Comment éviter une saisie immobilière ?

Laurent LATAPIE reflet avocat 2025
Laurent LATAPIE reflet avocat 2025
Laurent LATAPIE reflet avocat 2025

Comment éviter une saisie immobilière avec son avocat en droit immobilier

Article :

La saisie immobilière est une procédure légale par laquelle un créancier peut obtenir le remboursement de ses créances en vendant le bien immobilier d’un débiteur. 

C’est une situation stressante pour le propriétaire qui risque de perdre son logement. Heureusement, des solutions existent pour que les propriètaires évitent cette issue. 

Avec l’aide d’un cabinet d’avocats spécialisé en droit immobilier, il est possible de mettre en place des stratégies efficaces. 

Cet article explore comment éviter la saisie immobilière grâce à des démarches amiables et judiciaires.

Éviter la saisie immobilière grâce à son cabinet d’avocats

Comprendre la saisie immobilière

La saisie immobilière est initiée par un commandement de payer délivré par un huissier de justice, suivie de la procédure d’exécution forcée. 

Le créancier, souvent une banque, souhaite récupérer les sommes dues par la vente du bien immobilier (maison, appartement, immeuble, etc.) aux enchères. 

Une fois le commandement de payer émis, les débiteurs ont un délai de deux mois pour s’acquitter des dettes auprès de la banque ou du commissaire de justice. 

Si ce délai n’est pas respecté, la procédure de vente immobilière est lancée pour la personne qui doit s’acquitter de sa créance.

Rôle de l’avocat en droit immobilier et Code civil

Le rôle du cabinet d’avocats en droit immobilier et Code civil est crucial au terme de ces situations. 

Il conseille et représente les débiteurs devant les juges et lors des audiences. Il peut aussi négocier avec le créancier pour trouver des alternatives à la saisie.

Voici comment un cabinet d’avocats en droit immobilier comme Maître Latapie peut aider à mettre en place chaque étape de la procédure :

  1. Évaluation de la situation : L’avocat Me Latapie commence par une analyse approfondie de la situation financière du débiteur. Cela inclut une évaluation des dettes, des revenus et des perspectives au niveau des remboursements de la somme due.
  2. Négociation avec le créancier : L’avocat Me Latapie contacte le créancier pour discuter de possibilités pour la mise en place des paiements échelonnés ou de réduction de la créance. Un accord amiable peut souvent être trouvé !
  3. Recours judiciaires : Si les négociations échouent, l’avocat Me Latapie peut demander des délais supplémentaires au juge. Le droit français permet au magistrat d’accorder des délais de paiement pouvant aller jusqu’à deux ans.
  4. Rachat de crédit : L’avocat Me Latapie peut aider à organiser un rachat de crédit, regroupant toutes les dettes en un seul prêt avec des mensualités réduites.

Alternatives à la saisie immobilière

Plusieurs options peuvent être envisagées pour que les débiteurs évitent la saisie immobilière :

  1. Négociation amiable : La première étape consiste souvent à tenter des négociations amiables avec le créancier. Cela peut inclure une demande de délai au niveau des paiements, une restructuration de la dette, ou une réduction du montant total dû.
  2. Plan de remboursement : Les débiteurs peuvent proposer un plan de remboursement détaillé, montrant la capacité à rembourser la somme de la créance sur une période prolongée.
  3. Réméré : La vente à réméré est une option où le propriétaire vend son bien avec la possibilité de le racheter plus tard. Cette solution permet de récupérer des liquidités tout en gardant la possibilité de retrouver son logement.
  4. Procédure de surendettement : Si les débiteurs sont dans une situation de surendettement, ils peuvent saisir la Commission de surendettement. Cette commission peut proposer un plan de redressement, suspendre les procédures d’exécution, et même effacer une partie des dettes.
  5. Prêts de consolidation : Des prêts de consolidation ou rachat de crédit permet de regrouper plusieurs dettes en une seule, avec des mensualités réduites et une durée des remboursements plus longue.

Étapes de la procédure judiciaire

Lorsque la négociation amiable échoue, la procédure judiciaire suit plusieurs étapes :

  1. Commandement de payer : Le créancier fait délivrer un commandement de payer par un huissier de justice. Ce document donne aux débiteurs un délai de deux mois pour régler la dette.
  2. Assignation : Si la dette n’est pas payée, le créancier assigne le ou les débiteurs devant le juge de l’exécution. Le cabinet d’avocats peut alors intervenir pour défendre les intérêts des débiteurs.
  3. Audience : Lors de l’audience, le juge examine les arguments des deux parties. Le cabinet d’avocats des débiteurs peut demander des délais supplémentaires ou contester la validité de la créance.
  4. Ordonnance de vente : Si le juge ordonne la vente du bien, une date d’audience est fixée pour déterminer les conditions de la vente aux enchères.
  5. Vente aux enchères : Si aucune solution n’est trouvée avant cette date, le bien est vendu aux enchères. Le produit de la vente est utilisé pour rembourser les créanciers.

Le Rôle du juge et des audiences

Le juge a un rôle central dans la procédure de saisie immobilière. 

Il peut accorder des délais de paiement, suspendre la procédure, ou valider la vente du bien. 

Les audiences devant le juge permettent au débiteur et à son avocat de présenter leurs arguments et de chercher des solutions pour éviter la vente forcée.

Attention en droit de la saisie immobilière, la représentation est obligatoire. 

Les créanciers et leurs droits

Les créanciers ont des droits légaux pour récupérer les sommes qui leur sont dues, mais ils doivent suivre des procédures strictes. 

Ils peuvent accepter des négociations amiables pour éviter des procédures longues et coûteuses. L’avocat du débiteur peut exploiter cette préférence pour trouver des solutions avantageuses.

La vente à réméré

La vente à réméré est une solution où le propriétaire vend son bien tout en conservant la possibilité de le racheter plus tard. 

Cela permet de récupérer des liquidités immédiatement tout en gardant une option de rachat. 

Cette solution nécessite une bonne évaluation de la valeur de la maison et des conditions de rachat.

Cette solution, parfois proposée par des courtiers, reste dangereuse à mettre en place.

Pour résumer sur comment éviter la saisie immobilière de sa maison ou de son appartement :

C’est possible avec une bonne stratégie et l’aide d’un cabinet d’avocats compétent en audience d’orientation et saisie immobilière. 

Que ce soit par des négociations amiables, des recours judiciaires, ou des alternatives comme la vente à réméré, il est crucial de réagir rapidement et de manière proactive. 

Les situations financières des débiteurs peuvent être redressées avec des démarches appropriées, évitant ainsi la perte de son logement et permettant de retrouver une certaine sérénité à la personne concernée par sa créance.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Saisie pénale immobilière et tiers propriétaire d’un bien confisqué

laurent latapie avocat divorce et séparation
laurent latapie avocat divorce et séparation
laurent latapie avocat divorce et séparation

En droit de la saisie pénale, qu’il s’agisse de la confiscation d’un bien immobilier ou d’un véhicule, la question de la propriété du bien par une personne morale distincte de la personne physique, est abordée par la Cour de cassation dans 3 décisions. Entre la qualité de propriétaire économique réel des biens confisqués et la notion de bonne foi du tiers propriétaire, qu’en est-il ? 

Article :

Il convient de s’intéresser aux dernières jurisprudences qui ont été rendues par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ce 04 septembre 2024 à travers trois arrêts distincts : 

  • N°23-85.217,
  • N°23-81.981
  • N°23-81.110

Qui reviennent sur l’évolution de la jurisprudence concernant les droits des tiers propriétaires lorsque le bien est confisqué.

Qu’en est-il du tiers propriétaire lorsque son bien est confisqué ? 

Ces jurisprudences sont intéressantes puisqu’elles viennent, dans un premier temps, rappeler que le tiers dont le titre est connu ou qui vient réclamer cette qualité en cours de la procédure qui prétend avoir des droits sur un bien dont la confiscation a été ordonnée sans qu’il n’ait été partie à la procédure est recevable à soulever un incident contentieux de l’exécution devant la juridiction qui a prononcé la peine afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée de la décision de confiscation.

Cette problématique avait déjà été abordée par plusieurs jurisprudences précédentes, notamment, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2021, N°21-80.487.

Quels sont les faits ?

Dans ces trois jurisprudences distinctes, les faits sont un peu différents bien que découle une même mécanique finalement.

Dans la première jurisprudence, et par ordonnance du 14 janvier 2021 rendue suivant la procédure de comparution sur la reconnaissance préalable de culpabilité confirmée en appel, le Juge délégué avait homologué notamment une peine de confiscation d’un véhicule JEEP proposé en répression des délits de conduite malgré la suspension et de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique en récidive commis par Monsieur M, gérant de la société E.

Dans la deuxième procédure, et à l’issue d’une information judiciaire portant sur des escroqueries à la TVA sur les droits carbone, Monsieur D avait été envoyé devant le Tribunal correctionnel des chefs de blanchiment en bande organisée, d’escroquerie en bande organisée et recel d’escroquerie en bande organisée.

Ainsi, par arrêt du 06 mars 2020, la Cour d’appel avait confirmé le jugement du Tribunal correctionnel ayant déclaré Monsieur D coupable de blanchiment en bande organisée et escroquerie en bande organisée, l’ayant condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, 1 000 000.00 € d’amendes et une interdiction définitive de gérer, elle avait également confirmé la peine de confiscation de deux immeubles situés à Marseille appartenant à une société I, précisant que la confiscation interviendrait en valeur à hauteur de la somme de 11 000 000.00 €, ce qui était le produit de l’infraction reprochée au prévenu.

Dans la troisième procédure, le Tribunal correctionnel avait condamné Monsieur F du chef du refus d’obtempérer aggravé à trois mois d’emprisonnement avec sursis et la suspension de son permis de conduire, avait ordonné la confiscation d’un véhicule Audi RS3 appartenant à la société qu’il conduisait au moment des faits.

Confiscation d’un bien immobilier ou d’un véhicule, mêmes enjeux ? 

Or, qu’il s’agisse de confiscation pénale d’un bien immobilier ou encore de véhicule terrestre à moteur, il n’en demeurait pas moins que la question se posait de savoir si le tiers propriétaire, notamment les sociétés appartenant aux dirigeants, avait vocation à contester cette saisie pénale qui avait été réalisée alors même que ces derniers n’avaient finalement pas été invités à se positionner sur cette saisie pénale et cette confiscation devant les juridictions pénales.

Or, à chaque fois, la société en question propriétaire, tantôt du véhicule, tantôt des biens immobiliers, envisageait une procédure en relèvement afin d’obtenir la main levée de la mesure de confiscation à ordonner.

Le contentieux ayant été porté dans ces trois affaires jusqu’à hauteur de Cour de cassation afin de déterminer dans quelles conditions le tiers pouvait être recevable à demander une main levée de la mesure de confiscation et dans quelles conditions celui-ci pouvait être considéré comme étant de bonne ou de mauvaise foi.

Comment comprendre la notion de bonne foi pour le tiers propriétaire ? 

La Cour de cassation apporte des réponses importantes.

Elle juge que le tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, qui prétend avoir des droits sur un bien dont la confiscation a été ordonnée, sans qu’il n’ait été partie à la procédure est recevable à soulever un incident contentieux de l’exécution de cette peine devant la juridiction qu’il a prononcé afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que ne puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée et de la décision de confiscation, prouvant qu’il avait déjà été confirmé par la jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle du 04 novembre 2021, N°21-80.487.

De telle sorte que le tiers est admis dans le cadre de ce recours à critiquer la libre disposition du bien par le condamné et à faire valoir sa bonne foi.

L’appréciation de la bonne foi de la personne morale propriétaire du bien confisqué

Dès lors, immanquablement, à partir du moment où le tiers propriétaire est recevable à faire une procédure, la question va se porter sur l’appréciation de la bonne foi de la personne morale propriétaire du bien confisqué lorsque, comme en l’espèce de ces trois jurisprudences, il a servi à commettre l’infraction en question.

La Cour de cassation considère que pour répondre à l’appréciation de la bonne foi il convient de déterminer au préalable dans quelles conditions il peut être retenu que le condamné a la libre disposition du bien dont les Juges ordonnent la confiscation.

Selon l’article 131-21 du Code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit sur les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement sur une durée supérieure à un an et peut porter sur tous biens meubles ou immeubles appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition, qu’elle qu’en soit la nature meuble, immeuble, divis ou indivis.

La Loi du 05 mars 2007 venant quant à elle instituer la possibilité de confisquer au condamné un bien dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi lorsque ledit bien a servi à commettre l’infraction ou était destiné à la commettre.

La notion de libre usage du bien de la personne morale par la personne physique

Jusqu’alors et sur la base de jurisprudences anciennes, la Cour de cassation retenait sur ce fondement que la libre disposition s’entendait du libre usage du bien, la bonne foi de son propriétaire résidant dans l’ignorance par ce dernier des faits commis par ce dernier.

Or, la possibilité de confisquer au condamné un bien dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi a été étendue par le législateur, notamment par la Loi du 27 mars 2012 au confiscation du patrimoine prévu aux articles 5 et 6 de l’article précité, puis, par une deuxième Loi du 06 décembre 2013 à la confiscation en valeur.

Il ressort notamment des travaux parlementaires ayant précédés l’adoption de la Loi du 27 mars 2012 que cette extension poursuivait l’objectif de lutter contre les recours à des montages des structures sociales, pratiques permettant au condamné de ne pas paraitre comme juridiquement propriétaire des biens dont il a la disposition et dont il est le propriétaire économique réel, interprétant la lumière de ces travaux et les dispositions en questions, la Cour de cassation a mis en œuvre la notion de libre disposition comme propriété économique réelle du condamné sur un bien sous la fausse apparence de la propriété juridique d’un tiers, raisonnement qu’elle a confirmé à travers notamment deux jurisprudences : 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2020, N°19-86.979, 
  • Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2024, N°22-87.468.

Par la suite, à travers un arrêt rendu le 28 juin 2023, la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette évolution sur la notion de bonne foi en approuvant la Cour d’appel qui, après avoir énoncé les motifs propres à établir que les biens dont elle envisageait la confiscation sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal étaient à la libre disposition du prévenu pour établir que les tiers propriétaires desdits biens n’étaient pas de bonne foi, retient que ces derniers savaient que le prévenu était le propriétaire économique réel des biens confisqués.

La propriété économique réelle du bien confisqué et le tiers de bonne foi

La Cour de cassation revient donc sur cette approche de manière un peu plus souple en infléchissant donc sa jurisprudence, en retenant que le Juge qui envisage de confisquer un bien sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal doit établir que le condamné en a la propriété économique réelle et que le tiers n’est pas de bonne foi, ce qui est établi dès lors qu’il sait ne disposer que d’une propriété juridique apparente.

La Cour de cassation considère que cette nouvelle position est conforme aux dispositions de l’article 6 de la directive Européenne 2014/42/UE du Parlement et du conseil du 03 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union Européenne qui prescrit aux États membres de permettre la confiscation de produits ou de biens dont la valeur correspond à celle des produits qui ont été transférés directement ou indirectement à des tiers par un suspect ou une personne poursuivie ou qui ont été acquis par des tiers auprès d’un suspect ou d’une personne poursuivie, au moins, dans les cas où les tiers savaient ou auraient dû savoir que la finalité du transfert de l’accusation était d’éviter la confiscation.

