Saisie pénale immobilière et liquidation judiciaire, qu’en est il ?

Dans l‘hypothèse ou le bien immobilier d’un débiteur en liquidation judiciaire fait l’objet d’une saisie pénale immobilière au « nez et à la barbe » du mandataire liquidateur, celui-ci peut il malgré tout s’opposer à cette saisie pénale et vendre le bien en suivant la procédure propre au droit de l’entreprise en difficulté ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser par un arrêt rendu par la Cour de Cassation en novembre 2017 qui vient aborder la problématique du mariage juridique subtil existant entre le droit de la saisie pénale immobilière et le droit des entreprises en difficulté,

 

En effet, existe t’il une compatibilité juridique suffisante permettant de lier les phases de liquidation judiciaire qui entrainent le dessaisissement des actifs du débiteur au profit du liquidateur judiciaire et le droit de la saisie pénale immobilière qui permet la saisie immobilière du bien par l’Etat en suite d’une décision de justice pénale ?

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Tribunal de Commerce, juridiction naturelle du droit de l’entreprise en difficulté, et la Cour d’Appel en sa suite, n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière, ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du Juge d’instruction,

 

Bien plus, la haute juridiction affirme de même suite que les juridictions commerciales ne sont pas plus compétentes pour rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière,

 

Et ce, tant bien même le propriétaire du bien est en liquidation judiciaire et dessaisi au profit du mandataire liquidateur.

 

La haute juridiction marque l’opposition entre deux séries de dispositions précises, à savoir d’un coté les articles 706-144 et suivants du Code de Procédure Pénale qui viennent réglementer le droit de la saisie pénale immobilière, avec de l’autre coté, les dispositions des articles L. 622-21 et L. 641-9 du Code de Commerce, qui règlement la réalisation des actifs appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire.

 

Il convient de revenir sur les faits de l’espèce,

 

Dans cette affaire, Monsieur B a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 6 avril 2009.

 

Par requête du 17 février 2015, son liquidateur, la SCP P, a demandé au juge-commissaire d’ordonner la vente aux enchères d’immeubles appartenant au débiteur.

 

Le juge-commissaire a rejeté la demande en constatant que les biens immobiliers dont la vente était requise faisaient l’objet d’une saisie pénale immobilière, en vertu d’une ordonnance d’un juge d’instruction du 2 octobre 2014 (soit près de 5 ans après le prononcé de la liquidation judiciaire),

 

De telle sorte que pour le juge commissaire, les biens immobiliers du débiteur étaient indisponibles.

 

Le liquidateur a engagé un pourvoi contre l’arrêt confirmatif en venant soutenir deux éléments majeurs, à savoir :

 

  • Que par application de l’article L. 622-21 du Code de Commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute voie d’exécution forcée et qu’en rejetant la requête du mandataire liquidateur sollicitant l’autorisation de vendre les immeubles du débiteur en liquidation judiciaire par voie de saisie immobilière au motif qu’une saisie pénale immobilière était intervenue postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a violé l’article L. 622-21 du code de commerce ;

 

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis et vient rappeler que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale dispose que « Nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale hors les cas prévus aux articles 47-5 et 99-2 et au présent chapitre et que, à compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu’à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale immobilière suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien objet de la saisie pénale ».

 

  • Que la procédure était irrégulière car quand bien même la saisie pénale immobilière aurait été régulièrement notifiée au débiteur le 6 octobre 2014, la notification de cette saisie pénale immobilière aurait du être faite au mandataire liquidateur et que l’irrégularité de la dénonciation d’une saisie pénale immobilière aux organes de la procédure collective entraîne la caducité de la mesure d’exécution

 

  • Que la saisie pénale immobilière en tant que telle emportait également mesures conservatoires.

 

Pour autant la Cour de Cassation ne retient aucun de ces trois arguments,

 

Ce qui est regrettable,

 

La Haute Juridiction retient que par application de l’article l’article 706-144 du Code de Procédure Pénale, lorsque la saisie pénale immobilière a été ordonnée par un juge d’instruction, ce dernier est seul compétent pour statuer sur son exécution,

 

Ainsi, selon l’article 706-150 du même code, l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la saisie pénale immobilière d’un immeuble doit être notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction,

 

Qu’après avoir énoncé que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale interdit tout acte de disposition sur un bien saisi dans le cadre d’une procédure pénale, hors les exceptions qu’il prévoit, l’arrêt retient exactement que le liquidateur, s’il entend contester la validité ou l’opposabilité à la procédure collective de la saisie pénale immobilière, doit exercer tout recours devant la juridiction pénale compétente,

 

Ainsi, il en résulte que le juge-commissaire et la cour d’appel statuant à sa suite n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière,

 

Ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du juge d’instruction l’ayant instituée,

 

De telle sorte que les juridictions saisies ne pouvaient que rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière, la cour d’appel a légalement justifié sa décision,

 

Cet arrêt est intéressant car il laisse à penser que la saisie pénale immobilière l’emporte sur les effets spécifiques du droit des entreprises en difficulté, puisqu’à bien y comprendre, le mandataire liquidateur ne peut réaliser un actif qui a fait l’objet d’une saisie pénale immobilière tant bien même celle-ci serait intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

 

Cependant, deux questions se posent.

