Dans quelles conditions un concubin qui a financé les travaux d’un immeuble qui abritait la vie commune peut-il évoquer l’enrichissement sans cause pour obtenir leur remboursement ? Cet enrichissement sans cause se calcule t’il sur la base du montant des travaux réalisés ou sur la base de la plus-value sur le bien immobilier

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en mai dernier et qui vient aborder les créances entre concubins lorsque ces derniers ont acquis un bien en indivision et que l’un des deux a participé à l’amélioration du bien, notamment en effectuant des travaux importants, permettant ainsi une plus-value importante. 

Quels sont les faits ?

Dans cette jurisprudence, Monsieur K avait vécu avec Madame Z dans une maison appartenant à celle-ci, qui était donc propre à elle, et pour laquelle il avait réalisé et financé divers travaux.

Par la suite, le couple se sépare et, le 03 mai 2018, il l’assigne devant le Juge aux affaires familiales afin qu’il soit statué sur les conséquences patrimoniales de la rupture de leur concubinage en sollicitant notamment la condamnation de Madame Z à lui verser une indemnité sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La question qui se posait alors était de savoir si cet enrichissement sans cause reposait sur le coût des travaux effectués ou sur la plus-value que les travaux avaient apporté sur le bien.

Quel montant retenir au titre de l’enrichissement sans cause ?

Dans le cadre de ce pourvoi en cassation, Madame Z faisait griefs à la Cour d’appel de l’avoir condamné au paiement de la somme de 91 741.14 € comme correspondant au montant de l’indemnité due par elle à Monsieur K au titre de l’enrichissement sans cause.

Cette dernière considérait que à la lecture de l’article 1303 du Code civil qui précise que : 

« En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »

Madame Z considérait que l’indemnité due au titre de l’enrichissement à en justifier est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

La moindre des valeurs entre enrichissement et appauvrissement

De telle sorte que, pour accueillir la demande de Monsieur K, les premiers Juges se sont bornés à retenir le montant de l’appauvrissement correspondant au règlement du coût par celui-ci des achats de matériaux qui ont servis aux travaux sans rechercher, comme il leur appartenait pourtant, de vérifier le montant de la plus-value immobilière apportée au bien de Madame Z.

C’est dans ces circonstances qu’ils auraient dû, en prenant considération le montant de la plus-value immobilière, fixer l’indemnité la moins élevée des deux sommes représentatives de l’enrichissement et de l’appauvrissement car effectivement Monsieur K, dans le cadre de sa procédure, avait pris soin de justifier d’un nombre important de factures qui représentées la somme totale de 91 741.14 €.

Plus-value immobilière ou montant des factures de travaux ?

La Cour de cassation revient effectivement sur la notion de l’enrichissement sans cause sur des créances entre concubins, notamment lorsque l’un des deux concubins a amélioré le bien qui appartenait à l’autre concubin car, dans cette affaire, il s’agissait bel et bien du bien de Madame Z qui était donc un bien en propre et Monsieur K, fort de ses compétences et de ses moyens, avait quant à lui apporté des fonds pour réaliser des travaux importants et ce dernier avait effectivement pris en charge l’ensemble des factures qu’il avait payé.

Pour autant, la Cour de cassation rappelle au visa de l’article 1303 du Code civil que, selon ce texte, l’indemnité due au titre de l’enrichissement justifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

Dès lors, pour fixer à 91 741.14 € l’indemnité due par Madame Z à Monsieur K au titre de l’enrichissement sans cause, la Cour d’appel retient que celui-ci justifie d’un nombre important de factures payées pour un montant de 91 741.14 €, ce dont il résulte un appauvrissement de Monsieur K et un enrichissement corrélatif de Madame Z pour ce même montant.

Le montant de la plus-value immobilière constitutif de l’enrichissement sans cause

Pour autant, la Cour de cassation rappelle qu’en se déterminant ainsi sans rechercher comme il lui incombait quel était, au jour de l’introduction de l’Instance, le montant de la plus-value immobilière constitutif de l’enrichissement de Madame Z, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, la Cour de cassation casse et renvoie les parties afin de fixer le montant de l’indemnité au titre de l’enrichissement sans cause en rappelant que celle-ci doit être fixée à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement, notamment en prenant en considération la plus-value immobilière apportée sur le bien.

Dans quelles conditions un concubin se rembourse des travaux qu’il a effectué ? 

Cette jurisprudence est importante car elle vient rappeler en tant que de besoin dans quelles conditions, lorsque le concubin a financé les travaux sur l’immeuble qui abritait la vie commune, il fallait rembourser ce dernier des travaux qu’il avait effectué.

Entre l’ensemble des factures réalisées et la plus-value apportée sur le bien, c’est bel et bien le montant de la plus-value immobilière qu’il convient de retenir sur le bien comme étant constitutif de l’enrichissement injustifié de l’autre concubin.

Amélioration du bien immobilier, contribution aux charges du ménage ? 

Cette jurisprudence vient également rappeler que tout n’est pas forcément que contribution aux charges du ménage entre les deux concubins lorsque des dépenses sont faites dans le cadre de l’amélioration du bien.

En effet, il y a quand même une volonté de rééquilibrage dans les dépenses du couple, tant bien même ces derniers sont effectivement en union libre où rien ne règlemente finalement leur relation.

Pour autant, lorsqu’il y a une véritable plus-value pour le bien qui se distingue clairement des notions d’entretien du bien ou encore de légères améliorations, il n’en demeure pas moins que seule la notion de plus-value a vocation à être prise en considération mais, pour autant, cela vient quand même rééquilibrer les rapports financiers entre les deux concubins afin de permettre justement à celui qui s’est appauvri de récupérer, par le biais de l’enrichissement sans cause, une partie des fonds qu’il a investi.

Dès lors, il y a lieu de dissocier entre entretien du bien, contribution aux charges du ménage et la plus-value qui peut être tirée sur le bien en tant que tel.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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