D’autre part, cette évolution permet de mettre fin à la coexistence au sein même de l’article 131-21 du Code pénal de deux conceptions différentes, de la libre disposition et de la bonne foi selon le fondement ou les modalités de la confiscation dans la mesure où le législateur n’a, quant à lui, pas entendu introduire de distinction.

La confiscation du bien au détriment du tiers propriétaire économique réel

Enfin, pour la Haute juridiction, le tiers propriétaire économique réel d’un bien qu’il a mis à la disposition du condamné en connaissance de son utilisation aux fins de commission et d’infraction est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée et la confiscation dudit bien prononcée dans son patrimoine au titre de la complicité.

En l’espèce, ainsi pour rejeter une requête en difficulté d’exécution ou en mainlevée d’exécution, il appartient au Juge du fond, non pas de s’arrêter au simple fait que la société en question ne contestait pas que son dirigeant avait la libre disposition des actifs en question ou du véhicule en question lorsqu’il en faisait un usage personnel lors de son interpellation mais, pour autant, la Cour de cassation revient sur la problématique des véhicules en précisant que si les Juges retiennent que Monsieur F est non seulement gérant de la société bénéficiaire de la location mais également cogérant comme son frère, Monsieur V, de la société qu’il peut donc engager sans restriction, les Juges du fond en ont conclu que la société 1 avait nécessairement connaissance des faits de refus d’obtempérer par un de ses gérants et qu’elle ne peut donc être regardée comme de bonne foi.

Pour autant, la Cour de cassation considère que, en statuant ainsi, la Cour d’appel a méconnu le texte susvisé en omettant notamment de rechercher si Monsieur F était le propriétaire économique réel du véhicule confisqué, seule circonstance de nature à caractériser la libre disposition au sens de l’article 131-21 du Code pénal et qu’il ne peut résulter du seul fait que le condamné use librement d’un véhicule loué par la société qu’il dirige.

La Cour de cassation précisant encore qu’il appartenait aux Juges du fond de rechercher si la société 1 avait connaissance de ce que Monsieur F était le propriétaire économique réel du véhicule afin de déterminer si oui ou non la société était de bonne ou de mauvaise foi.

La détermination du propriétaire économique réel du bien et sa bonne foi

Cette approche transpire tout encore dans la deuxième jurisprudence concernant le deuxième véhicule puisque la Cour de cassation précise que pour rejeter la requête en restitution du véhicule saisi la Cour d’appel, après avoir précisé que ce véhicule avait servi à commettre les infractions reprochées, relevait que Monsieur E avait été interpellé à trois autres reprises au volant du véhicule.

Ce qui permettait de démontrer qu’il avait bien la libre disposition dudit véhicule.

Les Juges du fond observant encore que la bonne foi de la société propriétaire ne peut être retenue puisque Monsieur en est le propriétaire légal et que, en s’attribuant l’usage visiblement permanent d’un véhicule de sa société, il croyait se mettre à l’abri de la peine complémentaire de confiscation dont il n’ignorait pas le risque contenu de ses nombreux antécédents en matière d’infraction routière.

L’attribution du bien à une personne morale pour échapper à une confiscation ? 

Les Juges du fond en concluant que le fait que Monsieur E n’est pas actionnaire de la société est sans incident sur l’appréciation de la bonne foi de la société puisqu’il en est bien le gérant et que, de surcroit, les deux associés propriétaires de la société sont ses deux enfants respectivement âgés de 24 et de 21 ans.

La Cour de cassation confirmant la décision des Juges du fond en considérant que les Juges s’étaient déterminés par des dénonciations dont il résultait que Monsieur E ne bénéficiait pas seulement d’un droit d’usage mais était le propriétaire économique réel du véhicule et n’en avait laissé la propriété juridique à la société qu’afin de le faire échapper à la confiscation, ce que celle-ci ne pouvait ignorer.

La propriété économique réelle du bien immobilier

Concernant le bien immobilier, la Cour de cassation rejoint les Juges du fond en ce qu’ils ont considéré à juste titre que le condamné était le propriétaire économique réel des immeubles confisqués en valeur au titre du produit de l’infraction, ce que la société 1 ne pouvait ignorer dès lors qu’elle était indirectement détenue par le condamné effectivement contrôlé par lui et que ce dernier décidait seul de la désignation des immeubles litigieux composant son patrimoine.

Dès lors, l’absence de la bonne foi de la société résultait de la seule circonstance qu’elle savait ne pas être le propriétaire économique réel des biens confisqués.

Cette jurisprudence est très intéressante puisqu’elle vient aborder la double problématique de la notion de bonne foi mais également de la qualité de propriétaire économique réel des actifs qui font l’objet de la confiscation.

De telle sorte que, si une personne physique est condamnée à une peine principale assortie d’une peine complémentaire de confiscation d’actifs appartenant à des personnes morales dont il est gérant ou associé et pour lequel lesdites personnes morales n’ont pas été appelées dans la cause, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont fondées et sont recevables à soulever un incident contentieux de l’exécution de cette peine devant la juridiction qui l’a prononcé afin de solliciter la restitution du bien lui appartenant sans que puisse lui être opposé l’autorité de la chose jugée de la décision de confiscation.

Pour autant, le tiers doit être admis dans le cadre de ce recours, outre à faire valoir sa bonne foi, à critiquer la libre disposition du bien par le condamné, celui-ci étant susceptible de restreindre l’étendue des prorogatives attachées au droit de propriété qu’il revendique.

Ainsi, le tiers de bonne foi doit alors démontrer que celle-ci est bel et bien la propriétaire économique réelle du bien confisqué et non pas le prévenu, personne physique, qui a été condamné à cet effet.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Vente de véhicule et escroquerie au vrai faux chèque de banque ?

laurent LATAPIE Avocat droit australie 2025

Analyse jurisprudentielle d’une escroquerie au vrai faux chèque de banque. Un vendeur met sur internet son annonce, un acheteur est intéressé par le véhicule, sauf que, entre les deux, une tierce personne vient s’immiscer et va créer un faux profil d’un acheteur pour le vrai vendeur et un faux profil de vendeur pour le vrai acheteur sollicitant ainsi des informations au vrai acheteur, notamment carte d’identité et chèque de banque qu’il va ensuite présenter comme le faux acheteur au vrai vendeur et va répercuter les informations. En pareille escroquerie le vendeur escroqué peut-il imaginer se retourner à la fois contre la banque qui a émis le vrai chèque de banque et à la fois contre la banque qui a encaissé le vrai faux chèque de banque ? 

Article :

Il convient de s’intéresser à une décision de justice qui a été rendue, une fois n’est pas coutume, par le Tribunal judiciaire de Draguignan ce 03 juin 2025, N°RG22/06047, et qui vient aborder la problématique des faux chèques de banque utilisés par un escroc dans le cadre d’une vente de véhicule.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Monsieur A a acquis en 2020 un véhicule d’occasion Audi A3 près d’un concessionnaire.

En 2022, ce dernier souhaitant céder ce véhicule a passé une annonce sur le site Le boncoin pour une cession au prix de 47 500.00 €.

Contacté par un acquéreur se présentant comme Monsieur O, il a cédé le véhicule au prix négocié de 45 000.00 €.

Or, préalablement à la finalisation de la cession, Monsieur A a transmis à son interlocuteur la copie de la carte grise du véhicule et a exigé en retour la copie du chèque de banque pour sécuriser le paiement du prix.

Suite à la réception de la copie du chèque de banque tiré sur la BPA sous le numéro 928297 établi à hauteur de 44 000.00 €, la cession du véhicule s’est effectuée en date du 08 janvier 2022 à Fréjus contre remise en mains propres à Monsieur A dudit chèque outre 1 000.00 € versés en espèces.

Le même jour, le certificat de cession de la vente a été enregistré sur le site de l’ANTS par Monsieur A.

Puis, le 10 janvier 2022, Monsieur A a déposé le chèque de banque auprès de son établissement bancaire.

Le 11 janvier 2022, la somme de 44 000.00 € a ainsi été créditée sur son compte par la banque.

L’escroquerie au vrai faux chèque de banque

Pour bien comprendre l’escroquerie en question, il convient de s’intéresser aussi au cas de l’acheteur potentiel, Monsieur O.

En effet, ce dernier, le 18 janvier 2022, avait effectivement fait établir un chèque de banque pour un montant de 44 000.00 € en vue de l’acquisition de ce fameux véhicule Audi dont la description correspondait à l’annonce établie par Monsieur A.

Se déclarant sans nouvelle de son vendeur qui ne s’était pas présenté au rendez-vous, Monsieur O a restitué ledit chèque de banque à son établissement bancaire, la BPA.

Par suite, le 21 janvier 2022, la somme de 44 000.00 € a été contrepassée du compte de Monsieur A par son établissement bancaire, le CIC, au motif que le chèque déposé était un faux.

C’est dans ces circonstances que le 22 janvier 2022 Monsieur A déposait plainte pour vol de son véhicule Audi suite à la remise d’un chèque falsifié lors de la vente et, le même jour, Monsieur O déposait plainte pour faux en écriture dont il se déclarait victime au motif que la cession du véhicule et le chèque avaient été réalisés en utilisant frauduleusement son identité.

Plainte déposée pour vol de véhicule

Ainsi, la mécanique est bien rodée dans le cadre de ce genre d’escroquerie très spécifique, un vendeur met sur internet son annonce, un acheteur est intéressé par le véhicule, sauf que, entre les deux, une tierce personne vient s’immiscer et va créer un faux profil d’un acheteur pour le vrai vendeur et un faux profil de vendeur pour le vrai acheteur sollicitant ainsi des informations au vrai acheteur, notamment carte d’identité et chèque de banque qu’il va ensuite présenter comme le faux acheteur au vrai vendeur et va répercuter les informations.

Le chèque de banque étant émis par le vrai acheteur, l’intermédiaire escroc ne fait que le répercuter au vrai vendeur, qui va vérifier les informations bancaires et qui ne pourra que constater que ces informations sont vraies puisque le vrai acheteur veut vraiment acheter mais là où le bât blesse c’est que lorsque le rendez-vous de vente a lieu, c’est le faux acheteur qui se présente avec un vrai/faux chèque de banque qui va amener à laisser penser au vrai vendeur que celui-ci est bien en présence du vrai acheteur.

La remise du véhicule contre un vrai faux chèque de banque 

De telle sorte que le vrai vendeur remet le véhicule contre remise du chèque qu’il a fait certifier par avant en croyant qu’il avait affaire au vrai acheteur alors qu’il ne s’agissait que d’un faux acheteur et, de l’autre côté, le vrai acheteur se retrouve seul devant un rendez-vous où le faux vendeur n’est jamais venu car sa seule préoccupation était de récupérer des informations confidentielles lui permettant d’escroquer le vrai vendeur.

Sollicité à cette fin, l’assureur du véhicule de Monsieur A, le vendeur, a opposé un refus de prise en charge de sinistre au motif qu’il n’y avait pas eu de soustraction frauduleuse mais une appropriation frauduleuse du véhicule, risque non garanti par le contrat.

Appropriation frauduleuse ne vaut pas soustraction frauduleuse de véhicule

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier en date du 08 septembre 2022, Monsieur A a fait assigner le CIC, la BPA et Monsieur O, sollicitant leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 44 000.00 € à titre de dommages et intérêts, outre 5 000.00 € à titre d’article 700 du Code de procédure civile.

La question se posait de savoir si la banque CIC engageait sa responsabilité contractuelle.

Quelle responsabilité contre l’établissement bancaire ? 

Rappelons par soucis de clarté qu’il s’agit de la banque qui a encaissé le chèque, soit, celle de Monsieur A.

Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 1231-1 du Code civil que le débiteur d’une obligation contractuelle qui, du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier s’oblige à réparer.

Il revient au créancier qui réclame l’exécution de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage résultant.

Or, en l’espèce, Monsieur A reproche à la banque CIC, détenant son compte bancaire, d’avoir manqué à son obligation de vigilance en ne procédant pas aux vérifications utiles pour s’assurer de l’authenticité du chèque de banque.

Quelle anomalie apparente pour un vrai faux chèque de banque ? 

La banque est en effet tenue de relever les anomalies apparentes d’un chèque qui lui est présenté et elle doit assumer les conséquences des risques qu’elle prend en s’en abstenant.

Il résulte des éléments de l’espèce, comme le souligne très justement la juridiction de fond, que Monsieur A a remis à son établissement bancaire un chèque de banque de 44 000.00 € tiré sur la BPA établi le 06 janvier 2022, chèque qui lui avait été remis au paiement du prix de vente de son véhicule.

Il ressort des relevés bancaires de Monsieur A que le montant du chèque a été crédité par sa banque sur son compte dès le 12 janvier 2022, puis, contrepassé en date du 21 janvier 2022 au motif que le chèque était faux.

Comment reconnaitre un vrai faux chèque de banque ? 

Le constat du commissaire de justice établi en date du 30 novembre 2023 relève que le chèque falsifié de banque remis à son analyse présente au toucher un faible grammage et une mauvaise qualité.

L’impression du chèque est grossière et la qualité du papier qualifiée d’inférieur à la qualité du papier d’un chèque de banque.

L’officier ministériel relève également, après comparaison du chèque contrefait et du chèque original, effectuée le 06 février 2024, de nombreuses différences entre les deux chèques et l’absence de tampon humide outre la présence de deux signatures différentes sur le chèque contrefait et le décollement du papier.

Si, comme le souligne la banque CIC, la jurisprudence considère que seules les anomalies apparentes sont susceptibles d’engager la responsabilité d’un banquier qui ne les aurait pas décelé, les caractéristiques du chèque de banque tel que relevées par le commissaire de justice ne s’analysent pas en de simples différences mais bien en des anomalies matérielles multiples qui ne pouvaient échapper à la vigilance d’un employé d’établissement bancaire, celui-ci doit en effet être réputé spécifiquement formé à la détection des faux dès lors qu’il est habilité à recevoir les chèques de banque.

Les caractéristiques décelables d’un vrai faux chèque de banque

Il ressort également de l’examen attentif de l’original du chèque de banque contrefait remis sur l’audience qui figure au dossier de la société BPA que la mauvaise qualité du papier du chèque de la banque contrefait apparait immédiatement au toucher, ce qui aurait dû alerter l’établissement bancaire.

Cette anomalie, aisément détectable par un professionnel, aurait dû conduire la banque à une appréciation plus rigoureuse des nombreuses autres caractéristiques et anomalies relevées par le commissaire de justice sur le chèque contrefait comme notamment l’absence de tampon humide, la présence de deux signatures, la mauvaise qualité de l’impression, la mention de chèque de banque absente alors que ces nombreuses caractéristiques sont pointées par les recommandations de la banque de France.

L’obligation de vérification de la banque qui encaisse le vrai faux chèque de banque

Si la banque CIC soutient qu’elle a été vigilante en s’assurant auprès de la BPA de la réalité de l’émission de ce chèque de banque, notamment en l’interrogeant sur la présence de deux signatures, il convient de souligner que l’attestation qu’elle verse aux débats n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité, outre le fait que cette attestation n’émane pas de l’employé qui a effectué leur vérification auprès de la banque BPA, force est de constater que sa force probante est relative puisqu’elle fait état d’une vérification effectuée le 24 janvier 2022, soit, postérieurement à l’encaissement du chèque de banque. 

En revanche, il ne résulte pas des éléments de l’espèce contrairement à ce que soutient Monsieur A que la banque aurait failli à son obligation de conseil alors même que, dès le 14 janvier 2022, elle l’a informé du délai à respecter sur la disponibilité effective des fonds et a porté à sa connaissance le 21 janvier 2022 l’avis de rejet du même jour par la banque émettrice du chèque de banque, soit, avant l’expiration du délai de bon encaissement. 

S’agissant du comportement de Monsieur A, s’il n’est effectivement pas établi par les éléments du dossier que celui-ci a procédé à la vérification de l’identité de l’acquéreur qui s’est présenté comme étant Monsieur O, sa négligence n’est pas de nature à exonérer la banque de sa responsabilité vis-à-vis de ses obligations particulières de vérifications de l’authenticité des instruments de paiement qui lui sont présentés. 

La vérification de l’authenticité des instruments de paiements

En effet, Monsieur A, particulier non averti, a pu légitimement croire à l’identité de l’acquéreur qui l’a contacté via le réseau WhatsApp et a répondu à son annonce Le boncoin en se présentant sous l’identité de Monsieur O et en fournissant une copie du chèque au même nom.

De même, s’il ne peut être valablement soutenu que Monsieur A, particulier non averti, qui s’est vu remettre un chèque accompagné d’une somme de 1 000.00 € en espèces au moment de la transaction pouvait se convaincre de la contrefaçon du chèque tandis que celle-ci a échappé à la vigilance de l’établissement bancaire lui-même.

L’obligation de vigilance de la banque qui encaisse un vrai faux chèque de banque

Ainsi, la banque CIC, qui a encaissé le chèque, a donc manqué à son obligation de vigilance en procédant à l’encaissement du chèque sans avoir procédé aux vérifications préalables de son authenticité lors de sa remise et en procédant à son encaissement sur le compte de son client.

Le lien de causalité entre la faute reprochée à la banque et le préjudice revendiqué par Monsieur A est établi dès lors qu’en ne procédant pas aux vérifications de l’authenticité du chèque qui s’imposaient au vu de ses anomalies apparentes, Monsieur A n’a pas été alerté immédiatement de l’escroquerie dont il était victime et a déposé plainte avec retard, ce qui a diminué ses chances de récupérer son véhicule, le véhicule n’a jamais été retrouvé.

De telle sorte que la responsabilité contractuelle de la banque CIC sera retenue.

Quid de la responsabilité de la banque qui a émis le vrai chèque de banque ?

Concernant la responsabilité délictuelle de la banque BPA qui a émis le chèque, 

Il résulte des dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

Ainsi, en matière banquière et financière, les produits et services fournis par la banque doivent présenter dans des conditions normales l’utilisation des conditions raisonnablement prévisibles, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

En l’espèce, dans cette affaire, Monsieur A reproche à la société BPA, émettrice du vrai chèque de banque, de ne pas avoir assuré la sécurisation et l’inviolabilité de l’instrument de paiement mis à la disposition de son client.

La banque émettrice du vrai chèque de banque doit-elle assurer la sécurisation et l’inviolabilité de l’instrument de paiement ?

Il ressort ainsi du constat d’huissier établi à la requête de Monsieur A que le chèque émis par la banque BPA présentait plusieurs caractéristiques de nature à assurer son inviolabilité et notamment présenter une clef de sécurité imprimée, un filigrane imprimé dans la masse, une impression de sécurité document original à l’encre nacrée au verso du chèque difficile à reproduire.

Il ressort de l’examen de l’original du chèque émis par la banque la présence au verso de plusieurs caractéristiques de sécurité détaillant les éléments permettant de déceler une tentative de fraude et notamment l’impression « chèque de banque » lisible par transparence ainsi que la mention « document original » à l’encre nacrée et l’alerte sur l’existence d’indicateur chimique intégré au papier en cas de falsification avec des encres courantes ainsi que le relève à juste titre la banque émettrice du chèque, le chèque qu’elle a émis n’a pas été ni falsifié ni altéré, l’escroc ayant établit un autre chèque comportant des mentions et une apparence différentes en se servant uniquement des données figurant sur la copie recto du chèque que Monsieur O, le vrai acheteur, a transmis par WhatsApp en vue de la finalisation de la vente du véhicule au faux vendeur.

Ainsi, la banque émettrice du chèque n’est pas à l’origine de la transmission de cette copie du chèque.

Ainsi et alors que le chèque qu’elle a émis était conforme aux normes de sécurité en vigueur, la banque émettrice du chèque ne peut être tenue responsable de la confection d’un faux chèque à partir de données qui figuraient sur la copie d’un chèque transmis par son client à son vendeur.

Par ailleurs, si Monsieur A soutient qu’il a été vigilant et s’assurant auprès de l’établissement bancaire de l’émission de ce chèque de banque lors de la transaction, il convient de souligner qu’il n’en rapporte pas la preuve.

En toute hypothèse, un chèque de banque ayant bien été émis par cette banque, il ne s’agit pas d’un élément portant à conséquence pour démontrer la vigilance de Monsieur A ni à l’inverse pour incriminer l’établissement bancaire.

S’agissant de l’attestation du directeur de la banque CIC, banque qui a encaissé le chèque, relatant qu’un agent de la banque émettrice du chèque aurait confirmé l’émission d’un chèque comportant deux signatures, outre le fait que cette attestation n’est pas établie par l’employé qui a effectué la vérification auprès de ladite banque, elle fait état d’une vérification téléphonique effectuée le 14 janvier 2022 sans lister les nombreuses anomalies de ce chèque qui auraient pu alerter la banque émettrice d’un risque de contrefaçon.

Il résulte par ailleurs des éléments de l’espèce que Monsieur O a restitué le chèque de banque que celle-ci avait émis, elle a procédé à son annulation, de sorte que l’établissement bancaire de Monsieur A en a été informé le 21 janvier 2022, soit, avant l’expiration du délai de bon encaissement fixé au 27 janvier 2022.

De telle sorte que, pour la juridiction de fond, aucune faute de la banque émettrice du chèque n’est établie dans cette affaire.

La responsabilité de l’acheteur manipulé face à un vrai faux chèque de banque

La question se posait également de savoir si oui ou non le vrai acheteur aurait commis une faute.

Il résulte de l’article 1231-1 du Code civil que le débiteur d’une obligation contractuelle qui, du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer.

Il revient au créancier qui réclame l’exécution de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.

L’attitude de l’acheteur évincé lors de l’escroquerie au vrai faux chèque de banque

En l’espèce, Monsieur A reproche à Monsieur O d’avoir tardé à restituer le chèque de banque original auprès de son établissement bancaire, ce qui a retardé la découverte de l’escroquerie et le dépôt de plainte subséquent.

Il ressort pour autant des éléments de l’espèce que, alors que la vente est intervenue le 08 janvier 2022 entre Monsieur A et le tiers qui s’est présenté sous l’identité de Monsieur O, Monsieur O a, quant à lui, restitué le chèque de banque original à son établissement bancaire le 18 janvier 2022, soit, dans un délai de dix jours.

Lors de son dépôt de plainte, Monsieur O explique que le vendeur lui a fait faux bond, qu’il a tenté de le rappeler le lendemain et il a restitué le chèque à sa banque quelques jours plus tard en raison de circonstances personnelles, tenant notamment à son état de santé.

Aucun délai n’est prévu pour la restitution d’un chèque de banque et, en l’espèce, aucune faute n’est caractérisée de la part de Monsieur O, la durée de dix jours constituant malgré tout un délai raisonnable et, contrairement à ce qui avait été soutenu par Monsieur A, le vendeur, aucun élément de l’espèce ne permet d’établir que Monsieur O aurait eu connaissance de l’escroquerie et y aurait participé de près ou de loin.

En conséquence, la responsabilité délictuelle de Monsieur O, le vrai acheteur, a été écartée.

Sur le préjudice du vrai vendeur escroqué

Monsieur A réclame à titre principal l’indemnisation du préjudice subit du non-encaissement de la somme de 44 000.00 € correspondant au montant du chèque.

Or, si la responsabilité contractuelle de la banque qui a encaissé le chèque a été retenue pour manquement à son obligation de vigilance lors de l’encaissement du faux chèque de banque, il ne saurait lui être imputé cette réparation intégrale qui relève de la seule responsabilité de l’auteur de l’escroquerie dont Monsieur A a été victime.

En l’espèce, le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi par Monsieur A s’analyse en réalité à une perte de chance, le manque de vigilance de la banque ayant diminué les chances de récupérer le véhicule en raison du délai de réaction de la banque qui a différé la date du dépôt de la plainte.

Monsieur A produit des statistiques ARGOS établies en 2023 mentionnant que 38,9 % des véhicules volés ont été retrouvés en 2022.

Cette étude indique que si un tiers des véhicules volés sont retrouvés dans la première semaine après le vol, ce taux s’élève à deux tiers dans le premier mois après le vol.

Il est établi par les pièces versées aux débats que le véhicule de Monsieur A a été verbalisé à Paris pour non-paiement d’un horodateur le 11 janvier 2022.

Il sera rappelé qu’il avait vendu le véhicule le 08 janvier 2022 et n’a été informé de l’escroquerie par sa banque que le 21 janvier 2022.

La quantification du préjudice en cas d’appropriation frauduleuse d’un véhicule

Si la notion de temps est déterminante dans la découverte des véhicules volés, il est manifeste que le fait pour Monsieur A de déposer plainte quatorze jours après la transaction a réduit ses chances de voir son véhicule retrouvé ainsi, bien qu’il ne soit pas certain qu’il aurait récupéré son véhicule s’il avait déposé plainte rapidement, l’éventualité de le retrouver existait d’autant plus en l’espèce que ce véhicule a fait l’objet d’une contravention à Paris le 11 janvier 2022.

Par suite, il y a lieu d’évaluer la perte de chance de Monsieur A de récupérer le véhicule à 35 % et, par même conséquence, de fixer le préjudice en découlant à hauteur de 35 % du montant du chèque correspondant à la partie de la valeur du véhicule non réglée au moment de la vente, soit, la somme de 15 400.00 €, la banque étant ainsi condamnée à réparer le préjudice à hauteur de ce montant.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du dirigeant au jour de la liquidation judiciaire

Laurent LATAPIE reflet avocat 2025

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur entend remettre en question l’insaisissabilité de l’immeuble de la résidence du dirigeant sous réserves que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire celui-ci était bien au sein de sa résidence principale. Comment le dirigeant doit s’organiser pour rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale ? 

Article : 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 19 juin 2025, N°RG 24/11624, et qui vient aborder la question spécifique de la présence du dirigeant dans sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Quels sont les faits ?

Monsieur E exerçant l’activité d’artisan maçon a été propriétaire d’un bien immobilier situé sur la commune de Fréjus dont il avait fait l’acquisition suivant acte notarié en date du 08 décembre 2011.

Il s’agissait d’un terrain nu sur lequel a été bâtie postérieurement une maison d’habitation avec piscine.

Par jugement en date du 09 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Fréjus avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Monsieur E, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 04 novembre 2019.

La vente aux enchères publiques de la résidence principale du dirigeant

Le mandataire liquidateur, Maître P, a saisi le Juge commissaire aux fins de se faire autoriser à vendre par adjudication judiciaire la résidence principale du dirigeant, Monsieur E, et, par ordonnance en date du 23 septembre 2024, le Juge commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à procéder à la vente par adjudication judiciaire des droits et biens de la résidence principale appartenant à Monsieur E avec une mise à prix de 220 000.00 € avec faculté de baisse du quart, puis, du tiers en cas de carence d’enchères.

C’est dans ces circonstances que Monsieur E a interjeté appel de cette décision.

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du dirigeant

Il convient de rappeler que l’article L 626-1 alinéa 1 du Code du commerce précise que toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante soumise à une procédure collective peut opposer au liquidateur l’insaisissabilité de droit qu’elle détient sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale.

Pour autant, le mandataire liquidateur avait cru bon évoquer différentes jurisprudences au motif pris de ce que ces jurisprudences viendraient consacrer l’idée suivant laquelle il incombe au débiteur de rapporter la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure des biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale.

A qui pèse la charge de la preuve pour caractériser la résidence principale ?

Dans cette affaire, le principal élément apporté par le mandataire liquidateur était l’avis de situation au SIREN qui indique que Monsieur E avait créé une nouvelle activité qu’il avait domicilié à Cannes et ce, au jour de l’ouverture de la procédure collective.

Ce qui est certain est qu’effectivement la jurisprudence rappelle bien que  lorsque le mandataire liquidateur entend remettre en question l’insaisissabilité de l’immeuble de la résidence du dirigeant sous réserves que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire celui-ci était bien au sein de sa résidence principale, la jurisprudence est venue rappeler qu’il appartenait bien au débiteur de rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale.

Le dirigeant doit rapporter la preuve de sa présence effective dans sa résidence principale

En effet, la Cour de cassation précise, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, N°22-18.795 : 

« Qu’il incombe à celui qui se prévaut des dispositions de l’article L 526-1 du Code du commerce de prouver qu’à la date de l’ouverture de la procédure collective l’immeuble constituait sa résidence principale. »

Ce n’est que dans cette hypothèse que la résidence principale ne rentre pas dans le gage commun des créanciers.

Une autre jurisprudence confirme la même chose.

« Il résulte de la combinaison de ces textes que si les droits d’une personne physique sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne, il appartient à cette personne physique, si elle entend faire obstacle à la mesure de vente aux enchères publiques mise en œuvre par le liquidateur dont l’action vise à la reconstitution du gage des créanciers, de démontrer que le dit immeuble lui appartenant est insaisissable comme constituant le lieu de sa résidence principale au cours de son jugement d’ouverture. »

Cour de cassation, Chambre commerciale

25 octobre 2023, N°21-21.694

Bien plus encore, une autre jurisprudence vient également retenir cette même argumentation puisque la Cour de cassation rappelle que : 

« Qu’il incombe au débiteur de rapporter la preuve qu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure les biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale. »

Cour de cassation, Chambre commerciale

14 juin 2023, N°21-24.207

Que, dès lors, c’est bel et bien sur ce terrain qu’il appartenait de démontrer pour le dirigeant que celui-ci était bien présent.

Ainsi, Monsieur E invoque ainsi les dispositions de l’article L 526-1 alinéa premier du Code du commerce, lesquelles disposent que, par dérogation des articles 2284 et 2285 du Code civil, les droits d’une personne physique immatriculée au registre national des entreprises sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont, de droit, insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors, il appartient au débiteur qui se prévaut de ces dispositions de s’opposer à l’action du liquidateur qui vise à reconstituer le gage des créanciers de rapporter la preuve qu’à la date du jugement ouvrant la procédure collective soit, en l’espèce, au 09 septembre 2019, les biens dont la vente par adjudication est requise constituaient sa résidence principale.

La reconstitution du gage des créanciers par le mandataire liquidateur

À cet égard, on ne peut que féliciter la démonstration faite par Monsieur E qui a rapporté un très grand nombre de pièces, ce que souligne d’ailleurs la Cour puisque celle-ci précise que, sont versées aux débats par l’appelant, Monsieur E, diverses pièces qui établissent que celui-ci est bien propriétaire du bien situé sur la commune de Fréjus.

Une preuve rapportée par tous moyens par le dirigeant

En effet, l’appelant est considéré par l’administration fiscale comme ayant fixé sa résidence tel que cela ressort des différents avis d’imposition sur les revenus, taxes foncières, qui ont été adressés également à cette adresse le certificat d’assurance de ses véhicules, l’attestation d’assurance scolaire de ses enfants ou encore l’assurance de sa résidence principale.

Que son fils, lui-même, est bien scolarisé à l’école élémentaire du ressort de ce domicile et c’est également à cette adresse que, en l’état de la liquidation judiciaire, la banque qui avait financé l’achat et la construction de la résidence principale va notifier la résiliation du prêt immobilier.

À cela s’ajoutent aux débats de nombreuses factures d’eau, d’électricité couvrant les années 2018 et 2019 au nom de Monsieur E à la bonne adresse ainsi qu’une mise en demeure par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 04 février 2019 d’une société pour des factures impayées et à cela vient s’ajouter également la démonstration des avis d’amende forfaitaire adressés à cette adresse.

Le mandataire liquidateur, quant à lui, contestait le fait que Monsieur E avait résidé à cette adresse en 2019 et verse pour preuve un avis d’imposition, à savoir, une taxe foncière de Monsieur E à une adresse située non plus sur Fréjus mais sur Saint-Raphaël (il s’agissait de son ancienne résidence).

Une sommation interpellative délivrée à Madame E, son épouse, aux termes de laquelle celle-ci répondait à la question du commissaire de justice venant délivrer cette sommation interpellative : 

« Est-ce que Monsieur E réside avec vous à cette adresse ? »

Celle-ci répond : 

« Oui, depuis janvier 2003. »

Elle indique en outre que des travaux sont en cours au rez-de-chaussée de la villa pour l’aménagement d’une partie de l’immeuble et ne pas être en instance de divorce.

Or, par la suite, contacté téléphoniquement par le commissaire de justice, Monsieur E confirme adresser à cette adresse depuis janvier 2003.

Le mandataire liquidateur fournissait également un procès-verbal de carence dressé en novembre 2018 dans le cadre de commandements de payer délivrés par l’URSSAF à Monsieur mais également un second procès-verbal de carence dressé le 05 décembre 2018 par lequel le commissaire de justice relate avoir rencontré dans l’immeuble situé à Fréjus d’autres locataires ayant loué les lieux à Monsieur E et qui ont déjà réglé leur loyer et n’avoir trouvé dans les lieux aucun mobilier saisissable.

Les justificatifs suffisants du dirigeant de son occupation de la résidence principale

Pour autant, la Cour d’appel considère qu’il en résulte que Monsieur a justifié qu’à la date du 09 septembre 2019 sa résidence principale était fixée à Fréjus nonobstant les éléments produits par le mandataire liquidateur qui, s’ils établissent que le bien immobilier a été loué jusqu’à la fin de l’année 2018 à des tiers, ils ne démontrent pas son occupation par d’autre personne que Monsieur E et sa famille à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective qui date du 09 septembre 2019.

Par conséquent, Monsieur E est fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L 526-1 du Code du commerce pour ce qui concerne le bien immobilier où est fixée sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour s’opposer à la requête en autorisation par vente par adjudication formée par le liquidateur judiciaire.

Ainsi, la Cour d’appel décide que l’ordonnance du Juge commissaire en date du 23 septembre 2024 sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions et le mandataire liquidateur débouté de l’ensemble de ses demandes, ce qui est extrêmement satisfaisant.

Cette jurisprudence est intéressante à plusieurs titres.

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur

Elle vient rappeler que l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur n’est pas forcément si acquise puisque le mandataire liquidateur peut envisager la vente de cet actif immobilier et reconstituer le gage des créanciers en considérant que le débiteur n’était pas, au jour de l’ouverture de la procédure collective, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, présent sur place.

Dès lors, s’en suit une possible menace du mandataire liquidateur qui peut assigner en considérant que vous n’étiez pas sur place.

À charge pour le débiteur, cela est très important, de rapporter la preuve de ce que celui-ci est bien l’occupant de sa résidence principale au jour de l’ouverture de la procédure collective.

La charge de la preuve préparée du dirigeant pour préserver sa résidence principale

La démonstration est essentiellement factuelle et probatoire puisqu’il consiste à ce moment-là à justifier par tous moyens de la présence du débiteur à son domicile.

Cela passe bien sûr par des justificatifs fiscaux (taxe foncière, avis d’imposition), mais également par les factures d’eau et d’électricité relatives à l’utilisation du bien, toutes correspondances jusqu’aux amendes qui peuvent être délivrées ainsi qu’un constat d’huissier qui avait été fourni dans cette affaire par le dirigeant qui reprenait des photos de famille qui avaient été prises à la même période sur le téléphone de l’épouse de Monsieur E et qui démontrait bien que le téléphone avait bien été géolocalisé à cette adresse.

Dès lors, cela peut amener à une réflexion finalement en qualité de conseil de chef d’entreprise en difficulté qui consiste à se demander s’il n’est pas opportun finalement d’envisager d’établir un constat d’huissier au jour de l’ouverture de la procédure pour bel et bien démontrer que la résidence qui est la sienne est bien sa résidence principale, qu’il en est bien l’occupant et que, par conséquence, aucune mesure de saisie n’est envisageable.

À bon entendeur…

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Responsabilité de la banque, anomalie dans un virement et fraude au président

Laurent latapie avocat divorce international Australie 2025
Laurent latapie avocat divorce international Australie 2025
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Dans quelles conditions la banque engage t’elle sa responsabilité en cas de virement anormal et en cas de fraude au président ? L’analyse par la banque des habitudes de son client n’imposerait-elle pas la banque d’alerter son client afin d’obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance ? En cas de « fraude au président », la banque n’aurait-elle pas dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider ?

Article : 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, en octobre 2024, qui vient aborder la problématique de la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente dans le cadre d’un virement effectué par un client.

Le principe de non-immixtion

En effet, comme à chacun sait, la banque a toujours pour habitude de se retrancher derrière le sacrosaint principe de non-immixtion afin de rappeler et de considérer que le client est à la libre disposition de ses comptes (bien que ce soit extrêmement relatif en pratique) et que, dès lors, la banque n’a pas à s’immiscer quant aux opérations de dépenses que ce dernier peut faire.

Dès lors, lorsqu’un client se fait arnaquer et que celui-ci réalise une opération inhabituelle, la banque se retranche derrière cette non-immixtion pour se laver les mains de toute forme de responsabilité, laissant ainsi le malheureux client assumer les conséquences de cette anomalie.

Or, fort heureusement, des jurisprudences comme celle-ci méritent d’être saluées en ce qu’elles viennent justement consacrer la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente, tant bien même celle-ci découle d’un virement effectué par le client.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le comptable de la société C et B avait adressé à sa banque sept ordres de virement d’un montant total de 2 121 903.81 € au profit du compte d’une société située à Hong Kong.