 

La première est que rien n’empêcherait donc le mandataire liquidateur de contester la validité de la saisie pénale immobilière qui ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, de saisir le Juge d’instruction et pourrait encore récupérer l’actif immobilier au profit de la procédure collective.

 

La seconde question est de savoir si les créanciers n’auraient pas vocation à se retourner contre le mandataire liquidateur pour engager sa responsabilité en ayant laissé s’échapper le bien immobilier, gage des créanciers,

 

Ceci d’autant plus que dans cette liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur n’a engagé une requête aux fins de réalisation des actifs du débiteur qu’en 2015, soit plus de 6 ans après le prononcé d’une liquidation judiciaire ouverte en 2009, ce qui n’est pas rien,

 

Il est vrai que le droit de la saisie pénale immobilière est un droit spécifique,

 

Pour autant, les moyens de défense du propriétaire, fut-ce t’il en liquidation judiciaire ou non, a de nombreux moyens juridiques à sa disposition pour s’opposer à la saisie pénale immobilière proprement dite,

 

A bon entendeur….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

 

Date d’effet d’une retraite personnelle assujettie au régime général

Qu’en est il de la date d’effet de la prise de la retraite personnelle par un assuré assujetti au régime général lorsque ce dernier a été mal informé des formalités à effectuer par la caisse de retraite ? Peut-il espérer une rétroactivité de la date d’effet de la retraite personnelle afin de compenser une rupture de ressources pouvant s’étendre sur plusieurs mois ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à la problématique particulière de la date d’effet d’une retraite personnelle alors que l’intéressé est assujetti au régime général,

 

L’attribution de la retraite personnelle n’est pas automatique, l’assuré formule sa demande au moyen de l’imprimé réglementaire de retraite personnelle.

 

Pour être recevable la demande de retraite personnelle déposée ou adressée par l’assuré doit être signée par le demandeur ou son représentant légal.

 

Si l’assuré ne sait pas ou ne peut pas signer, l’endroit prévu pour la signature doit comporter la mention « ne sait pas signer ou ne peut pas signer » suivie de la signature de 2 témoins qui doivent écrire lisiblement leurs nom et adresse.

 

La demande peut être signée par un tiers si l’assuré est sous tutelle.

 

Le jugement de tutelle doit être joint à la demande.

 

A titre exceptionnel, la demande peut être signée par un mandataire si l’assuré, atteint d’une incapacité, a donné pouvoir à un mandataire par acte notarié.

 

L’acte notarié constatant la procuration doit être joint.

 

La demande peut aussi être signée par un directeur d’hôpital psychiatrique.

 

Il doit indiquer sa qualité et son identité.

 

Toutefois, la CNAV impose aux assurés de passer par le site internet dédié, et de demander leur retraite personnelle par le biais de la création d’un espace personnel de l’assurance retraite.

 

En aucun cas, il ne sera tenu compte d’un appel téléphonique reçu à la plateforme de l’assurance retraite.

 

En effet, l’appel ne lie pas l’organisme de retraite et doit être considéré purement informatif.

 

Cette procédure est importante à respecter sinon en cas de non respect, la retraite ne sera pas servie à la date d’effet choisie par l’assuré.

 

Il faudra de la part de l’assuré initier la procédure selon les règles imposées par la CNAV.

 

Par exemple, un assuré sollicite la retraite personnelle anticipée carrière longue au 1er janvier 2019 par le biais de la plateforme téléphonique.

 

Une étude va être effectuée et une notification sera adressée à l’assuré.

 

Ce document ne fait pas office d’ouverture de droits à la retraite, ce qui est souvent pensé à tort.

 

L’assuré, au travers de ce document, est prié de se rendre sur le site dédié de l’Assurance retraite, de créer son espace personnel afin enregistrer sa demande de retraite personnelle par internet, comme le requiert la procédure.

 

L’appel téléphonique, comme la notification, n’est qu’informatif, c’est la chose importante à retenir.

 

Les assurés subissent les répercutions d’une information fragile, et d’un système de relance inexistant.

 

Les conséquences de cette méprise sont une rupture de ressources pouvant s’étendre sur plusieurs mois (jusqu’à que l’assuré se rende compte que la procédure n’était pas la bonne).

 

En principe, aucune rétroactivité des droits ne sera retenue, à l’exception d’un recours auprès du TASS, une procédure administrative pouvant paraître souvent lourde pour un assuré, mais dont les décisions sont largement favorables aux assurés.

 

Aujourd’hui, il parait essentiel de bien se faire conseiller avant la constitution de sa demande personnelle de retraite et le cas échéant l’ouverture de ses droits.

 

En effet, il parait difficilement pensable, mais pourtant vrai, qu’un assuré ne peut se voir fixer un rendez-vous pour être conseillé de la manière la plus efficace.

 

L’informatisation rapide du service public montre aujourd’hui ses limites : calculs de droits rapides, mais montrant des paramètres importants manquants (comme les enfants, activités à l’étranger, chômage, etc.).

 

La recours administratif et ensuite le recours judiciaire ne doivent pas être évités,

 

Ils sont au contraire le meilleur moyen de faire valoir ses droits et avoir une juste date d’effet de la retraite personnelle,

 

Ils sont la réponse à l’inertie de la caisse de retraite,

 

D’autant plus que les moyens juridiques pour faire valoir ses droits à retraite personnelle à bonne date d’effet sont nombreux,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr