Divorce franco-algérien et fixation du premier domicile matrimonial

Laurent Latapie avocat droit de l'entreprise en difficulté 2020

Deux époux algériens se marient à Oran en 1982 pour s’installer en 1995 en France, obtenir la nationalité française et ne jamais retourner en Algérie. En cas de divorce et de liquidation du patrimoine commun, faut-il appliquer le droit français et son régime communautaire, ou le droit algérien et son régime séparatiste ? Faut-il retenir le critère du premier domicile matrimonial en Algérie ou prendre en considération les circonstances postérieures et leurs investissements immobiliers en France ?

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Divorce international franco algérien et régime matrimonial applicable

Laurent latapie avocat tribunal aix

Cette jurisprudence prend comme exemple le cas du divorce international d’un couple de deux algériens, mariés en Algérie, qui ont acquis tous la nationalité française et qui divorcent finalement en France. Les époux s’opposent sur la détermination de leur régime matrimonial. Entre Loi applicable du premier domicile de la famille, principe d’immutabilité du régime matrimonial et désignation expresses d’une autre Loi applicable.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en décembre dernier qui vient aborder, dans le cadre d’un divorce international franco-algérien, le cas particulier du conflit de lois entre droit français et droit algérien concernant le sort du régime matrimonial.

La Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, prévoit, à l’article 6, alinéa 1, que les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable et, à l’article 11, que cette désignation doit faire l’objet d’une stipulation expresse.

Pour autant, qu’en est-il dans le cas d’un divorce international franco-algérien ?

Il convient de préciser que pour ce cas de divorce international, la Cour de cassation a jugé que la déclaration, mentionnée par les époux dans des actes notariés poursuivant un autre objet, ne traduisait pas leur volonté non équivoque de soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle le régissant jusqu’alors leur couple et ne pouvait donc constituer une stipulation expresse portant désignation de la loi applicable.

Suivant l’article 11 de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, la désignation de la loi applicable doit faire l’objet d’une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d’un contrat de mariage.

Ce texte s’applique naturellement pour le cas d’un divorce international,

Suivant l’article 6 de la même convention, les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable.

Qu’il résulte de la combinaison de ces textes que le changement de loi applicable suppose une stipulation expresse par laquelle les parties déclarent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi autre que celle jusqu’alors applicable.

L’article 13 de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, précise que la désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation.

Il convient de rappeler que le principe de l’immutabilité du régime matrimonial est consacré par la convention de La Haye du 14 mars 1978 et exclut de faire application d’un autre droit que celui du mariage aux époux sauf si les parties ont expressément convenu au cours du mariage de soumettre le régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable,

En effet, la Convention de La Haye, du 14 mars 1978 consacre ce principe et précise très clairement qu’à défaut de contrat de mariage, la loi voulue par les époux est indiquée par la loi de leur établissement de mariage.

A toute fin, il convient de reprendre l’article 4 de ladite convention de La Haye, lequel article précise :

« Si les époux n’ont pas, avant le mariage, désigné la loi applicable à leur régime matrimonial, celui-ci est soumis à la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage,

A défaut de résidence habituelle des époux sur le territoire du même Etat et à défaut de nationalité commune, leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’Etat avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits. »

Dans le cas d’espèce, dans cette affaire de divorce international franco-algérien, M. X… et Mme Y… , tous deux algériens, s’étaient mariés en 1982, sans contrat préalable, en Algérie, où étaient nés leurs trois enfants.

Ils se sont installés en France en 1995 et ont acquis la nationalité française.

Cependant ils se sont opposés, après le prononcé de leur divorce, sur la détermination de leur régime matrimonial.

La problématique du divorce international franco-algérien et du régime applicable était ainsi posée,

La Cour d’Appel considérait que le régime matrimonial des époux était le régime français de la communauté réduite aux acquêts et qu’au regard du lieu de leur mariage et de leur premier domicile conjugal, le droit applicable à leur régime matrimonial était le droit algérien, leur installation en France et le changement de nationalité étant sans incidence.

Pour ce faire, la Cour d’Appel retient qu’il ressort de la déclaration des époux contenue dans un acte d’achat d’un bien immobilier et dans un acte de donation entre eux, selon laquelle ils sont « soumis au régime de la communauté, selon le droit français », que ceux-ci avaient, en cours de mariage, désigné leur régime matrimonial comme étant le régime français de la communauté des biens, comme les y autorise l’article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, applicable avec effet rétroactif.

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et considère :

« qu’en statuant ainsi, alors que cette déclaration, mentionnée dans des actes notariés poursuivant un autre objet, ne traduisait pas la volonté non équivoque des époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle le régissant jusqu’alors et ne pouvait constituer une stipulation expresse portant désignation de la loi applicable, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

Cette jurisprudence est intéressante dans le cas d’un divorce international, car en abordant le cas particulier d’un divorce d’algériens en France, elle vient mettre en exergue la force de la Convention de la Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux en droit international en ses articles 6 11 et 21,

Il convient en effet de rappeler que si les époux peuvent désigner une autre loi applicable à leur régime matrimonial que celle qui les régit, cette désignation doit être non équivoque et certaine.

Les principes en la matière demeurent,

Retenons principalement qu’en cas de divorce international, le principe d’immutabilité du régime matrimonial qui exclut de faire application d’un autre droit aux époux et la règle de conflit fait que la loi voulue par les époux du fait du premier domicile de la famille emporte présomption de volonté sauf dispositions expresses et sauf liens étroits avec l’autre pays ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr