
Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation. Si celui-ci se rétracte ou refus de réitérer, est-il possible d’obtenir la réalisation forcée de la vente ou le litige ne peut se résoudre que par l’allocation de dommages et intérêts?
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 novembre 2024, N°21-12.661, qui vient rappeler que, depuis un revirement de jurisprudence du 23 juin 2021, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation juge que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.
La Cour d’appel d’Aix en Provence a rendu son arrêt le 05 janvier 2021 et considérait qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts.
Or, alors que se faisant, la Cour d’appel se conforme à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel a violé les articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil dans la rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance N°2016-131 du 10 février 2016.
Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, par acte authentique du 21 octobre 1971, Madame et Monsieur S & D avaient promis de vendre à Madame et Monsieur M & K ou à leurs ayants-droits la parcelle de terrain cadastrée section A cadastre 2 et que cette dernière exploitait sur une commune selon bail du 23 septembre 1961.
Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 01er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.
Une promesse unilatérale de vente consentie pour 4 années
L’ensemble des antagonistes, à savoir, S & D d’un côté et M & K de l’autre, sont décédés respectivement les 28 décembre 1978 et 06 mars 1999 laissant pour leur succéder, la première, son fils, Monsieur L le promettant, la seconde, son fils, Monsieur U le bénéficiaire.
Par lettre recommandé du 01er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu’il considérait la promesse de vente comme caduque.
Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.
Une levée d’option par le bénéficiaire sans réponse du promettant
Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné le 17 janvier 2018 aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 2 et de condamnation en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Or, le bénéficiaire faisait grief à la Cour d’appel de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 3 ainsi que sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive alors que, selon lui, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.
Ainsi, en considérant qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts, la Cour d’appel avait, selon le bénéficiaire, violé les dispositions des articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil.
Une réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant ?
Le bénéficiaire faisant également grief à la Cour d’avoir apprécié la vileté du prix qui devait s’effectuer non à la date de la promesse de vente mais à la date de la levé d’option.
En effet, le bénéficiaire considérait que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de réalité de la vente.
C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation vient apporter deux séries de réponses qui sont autant d’instructions et qui vont immanquablement appeler à une large publication de ces jurisprudences.
Premièrement, sur la question de savoir s’il y avait matière à obtenir la réitération forcée de la vente ou de simples dommages et intérêts, la Cour de cassation apporte un certain nombre de réponses et ce, au visa des articles 1101, 1134 alinéa 1er et 1142 du Code civil.
La réalisation forcée de la vente en sus des dommages et intéréts
Ainsi, la Cour de cassation rappelle :
Aux termes de l’article 1101 du Code civil, le contrat est une convention par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à faire ou à ne pas faire quelque chose.
Aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes enfin de l’article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.
La Cour de cassation rappelle que, alors qu’il était jugé antérieurement en matière de promesse unilatérale de vente que la levée de l’option postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre de volonté réciproque de vendre ou d’acquérir.
De sorte que la réalisation forcée ne pouvait être ordonnée, la violation par le promettant de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droits qu’à dommages et intérêts, la Cour de cassation procédant à un revirement de jurisprudence, juge depuis une décision du 23 juin 2021, troisième Chambre civile, N°20-17.554, que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exécution de l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente.
Le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.
Ainsi, bien qu’annonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible dans pareils cas d’ordonner la réalisation de la vente forcée s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts.
En statuant ainsi sans se conformer en l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
Concernant la fixation du prix de vente
Concernant la fixation du prix, la Cour de cassation rappelle là-encore que les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.
Et, aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, 1591 du même Code, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.
Un prix de vente déterminé et désigné par les parties
Ainsi, pour confirmer le rejet de la demande de transfert de propriété de l’immeuble promis, la Cour d’appel dénonce que l’appréciation du prix s’effectue non pas à la date de la promesse mais à celle de l’échange de l’accord des volontés, c’est-à-dire, à la date de levé de l’option par le bénéficiaire.
Soit, en l’occurrence, le 18 novembre 2016.
La disparité entre les offres de prix obtenu par le promettant et la proposition d’achat émanant du bénéficiaire établissant le caractère ni réel ni sérieux du prix en conduisant à la nullité de l’acte.
La Cour de cassation considère que, en statuant ainsi, alors que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient outre le consentement du vendeur les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire, de sorte que la vileté du prix s’apprécie à la différence de l’action en décision de provision ouvert dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivant du Code civil à la date de la promesse et non à celle de la levée d’option.
Le promettant d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre le bien
Ainsi, cette jurisprudence est particulièrement intéressante puisqu’elle vient rappeler que, désormais, en l’état du revirement de jurisprudence du 23 juin 2021 opéré par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation.
Ce qui est extrêmement satisfaisant dans l’hypothèse où, par extraordinaire, le promettant décide de changer d’avis sans raison valable par ailleurs.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,
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