
Un débiteur faisant l’objet d’une saisie immobilière souhaite contester le commandement de payer valant saisie immobilière qui vient de lui être signifié. Peut-il le contester dans les 8 jours de la signification ou attendre d’être assigné devant le juge de l’orientation ?
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation ce 21 novembre 2024, N°22-12.499, qui rappelle que le Juge de l’exécution ayant été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt qui déclare la demande irrecevable se trouve également que justifié.
En effet, il n’est pas rare, lorsque le débiteur saisi reçoit un commandement de payer valant saisie immobilière lui faisant commandement de payer sous huit jours la créance, que celui-ci souhaite saisir le Juge de l’exécution immobilier pour contester ce commandement de payer sans attendre la procédure de saisie immobilière et la traditionnelle assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation.
Or, cette jurisprudence rappelle en tant que de besoin que celle-ci ne saurait être efficace, au contraire, la Cour de cassation venant préciser que celle-ci étant effectivement irrecevable par la force des choses.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, la banque avait fait délivrer à la SCI J le 09 juin 2020 un commandement de payer aux fins de saisie vente, puis, le 22 juillet 2020 un commandement de payer valant saisie immobilière.
Le 09 septembre 2020, sans attendre l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation, la société J avait assigné la banque devant le Juge de l’exécution afin de voir annuler ce commandement.
Puis, tout naturellement, car cela est une mécanique malheureusement implacable, le 12 novembre 2020 la banque a assigné la société J à une audience d’orientation devant le Juge de l’exécution du même Tribunal aux fins de vente forcée des biens immobiliers saisis.
Et finalement, par jugement du 26 janvier 2021 statuant sur l’assignation du 09 septembre 2020, le Juge de l’exécution avait déclaré irrecevable la demande d’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.
Une demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable ?
C’est dans ces circonstances que la société J faisait grief à la Cour d’appel de déclarer sa demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable alors que, selon elle, la demande d’annulation du commandement de saisie immobilière formée par le débiteur avant qu’il ne soit assigné à l’audience d’orientation est rattachée à la compétence générale du Juge de l’exécution et ne se rattache à la procédure de saisie immobilière qu’une fois cette assignation délivrée par le créancier.
Qu’en énonçant pour déclarer irrecevable la demande de la société J tendant à l’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière que toute demande relative à la procédure de saisie immobilière doit être formée dans les conditions prévues aux dispositions procédurales spécifiques à cette procédure, c’est-à-dire, conformément à l’article R 311-1 du Code de procédure civile d’exécution et que la société J devait saisir le Juge de la saisie immobilière et non le Juge de l’exécution sur la procédure de droits communs, peu importe que le débiteur ait saisi le Juge de l’exécution d’une contestation du commandement de payer valant saisie immobilière avant que le créancier saisissant ne le fasse assigner en vente forcée.
Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas l’analyse de la société J et vient rappeler quelques principes de base en saisie immobilière tant celle-ci fait l’objet d’une rigueur que le débiteur ne comprend pas toujours aisément.
La compétence du juge de l’exécution immobilière
Il convient de rappeler que, selon l’article L 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge de l’exécution connait de l’application des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution dans les conditions prévues par l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.
Selon l’article L 213-6 alinéa 1 et 3 du Code de l’organisation judiciaire, le Juge de l’exécution connait de manière exclusive des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elle porte sur le fond du droit à moins qu’elle n’échappe à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire et sous la même réserve de la procédure de saisie immobilière des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celles-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elle porte sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Selon l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, la procédure en saisie immobilière est régie par les dispositions de livre 3 relatif à cette procédure et par celles qui ne lui sont pas contraire du livre premier de ce Code.
Selon l’article R 321-1 du même Code, la procédure d’exécution est engagée par la signification du débiteur ou au tiers détenteur d’un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant.
Aux termes de l’article R 321-6 du même Code, le commandement de payer valant saisie est publié aux fichiers immobiliers dans un délai de deux mois à compter de sa signification.
Selon l’article R 322-4 du même Code, dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaitre devant le Juge de l’exécution à une audience d’orientation.
Le pouvoir de vérification du juge de l’éxécution
Selon l’article R 322-15 du même Code, à l’audience d’orientation, le Juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L 311-2, L311-4 et L311-6 du Code des procédures civiles d’exécution sont réunies, statut sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
Selon l’article R 311-5 du même Code, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
Un commandement de payer valant saisie inexorablement suivie d’une assignation
Pour la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de saisie immobilière engagée par la délivrance d’un commandement de payer valant saisie se poursuit par l’assignation délivrée au débiteur par le créancier à une audience d’orientation au cours de laquelle le Juge de l’exécution connait, sauf exception, de l’ensemble des contestations qui s’élèvent à l’occasion de la procédure et des demandes nées de cette procédure ou si rapportant directement.
Le juge d’orientation, entre vente amiable et vente aux enchères publiques
Il en découle dès lors que, or les cas prévus par la Loi telle la demande de vente amiable de l’immeuble saisi prévu à l’article R 322-20 du Code des procédures civiles d’exécution, les contestations et demandes précitées ne peuvent être formées par le débiteur à peine d’irrecevabilité qu’à l’audience d’orientation à laquelle ce dernier a été assigné à comparaitre selon les formes prescrites à l’article R 311-6 du Code des procédures civiles d’exécution.
La décision déclarant irrecevable les contestations et demandes formées par le débiteur avant l’expiration du délai imparti au créancier pour assigner à l’audience d’orientation, qui n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée ne saurait faire échec à l’examen de ces contestations et demande si elles étaient à nouveau formées lors de l’audience d’orientation.
Pour la Cour de cassation, une telle règle ne méconnait pas le droit du débiteur garanti par l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause sera entendue équitablement publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal indépendant et impartial.
L’inévitable assignation devant le juge d’orientation dans les 4 mois du commandement
En premier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur devant, en application des articles R 321-6 et R 322-4 des Codes des procédures civiles d’exécution, être assigné à une audience d’orientation dans le délai maximum de quatre mois suivant la signification du commandement de payer valant saisie, l’examen des contestations et demandes qu’il entend former est seulement différé dans cette limite de temps jusqu’à l’audience d’orientation.
En deuxième lieu, s’il n’a pas été assigné à une audience d’orientation à l’expiration de ce délai, le débiteur a la faculté de saisir le Juge de l’exécution de contestations de demandes formées conformément aux dispositions de l’article R 121-11 du Code des procédures civiles d’exécution par assignation délivrée au créancier poursuivant ainsi qu’aux créanciers inscrits, la procédure suivie devant le Juge de l’exécution obéissant, en application de l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, aux dispositions des articles R 311-2 et suivant du même Code.
En dernier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur demeure recevable dans les cas prévus par la Loi à saisir le Juge de l’exécution de demandes, telle la vente amiable de l’immeuble saisi avant la signification de l’assignation à comparaitre à l’audience d’orientation.
Dès lors, la Cour de cassation considère que le Juge de l’exécution aura été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt de la Cour d’appel déclarant sa demande irrecevable se trouvant alors légalement justifié.
Un débiteur saisi en droit de se défendre devant le juge de l’orientation
Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient rappeler que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la procédure qui est strictement organisée, amène le débiteur à ne pas oublier de faire valoir ses droits en contestant les prétentions de l’établissement bancaire, cependant, celui-ci doit le faire dans des formes précises et ne peut pas le faire quand bon lui semble.
Il ne peut donc prématurément saisir le Juge de l’exécution dès lors que celui-ci reçoit le commandement de payer valant saisie immobilière alors qu’il sera par la suite de toute façon saisi devant le Juge de l’orientation qui a justement plénitude de compétences pour pouvoir trancher tous les litiges liés à cette saisie immobilière mais il est vrai que certains débiteurs impatients croient bon avoir le besoin de saisir le Juge de l’exécution dès la signification de ce commandement de payer valant la saisie immobilière, ceci d’autant plus que ledit commandement de payer valant saisie immobilière précise et rappelle en tant que de besoin que ces derniers ont huit jours pour payer la cause du commandement, sans quoi, la procédure de saisie immobilière sera lancée.
Ce qui peut déstabiliser cette mention légale prévue dans le commandement de payer valant saisie immobilière peut tromper le débiteur saisi qui croit bon pouvoir saisir le Juge de l’exécution immédiatement, or, ce n’est absolument pas le cas, celui-ci a l’obligation d’attendre la signification de l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour pouvoir faire valoir ses droits.
Les moyens de contestation de la saisie immobilière à la portée du débiteur
À ce moment-là, il sera par contre très important pour le débiteur saisi de faire valoir ses droits et de soulever tous les moyens de contestation qui lui paraissent les plus pertinents.
Étant précisé que ces derniers sont nombreux finalement à portée de main pour le débiteur saisi pour pouvoir préserver son bien immobilier.
Celui-ci a la possibilité effectivement de contester les conditions dans lesquelles le commandement de payer a été signifié, il peut également contester les conditions dans lesquelles la déchéance du terme du prêt immobilier a été également prononcée.
Ce qui fait qu’un certain nombre de moyens sont à sa portée pour faire valoir ses droits et tenter de sauver ce qui est bien souvent sa résidence principale.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,
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