I la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021, outre 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Un appel interjeté par le client insatisfait des prestations techniques de commercialisation et de référencement

 

C’est dans ces circonstances que la société N a interjeté appel de ce jugement et a sollicité à hauteur de Cour d’appel de Versailles d’infirmer le jugement en toute ses dispositions, de sommer avant dire droit la société I de justifier de l’ensemble de ses diligences techniques en terme de commercialisation de référencement et prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société I, débouter la société I de sa demande de paiement de la somme de 11 914.30 € et de la condamner inversement au paiement de dommages et intérêts de la somme de 11 914.30 € pour non-exécution du contrat.

 

Cette somme se compensant avec le montant de la facture réclamée par la société I, outre l’allocation de 5 000.00 € de dommages et intérêts à titre de préjudice complémentaire.

 

Un contrat d’abonnement résilié aux torts exclusifs de l’entreprise de création de site et de référencement

 

La société N soutenant en effet que le contrat d’abonnement devait être résilié aux torts exclusifs de la société I qui a manqué à ses obligations contractuelles en réalisant moins de la moitié des prestations contractuellement prévues.

 

La société N précisant que la société I n’a pas réalisé les prestations relatives à l’accès à la plateforme, la fiche entreprise ou encore au référencement sur le moteur de recherche.

 

L’absence totale de preuve des prestations effectuées en termes de référencement et sur internet

 

Elle fait valoir que, malgré ses demandes, la société I n’apporte aucune preuve de la réalisation des prestations effectuées sur le terrain technique se limitant à produire des éléments juridiques.

 

La société N se prévoit enfin également des effets de la crise sanitaire, les ventes escomptées notamment au garage n’ayant pas été réalisées.

 

La société N demande enfin et avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et en termes de référencement.

 

En effet, la société N prétendait que, en l’absence de preuve de diligences effectuées, elle n’était pas tenue de payer à la société I le solde de l’abonnement d’un montant de 11 914.30 €.

 

La Cour d’appel rappelle que la demande de résiliation judiciaire formulée par la société N repose sur l’article 1217 du Code civil qui précise que :

 

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

 

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

 

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

 

– obtenir une réduction du prix ;

 

– provoquer la résolution du contrat ;

 

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

 

L’article 1224 du Code civil précise quant à lui :

 

« Ainsi, il appartient à celui qui invoque l’exception d’inexécution prévu par l’article 1219 du même Code en alléguant que son contractant n’a rempli que partiellement son obligation d’établir cette inexécution. »

 

La société N doit donc démontrer que la société I n’a pas réalisé l’intégralité des prestations prévues au contrat et sa demande avant dire droit de faire sommation à la société I de justifier in concreto de l’ensemble des prestations effectuées sur les réseaux et, en termes de référencement, ne peut qu’être rejeté.

 

La société N ne pouvant ainsi suppléer sa propre carence dans l’administration de l’inexécution contractuelle qu’elle avait.

 

Le 20 décembre 2019, la société N représentée par son Président a accepté et signé l’offre de contrat d’abonnement proposée par la société I à laquelle étaient annexées les conditions générales de vente de la société I qui ont bien été paraphées et signées par le dirigeant, contrairement à ce que prétend la plaignante.

 

Un contrat d’abonnement signé et accepté par la société N

 

Ce contrat prenant effet le 23 décembre 2019 pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction comporte un descriptif détaillé des prestations incluses dans l’abonnement.

 

La société N ne démontre pas que les prestations commandées n’ont pas été exécutées.

 

L’absence d’éléments probants du demandeur quant aux prestations prétendument non réalisées de l’entreprise de création de site et de référencement

 

Elle se limite à produire un échange de courriels de Monsieur N, dirigeant de la société N, avec le service administration des ventes, puis, le service comptabilité de la société I entre le 19 juin 2020 et le 25 janvier 2021.

 

Or, le 19 juin 2020, l’assistance ADV de la société I écrit à Monsieur N, dirigeant de la société N, qu’il est toujours redevable de la somme de 23 828.64 € correspondant au montant total du contrat conclu le 23 décembre 2019.

 

Monsieur N répond le même jour qu’il va régler les deux premiers trimestres la semaine suivante et admet qu’il est en retard.

 

Le paiement n’intervenant pas comme indiqué, une relance adressée le 20 juillet 2020, un règlement de 11 914.34 € est effectué par virement le 05 août 2020 et, par courriel du 17 août 2020, Monsieur N dirigeant de la société N informe l’assistance ADV de la société I qu’il procédera fin octobre au paiement du solde, soit, 11 914.30 €.

 

Le règlement du solde ne sera pas effectué, donnant lieu à une nouvelle relance du service comptabilité de la société I le 25 janvier 2021, à laquelle Monsieur N dirigeant de la société N apportait la réponse suivante :

 

« Merci de bien vouloir me faire un avoir des prestations qui n’ont pas été réalisées.

 

Nous règlerons la facture en suivant. »

 

Ce dernier courriel ne contient aucune précision sur les prestations qui n’auraient pas été réalisées entre la moitié et les trois quarts selon l’appelante et si dans ses écritures la société N affirme que les prestations relatives à la plateforme, la fiche d’entreprise et les référencements sur le moteur de recherche n’ont pas été effectuées, elle n’apporte pas le moindre élément pour le démontrer et ce tandis que la société I verse au débat des pièces attestant de l’exécution de ces prestations qui ne sont pas utilement critiquées par l’appelante.

 

La société N manque ainsi à établir l’inexécution par la société I de ses obligations contractuelles, il s’en suit qu’elle doit être déboutée de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société I et qu’elle doit être condamnée par confirmation de jugement entrepris à lui payer le solde de l’abonnement souscrit, soit la somme de 11 914.30 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 04 novembre 2021.

 

Comment démontrer la carence de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met en lumière les difficultés que peut avoir un client fasse à une entreprise de prestation de service sur internet au titre notamment de prestation de référencement en ligne.

 

En effet, dans cette affaire, l’entreprise I met à disposition des professionnels une palette d’outils et de services en ligne, à savoir, site de génération leads, base de données experte, job boards et site de commerce en ligne avec tout un système de référencement sans que pour autant l’entreprise qui a contracté ces prestations, qu’il paye d’ailleurs relativement cher, soit satisfait de ces prestations.

 

Or, la difficulté est qu’effectivement l’entreprise cliente met un certain temps à se rendre compte de l’inefficacité ou de l’inefficience des prestations internet proposées par l’entreprise spécialisée en la matière.

 

Toute la difficulté de cette affaire, pour laquelle la société N a été mise en défaut, est qu’elle n’a finalement pas mis en exergue tout de suite ses doutes et ses interrogations quant à la réalité des prestations effectuées.

 

Dès lors, cette jurisprudence, même si elle semble rendue à l’encontre de l’entreprise cliente et finalement pouvant être lue comme favorable à l’entreprise de prestation de service sur internet, doit être analysée avec un certain recul.

 

Comment contester l’absence de prestations d’une entreprise de création de site et de référencement ?

 

 

Elle démontre justement à contrario que le meilleur moyen de contester les prestations de service d’une entreprise de prestation sur internet est justement de rapporter la preuve de ce que celle-ci ne réalise pas les prestations en question.

 

Le comportement critiquable de l’entreprise de création de site et de référencement ?

 

Or, toute la difficulté est que, en cas de litige, le premier réflexe que va avoir l’entreprise de prestation en ligne va être de couper l’accès au site ainsi qu’à l’ensemble des accès de référencement au client mécontent, lui enlevant par la même tous les moyens de preuve lui permettant de contester les prestations non-réalisées par l’entreprise de référencement et de mise en place de site internet.

 

Dès lors, cela est très fréquemment constaté et cela démontre bien que l’entreprise, qui veut contester les prestations réalisées par l’entreprise de référencement, doit anticiper dès ses premiers mécontentements afin de constater justement l’inefficience ou la défaillance de l’entreprise de prestation de service en ligne, sans quoi, celle-ci, par la suite, vient reprocher à l’entreprise cliente devant la juridiction saisie son incapacité à démontrer en quoi celle-ci serait inefficace et inefficiente.

 

Dès lors, la charge de la preuve s’inverse, il appartient bien sûr à l’entreprise cliente qui veut contester ce contrat de prestation en ligne de constater dès le début, au besoin par commissaire de justice et par constat d’huissier, l’ensemble des défaillances ou des éléments qui laisseraient à penser que la prestation n’est pas réalisée.

 

Cette démonstration dès le début par l’entreprise qui saura être suffisamment réactive sera à ce moment-là à même de démontrer la carence de l’entreprise réalisant les prestations de service en ligne devant la juridiction compétente, ce qui lui permettra d’obtenir finalement gain de cause et de se voir rembourser des prestations qui n’ont finalement pas été réalisées.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr