Déclaration préalable et illégalité d’une pièce demandée non exigée par le code de l’urbanisme

En droit de l’urbanisme, les demandes de permis de construire, d’aménager, de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par le Code de l’urbanisme. Quels sont les délais d’instruction ? A quel moment nait une décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de permis tacite ? La mairie peut-elle demander tout et n’importe quoi ?

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Mur de clôture présentant un réel danger de basculement, quelle procédure?

Miami divorce Laurent Latapie avocat

Mur de clôture présentant un réel danger de basculement, quelle procédure ?

Résumé :

Conflit de voisinage au sujet d’un mur de clôture, non mitoyen, présentant un réel danger de basculement et procédure de référé. Analyse du bien-fondé de la décision du juge ordonnant la démolition dudit mur sous astreinte. Ainsi, tel est pris qui croyait prendre….

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu le 4 mai 2023, n°23/321, RG 22/13859 et qui vient aborder la problématique de voisinage entre deux voisins, dont l’un est propriétaire d’un mur de clôture et qui fait grief à son voisin d’avoir bétonné son entrée de jardin.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Madame B. est propriétaire du lot n°3 dans un ensemble immobilier au sein d’une copropriété.

Ce lot dont elle est devenue l’unique propriétaire à l’issue de son divorce est composé d’une maison à usage d’habitation ainsi que de la jouissance privative exclusive d’un terrain attenant de 584 m² et de 250/1000ème des parties communes.

Afin de délimiter son terrain, Madame B. a fait réaliser un mur de clôture entièrement implanté sur sa propriété,

Il ne s’agit donc pas d’un mur mitoyen.

Le lot de Madame B. jouxte le lot n°2, récemment acquis par Monsieur Z., composé d’une maison de 81 m2 et d’un terrain attenant de 441 m2 ainsi que des 250/1000ème des parties communes.

Litige entre voisins au sujet d’un mur de clôture,

Se plaignant que les travaux entrepris par Monsieur Z. auraient endommagé son mur de clôture, Madame B. l’a fait assigner le 13 avril 2022, devant le Président du Tribunal Judiciaire statuant en référé, aux fins de l’entendre en principal condamner sous astreinte à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à la remise en état des lieux et au renfort des fondations de son propre mur.

Or, force est de constater que les travaux effectués par Monsieur Z. n’impactaient en aucune manière le mur de Madame B., de telle sorte que son action était mal fondée et, reconventionnellement, Monsieur Z. avait, quant à lui, sollicité la destruction de ce mur comme étant un mur qui pouvait tomber en l’état d’un délabrement évident, ce qui constituait un dommage imminent permettant au Juge des Référés de condamner Madame B. à la destruction puis la remise en état de ce mur.

Une démolition de mur de clôture ordonnée sous astreinte

C’est dans ces circonstances que par ordonnance contradictoire en date du 21 septembre 2022, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire a constaté que Madame B. se désistait de sa demande principale formée à l’encontre de Monsieur Z., et écartait des débats le constat établit par Maître A., huissier de justice,

Mais surtout, le juge de référés condamnait Madame B. à démolir le mur séparant sa propriété de celle de Monsieur Z. au sein de l’ensemble immobilier, et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de cette décision,

Outre 1 500,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier établit par Monsieur Z. le 23 novembre 2021 ainsi que le coût d’une expertise réalisée le 14 juin 2022 par un expert.

Concernant le constat d’huissier écarté, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire avait notamment considéré qu’il résultait d’au moins une des photographies prises sur les lieux que l’huissier de justice, mandaté par Madame B., avait pénétré sur la parcelle de Monsieur Z. sans l’autorisation de celui-ci, que le muret très ancien de Madame B. s’effritait en plus d’être profondément fissuré à plusieurs endroits et qu’il présentait un réel danger de basculement.

C’est dans ces circonstances que Madame B. a interjeté appel de cette décision.

Pour autant, dans la mesure où Madame B. s’était désistée de sa demande en première instance, il apparaissait difficile pour cette dernière de faire appel et de revenir à hauteur de Cour sur la problématique du sort de ce mur, mur pour lequel le Juge des Référés avait bien pris soin de solliciter la démolition en l’état de sa dangerosité et de son insalubrité.

La Cour est sensible à cette problématique de mur et elle rappelle qu’aux termes de l’article 835 alinéa 1er du Code de Procédure Civile, le Président du Tribunal Judiciaire ou le Juge du Contentieux et de la Protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose soit pour prévenir d’un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Un mur de clôture insalubre, dommage imminent

Le dommage imminent s’entend à celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira surement si la situation présente doit se perpétuer, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit être constaté avec l’évidence requise en référé à la date où le Juge de première instance à statuer.

La constatation de son imminence suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets.

Dans son rapport en date du 14 juin 2022, Monsieur F., expert, mentionne que le mur objet du litige date des années 1978 – 1979 et qu’il présente un réel danger de basculement dès lors qu’il ne possède pas de semelle de fondation, ni de ferraillage, ni de chaînages verticaux, ni horizontaux, ni joint de dilatation sur toute sa grande longueur ayant simplement été posé sur une très faible épaisseur de béton la rendant plus vulnérable.

Il ajoute qu’il est complètement lézardé et fissuré sur toute sa longueur et que ces lézardes et fissures sont existantes depuis fort longtemps.

Des réparations de fortune ayant été réalisées sans résultat.

L’expert conclut qu’il a été réalisé, sans aucune connaissance technique, qu’aucun élément structurel n’a été prévu dans sa construction et que les travaux entrepris par Monsieur Z. ne sont pas à l’origine de sa vétusté, ni de son état actuel, ledit mur n’ayant pas été touché lors de ceux-ci (les travaux entrepris par Monsieur Z.).

Il constate, par ailleurs, que ce mur est déstabilisé par le fait qu’il soit surélevé sur sa plus grande longueur de panneaux en bois de 1,80 m de hauteur, offrant une forte prise au vent et ce, sur une autre partie par mur en parpaings creux, non enduits, simplement entassés sans qu’aucun élément structurel n’ait été prévu à cet effet.

Et d’ajouter « ce mur est instable et menace de tomber car aucune règle de construction n’a été respectée. Il suffit de s’appuyer dessus pour s’en rendre compte : danger imminent ».

S’il est exact que ce document ne peut valoir expertise judiciaire et remporter à lui seul la conviction de la Cour dès lors qu’il n’a pas été contradictoirement, il n’en demeure pas moins un élément de preuve soumis au contradictoire des parties dès lors, sa force probante doit être appréciée par une mise en perspective avec les autres éléments du dossier.

En l’occurrence, l’état de délabrement du mur, son absence de semelle et / ou de fondation, ses fissures au droit des poteaux de clôtures, son absence de ferraillage, son incurvation et affaissement en direction de la propriété de Monsieur Z. sont corroborés par le constat dressé le 23 novembre 2021 par Maître A., huissier de justice, et les photographies qui y sont jointes.

Le rapprochement de ces deux pièces donc avec l’évidence requise en référé un risque imminant d’effondrement susceptible de causer des dégâts aux biens et aux personnes situés sur la propriété de l’intimé et notamment ses jeunes enfants.

C’est donc par des motifs pertinents que le Premier Juge a ordonné sa démolition.

Il importe peu, à cet égard, que Monsieur Z. puisse avoir pour projet d’édifier, de son côté, un massif en béton armé d’une hauteur de 30 cm et d’une épaisseur de 20 cm.

En effet, un tel ouvrage, dont Madame B. n’établit nullement qu’il a été construit, n’aura, selon Monsieur F., expert, aucune incidence sur le mur indépendant de cette dernière.

Cet homme de l’art ajoute que, s’il est susceptible de lui assurer une meilleure stabilité, il ne réparera en aucune façon ces malfaçons.

De part ses dimensions, et notamment sa hauteur de 30 à 80 cm, inférieures au mur litigieux, il ne pourra suffire à éradiquer le risque d’effondrement de ce dernier, notamment par renfort.

C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel confirme l’ordonnance entreprise, dans ce cas-là, condamner Madame B. à démolir le mur séparant sa propriété de celle de Monsieur Z. au sein de l’ensemble immobilier et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision.

Concernant l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens, il convient de souligner que la Cour fait une distinction subtile entre frais irrépétibles et dépens.

En effet, dans le cas de la procédure de référé en première instance, le Juge des Référés avait ordonné la prise en charge des frais d’huissier et des frais d’expertise comme étant des dépens à l’encontre de Madame B. qui avait été condamnée à les payer.

Pour autant, la Cour précise que les frais de constat d’huissier du 23 novembre 2021 et le coût de l’expertise réalisée le 14 juin 2022 par Monsieur F. seraient compris dans les dépens puisque ces derniers ne s’analysent pas comme des frais afférents aux instances, actes et procédures d’exécution au sens des dispositions de l’article 695 du Code de Procédure Civile mais relèvent du régime des frais irrépétibles.

Courte guerre, toujours est-il que la Cour confirme l’ordonnance entreprise et condamne bien Madame B. à démolir le mur en litige.

Ceci peut d’ailleurs sembler finalement un épilogue judiciaire fort curieux puisqu’il convient de rappeler que c’est Madame B. qui avait assigné Monsieur Z. en reprochant à ce dernier d’avoir impacté son mur et en demandant à Monsieur Z. de supporter le coût de reprise du mur dans son intégralité.

Ainsi, « tel est pris qui croyait prendre » et cette jurisprudence rappelle effectivement la notion de dommage imminent concernant un mur de clôture.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Stipulation pour autrui et affectation de la voirie au profit du lotissement -ASL

Laurent Latapie avocat 2022 immobilier construction lotissement

Un lotissement est créé par deux colotisseurs qui prévoient dans l’acte authentique initial une cession gratuite des voiries et de l’aire de jeu au travers une stipulation pour autrui au profit de l’ASL encore inexistante à la signature dudit acte. L’ASL peut-elle revendiquer cette stipulation pour autrui pour obtenir la cession gratuite de la voirie et de l’aire de jeu ?

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Clauses de cahier des charges dans un règlement de lotissement, quelle opposabilité?

Laurent Latapie avocat saint Raphael 2022

Une clause classiquement présente dans un cahier des charges mais intégrée dans un règlement de lotissement, a-t-elle un caractère contractuel lui conférant ainsi force d’opposabilité entre les colotis ? Un coloti qui viole cette clause dans son projet de construction, d’aménagement ou d’extension engage t’il sa responsabilité ? les autres colotis peuvent-ils empêcher la réalisation dudit projet ?

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SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière contre la banque

latapie avocat contentieux bancaire
latapie avocat contentieux bancaire

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement préteur, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière, dans le cadre de mesures d’exécution,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction vente,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement prêteur,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière, aux fins de vente amiable ou de vente aux enchères, que le créancier n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

Ø  La qualité à agir du créancier poursuivant

Ø  La validité du T.E.G

Ø  L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement financier qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 le Banquier, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, un deuxième établissement, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits du premier établissement préteur, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

L’assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation

C’est dans ces mêmes circonstances que le deuxième établissement, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

L’objectif de la procédure est simple: saisir le bien immobilier et envisager tantôt une vente amiable, tantôt une vente aux enchères publiques,

C’est dans ces conditions qu’à l’audience, la SCI de construction vente résiste contre les mesures d’exécution et conteste la qualité à ester en justice du créancier poursuivant dans le cadre de sa procédure de saisie

 I/ Sur la qualité à agir :

 En effet la SCI de construction vente considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité et d’un intérêt à poursuivre le débiteur dans le cadre de la procédure

 La qualité de la banque à poursuivre le débiteur

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le demandeur ne justifie pas de sa qualité.

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 Moyens de défense de la SCI de construction

En effet, la SCI de construction vente considère à l’audience qu’il incombe à l’établissement financier, demandeur, de démontrer dans la procédure non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Qu’en est il du traité d’apport partiel?

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à ester en justice à l’audience ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que l’organisme financier réponds de sa qualité à ester en justice sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations du banquier,

Il convient de rappeler qu’en procédure, le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité et doit par voie de conséquence démontrer que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction vente concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

Deuxièmement, sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul  intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la  nullité relative de la  clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une  action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

Le demandeur, à l’audience, soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

Les juges du second degré rappellent toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au  contentieux du T.E.G, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un  consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La prescription de la contestation du TEG

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

Que précise le contrat de prêt?

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction vente que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de  prêt, par la  déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la  preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, les juges du second degré considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son  action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant  saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction vente, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à l’organisme préteur.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par l’établissement bancaire comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant les juges du fond préfèrent se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter les droits même du créancier, 

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que l’établissement financier fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de l’organisme préteur, là encore l’arrêt de la Cour est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction vente avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de son créancier afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à l’établissement bancaire de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant, là encore, la Cour préserve le créancier préteur,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que l’établissement financier n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du  remboursement du seul  prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la  vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Le créancier peut donc poursuivre sa procédure et saisir le bien immobilier de la SCI,

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de l’organisme prêteur alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, l’établissement financier serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

Ø  La qualité du créancier poursuivant à ester en justice

Ø  La validité du T.E.G

Ø  L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières, lorsque le créancier pousse à la vente amiable ou à la vente aux enchères,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

Là encore, le rôle de l’avocat est déterminant

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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