Responsabilité de la Banque et lettres de change payées sauf désaccord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en octobre 2017 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui vient aborder la question de la convention de compte liant un entrepreneur et l’établissement bancaire lorsqu’une lettre de change, ou des lettres de change, sont présentées sur le compte,

 

Dans cette affaire, pour les besoins de son activité professionnelles, Monsieur E, entrepreneur en bâtiment avait signé plusieurs conventions de compte auprès de l’établissement bancaire prévoyant une facilité de trésorerie pour un montant 20 000 euros qui ne pouvait normalement pas être dépassés.

 

Au cours du mois d’octobre 2012, la société R avait présenté à l’établissement bancaire deux lettres de change tirées par Monsieur E.

 

Ces lettres de change arrivant à échéance fin octobre 2012 étaient d’un montant respectif de 35 000,00 euros et de 46 201,97 euros soit un montant total de 81 201,97 euros.

 

Ces lettres de change ont été débitées le 22 octobre 2012 alors que le compte présentait déjà un solde débiteur de près de 40 000 euros.

 

Or, ce débit d’effet de commerce a eu comme conséquence de passer le compte bancaire en question en débit largement supérieur au débit découvert autorisé.

 

Suite à cela, la banque a adressé un courrier recommandé le 7 décembre 2012 visant un préavis non motivé de 60 jours.

 

Par courrier en date du 8 janvier 2013, Monsieur E était informé que son entreprise était cotée H8 par la BANQUE DE France, cette cotation correspondant aux entreprises menacées compte tenu des incidents de paiement déclarés.

 

Monsieur E assigné en responsabilité la banque devant le tribunal de grande instance, estimant que la banque avait commis une faute en payant les effets de commerce, autrement dit les lettres de change, alors que le solde de son compte était insuffisant.

 

Monsieur E soutenait que l’établissement bancaire avait engagé sa responsabilité en payant les deux effets de commerce litigieux sans avoir, au préalable, vérifié que le compte bancaire présentait une provision suffisante, et sans avoir alerté clairement et en temps utile son client.

 

Cette faute a pour effet d’obérer la situation bancaire et financière et d’aggraver sa cotation Banque de France, à une période où l’activité économique avait diminué, s’agissant d’une période hivernale peu propice à la réalisation de chantiers.

 

Dès lors Monsieur E était bien fondé à considérer que le préjudice causé par ce comportement fautif dépassait l’enjeu des lettes de changes car cela impactait les perspectives de développement et de chiffre d’affaires de l’entreprise.

 

Pour autant, la banque affirme qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a payé les deux effets de commerce litigieux, dans le respect de la convention “de paiement sauf désaccord” conclue avec Monsieur E,

 

Dans le cadre de la procédure, elle précise avoir adressé le 15 octobre 2012 à Monsieur E un relevé des lettres de change qui seraient payées le 22 octobre suivant, si aucune instruction inverse n’était donnée par Monsieur E,

 

La banque explique que le règlement des deux effets de commerce est intervenu, comme prévu, le 22 octobre 2012, son client ne s’y étant pas opposé.

 

Pour autant, le banquier domiciliataire est le mandataire de son client s’agissant du règlement des effets de commerce, autrement dit lettres de change, qu’il ne peut ainsi payer ces effets que lorsqu’il en a reçu l’ordre de son client, cet ordre pouvant être ponctuel ou permanent.

 

Or, la convention de compte comporte une clause intitulée « Convention de paiement de lettres de change sauf désaccord » dans laquelle Monsieur E donne mandat à la banque, qui l’accepte, de régler sans autre avis tous les effets de commerce, quel que soit leur montant, domiciliés aux caisses de la banque, en faveur de tiers en France par le débit du compte de référence désigné ci-dessus, ou de l’un des autres comptes courants désignés ci-après.

 

Il résulte de cette clause que la banque a reçu un ordre permanent de payer les lettres de change domiciliées dans ses caisses.

 

La question était alors de savoir si le délai prévu dans le contrat était respecté et si cette clause n’était pas abusive en générant un risque pour l’entrepreneur de ne pas répondre dans le délai imparti tant celui-ci est cours.

 

La banque se retranche derrière le fait que les conditions générales prévoient expressément que sur ordre formel du client, banque fait parvenir au client quelques jours avant l’échéance, un relevé d’effets à payer, que le client retourne à la banque au plus tard le dernier jour avant la date de paiement, avec ses instructions de paiement de tout ou partie des effets mentionnés.

 

Pour éviter au client de devoir donner systématiquement ses instructions pour le paiement des effets, une convention dite de « paiement sauf désaccord » peut être conclue par ailleurs; cette convention prévoit que le client ne donne aucune instruction lorsqu’il est d’accord pour le paiement, la banque ne rejetant les effets présentés au paiement qu’à la demande expresse du client en temps utile.

 

La vraie question était de savoir si la lettre avait été envoyée dans un temps conforme aux dispositions contractuelles et si ce temps était suffisant pour permettre à Monsieur E de répliquer dans des délais raisonnables.

 

La banque indique sue ce relevé date du 15 octobre 2012, soit de sept jours avant la date prévue pour le règlement des deux lettres de change.

 

Monsieur E soutenait que la banque n’apportait aucune preuve de l’envoi de la lettre en tant que tel.

 

Que le délai d’expédition laissait une marge de deux à trois jours de réception du courrier, la banque n’ayant pas envoyé la lettre par affranchissement prioritaire.

 

Que par ailleurs, dans l’hypothèse où Monsieur E ne suivait pas son courrier au jour le jour ou étant en déplacement, il est bien évident que le délai était trop court.

 

Pour autant, la Cour d’Appel brille par une certaine intransigeance sur la question des lettres de change et fait une application stricte du contrat au profit de la banque,

 

En effet, la Cour considère que l’envoi de ce relevé sept jours avant la date de paiement prévue n’est pas fautif dans la mesure où, d’une part, ce délai, même bref, permet au tiré de s’opposer en temps utile au paiement, ou au passage des lettres de change, et où, d’autre part, les conventions rappelées ci-dessus ne fixe aucun délai minimum.

 

La Cour d’Appel ne répond pas à l’argumentation de Monsieur E sur les conditions d’acheminement de la lettre ou sur le justificatif de son envoi.

 

Il est donc regrettable que la Cour considère que c’est à bon droit que la banque a payé les deux lettres de change litigieuses contrairement à la convention qui avait été signée et alors même qu’une deuxième difficulté se posait relative à la responsabilité de la banque sur la gestion du compte débiteur.

 

Il convient de rappeler qu’au moment du paiement des lettres de change le compte de Monsieur E était largement débiteur puisqu’il dépassait de plus de 20 000 euros la facilité de caisse.

 

Sur ce, la banque fait passer les lettres de change en augmentant de près de 80 000 euros le découvert en question, ce qui à mon sens caractérise la responsabilité de cette dernière qui aurait du se cantonner au seul découvert autorisé.

 

En conséquence, la Cour se fourvoie en considérant que le simple fait que le compte de Monsieur E ait présenté, au moment du paiement des lettres de change, un solde débiteur dépassant le découvert autorisé, n’était pas, en l’espèce, une anomalie de nature à imposer à la banque d’alerter plus particulièrement son client et de refuser ce paiement dans la mesure où, d’une part, il appartenait à Monsieur E de surveiller le solde de son compte et de s’opposer, le cas échéant, au paiement des lettres de change par prélèvement sur le compte bancaire litigieux, et où d’autre part, la banque avait déjà, par le passé, accepté que le découvert autorisé soit dépassé.

 

Que ces dépassements exceptionnels de découvert, prévus dans la convention de facilité de trésorerie, étaient par la suite réduits par Monsieur E par le dépôt de fonds sur le compte bancaire de telle sorte que compte tenu de ce fonctionnement, la banque a pu légitimement penser qu’il en serait de même lorsqu’elle a payé les deux lettres de change litigieuses et n’a commis aucune faute en procédant à leur règlement.

 

Il peut quand même sembler curieux de constater qu’il est donné force juridique à une pratique qui n’est pas règlementée par la convention de compte et qui vient largement dépasser la facilité de caisse pourtant déjà autorisée à titre exceptionnel.

 

Il est tout aussi curieux que constater que sur le sujet de la lettre de change, la Cour d’Appel fait une application stricte du contrat alors qu’inversement, sur la question de la responsabilité de la banque, celle-ci se réfère non plus au contrat mais à la pratique bancaire.

 

Cette analyse contractuelle à géométrie variable peut sembler parfaitement contestable,

 

Monsieur E reproche également à la banque au titre de la rupture des concours financiers.

 

En effet Monsieur E soutenait que la banque avait manqué à ses obligations légales en ne motivant pas la rupture de ses concours financiers et en ne répondant pas aux demandes faites par son client, ou par le conseil de ce dernier, portant sur les raisons de cette rupture.

 

En réponse la banque a fait valoir qu’elle a rompu ses concours financiers à durée indéterminée en respectant les dispositions de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier et que, contrairement à ce que prétend l’appelant, ce dernier ne lui a jamais demandé de préciser les raisons de cette rupture.

 

La Cour d’Appel considère qu’il résulte de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier, le préavis de rupture doit être notifié par la banque par écrit à son client mais qu’en revanche il n’est pas nécessaire d’y indiquer le motif de la rupture, une demande devant être émise par le client pour obtenir une telle justification.

 

Or la Cour ne prend pas en considération le fait que Monsieur E avait manifesté son mécontentement et avait donc par là même sollicité de la banque les raisons de cette rupture ce à quoi elle n’a jamais répondu.

 

Cet arrêt est particulièrement sévère et parfaitement critiquable puisqu’il donne raison à la banque sur tous les points et ce sur la base d’une analyse contractuelle à géométrie variable,

 

Concernant le paiement des lettres de change sauf désaccord, la Cour se réfère à une application stricte du contrat,

 

Lorsqu’il est question du dépassement des facilités de caisse, la Cour se réfère à la pratique bancaire,

La Cour considère enfin que la banque n’a pas à justifier une rupture de concours bancaire dès lors que le préavis de 60 jours a été respecté.

 

Mais surtout, la Cour ne semble pas sensible à la question de la matérialité d’un délai utile pour permettre à l’entrepreneur de donner son désaccord sur les lettres de change,

 

Il appartient donc au chef d’entreprise d’être particulièrement vigilant quant au sort des lettres de change afin d’anticiper toute difficulté avec ces fournisseurs, et surtout avec sa banque,

 

Déclaration de créance par le débiteur : avantage ou inconvénient ?

Il convient de s’intéresser à diverses décisions rendues au mois d’octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux qui viennent mettre en exergue les interrogations relatives à la problématique spécifique de la déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier,

 

En effet, l’article L622-24 alinéa 3 du Code de Commerce prévoit que «  Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».

 

Il convient de rappeler que la déclaration de créance est une étape importante de la procédure collective puisque elle permet aux organes de la procédure de déterminer l’étendue du passif et donc de déterminer les perspectives réelles de sauvegarde ou de redressement d’entreprises sans quoi celles-ci seraient dirigées vers une liquidation judiciaire.

 

Afin de ne pas enliser l’entreprise en difficulté dans le cadre d’une phase de vérification des créances trop longues et importantes, le législateur a prévu depuis toujours (1965,1985, 1994, 2005, 2012) un délai court de déclaration de créance.

 

La déclaration de créance doit se faire entre les mains du mandataire judiciaire dans les deux mois de la publication au Bodacc du jugement d’ouverture de la procédure collective,

Par la suite, le chef d’entreprise en difficulté autrement appelé débiteur, procède à la vérification des créances en l’étude du mandataire,

 

Le chef d’entreprise en difficulté a alors la faculté d’accepter ou de contester les déclaration de créance qui sont déclarées,

 

En cas de contestation, il appartient au chef d’entreprise de motiver au mieux sa contestation,

 

Il appartient ensuite au mandataire judiciaire de notifier par courrier RAR l’avis de contestation au créancier qui a trente jours pour répondre à cette contestation,

 

A défaut, le créancier risque de se voir interdire tout droit à réponse ultérieur du motif de contestation invoqué par le débiteur, le juge commissaire étant alors en mesure de rejeter la créance en son entier ou de l’admettre sur la base de la seule proposition du mandataire judiciaire,

 

Réforme faisant, l’ordonnance n°326 du 12 mars 2014 vient apporter une modification d’importance, puisque si jusqu’alors le débiteur avait juste l’obligation de remettre une liste des créanciers au mandataire judicaire à l’ouverture de la procédure collective, celui-ci est désormais tenu d’y procéder afin de prédéterminer le passif de la procédure, le chef d’entreprise en difficulté devenant le mandataire des créanciers qu’il vise dans sa liste,

 

L’approche de cette réforme est radicalement différente,

 

Avant 2014, la liste des créanciers établie par le chef d’entreprise servait à offrir une double visibilité,

 

En premier lieu de permettre aux organes de la procédure d’estimer le passif,

 

En deuxième lieu, de vérifier si le dirigeant avait une réelle visibilité de son activité, sans quoi il pourrait être assujetti à une interdiction de gérer,

 

Désormais, le chef d’entreprise participe activement à l’élaboration du passif de sa propre procédure collective,

 

Cette réforme devait réduire le contentieux de manière considérable afin de mettre d’accord les créanciers et le débiteur et donc réduire tout moyen de contestation devant le Juge Commissaire.

 

Pour autant il n’en est rien,

 

Le contentieux s’est déplacé sur de nouveaux axes de contestations et de nouvelles pratiques.

 

Effectivement, le fait que le débiteur déclare une créance n’enlève rien au fait que le créancier a l’obligation de la ratifier.

 

Dans la première affaire, le mandataire judiciaire avait soulevé la forclusion du créancier au motif que ce dernier n’avait pas procédé à la déclaration de créances.

 

Pour autant, le Tribunal n’y fait pas droit et considère que dans la mesure où le débiteur a porté à la connaissance du mandataire judiciaire sa créance et donc était présumé avoir agi pour le compte du créancier, la créance a été déclarée dans les délais de telle sorte que celle-ci ne peut être forclose.

 

En effet, le débiteur en ayant établi dans la liste des créanciers, la créance litigieuse avec son montant, le créancier ne pouvait être valablement forclos même si ce dernier ne procédait pas à une déclaration de créances par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de mois à compter de la publication au BODACC.

 

Dès lors, dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing, celle-ci est inscrite au passif et par là même le créancier n’a plus à faire sa déclaration de créances ni à la justifier si celle-ci n’est pas contestée.

 

Pour autant, la question se pose,

 

Le débiteur peut-il contester la créance qu’il a lui même visé dans la liste des créanciers ?

 

A mon sens oui,

 

Comme à chacun sait, il n’est jamais trop tard pour bien faire,

 

Cependant, le chef d’entreprise pourrait se heurter à un mandataire judiciaire qui refuserait l’idée même d’une contestation dans la mesure ou la créance a été visée par le débiteur,

 

En effet, le mandataire pourrait considérer que dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing avec un montant précis, il n’est plus fondé à remettre en question cette créance dans le cadre de la vérification des créances qui se ferait par la suite.

 

Pour autant, dans l’hypothèse où le créancier ne fournit aucun justificatif à l’appui de sa créance, rien n’empêche le débiteur de contester la créance in fine.

 

Dans la deuxième affaire, le créancier, dans le doute, avait préféré se faire relever de forclusion,

 

Là encore, le juge commissaire rejette sa demande au motif que la cause était sans objet dans la mesure où la créance était visée dans la liste du passif.

 

En conséquence, la question qui se pose est de savoir si le débiteur a intérêt à une parfaite transparence sur des créances qu’il aurait vocation à contester.

 

Non pas tant sur leur existence, mais plutôt sur leur montant ou quantum,

 

En effet, il convient de rappeler l’esprit de la procédure collective en terme de déclaration de créance,

 

Car plus le passif sera réduit et plus les chances de présenter un plan de sauvegarde ou de redressement seront importantes.

 

Dès lors, la vraie question qui se pose, en pratique, est de savoir si le débiteur est vraiment tenu de viser l’ensemble de tous les créanciers et de noter le bon montant  dans le cadre de la liste qu’il doit remettre concernant la déclaration de créance,

 

Il serait plutôt judicieux pour lui de viser un montant bien inférieur dans l’hypothèse où le créancier ne déclarerait pas sa créance dans le délai de deux mois.

 

Il serait donc forclos sur le surplus sauf à se faire relever de forclusion.

 

Cela n’est à mon sens pas incompatible avec les dispositions de l’article R 622-5 du Code de Commerce qui prévoit que :

 

« la liste des créanciers établie par le débiteur conformément à l’article L. 622-6 comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l’indication du montant des sommes dues au jour du jugement d’ouverture, des sommes à échoir et de leur date d’échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie. Elle comporte l’objet des principaux contrats en cours.

Dans les huit jours qui suivent le jugement d’ouverture, le débiteur remet la liste à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Celui-ci la dépose au greffe ».

 

Le mandataire en charge de la vérification des créances devient alors le « garde fou » de la liste des créanciers puisqu’il peut les contester au motif qu’elles ne seraient pas justifiées.

 

Le chef d’entreprise ne doit surtout pas être en reste,

 

Il se doit de contester au mieux les créances,

 

Par la suite, le contentieux sera porté devant le Juge Commissaire sur le fondement des dispositions de l’article R 622-23 du Code de Commerce qui prévoit que la déclaration de créance contient les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre.

 

Le mandataire judiciaire tout comme le débiteur ont vocation à contester les créances afin d’amener le créancier à justifier du bien fondé de sa créance et surtout de l’exposer à un rejet de la créance en cas de non réponse.

 

Le vœu pieu de l’ordonnance de 2014 visant à remettre en question et réduire autant que faire se peut le contentieux de la vérification des créances est loin d’être acquis,

 

Au contraire la pratique démontre bien qu’il y a de nouvelles perspectives.

 

Ce contentieux offre de belles perspectives de réduction du passif et ce dans l’intérêt du débiteur car plus le passif sera réduit et plus le chef d’entreprise en difficulté sera en mesure d’y faire face et les risques de responsabilité de ce dernier seront réduites comme peau de chagrin.

 

Il est bien évident que le nerf de la guerre en droit économique est la fixation du passif qui va déterminer l’ensemble des tenants et aboutissants du bon déroulement de la procédure collective jusqu’à la clôture.

Des lors, il est extrêmement important pour le dirigeant de suivre avec une grande attention la phase dite de déclaration de créance,

 

Divorce franco américain et garde de l’enfant

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 4 juillet 2012, sous le numéro 11-11.107, et qui, hasard des dates, au fameux jour de l’indépendance américaine, vient rendre une décision concernant les conflits de juridiction dans le cadre d’un divorce franco américain.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation précise que l’action en divorce, dans le cadre notamment d’un divorce franco américain, exercée devant une juridiction française, sur le fondement de l’article 14 du Code Civil, est étrangère au litige relatif à l’exercice de l’autorité parentale.

Il y a donc une distinction entre, d’une part, le divorce et d’autre part, le sort de l’enfant.

Ainsi, la nationalité française du demandeur fonde en effet la compétence des juridictions française pour connaître de son action en divorce, et ce, indépendamment du déplacement illicite des enfants du couple destiné à faire échec aux droits parentaux.

En effet, cet article 14 du Code Civil, qui a un caractère subsidiaire par rapport aux règles ordinaires de compétences internationales, offre un privilège au demandeur de nationalité française en cas, notamment de divorce franco américain,

Ainsi, celui-ci grâce à ce texte peut attraire devant une juridiction française « tout étranger, même non-résident en France, pour l’exécution des obligations contractées en France avec un français, ou pour toutes les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français. ».

En dépit de sa formulation, cette disposition s’applique à toutes les actions patrimoniales ou extrapatrimoniales, que ce soit en matière gracieuse ou contentieuse.

Par ailleurs, cet article est important puisque, lorsque la compétence d’une juridiction française se fonde sur l’article 14 du Code Civil, cette juridiction française et les juges français, sont donc compétents pour connaître de l’ensemble du contentieux porté devant eux, c’est ce qu’avait précisé la Cour de Cassation, première chambre civile, le 25 janvier 2005.

Ainsi, la cour précise dans cet arrêt du 25 janvier 2005 : « Vu l’article 14 du Code Civil, attendu que pour déclarer la juridiction française incompétente pour statuer sur la demande d’un divorce formulé par Madame X, de nationalité française, à l’encontre de Monsieur Y, de nationalité américaine, la Cour d’Appel relève que Madame X a déplacé de façon illicite ses enfants en France, dans le seul but de faire échec aux droits parentaux de son mari et s’est soustraite à la juridiction américaine, juge naturel des époux, domiciliés aux Etats-Unis, ces agissements constituant une fraude qui l’empêche de réclamer le bénéfice de l’article 14 du Code Civil.

En se fondant sur de tels motifs, exclusivement référents à l’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants de Monsieur Y et de Madame X, quand l’action en divorce exercée par celle-ci devant le juge français, saisi sur le fondement de l’article 14 du Code Civil, était étrangère au litige relatif à cet exercice, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Comme tout divorce, il n’est pas rare que dans une procédure de divorce franco américain, les parents se battent pour obtenir l’exercice de l’autorité parentale sur leur(s) enfant(s).

Cela prend une dimension particulière lorsqu’il s’agit de divorce international, de divorce franco américain, puisque cela peut faire également objet de discussion la détermination de la compétence de la juridiction internationale appelée à se prononcer.

En pareil cas, chaque partie essaye d’obtenir de son juge, tantôt français, tantôt américain, une décision favorable.

Dans cette affaire, il s’agit d’un couple franco-américain, qui s’était marié et établi dans le Michigan aux Etats-Unis en 2000.

Leur premier enfant étant né de cette union en 2005, et enceinte de leur deuxième enfant, l’épouse, de nationalité française, était rentrée en France auprès de son père malade, en novembre 2007 pour ne jamais retourner aux Etats-Unis.

Son époux américain, avait alors accordé une autorisation de sortie du territoire à leur première enfant qui accompagnait sa mère en France.

Moins d’une semaine après avoir accouché du deuxième enfant, le 10 février 2008 à Lyon, et quatre jours après l’expiration d’autorisation de sortie du premier enfant, Madame X, de nationalité française, introduit une demande en divorce auprès du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Lyon.

Son mari, quant à lui, introduit le 13 mars 2008 une demande en divorce franco américain, devant le Tribunal du Comté d’Oakland dans le Michigan. Parallèlement à cela, il introduit une demande de retour des enfants auprès des autorités américaines sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

La Cour d’Appel de Lyon, qui a tranché sur la question, se déclare incompétente pour connaître du divorce, en retenant tout d’abord que l’épouse avait résidé moins de six mois en France avant d’introduire sa demande, de telle sorte que l’article 3 du règlement Bruxelles II bis, n°2201/2003, n’était pas applicable.

En outre, la cour avait également écarté l’application de l’article 14 du Code Civil, au motif que cette disposition ne consacre qu’une compétence facultative impropre à exclure la compétence du juge étranger.

La Cour de Cassation, dans un arrêt de la première chambre civile, du 22 mai 2007, rappelle que l’article 14 du Code Civil n’ouvre au demandeur français qu’une simple faculté et n’édicte pas à son profit une compétence impérative, exclusive de la compétence d’un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n’est pas frauduleux.

Or, il s’avère qu’en l’espèce la juridiction avait été régulièrement saisie et ce le 10 février 2008, soit avant que le juge américain ne soit pareillement saisi, le 13 mars 2008.

Dans la mesure où la juridiction française est régulièrement saisie d’un cas de divorce franco américain avant le juge américain, conformément à l’article 14 du Code Civil, celui-ci est parfaitement compétent pour rendre sa décision et ce conformément un arrêt rendu par la Cour de Cassation, première chambre civile, du 30 septembre 2009, sous le numéro 0819793.

Par ailleurs et enfin, la Cour d’Appel de Lyon, procède par voie de confusion puisqu’elle rejette la compétence des juridictions françaises, estimant que l’épouse française avait invoqué l’article 14 de manière frauduleuse.

En effet, la cour considère qu’en gardant son premier enfant sur le territoire national français après l’expiration de l’autorisation de sortie, la maman avait opéré un déplacement illicite des enfants communs afin de faire échec aux droits parentaux de son mari en se soustrayant à la juridiction américaine.

La Cour de Cassation casse une nouvelle fois et confirme la compétence des juridictions françaises sur fondement de l’article 14 du Code Civil.

En effet, dans son arrêt du 4 juillet 2012, la Cour de Cassation sanctionne le raisonnement pris par la cour d’appel, qui viendrait à considérer que le choix de porter l’action en divorce franco américain devant une juridiction française aurait été frauduleux.

Ainsi, la Cour de Cassation édicte deux principes bien simples.

Tout d’abord, le fait de quitter le territoire américain pour s’installer en France avec ses enfants ne caractérise pas forcément une attitude frauduleuse et la volonté de se soustraire la compétence des juridictions américaines.

Ensuite, cet arrêt est important en ce qu’il précise surtout qu’aucune disposition du droit français n’impose au juge français statuant sur le divorce de pareillement statuer en matière d’autorité parentale.

Dès lors, il y a bien une distinction entre, d’une part, la procédure de divorce et, d’autre part, la garde de l’enfant. Tant bien même le juge français serait compétent pour prononcer le divorce, celui-ci ne serait pas nécessairement en mesure de se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale.

La Cour de Cassation vient par cet arrêt consacrer la compétence du juge français sous l’expresse réserve que nous sommes effectivement en présence d’une personne de nationalité française, nonobstant le fait que celle-ci s’installe en France pendant plus de six mois, et vient écarter toute fraude qui viendrait annihiler la compétence de la juridiction française.

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle permet à un ressortissant de nationalité française et/ou vivant sur le territoire national depuis plus de six mois, de saisir la juridiction française afin d’obtenir une décision proche de chez lui pour voir prononcé le divorce et éventuellement déterminer la garde de l’enfant.

Les éventuelles velléités qui seraient reprochés par l’ex-époux de l’autre côté du globe, pourraient être écartés en ce que justement, il conviendrait à ce dernier de caractériser la fraude, ce qui est largement discutable.

Enfin, cela n’empêcherait pas pour le ressortissant français d’obtenir à tout le moins le divorce et en plus de cela, de retenir la compétence du juge français pour pouvoir déterminer le droit de garde de chacun sur enfant commun.