Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en droit de la saisie immobilière de juin 2017 qui vient aborder une fois de plus les difficultés récurrentes que peut avoir le débiteur afin de préserver ses droits et se défendre dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

 

Cet arrêt rappelle en tant que besoin la rigueur propre à l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution propre à la saisie immobilière qui rappelle qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte.

 

Cet arrêt est intéressant car une fois n’est pas coutume c’est au créancier que l’on vient opposer cette irrecevabilité et non pas au débiteur.

 

Cet arrêt vient aborder différentes réponses à deux questions majeures fréquentes en droit de la saisie immobilière,

 

La première question est relative à la question de la prescription qui découle de l’article L 137-2 du Code de la Consommation applicable en droit de la saisie immobilière,

 

Pour autant, la question demeure de savoir si le droit français est applicable alors que le prêt a été conclu en devises étrangères, ou bien, lorsque le prêt a été contracté à l’étranger.

 

La deuxième question était tout aussi intéressante puisqu’il s’agissait de savoir si la banque était obligée de répliquer aux conclusions adverses relatives justement à la question de la prescription ou si elle pouvait se dispenser de le faire.

 

Les faits sont les suivants.

 

La banque avait par commandement de payer délivré le 5 décembre 2014 sollicité le recouvrement d’une créance de 1.105.086,18 euros.

Le juge de l’orientation avait ordonné la vente aux enchères publiques du bien, fixé la date d’adjudication et ses modalités préalables ainsi que la taxation des frais de poursuite.

 

Pour autant, il n’en demeurait pas moins que devant le juge de l’orientation, le débiteur saisi avait contesté le bien fondé de la saisie et avait opposé à l’établissement bancaire la prescription de sa saisie immobilière,

 

Or, la banque n’avait pas pris soin, devant le juge de l’orientation, de répliquer sur cette question pourtant importante.

 

Ce n’est finalement qu’en cause d’appel, devant la Cour, que la banque soutenait que le contrat de prêt, qui liait contractuellement les parties, se soumettait expressément au droit suisse,

 

A bien y comprendre la banque, c’est le droit suisse qui serait applicable pour déterminer la Loi qui règlementerait l’obligation du contrat, qui définirait sa prescription, la durée et le point de départ de celle-ci, les causes de suspension et d’interruption,

 

En cause d’appel, la banque soutenait, finalement, que la charge de la preuve quant au droit applicable pesait sur les épaules de Monsieur X auquel incombait la charge de la preuve,

 

Dès lors, ce serait à Monsieur X de démontrer que rien ne faisait obstacle à l’application des dispositions de l’article L.137-2 du Code de la Consommation qui aurait vocation à s’appliquer au détriment du droit suisse.

 

La banque soutenait que la prescription n’était pas une prescription abrégée, mais quinquennale, conformément au droit suisse par application des articles 127, 128, 135 du code des obligations (suisse) et qu’il résultait des pièces versées aux débats, qui n’étaient pas contestées, que le 3 septembre 2009, la banque prononçait la déchéance du terme en réclamant paiement d’une somme totale de 824.680 CHF dont le décompte joint fait apparaître que l’échéance impayée la plus ancienne est celle du 10 mars 2009.

 

Dès lors, le commandement de payer valant saisie immobilière ayant été délivré en vertu de la copie exécutoire de l’acte notarié du 5 décembre 2014, la prescription quinquennale, prévue par le droit suisse, était donc acquise.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et écarte l’application du droit suisse,

 

Elle considère qu’il résulte des articles 3 et 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle;

 

Par voie de conséquence, en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation français soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu, ensemble les articles 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 3 et 5 de la Convention de Rome en date du 19 juin 1980.

 

La Cour de cassation précise encore que les dispositions protectrices du consommateur sont d’application impérative pour le juge français,

 

De telle sorte qu’en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code français de la Consommation soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu l’article 3 du Code Civil et l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dans sa rédaction applicable aux faits.

 

Par voie de conséquence, la Cour de Cassation a une approche attractive salutaire des dispositions protectrices de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation puisqu’elle privilégie et protège le consommateur français.

 

Ceci répond donc à la première question,

 

La deuxième question était de savoir si la banque pouvait considérer qu’elle avait toujours raison à telle point qu’il ne lui était pas forcément nécessaire de se défendre devant le Juge de l’orientation et de se réserver cette prérogative en cas de difficulté devant la Cour,

 

De prime abord, et même si l’arrêt analysé n’est pas très clair sur cette question sur le calendrier précis des échanges qu’ont pu avoir Monsieur X et la banque, il est bien évident que la banque n’a pas cru bon répliquer devant le Juge de l’Orientation sur cette problématique de prescription et semble finalement vouloir s’en défendre devant la Cour d’Appel.

 

Pour autant, la Cour de Cassation constate que la banque n’avait pas devant le juge de l’orientation soulevé ses moyens de défense, savoir, ni l’irrecevabilité de l’exception invoquée par le débiteur et tirée de la prescription applicable en droit suisse, ni l’interruption de celle-ci par l’acte de saisine du tribunal de première instance du canton de Genève, de telle sorte que la créance était bel et bien prescrite.

 

La Cour d’Appel avait quant à elle fait droit à la demande et avait validé la procédure de saisie immobilière et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

 

La Cour d’appel retenait en effet : « d’une part que le fait pour le créancier poursuivant, qui a délivré l’assignation à l’audience d’orientation aux fins de vente forcée à défaut de vente amiable, de n’avoir pas répondu aux contestations formées par la partie saisie, ne vaut pas renonciation à ses demandes initiales, et que la reprise par le créancier poursuivant de ses demandes initiales, qui avaient toutes été soumises à l’audience d’orientation par l’assignation, est donc recevable, d’autre part, que l’exception tirée de la prescription invoquée par le débiteur devait être rejetée »,

 

Pour autant, cet arrêt de la Cour d’Appel était critiquable et contraire aux dispositions de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

La Haute Juridiction ne s’y trompe pas,

 

Elle considère qu’en examinant les moyens produits devant la Cour d’appel par la banque, qui n’avait cependant pas conclu au moment de l’audience d’orientation du juge de l’exécution, la Cour d’appel, qui a omis de relever d’office l’irrecevabilité des contestations nouvelles du créancier poursuivant, a manifestement méconnu l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

Fort heureusement, la Cour de Cassation rappelle que la procédure doit être équitable et respecter l’égalité des armes entre le créancier poursuivant et le débiteur saisi,

 

Dès lors, en considérant que la banque était recevable à présenter pour la première fois des moyens qui n’avaient pas été exposés au moment de l’audience d’orientation du Juge de l’Exécution tandis que le débiteur saisi n’était plus autorisé à présenter la moindre contestation nouvelle devant la Cour d’Appel en application de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la Cour d’Appel a méconnu le principe de l’égalité des armes et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

On ne peut que saluer cet attendu de principe qui rappelle les principes fondamentaux du droit au procès équitable, et casse finalement la décision de la Cour d’appel,

 

En effet, la Cour d’appel semblait plus encline à satisfaire les droits financiers de l’établissement bancaire que de préserver les principes inhérents à la procédure de saisie immobilière pourtant très rigoureuse, et les droits de propriété inhérents au débiteur,

 

La remarque peut sembler sévère,

 

Pour autant, il ne faut pas oublier que dans pareil cas, rien ne dis si l’établissement bancaire a cru bon procéder à la réalisation du bien immobilier sur la base de l’arrêt de la Cour d’appel, exécutoire nonobstant le pourvoi en cassation,

 

Sur ce point l’arrêt commenté reste muet,

 

En tout état de cause, cette décision est salutaire,

 

Elle consacre le caractère attractif et protecteur du droit de la consommation d’application impérative, et rappelle surtout à l’établissement bancaire que rien n’est jamais acquis par avance,

 

De là à ce quelle considère qu’elle ne peut pas vendre le bien immobilier de son débiteur avant de l’avoir tué…., il n’y a qu’un pas,

 

Pas, que le conseil du débiteur ne doit pas laisser franchir.

 

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