Servitude de passage entre division de lots et fonds enclavés avec plusieurs propriétaires

Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol
Laurent LATAPIE Avocat 2024 avocat Interpol

Analyse de deux jurisprudences rappelant le sort de la servitude de passage lorsque plusieurs propriétaires de fonds enclavés ont vocation à se servir de cette servitude de passage, tout comme lorsque la multiplication des propriétaires de la servitude de passage déjà existante découle de la division des fonds dominants bénéficiant de ladite servitude conventionnelle de passage.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à deux jurisprudences qui ont été rendues le même jour, ce 12 septembre 2024, qui viennent aborder et rappeler quelques principes fondamentaux en termes de servitude de passage.

 

Une première jurisprudence rappelant que lorsque plusieurs propriétaires de fonds enclavés bénéficient d’un passage sur un fonds voisin sur le fondement de l’article 182 du Code civil, chacun d’eux est redevable à l’égard du propriétaire de ce fonds d’une indemnité réparant les inconvénients et désagréments causés par l’exercice de son droit.

 

Chaque propriétaire bénéficiant du passage occasionnant un dommage distinct de celui causé par les autres usagers de la servitude.

 

La deuxième jurisprudence étudiée précise que, s’il résulte de l’article 700 alinéa premier du Code civil que, en cas de division d’un fonds bénéficiant d’une servitude conventionnelle de passage, la servitude reste due au profit de l’ensemble des fonds issus de celle-ci, peu importe l’absence de contiguïté de l’un d’eux avec le fonds servant.

 

Ce texte n’emporte pas de plein droit création d’une servitude entre des fonds issus de ladite servitude.

 

Dans la première jurisprudence, Cour de cassation, première Chambre civile, 12 septembre 2024, N°22-18.602.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans la première affaire, Cass 1ère civ, 12 septembre 2024, n°22-18.602, Monsieur J et sa sœur, Madame F, propriétaires de parcelles enclavées, ont assigné notamment Madame S, propriétaire de parcelle voisine, en création d’un passage sur sa propriété afin d’assurer la desserte de leur fonds.

 

Une servitude de passage impactant plusieurs lots

 

Monsieur et Madame W, propriétaires des parcelles contiguës également enclavées, les consorts V et G, donataires des terrains appartenant à leur mère, Madame F, mère des demandeurs depuis décédée et aux droits de laquelle viennent ses enfants, sont intervenus à la procédure en demandant à bénéficier du passage sur la propriété de Madame S et de Madame C, sa fille également intervenue à l’Instance.

 

L’indemnisation solidaire des propriétaires des fonds dominants

 

Or, dans le cadre de la procédure à hauteur de Cour de cassation, Madame Z faisait grief à la Cour d’appel d’avoir rejeté sa demande d’indemnisation alors que, selon elle, la condamnation solidaire des propriétaires de fonds dominants à verser une somme en indemnisation proportionnée au préjudice occasionné aux propriétaires du fond servant par une servitude de passage n’est pas incompatible avec le principe posé par l’article 682 du Code civil selon lequel l’indemnité doit être proportionnée aux dommages causés par le passage pour désenclaver les fonds dominants dès lors qu’il contribue à l’entier dommage et que, entre eux, les coauteurs ne contribuent à la dette qu’à concurrence de leur part.

 

Ainsi, en l’espèce, saisie d’une demande de condamnation solidaire, les propriétaires des différents dominants qui seraient amenés à emprunter la servitude de passage établie sur le fonds de Madame Z, la Cour d’appel avait effectivement décidé qu’elle ne pouvait fixer une indemnité en fonction des inconvénients des désagréments occasionnés par chacun des fonds dominants.

 

Un passage suffisant pour assurer la desserte de la servitude

 

Ainsi, la Cour de cassation précise dans cette jurisprudence que, selon l’article 1682 du Code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qu’il n’a, sur la voie publique, aucune issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole industrielle ou commerciale de propriété, soit pour la réalisation d’opération de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ces fonds, à charge d’une indemnité proportionnée aux dommages qu’il peut occasionner.

 

Selon l’article 1309 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance N°2016-131 du 10 février 2016, l’obligation qui lie plusieurs créanciers au débiteur se divise de plein droit entre eux.

 

Si elle n’est pas réglée autrement par la Loi ou par le contrat, la division a lieu par part égale.

 

Il en va autrement dans les rapports entre les créanciers et les débiteurs que si l’obligation est solidaire ou si la prestation due est indivisible.

 

Enfin, la Cour de cassation rappelle que, au terme de l’article 1310 du Code civil, la solidarité est illégale ou conventionnelle et ne se présume pas.

 

Une indemnisation proportionnée aux désagréments causés par l’exercice de la servitude

 

Ainsi, pour la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes, d’une part, que lorsque plusieurs propriétaires de fonds enclavés bénéficient d’un passage sur un fonds voisin sur le fondement du premier de ces textes, chacun d’eux est redevable à l’égard du propriétaire de ce fonds d’une indemnité réparant les inconvénients et désagréments causés par l’exercice de son droit, chaque propriétaire bénéficiant du passage occasionnant un dommage distinct de celui causé par les autres usagers de la servitude.

 

D’autre part, qu’en l’absence de convention de Loi la prévoyant, aucune condamnation solidaire au paiement de l’indemnité prévue par l’article 182 du Code civil ne peut être prononcée à son encontre.

 

Quels sont les faits de la deuxième jurisprudence ?

 

Dans le cadre de la deuxième jurisprudence, Cour de cassation, première Chambre civile, 12 septembre 2024, N°23-14.479, les faits étaient un quelque peu différents.

 

En effet, par acte du 06 novembre 1998, une servitude conventionnelle de passage d’une assiette de 100 mètres de longueur avait été consentie notamment sur une parcelle cadastrée A12 au profit des parcelles cadastrées A14 et A15 situées au Sud de la parcelle A12 et ce, pour permettre de rejoindre la route principale située au Nord de ce fond.

 

Or, Madame W avait acquis les parcelles cadastrées section A3 issue de la division de la parcelle A12 et la section A4 issue de la division de la parcelle A14 et correspondant à la partie Nord de cette parcelle.

 

Les consorts G, quant à eux, ont acquis les parcelles cadastrées section A5 et A6, respectivement issues de la division des parcelles A12, A14 et A2 et correspondants ainsi à la partie Sud de ces parcelles.

 

Or, par acte du 30 novembre 2007, a été créé une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section A7 au profit des parcelles A5 et A6 permettant à Madame G d’accéder à leur propriété par ladite route en question.

 

Une démolition d’ouvrage demandée pour pouvoir bénéficier de la servitude de passage

 

Ainsi, considérant bénéficier de la servitude constituée en 1998 sur la parcelle A12 et ainsi être en droit de passer sur la parcelle de Madame W pour rejoindre le chemin de 100 mètres précité depuis leur fonds, les consorts G ont assigné Madame W en démolition de l’ouvrage faisant obstacle à leur passage.

 

La conséquence était donc importante.

 

Dans le cadre de ce pourvoi, les consorts G faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence d’avoir rejeté leurs demandes tendant la condamnation de Madame W et à dégager l’accès à la propriété par le lot A16 avec démolition de l’ouvrage.

 

Une répartition et une division de lots complexifiant la servitude de passage

 

Cette dernière considérait qu’il résultait de la servitude conventionnelle de passage en date du 06 novembre 1998, rappelée par le titre de Madame W fonds servants et du plan intégré à ce titre, que la parcelle A2, actuellement A8, dont la Cour d’appel constate qu’elle a été acquise par les consorts G avec la parcelle A5 issue de la division de la parcelle A14 fait partie des fonds dominants bénéficiaire de cette servitude et qu’elle est située au Sud de la parcelle A14 devenue A4, propriété de Madame W.

 

De sorte que sa desserte par la servitude dont elle bénéficie suppose nécessairement que le chemin de servitude se prolonge vers le Sud de ladite parcelle A14, devenue A4.

 

Or, les consorts G précisent encore que si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

 

En cas de division de lots, une servitude restant due pour chaque portion

 

Dès lors, la nécessité de prolonger le passage, tel que défini par la servitude conventionnelle, au-delà du fonds servant sur le fonds dominant pour parvenir à desservir chaque portion de ce fonds dominant divisé ne saurait caractériser une aggravation du fonds assujetti.

 

Or, il résultait des propres constations de la Cour d’appel que la parcelle des consorts G A5 actuellement A9 et issue de la division de la parcelle A14 qui est le fonds dominant lequel est desservi par la servitude conventionnelle de passage qui grève la parcelle A3 issue de la parcelle A12 propriété de Madame W.

 

Or, la Cour d’appel rejetant la revendication des époux G quant à l’idée d’un passage sur le fonds de Madame W, propriétaire du fonds servant N°A3 issu de la parcelle A12, sur la circonstance que la servitude de passage conventionnelle à seulement 100 mètres de long et prend fin au Nord de la parcelle A14, fonds dominant, et que la desserte de la parcelle des époux G plus au Sud constituerait une aggravation du fonds assujettie dès lors qu’elle suppose une prolongation du tracé existant sur le fonds A4 appartenant à Madame W également issue de la division du fonds dominant.

 

La Cour de cassation quant à elle rappelle au besoin que, aux termes de l’article 700 alinéa premier du Code civil, si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

 

Une servitude maintenue sur les lots sans aggraver le fonds

 

S’il résulte qu’en cas de division d’un fonds bénéficiant d’une servitude conventionnelle de passage la servitude reste due au profit de l’ensemble des fonds issus de celle-ci, peu importe l’absence de contiguïté de l’un d’eux avec le fonds servant, ce texte n’emporte pas de plein droit création d’une servitude entre les fonds issus de la division.

 

Ainsi, la Haute juridiction rappelle que la Cour d’appel a constaté qu’il ressortait des plans soumis à la discussion celui annexé à l’acte constitutif de servitude de 1998 n’ayant pas été produit au débat, que l’assiette de celle-ci prenait fin à la limite Nord de la parcelle alors cadastrée N°A14 que la propriété des consorts G, quoi que constituée de deux parcelles issues de la division de fonds désigné comme dominant par l’acte précité, section A14 et A2, n’avait pas d’accès à l’assiette de la servitude en question et que, sauf à prendre le passage chez un autre voisin, seule une prolongation sur la parcelle A4 de Madame W leur permettait d’accéder à ce terrain d’assiette.

 

Ainsi, ayant procédé à la recherche prétendument omise, ce dont elle a, abstraction faite des motifs erronés mais surabondamment critiqué par sa seconde branche, justement déduit que les consorts G ne pouvaient réclamer sur le fondement de l’acte de 1998 un droit de passage conventionnel sur la parcelle cadastrée A4 appartenant à Madame W.

 

Pour autant, la Cour d’appel avait également rejeté les demandes des consorts G quant à leurs demandes de condamnation de Madame W à dégager l’accès à leur propriété par le lot A15 ainsi que celle en réparation d’un préjudice de jouissance d’un préjudice moral.

 

Or, les consorts G à hauteur de Cour de cassation considéraient que les Juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leurs sont soumises par les parties.

 

Or, en énonçant que les procès-verbaux établis par les huissiers les 08 et 10 mars, puis, le 12 octobre 2012, démontrant la présence d’une boite aux lettres, de deux containers à poubelles, de branchage de mimosa et d’une barrière de chantier correspondant à un cas éphémère sur la voie d’accès débouchant sur le lot A15 sont insuffisants à caractériser une entrave au droit de passage des époux G sur le fonds cadastré A7 sans examiner, alors qu’il appartenait, selon les consorts G, à la Cour d’appel d’examiner, ainsi qu’elle y était d’ailleurs invité, dans les constats d’huissier des 07 et 10 juin 2013 relevant outre la présence de deux barrières de chantier l’installation d’un grillage de clôture fixé sur piquets métalliques avec percement au sol et fixation du grillage dans la roche sur la gauche, interdisant ainsi l’accès au chemin.

 

Démontrant par la même l’entrave du droit de passage des époux G.

 

L’entrave à la servitude de passage due à des branchages et une barrière

 

La Cour de cassation précise que, pour rejeter la demande des consorts G tendant à ordonner à Madame W de dégager l’accès à la propriété se faisant ainsi que celle subséquente de dommages et intérêts, la Cour d’appel retient que la présence de branchages et d’une barrière, mentionnés dans les procès-verbaux établis en mars et octobre 2012 ne correspondent qu’à un cas éphémère, aucun autre encombrement n’étant dénoncé depuis.

 

Or, la Haute juridiction rappelant que, en statuant ainsi sans expliquer comme elle y était invitée sur les faits rapportés par le constat d’huissier des 07 et 10 juin 2013, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

 

La Haute juridiction cassant et annulant l’arrêt de la Cour d’appel mais seulement en ce qu’il rejette la demande de condamnation de Madame W à dégager l’accès à la propriété des consorts G par la route en question ainsi que celle en réparation d’un préjudice de jouissance et d’un préjudice moral.

 

Ainsi, ces deux jurisprudences sont intéressantes puisqu’elles viennent rappeler le sort d’une servitude de passage lorsque plusieurs propriétaires de fonds enclavés ont vocation à se servir de cette servitude de passage, tout comme lorsque la multiplication des propriétaires de la servitude de passage déjà existante découle de la division des fonds dominants bénéficiant de ladite servitude conventionnelle de passage.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Promesse unilatérale de vente caduque et réalisation forcée de la vente 

laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement
laurent latapie avocat 2023 faillite et surendettement
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Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation. Si celui-ci se rétracte ou refus de réitérer, est-il possible d’obtenir la réalisation forcée de la vente ou le litige ne peut se résoudre que par l’allocation de dommages et intérêts?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 novembre 2024, N°21-12.661, qui vient rappeler que, depuis un revirement de jurisprudence du 23 juin 2021, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation juge que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence a rendu son arrêt le 05 janvier 2021 et considérait qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts.

 

Or, alors que se faisant, la Cour d’appel se conforme à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel a violé les articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil dans la rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance N°2016-131 du 10 février 2016.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, par acte authentique du 21 octobre 1971, Madame et Monsieur S & D avaient promis de vendre à Madame et Monsieur M & K ou à leurs ayants-droits la parcelle de terrain cadastrée section A cadastre 2 et que cette dernière exploitait sur une commune selon bail du 23 septembre 1961.

 

Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 01er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.

 

Une promesse unilatérale de vente consentie pour 4 années

 

L’ensemble des antagonistes, à savoir, S & D d’un côté et M & K de l’autre, sont décédés respectivement les 28 décembre 1978 et 06 mars 1999 laissant pour leur succéder, la première, son fils, Monsieur L le promettant, la seconde, son fils, Monsieur U le bénéficiaire.

 

Par lettre recommandé du 01er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu’il considérait la promesse de vente comme caduque.

 

Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l’option dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.

 

Une levée d’option par le bénéficiaire sans réponse du promettant

 

Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné le 17 janvier 2018 aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 2 et de condamnation en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Or, le bénéficiaire faisait grief à la Cour d’appel de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section AN cadastre 3 ainsi que sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive alors que, selon lui, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

Ainsi, en considérant qu’il ne lui était pas possible d’ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts, la Cour d’appel avait, selon le bénéficiaire, violé les dispositions des articles 1101, 1134 et 1142 du Code civil.

 

Une réalisation forcée de la vente en cas de refus du promettant ?

 

Le bénéficiaire faisant également grief à la Cour d’avoir apprécié la vileté du prix qui devait s’effectuer non à la date de la promesse de vente mais à la date de la levé d’option.

 

En effet, le bénéficiaire considérait que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de réalité de la vente.

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation vient apporter deux séries de réponses qui sont autant d’instructions et qui vont immanquablement appeler à une large publication de ces jurisprudences.

 

Premièrement, sur la question de savoir s’il y avait matière à obtenir la réitération forcée de la vente ou de simples dommages et intérêts, la Cour de cassation apporte un certain nombre de réponses et ce, au visa des articles 1101, 1134 alinéa 1er et 1142 du Code civil.

 

La réalisation forcée de la vente en sus des dommages et intéréts

 

Ainsi, la Cour de cassation rappelle :

 

Aux termes de l’article 1101 du Code civil, le contrat est une convention par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à faire ou à ne pas faire quelque chose.

 

Aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

 

Aux termes enfin de l’article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.

 

La Cour de cassation rappelle que, alors qu’il était jugé antérieurement en matière de promesse unilatérale de vente que la levée de l’option postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre de volonté réciproque de vendre ou d’acquérir.

 

De sorte que la réalisation forcée ne pouvait être ordonnée, la violation par le promettant de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droits qu’à dommages et intérêts, la Cour de cassation procédant à un revirement de jurisprudence, juge depuis une décision du 23 juin 2021, troisième Chambre civile, N°20-17.554, que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exécution de l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente.

 

Le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation sauf stipulation contraire.

 

Ainsi, bien qu’annonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible dans pareils cas d’ordonner la réalisation de la vente forcée s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages et intérêts.

 

En statuant ainsi sans se conformer en l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

Concernant la fixation du prix de vente

 

Concernant la fixation du prix, la Cour de cassation rappelle là-encore que les conventions également formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

 

Et, aux termes de l’article 1134 alinéa 1er, 1591 du même Code, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

 

Un prix de vente déterminé et désigné par les parties

 

Ainsi, pour confirmer le rejet de la demande de transfert de propriété de l’immeuble promis, la Cour d’appel dénonce que l’appréciation du prix s’effectue non pas à la date de la promesse mais à celle de l’échange de l’accord des volontés, c’est-à-dire, à la date de levé de l’option par le bénéficiaire.

 

Soit, en l’occurrence, le 18 novembre 2016.

 

La disparité entre les offres de prix obtenu par le promettant et la proposition d’achat émanant du bénéficiaire établissant le caractère ni réel ni sérieux du prix en conduisant à la nullité de l’acte.

 

La Cour de cassation considère que, en statuant ainsi, alors que la promesse unilatérale de vente est un avant contrat qui contient outre le consentement du vendeur les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire, de sorte que la vileté du prix s’apprécie à la différence de l’action en décision de provision ouvert dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivant du Code civil à la date de la promesse et non à celle de la levée d’option.

 

Le promettant d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre le bien

 

Ainsi, cette jurisprudence est particulièrement intéressante puisqu’elle vient rappeler que, désormais, en l’état du revirement de jurisprudence du 23 juin 2021 opéré par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation, le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant contrat sans possibilité de rétractation.

 

Ce qui est extrêmement satisfaisant dans l’hypothèse où, par extraordinaire, le promettant décide de changer d’avis sans raison valable par ailleurs.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Est-il possible d’annuler une liquidation d’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité ?

Laurent LATAPIE avocat Noel 2024
Laurent LATAPIE avocat Noel 2024
Laurent LATAPIE avocat Noel 2024

 

Est-il possible d’annuler une liquidation d’une astreinte ordonnée par le tribunal correctionnel et assortissant une mesure de mise en conformité ? Surtout lorsque cette condamnation d’astreinte ne comprend ni point de départ ni de délai imparti pour, justement, permettre cette mise en conformité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ce 26 mars 2024, N°23-80.499, qui vient aborder la problématique spécifique des liquidations d’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité.

 

Une astreinte assortissant une mesure de mise en conformité

 

En effet, il n’est pas rare, lorsqu’une infraction urbanistique a été constatée, que le Procureur de la République enclenche des poursuites et que la juridiction correctionnelle saisie rende une décision visant à condamner, le propriétaire, certes, à une peine principale, mais c’est souvent la peine complémentaire de remise en état ou de remise en conformité sous astreinte qui peut créer problèmes car, par la suite, l’administration fiscale va émettre un titre de perception au titre de la liquidation de cette astreinte qui peut représenter, dans certains cas, des sommes très importantes.

 

Il y a bien sûr une possibilité de procéder à une demande de main levée de cette astreinte devant la juridiction qui a condamné le propriétaire en infraction mais il y a également la possibilité dans certains cas d’en obtenir aussi l’annulation de cette liquidation d’astreinte.

 

C’est justement ce que vient apporter cette jurisprudence qui précise qu’est justifiée la décision d’annulation du titre de perception liquidant l’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité décidée à la suite d’une condamnation pour infraction au Code de l’urbanisme.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par décision en date du 17 mai 2013, le Tribunal correctionnel avait déclaré Monsieur O coupable d’infraction au Code de l’urbanisme et avait ordonné la mise en conformité des lieux assortie d’une astreinte à raison de 50.00 € par jour de retard.

 

Le 21 septembre 2015, un titre exécutoire en liquidation d’astreinte a été émis et, le 18 octobre 2017, le Procureur de la République a adressé à Monsieur O une lettre de mise en demeure valant commandement de payer la somme de 11 450.00 € au titre de cette astreinte.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur O a formé opposition à la mise en demeure et a adressé un recours gracieux à l’autorité administrative qui a rejeté ses demandes.

 

La saisine du Tribunal correctionnel en annulation de l’astreinte

 

Il a, par la suite, saisi le Tribunal correctionnel avec une requête en annulation du titre de perception liquidant l’astreinte et de décisions prise sur le fondement de cette dernière.

 

Or, le 07 juin 2019, le Tribunal correctionnel a déclaré la requête irrecevable et c’est dans ces circonstances que, à la fois Monsieur O, à la fois le Procureur de la République, ont relevés appel de ce jugement.

 

C’est finalement le préfet qui a effectivement formé un pourvoi contre l’arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Orléans puisque la Cour d’appel avait justement annulé le titre de perception liquidant l’astreinte.

 

Le préfet critiquait l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il avait annulé le titre de perception en liquidation d’astreinte de 11 450.00 € du 21 septembre 2015 ainsi que tous les actes subséquents.

 

Quel est le point de départ faisant courir l’astreinte ?

 

Le préfet considérait que l’astreinte court nécessairement du jour où la condamnation pénale devient définitive, peu importe que la décision la prononçant ne précise pas son point de départ, de telle sorte qu’en infirmant que l’astreinte fixée par le Tribunal correctionnel n’a jamais commencé à courir, faute pour le Tribunal d’avoir fixé le point de départ, la Cour d’appel a méconnue, selon lui, l’article L 480-7 du Code de l’urbanisme.

 

Le préfet considérant encore qu’il ne revient pas au Juge pénal, lorsqu’il statue sur un incident contentieux d’exécution, de supprimer l’astreinte préalablement ordonnée en application de l’article L 480-7 alinéa premier du Code de l’urbanisme, lequel article précise que :

 

« Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; il peut assortir son injonction d’une astreinte de 500 € au plus par jour de retard. L’exécution provisoire de l’injonction peut être ordonnée par le tribunal.

 

Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté.

 

Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.

 

Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »

 

Le point de départ de l’astreinte liée à l’obligation de mise en conformité

 

Or, en modifiant le point de départ de l’astreinte prononcée par le Tribunal correctionnel le 17 mai 2013 à une date postérieure à l’exécution par le condamné de son obligation de mise en conformité, la Cour d’appel, qui a remis en cause cette mesure, avait, selon le préfet, excédé ses pouvoirs en méconnaissance des dispositions de l’article 710 du Code de procédure pénale.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et précise que pour annuler le titre de perception liquidant l’astreinte à hauteur de 11 450.00 € les décisions subséquentes prises sur le fondement de cette dernière.

 

La Cour d’appel a énoncé qu’aux termes de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme le Juge répressif qui, après avoir condamné le bénéficiaire d’une construction irrégulièrement édifiée, le condamnait à procéder à des travaux de mise en conformité, de lui impartir un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition et fixer en conséquence le point de départ de ce délai en assortissant, le cas échéant, sa décision d’une astreinte.

 

Une astreinte fixée sans point de départ et sans délai

 

Dès lors, pour la Cour de cassation, le Juge ajoute que le Tribunal correctionnel a ordonné à l’encontre de Monsieur O la mise en conformité des lieux ou des ouvrages sous astreinte d’un montant de 50.00 € par jour de retard, sans fixer, ni le point de départ, ni la durée du délai qui lui impartissait pour procéder aux travaux.

 

De telle sorte qu’il y a lieu d’en comprendre que l’astreinte fixée par le Tribunal correctionnel n’a donc jamais commencé à courir, faute pour ce dernier d’en avoir fixé le point de départ.

 

Il s’en déduit, pour la Haute juridiction, qu’il convient de faire droit aux demandes en annulation présentées par Monsieur O, en l’absence de support juridique fondant une créance de liquidation d’astreinte.

 

L’annulation inévitable de la liquidation d’astreinte

 

La Cour de cassation considérant que l’astreinte ayant été ordonnée sans fixer le délai imparti pour la mise en conformité des lieux exigé par les dispositions de l’article L 480-7 du Code de l’urbanisme pour décider d’une telle mesure, cette dernière ne pouvait pas être complétée par la fixation d’un tel délai sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale qui donne compétence à la juridiction pour connaitre des incidents relatifs à l’exécution d’une décision mais non pour y ajouter ou retrancher.

 

D’autre part, la Haute juridiction précise que :

 

« L’astreinte ne pouvant être exécutée en l’absence de fixation d’un tel délai, la Cour d’appel ne pouvait dès lors que constater que les mesures prises en application de celle-ci étaient dénuées de fondement juridique et prononçaient ainsi son annulation. »

 

Ainsi, à bien y comprendre, la Cour d’appel n’a pas supprimé l’astreinte mais a tout simplement constaté qu’elle n’était pas exécutable.

 

De telle sorte qu’elle devait être intégralement écartée.

 

Le tribunal correctionnel, statuant sur incident, peut-il corriger l’erreur ?

