Accident de Jet-ski, entre abordage et responsabilité, qui paye ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en septembre 2017 qui vient aborder le cas, malheureusement, trop fréquent d’accident de jet-ski pendant la période estivale.

 

Dans cette affaire en octobre 2015 Monsieur S et Monsieur Y, amis par ailleurs, ont chacun loué un jet-ski auprès d’un club de jet-ski, la société X, assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la compagnie d’assurance G.

 

Au cours de la sortie en mer encadrée par un moniteur du club, le jet-ski de Monsieur S a été percuté par celui conduit par Monsieur Y, Monsieur S ayant été hospitalisé à la suite de ces graves blessures puisque notamment ce dernier avait vu l’un de ses poumons perforés.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur S a assigné le loueur et son assureur ainsi que Monsieur Y et son propre assureur devant le Juge des Référés auprès du Tribunal de Grande Instance sur le fondement des articles 809 et 145 du Code de Procédure Civile ainsi que les articles 1382-1383-1384 et 1147 du Code Civil aux fins, principalement, d’expertise médicale et condamnations solidaires des défendeurs au paiement d’une provision de 10 000 euros.

 

L’assurance maladie est intervenue volontairement à l’instance et par ordonnance contradictoire du 29 juin 2016 la juridiction saisie a fait droit partiellement aux demandes de Monsieur S en ordonnant une expertise médicale et en désignant un médecin expert à cette fin, mais en le déboutant de sa demande de provision, ,

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur S a relevé appel de la décision, non pas tant pour contester l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné une expertise médicale mais surtout pour revenir sur la question de la provision réclamée au titre du préjudice subi.

 

Les parties ont volontairement limité leurs débats à la demande de provision à la garantie de la société d’assurance G et aux frais irrépétibles et dépens.

 

Selon les dispositions de l’article 1809 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, le Président du Tribunal de Grande Instance peut, en référé, dans le cas de l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ainsi qu’il est exactement rappelé par le premier Juge, la collision survenue entre des jet-ski évoluant en mer relève du régime général légal de l’abordage maritime écartant ainsi la présomption de responsabilité édictée par l’article 1384 alinéa 1er devenu 1244 alinéa 1 du Code Civil.

 

En l’espèce il est constaté que le jet-ski conduit par Monsieur Y est entré en collision avec celui piloté par Monsieur S.

 

De sorte qu’il convient de faire application du régime des réparations des accidents de navigation prévues aux articles L5131-1 et suivants du Code des Transports.

 

L’article L5131-3 de ce Code des Transport dispose ainsi que si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise.

 

Si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure ou s’il y a un doute sur les causes de l’accident, les dommages seront supportés par ceux qui les ont éprouvés sans distinguer le cas ou, soit les deux navires, soit l’un deux, était au mouillage au moment de l’abordage.

 

Au sujet de la demande de provision formée par Monsieur S à l’encontre de Monsieur Y et son assureur, le Juge de première instance relève que le demandeur n’étaye aucune argumentation tant factuelle que juridique de nature à rapporter la preuve de la faute qui aurait été commise par Monsieur Y.

 

Pour autant il n’en est rien puisqu’en cause d’appel Monsieur S explique qu’il ressort du procès verbal d’audition de Monsieur Y entendu dans le cadre de l’enquête que celui-ci reconnait sa faute puisqu’il déclare :

 

« Pendant la navigation, dès que nous étions trop proches les uns des autres le moniteur nous arrêtait pour nous gronder. Il fallait que nous conservions des distances importantes entre nous. Nous avions fait des pauses lors desquelles on se baignait. Lors de ce dernier arrêt nous étions au ralenti, j’ai voulu faire un virage à gauche et je ne sais pas pourquoi quand j’ai accéléré pour tourner j’ai immédiatement percuté Monsieur S. Il est tombé à l’eau et il avait très mal. Que je suis entièrement responsable de cet accident, le moniteur avait été strict, il nous surveillait constamment. Je souhaite que mon ami se rétablisse au plus vite ».

 

Il ressort, également, de l’audition du moniteur qui encadrait le groupe que c’était à l’occasion d’une pause que « Monsieur Y, seul titulaire du permis de navigation, s’est amusé à faire des ronds sur place et rapidement et avant que je ne puisse faire le rappel des distances de sécurité, il a percuté violemment sur sa gauche un deuxième véhicule nautique à moteur, en l’occurrence celui de Monsieur S »

 

Il ressort de ces déclarations que le dommage est bien imputable à Monsieur Y dont la conduite dangereuse de son jet-ski était caractérisé, ce dernier accélérant sans nécessité et sans respect des distances de sécurité, ce qu’il a amené à effectuer une rotation sur le plan d’eau à l’origine de l’abordage.

 

Monsieur S, victime, ne saurait se voir opposer son propre non respect des règles de sécurité ou de priorité puisqu’il ressort de l’enquête que l’accident est survenu alors que les pilotes effectuaient une pause.

 

Ainsi l’obligation d’indemnisation de Monsieur Y n’est pas sérieusement contestable.

 

En revanche, la Cour a considéré qu’à défaut de justifier avec l’évidence requise dans l’affaire d’un manquement de la société X à son obligation de sécurité, la demande de provision formée à son encontre par Monsieur S ne sauraient prospérer devant le Juge des Référés.

 

En effet, ainsi qu’il l’est rappelé dans la décision de justice analysée, il ressort de l’enquête préliminaire diligentée par la Brigade Nautique côtière et plus spécialement des déclarations de la victime, que le briefing avait été bien fait et que les consignes de sécurité relatives aux distances de sécurité entre les véhicules nautiques à moteur avait bien été rappelées.

 

Concernant le bien fondé du quantum du préjudice réclamé ne serait-ce qu’au stade de la provision celui-ci semblait fondé en son principe,

 

En effet, il résulte des pièces médicales produites qu’à la suite de l’accident Monsieur S atteint sévèrement au thorax a dû être héliporté à l’Hôpital pour lequel il a été hospitalisé pendant 10 jours et a subi une thoracotomie et ostéosynthèse thoracique, l’arrêt de travail ayant duré plus de 45 jours.

 

En outre, étant donné son état de santé, ce dernier est dans l’impossibilité d’exploiter son entreprise, celle-ci a dû être placée en liquidation judiciaire.

 

Une telle conséquence, amenait Monsieur S a fonder également sa demande sur le préjudice économique découlant de son impossibilité d’exploiter,

 

La Cour fait droit à la demande de provision, tout en opérant une subtile distinction,

 

En effet, elle considère, au vu des éléments médicaux produits et du préjudice corporel subi mais en l’absence de tout document fiscal ou comptable, qu’il y a lieu de réformer l’ordonnance entreprise et de condamner Monsieur Y à payer à Monsieur S une somme indemnitaire au titre de provision à valoir sur la réparation des préjudices corporels.

 

Enfin, il ne restait plus à la Cour de trancher la dernière difficulté relative à la prise en charge de l’accident par la compagnie d’assurance de Monsieur Y, auteur de l’accident,

 

La Cour considère que Monsieur Y a justifié qu’il est également assuré au titre de sa responsabilité civile auprès de la société G suivant contrat qui couvre les accidents de la vie privée survenue notamment à l’occasion d’activités de loisirs ou sportifs pratiqués par l’assuré, en ce compris les accidents de Jet-ski,

 

Cette jurisprudence est ainsi intéressante à plus d’un titre,

 

Elle sensibilise le lecteur attentif à la législation applicable en terme d’accident de jet ski lorsque deux jet skis se percutent et permet également, non seulement d’obtenir une expertise pour pouvoir clairement quantifier l’étendue des préjudices de santé et préjudices économiques rencontrés par la victime, et ce, même au stade du référé afin d’indemniser au moins en partie, par le biais d’une provision, la victime sans attendre une procédure au fond longue et difficile par nature,

 

De la à dire qu’il y a des solutions rapides pour les amateurs de sport de vitesse, il n’y aurait qu’un pas…..

 

 

Honoraires de l’avocat, entre diligences effectuées et diligences manifestement inutiles,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’été 2017 concernant la question délicate des honoraires de l’avocat au titre des diligences effectuées dont ce dernier doit rendre compte.

 

L’avocat exerce classiquement sous la forme de profession libérale dont les honoraires de l’avocat sont librement fixés avec son client.