 

Le raisonnement juridique de la Cour de cassation est pertinent et rappelle dès lors que l’astreinte ayant été ordonnée sans fixer ni le point de départ, ni le délai imparti pour la mise en conformité des lieux, cette astreinte ne pouvait pas être complétée par la fixation d’un tel délai sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale qui donne compétence à la juridiction pour connaitre des incidents relatifs à l’exécution d’une décision mais non pour y ajouter ou retrancher.

 

C’est donc à juste titre que la Cour d’appel a considéré que l’astreinte ne pouvait être exécutée en l’absence de fixation d’un tel délai, la Cour d’appel ne pouvait que constater que les mesures prises en application de celle-ci étaient dénuées de fondement juridique et prononçaient par la même leur annulation.

 

Cette jurisprudence est importante puisqu’elle rappelle effectivement que la mise en place d’une astreinte décidée par une décision pénale, afin d’assortir une mesure de remise en conformité et de remise en état, doit être encadrée dans des délais, premièrement, dans un délai imparti pour permettre justement cette mise en conformité et, deuxièmement, en fixant le point de départ de cette d’astreinte qui pourrait être liquidée par la suite, et, faute de précisions de ces éléments, c’est donc à juste droit que la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel qui avait, du coup, annulé l’astreinte en conséquence.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Quelles sont les obligations du professionnel dans le cadre d’une vente de panneaux photovoltaïques ?

Laurent Latapie avocat Interpol 2024
Laurent Latapie avocat Interpol 2024
Laurent Latapie avocat Interpol 2024

Quelles obligations pèsent sur le professionnel dans le cadre d’une vente de panneaux photovoltaïques ? Quelles sont les obligations du professionnel en termes d’exigence de compréhensibilité et des caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques ? Quelles sont les sanctions en cas de manquement aux obligations précontractuelles liées aux caractéristiques essentielles, au délai de livraison et d’installation, de droit de rétractation ? Quelles sont les conséquences pour le consommateur et pour l’établissement financier qui finance cette pose de panneaux photovoltaïques ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à quatre arrêts qui ont été rendu le 20 décembre 2023 par la première Chambre civile respectivement, N°22-14020, N°21-16.491, N°19-23.906 et N°22-18.928 et qui viennent tous aborder la question des problématiques liées à la vente de panneaux photovoltaïques et l’annulation de leur contrat en cas de manquement aux dispositions du Code de la consommation.

 

Il est vrai que nous avons déjà abordé ce sujet.

 https://www.laurent-latapie-avocat.fr/financement-de-panneaux-photovoltaiques-entre-cession-de-creance-fausse-signature-et-repetition-de-lindu/

L’annulation d’une vente de panneaux photovoltaïques

 

Ces jurisprudences sont d’autant plus importantes qu’effectivement, comme le soulignait très justement Madame le professeur université de la Réunion Marie LEVENEUR AZEMAR dans une chronique qu’elle a publiée à la semaine juridique du 19 février 2024, celle-ci soulignait qu’effectivement les panneaux photovoltaïques avaient « le vent en poupe ».

 

Et que ces jurisprudences méritent d’autant plus d’être étudiées que s’il est vrai que le marché de panneaux photovoltaïques est porteur, il convient également de rappeler que les sommes en jeux sont importantes tant le coût d’installation de ces panneaux photovoltaïques est important, auxquels viennent s’ajouter bien souvent deux problématiques particulières.

 

Premièrement, la problématique du financement de ces panneaux photovoltaïques puisque bien souvent les vendeurs de contrat de panneaux photovoltaïques proposent également des contrats de financement qui vont de pair.

 

Et, la deuxième problématique est aussi et souvent liée, que l’on retrouve assez régulièrement en justice, à des problématiques, soit de malfaçons en cas de sinistre ce que l’on voit souvent à travers notamment des problématiques d’infiltration d’eau puisque les panneaux photovoltaïques sont posés sur les toits, et en cas de malfaçons il n’est pas rare d’avoir des problématiques d’infiltrations par la suite, mais également aussi de malfaçons en termes de raccordement au réseau électrique.

 

Ce qui est également intéressant à souligner est que ces quatre jurisprudences viennent également unifier la réponse de la Cour de cassation à des situations pourtant bien différentes puisque les deux premiers contrats ont été établis hors établissement, le suivant a été conclu à la suite d’un démarchage à domicile et le dernier à l’occasion d’une foire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans la première espèce, Monsieur J avait, le 02 mars 2015, conclu hors établissement avec la société G un contrat de fourniture et de pose photo générateur au prix de 18 600.00 € financé par un crédit souscrit le même jour avec son épouse auprès d’une banque.

 

Ces derniers évoquant les irrégularités du bon de commande ont alors assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats car il est bien évident que la problématique du contrat de financement est tout aussi importante que le contrat de photovoltaïque en tant que tel.

 

Pour la deuxième jurisprudence, le 08 août 2017, Monsieur Y avait conclu hors établissement avec la société M un contrat de fourniture, d’installation et de mise en service de quatre panneaux photovoltaïques avec micro-onduleur et d’un chauffe-eau au prix de 10 800.00 € financé par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque.

 

Ce dernier invoquant également l’irrégularité du bon de commande, il avait assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

 

Dans la troisième jurisprudence, le 14 juin 2010, dans le cadre d’un démarchage à domicile Monsieur M avait commandé auprès de la société A des énergies renouvelables, l’installation de panneaux photovoltaïques financés par un prêt du même jour souscrit par ce dernier auprès d’une banque.

 

Ce dernier invoquant également l’irrégularité du bon de commande, il avait assigné la société A, prise en la personne de son mandataire liquidateur, ainsi que la banque en annulation du bon de commande.

 

Et, dans la dernière jurisprudence, le 04 juin 2018, à l’occasion d’une foire, les consorts Y ont conclu avec la société F un contrat portant sur l’acquisition, l’installation et la mise en service des panneaux photovoltaïques, cependant, invoquant des carences dans les mentions devant figurées sur le bon de commande, les consorts Y ont assigné le vendeur en annulation du contrat ainsi qu’aux fins d’indemnisation.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient sanctionner à bien des égards les entreprises de panneaux photovoltaïques qui n’ont pas suffisamment respecté les dispositions préventives et protectrices du Code de la consommation.

 

Que dit le Code de la consommation pour une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

En effet, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L 611-1, L 121-17 et L 121-18-1 du Code de la consommation qu’un contrat de vente ou de fourniture de service conclu hors établissement doit, peine de nullité, indiquer de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

Or, si la description de l’installation qui comportait les éléments suivants :

 

  • Un kit photo générateur 2,5 kW,
  • Dix capteurs solaires 250 Wc basse tension,
  • Dix micro-onduleurs M215 emphases,
  • Pose en surimposition,
  • Pose et mise en service de l’installation / Test d’étanchéité,
  • Contrat d’accompagnement,
  • Contrôle de l’installation et assistance.

 

Permettait aux acquéreurs de se faire une idée globale des éléments la composant, elle était cependant insuffisante pour décrire ces caractéristiques techniques aux termes de performance, de rendement et de capacités production.

 

Faisant ainsi ressortir que ces éléments ne satisfaisaient pas l’exigence de compréhensibilité imposée par l’article L 121-17 du Code de la consommation, faute d’informer les acquéreurs sur la production espérée d’électricité et de l’installation.

 

L’exigence de compréhensibilité et caractéristiques techniques

 

La Cour d’appel en a exactement déduit qu’en l’absence d’une telle information portant sur le résultat attendu d’utilisation de cet équipement constituait une caractéristique essentielle, la vente devait être annulée.

 

Quant à la qualité des prestations réalisées, la Cour de cassation précise encore que l’article L 121-18-1 du Code de la consommation dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement sur papier signé par les parties ou avec l’accord du consommateur sur un autre support durable, confirmant l’engagement expresse des parties, ce contrat comprenant à peine de nullité toutes les informations mentionnées au 1 de l’article L 121-17.

 

Que doit comprendre le contrat de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

Il en résulte que les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service qui sont au nombre de celles qui visent ces dispositions ne peuvent figurer sur les documents annexes qui ne sont pas signés de toutes les parties.

 

La Cour de cassation considérant que l’insuffisance des mentions du contrat ne pouvait être supplée par des documents dont les acquéreurs avaient été destinataire par la suite, il y a lieu de retenir de ce que la haute juridiction considère que l’ensemble des caractéristiques essentielles doivent être clairement mentionnées dans le contrat et notamment sur l’information relative à la production d’électricité de l’installation, sans quoi, il y a matière à obtenir l’annulation du bon de commande.

 

Dans l’une des jurisprudences, la question spécifique du démarchage a été abordée, la Cour de cassation rappelant en tant que de besoin que, au visa de l’article L 121-23-5ème du Code de la consommation, le contrat conclu à l’issu d’un démarchage doit mentionner à peine de nullité les conditions d’exécutions du contrat notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d’exécution de la prestation de service.

 

Quelle obligation du vendeur de panneaux photovoltaïques en cas de démarchage ?

 

Ainsi, la Cour de cassation fait griefs à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande d’annulation du bon de commande en prenant en considération les conditions générales de vente et notamment à l’article 7 sur la réception des travaux alors qu’il appartenait aux Juges du fond de vérifier si oui ou non le bon de commande comportait un délai de livraison.

 

Dans la troisième jurisprudence, la Cour de cassation vient s’épancher sur une problématique particulière concernant également les obligations qui pèsent quant à l’obligation précontractuelle d’informations qui peut entrainer l’annulation du contrat comme étant constitutif d’un vice du consentement.

 

Quelles sont les obligations précontractuelles en cas de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

En effet, la Cour de cassation considérait qu’il résultait de la combinaison de l’article L 111-1 du Code de la consommation qui n’assorti pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d’informations précontractuelles qu’il dénonce et de l’article 112-1 du Code civil qu’un tel manquement du professionnel à l’égard du consommateur entraine néanmoins l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du Code civil si le défaut d’information porte sur les éléments essentiels du contrat.

 

La Cour de cassation considère qu’ayant retenu que le vendeur n’avait pas satisfait aux obligations d’informations précontractuelles prévues à l’article L 111-1 du Code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés, ni le délai de livraison et d’installation de ces produits n’était précisément mentionnés sur le bon de commande dont il résultait que le consentement de Monsieur Y sur les éléments essentiels de contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d’une erreur, la Cour d’appel avait donc, à bon droit, déduit qu’il y avait matière à prononcer la nullité du contrat pour vice du consentement.

 

Les obligations liées au caractéristiques essentielles, au délai de livraison et d’installation.

 

Qu’enfin, la dernière jurisprudence vient aborder une problématique particulière relative au bon de rétractation dans le cadre d’une vente qui est faite hors établissement.

 

La Cour de cassation rappelant que, selon l’article L 221-9 du Code de la consommation, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement sur papier signé par les parties ou avec l’accord du consommateur sur un autre support durable, confirmant l’engagement expresse des parties.

 

Ce contrat devant comprendre impérativement toutes les informations prévues à l’article L 221-5 du même Code.

 

À peine de nullité, prévu à l’article L 242-1 du même Code, le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au deuxième de l’article L 221-5.

 

Quel droit de rétractation dans le contrat de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

La Cour de cassation en déduit que de la faculté offerte au consommateur d’exercer son droit de rétractation au moyen d’un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l’emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat et que le consommateur doit pouvoir conserver.

 

Ayant constaté que le formulaire de rétractation figurerait au verso du bon de commande, comportait d’un côté sur une seule page l’adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l’autre côté, l’emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que des éléments d’identification du vendeur.

 

La Cour d’appel, selon la haute juridiction, qui ne pouvait écarter l’application de la norme nationale édictant la sanction de la nullité du contrat au motif qu’une telle norme serait contraire à un principe général de proportionnalité et à l’article 24 de la directive 2011/83/UE du Parlement Européen et du conseil du 25 octobre 2011 relative au droit des consommateurs, en a exactement déduit que le contrat de vente devait être annulé.

 

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient tourner autour de deux axes importants.

 

Quelles sont les caractéristiques essentielles d’une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

Le premier de ces axes est qu’effectivement il appartient au vendeur, dans le cadre de ses obligations d’informations précontractuelles de donner le plus d’informations possibles, d’indiquer que le contrat de vente ou de fourniture de panneaux photovoltaïques doit, à peine de nullité, indiquer de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

Si la description de l’installation permet aux acquéreurs de se faire une idée globale des éléments composant cette installation de panneaux photovoltaïques, il n’en demeure pas moins que celle-ci peut être considéré comme étant insuffisante pour décrire ces caractéristiques techniques.

 

Quelle sanction en cas de manquement dans une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

La Cour de cassation invitant à sanctionner par la nullité les contrats de pose de panneaux photovoltaïques en l’absence d’informations relatives à la production d’électricité de l’installation.

 

Ce qui constitue une caractéristique essentielle du résultat attendu par le consommateur de l’utilisation de cet équipement.

 

La Cour de cassation vient également réaborder la problématique du bordereau de rétractation qui ne peut pas être sur le même document que le contrat.

 

Et, surtout, ces quatre jurisprudences sont salutaires car elles viennent en tirer toutes les conséquences concernant les sanctions qu’elles ont vocation à écouler de la nullité du contrat.

 

Cette nullité s’accompagne immanquablement de restitution, comme le soulignait le professeur Marie LEVENEUR AZEMAR, cela s’entend du remboursement au client des sommes versées, de la récupération de l’installation photovoltaïque aux frais du vendeur.

 

Il y a lieu également d’en conclure à également la nullité du contrat subséquent de financement, de telle sorte qu’il est bien évident que, si le contrat principal est annulé, cela a vocation à également libérer le consommateur du contrat de financement qu’il a pris car, comme cela a été abordé en début de cette étude, malheureusement ces installations sont en général fortes coûteuses.

 

De telle sorte qu’il est important, au niveau procédural, d’appeler en cause également l’établissement de crédit qui a financé ce projet car il est bien évident que la mécanique du sort du contrat de financement, afin de libérer le consommateur qui se retrouve libéré du contrat de panneaux photovoltaïques, doit également être abordée et réfléchie de manière globale.

 

Quelles conséquences de la nullité pour l’établissement qui finance le projet ?

 

Ce qui fait que chaque conseil devant assister un client victime d’une pose de panneaux photovoltaïques décevante devra bien être attentif aux demandes principales qu’il ferait à l’encontre de l’entreprise de panneaux photovoltaïques mais également et surtout des demandes subsidiaires qu’il ferait également au contradictoire de l’établissement financier aux fins d’obtenir la nullité du contrat de financement subséquent.

 

Ces jurisprudences sont intéressantes puisqu’elles rappellent que les caractéristiques essentielles du bien ou du service en terme de pose de panneaux photovoltaïques s’entend évidemment pour le consommateur qui a trouvé un autofinancement des informations importantes sur la production espérée de l’électricité de l’installation en question car si bien sûr le consommateur moyen peut être attentif quant aux descriptions techniques de l’installation afin que celui-ci se fasse une idée globale des éléments la composant, il n’en demeure pas moins que la simple description des caractéristiques ne saurait suffire et que c’est bel et bien l’information relative production d’électricité de l’installation qui est, à mon sens déterminante.

 

Ainsi, à défaut, la sanction, certes, pouvant être considérée sévère mais conforme à l’esprit même du Code de la consommation afin de protéger les consommateurs me parait évidente, c’est la nullité du contrat de pose de panneaux photovoltaïques et surtout, ce n’est pas négligeable, avec la nullité du contrat de financement qui va de pair.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

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