 

Il est alors difficile de déterminer à l’avance quel pourrait être le coût de tel ou tel conseil ou de telle ou telle intervention tant de nombreux élements dans le cadre de la procédure sont encore inconnus.

 

Pour autant, depuis peu, l’avocat doit soumettre avant toute intervention une convention d’honoraires ce qui n’est pas forcément respecté dans la pratique.

 

Il n’en demeure pas moins que les critères de fixation des honoraires de l’avocat sont liés à la difficulté de l’affaire, au temps consacré au dossier, à la spécialisation et la notoriété de l’avocat ainsi que les frais qu’il engage.

 

Quatre modes de facturation sont classiquement utilisés par l’avocat.

 

  • En premier lieu, l’honoraire au temps passé dans lequel l’avocat précise quelle est sa rémunération au taux horaire bien que l’aléa demeure puisque plus le dossier est technique, plus l’honoraire au temps passé peut s’alourdir.

 

  • En deuxième lieu, l’honoraire forfaitaire qui peut être rassurant car l’avocat propose une rémunération globale pour traiter l’affaire.

 

  • A cela s’ajoute des honoraires complémentaires de résultat qui complètent immanquablement les honoraires de diligences.

 

  • En quatrième lieu, l’abonnement qui peut se faire notamment dans le cadre de consultations diverses et variés pour les entreprises.

 

A cela s’ajoute, des frais divers notamment les frais d’huissiers, les frais de débours et le droit de plaidoirie de 13 euros.

 

Toujours est-il que, depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques une convention d’honoraires entre l’avocat et son client est obligatoire afin de fixer clairement les honoraires de l’avocat,

 

L’avocat doit établir une convention d’honoraires qui devra définir le montant ou le mode de calcul des honoraires ainsi que les frais et débours susceptibles d’être exposés par l’avocat.

 

Les honoraires de l’avocat, sont de toute façon strictement réglementés dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et par l’article 11-2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat qui précise :

 

« La rémunération de l’avocat est fonction, notamment, de chacun des éléments suivants conformément aux usages :

  • le temps consacré à l’affaire,
  • le travail de recherche,
  • la nature et la difficulté de l’affaire,
  • l’importance des intérêts en cause,
  • l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient,
  • sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire,
  • les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci,
  • la situation de fortune du client. »

L’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l’informe régulièrement de l’évolution de leur montant.

Il l’informe également de l’ensemble des frais, débours et émoluments qu’il pourrait exposer.

Toujours est il qu’en cas de difficulté entre le client et l’avocat, une procédure spécifique est prévue pour trancher le sort des honoraires procédure dite de taxation d’honoraires de l’avocat article 174 et suivants du décret du 27 novembre1981.

Dans l’affaire qui nous occupe, il ressort des circonstances de la cause qu’entre 2004 et 2011, les demandeurs avaient confiés la défense de leurs intérêts à un avocat pour suivre un certain nombre de dossiers jusqu’à ce qu’ils saisissent en 2013 le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats afin de contester notamment les honoraires de l’avocat réclamées et facturés,

Le Bâtonnier avait alors rejeté leur demande au motif qu’elle relevait éventuellement du domaine de responsabilité et non de la fixation d’honoraires de l’avocat en tant que telle.

C’est dans ces circonstances qu’un recours a été formé à l’encontre de cette décision.

Deux points étaient sujets à discussion.

En premier lieu, la contestation des honoraires forfaitaires en tant que tel, et en deuxième lieu des honoraires de résultat.

Cette jurisprudence demeure intéressante dans la mesure où les honoraires contestés s’élevaient à initialement à 240 015, 22 euros, et qu’ils avaient augmentés devant la Cour d’Appel pour s’élever à la somme de 349 507,40 euros, ce qui est nettement supérieur au montant des demandes initiales formalisées devant le bâtonnier,

Pour autant, l’avocat en défense, usant de tous les moyens de procédure possibles et imaginables pour lutter contre la demande de restitution d’honoraires de ses clients tentait de soutenir que cette augmentation substantielle de restitution d’honoraires de l’avocat emportait une demande nouvelle au visa de l’article 565 du Code de Procédure Civile de telle sorte que celle-ci ne pouvait être formalisée devant la Cour.

La Cour de ne s’y trompe pas et rappelle qu’en statuant ainsi, alors que M. et Mme X… s’étaient bornés à augmenter le montant de leur demande de restitution d’honoraires de l’avocat, ce qui ne constituait pas une demande nouvelle, ces derniers étaient bel et bien fondés à revenir devant la Cour d’Appel réclamer la restitution de montants supérieurs.

Ces derniers maintenaient et justifiaient de l’augmentation substantielle de la restitution d’honoraires de l’avocat en cause,

La Cour y fait droit et considère, au visa de l’article L. 441-3 du Code de Commerce, et de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qu’il résulte de ces textes que ne peuvent constituer des honoraires de l’avocat librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences du second d’entre eux, peu important qu’elles soient complétées par des éléments extrinsèques en effet, il appartenait à l’avocat de détailler les factures afin d’éclairer le client ainsi que la juridiction saisie par la suite sur les diligences qu’il avait effectuées.

L’avocat en question ne se laisse pas abattre et tente de contester la décision de la Cour puisque l’ordonnance indique que le client qui a payé librement les honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l’honoraire la restitution des sommes versées,

Or, s’il est vrai qu’en l’espèce, toutes les factures contestées ont été réglées, les époux X… font valoir que les factures en question n’étaient pas précises et ne leur permettaient pas de se rendre compte si les sommes réclamées correspondaient à un travail effectué,

Si effectivement une grande partie des factures produites ne précisaient pas les diligences effectuées, elles étaient accompagnées d’un courrier de l’avocat expliquant ses diligences et le cas échéant de la copie des actes effectués (la plupart du temps des conclusions),

Il peut paraître tout aussi fondé pour l’avocat de soutenir que monsieur X… qui dirigeait plusieurs sociétés disposait les compétences nécessaires pour apprécier le travail fourni par son avocat, de telle sorte que c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a réglé pendant plusieurs années, de 2007 à 2010, les factures émises par l’avocat, pour plus d’une centaine de dossiers, la plupart de nature commerciale d’ailleurs.

L’avocat considère d’ailleurs le client avait continué à lui confier des dossiers au fil des ans ce qui démontre qu’il était satisfait de son intervention et qu’il n’estimait pas ses honoraires exorbitants.

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et rappelle à la lueur des textes évoqués que l’avocat doit préciser l’ensemble des diligences effectuées et lui fait grief de ne pas l’avoir fait.

Qu’en statuant ainsi, alors que les factures de l’avocat ne précisaient pas les diligences effectuées ce dont il résultait que le client pouvait solliciter la réduction des honoraires, le premier président a violé les textes susvisés, ce dernier ayant refusé de faire droit à la demande de contestation d’honoraires et restitution d’honoraires.

La Cour de Cassation a donc cassé l’arrêt.

Des lors la Cour de Cassation considère qu’il entre dans les pouvoirs du Bâtonnier et sur recours, du premier Président de la Cour d’Appel, saisis d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat,

Qu’en statuant comme il a fait, au motif impropre que les époux X… auraient mis en cause la qualité, l’efficacité et l’opportunité des prestations fournies par l’avocat, quand ces derniers faisaient précisément valoir les règles relatives aux contestations d’honoraires telles que résultant des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 174 du décret du 27 novembre 1991 et que, dans le cadre de cette contestation, le juge devait distinguer les diligences utiles de celles qui étaient manifestement inutiles, ce dont il s’est abstenu, le premier président de la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier légalement sa décision au regard des dispositions susvisées.

Ainsi, cette décision est salutaire puisqu’elle rappelle que les factures de l’avocat doivent préciser les diligences effectuées de telle sorte qu’en cas de défaillance sur ce point, le client peut solliciter la réduction des honoraires devant le Bâtonnier et à défaut devant le 1er Président e la Cour.

La Cour de Cassation vient rappeler, par cet arrêt, qu’il appartient à l’homme de Loi, même si son client paye des honoraires librement déterminés, de justifier et préciser les diligences effectuées même si celles-ci sont accompagnées d’une lettre de l’avocat et de la copie des actes effectués.