Le 17 novembre 2020, affirmant que ses salariés avaient agis en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l’identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.

Pour autant, la banque entendait clairement échapper à ses responsabilités et considérait qu’il appartenait à la seule société d’en supporter toutes les conséquences sans avoir à chercher de quelque manière que ce soit la responsabilité de la banque.

En effet, la banque qui se pourvoit en cassation faisait grief à la Cour d’appel de l’avoir condamné à payer à la société la somme de 1 060 951.90 € en réparation de son préjudice.

La banque considérait qu’elle était tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, de telle sorte que le devoir de vigilance lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l’opération de paiement qui lui est demandé d’exécuter.

Un devoir de vigilance pour déceler les anomalies apparentes

Pour la banque, cela implique qu’elle n’a vocation à se borner qu’à un contrôle prima facie et non à une étude approfondie des habitudes du compte de son client.

Or, la Cour d’appel avait toutefois considéré que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2016 ainsi que des tableaux analytiques qu’elle avait réalisé des virements qu’elle effectuait et que, en dehors des virements adressés à la société D, sa société mère, elle n’effectuait quasiment aucun virement supérieur à 100 000.00 € et qu’elle n’effectuait pas de virement vers des sociétés basées en Chine et que les ordres de virement litigieux par leur caractère rapproché et répété de l’année au cours de laquelle ils intervenaient, leur montant élevé par rapport aux ordres habituellement donnés et le fait qu’ils étaient établis au bénéfice de deux sociétés ne faisait pas partie des relations d’affaires de la société C et B et situé dans un espace géographique avec lequel la société C et B n’avait pas pour habitude de travailler, aurait dû amener la banque à sursoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité.

Un historique des opérations devant amener la banque à s’interroger sur les ordres de virement

Le banquier considérant encore que l’opération des opérations antérieurement inscrites au débit du compte ne devait pas conduire la banque à s’interroger sur deux ordres de virement d’un montant plus élevé au risque de s’immiscer de la sorte dans les affaires de son client.

Elle considérait encore que la banque n’est pas plus tenue de tenir la liste des bénéficiaires habituels des ordres de paiement de ses clients.

Dès lors, la banque faisait clairement grief à la Cour d’appel d’avoir également considéré que, en cas d’anomalie apparente, celle-ci n’avait pas vocation à obtenir un nouvel ordre de paiement.

La banque faisait grief, là-encore, à la Cour d’appel d’avoir retenu que les ordres de paiement litigieux auraient dû amener la banque à sursoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité directement auprès du signataire, eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible fraude au Président dont le mécanisme est bien connu des banques.

La responsabilité de la banque et la fraude au président

Or, la banque effectivement s’était contenté d’appeler Madame Y, ce qui ne pouvait être suffisant, celle-ci n’étant pas la détentrice du pouvoir de validité de virement et qu’il appartenait à la banque dans cette situation de contacter, non seulement le comptable de la société, mais bel et bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n’était pas contractuellement prévue.

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas les tentatives d’exonération de la responsabilité de l’établissement bancaire.

La notion d’anomalie et les analyses des opérations bancaires du client

Elle vient rappeler qu’après avoir constaté que la société établissait n’avoir effectué presque aucun virement supérieur à 100 000.00 € et ne pas effectuer de virement vers des sociétés situées en Chine, la Cour d’appel retient à bon droit que les ordres de virement litigieux par leur caractère rapproché, répété, par la période de l’année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et par le fait qu’ils étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d’affaires de la société et situées en dehors de l’espace habituel de son activité, aurait dû conduire la banque à se renseigner sur la validité directement auprès du dirigeant supposé.

L’ensemble de ces constatations et appréciations faisant ressortir l’existence d’anomalies apparentes affectant les ordres de virement.

L’obligation de la banque d’alerter la société pour obtenir la confirmation des ordres litigieux

C’est donc à bon droit que la Cour d’appel a exactement reconnu que la banque était tenue d’alerter la société afin d’obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance.

Bien plus encore, la Cour de cassation précise qu’ayant retenu l’existence de circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissant suspecter une possible fraude au Président, en a exactement déduit sans exiger l’obtention d’un nouvel ordre de paiement, que la banque aurait dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider.

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient consacrer une nouvelle fois la responsabilité de la banque en cas d’anomalie apparente sur un virement litigieux, tout comme elle vient caractériser la responsabilité de la banque en cas de fraude au président qui laisse d’ailleurs suspecter une possible fraude au Président.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Quelle responsabilité de la banque en cas de « spoofing », lorsqu’un escroc se fait passer pour un conseiller de la banque

laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles
laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles
laurent LATAPIE Avocat affaires criminelles

Le titulaire d’un compte bancaire se fait escroquer de plusieurs milliers d’euros par une personne se faisant passer pour un conseiller de la banque détenant des informations personnelles. Alerté par cette usurpation et ce « spoofing » la banque refuse de rembourser le client victime au motif qu’il aurait fait preuve d’une négligence grave. Que dis la jurisprudence ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, ce 23 octobre 2024, N°23-16.277, et qui vient aborder la problématique de responsabilité de la banque lorsqu’un de ses clients, titulaire d’un compte, se fait escroquer par une tierce personne qui le contacte par téléphone et se fait passer pour un conseiller dudit établissement bancaire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, le 31 mai 2019, Monsieur J avait constaté que plusieurs virements frauduleux avaient été réalisés pour un montant de 54 500.00 € sur son compte ouvert dans les livres de la banque.

 

Monsieur J a alerté la banque le jour même, soutenant avoir été contacté par téléphone par une personne se faisant passer pour une préposée de l’établissement lui demandant d’ajouter, grâce à ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires de virement.

 

Monsieur J a alors assigné la banque en remboursement de ces sommes.

 

La banque faisait griefs à la Cour d’appel de Versailles de l’avoir condamné à payer la somme de 54 500.00 € à Monsieur J avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019 ainsi que la somme de 1 500.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral avec intérêts au taux légal.

 

Pour la banque, celle-ci considérait que le payeur, à savoir le client titulaire du compte, supportait toutes les pertes occasionnées par les opérations de paiement non autorisé si ces pertes résultaient d’une négligence grave de sa part.

 

Le remboursement par la banque des opérations non autorisées sauf négligence grave

 

Or, pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui valide à distance et sans la vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur.

 

Pour autant, la banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir relevé que, suivant ses déclarations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme assistante de sa conseillère bancaire qui lui avait expliqué qu’il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique, qu’il fallait désormais les réenregistrer et qu’il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile des messages l’invitant à valider des ajouts de bénéficiaires, ce qu’il avait fait en saisissant son compte confidentiel.

 

La banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu que Monsieur J avait été gravement négligeant quand celui-ci avait validé les opérations dont il n’était pas l’auteur sans en vérifier toutes les données.

 

La banque rappelle encore que, selon elle, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisé si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Négligence grave et faux conseiller bancaire

 

Et, pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui, à la demande d’une personne qui l’a contacté par téléphone en se présentant comme son conseiller bancaire valide à distance et sans la vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur en dépit d’indices permettant l’utilisateur normalement attentif de douter de l’identité de son interlocuteur.

 

Or, en l’espèce, la Cour d’appel de Versailles avait relevé que, suivant ses déclarations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme une assistance de son conseiller bancaire qui lui avait expliqué qu’il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique, qu’il fallait désormais les réenregistrer.

 

Qu’il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile les messages l’invitant à valider des ajouts des bénéficiaires, ce qu’il avait fait en saisissant son compte personnel et qui lui avait enfin expliqué qu’il n’aurait plus accès à son compte et qu’il allait recevoir par la poste un nouvel identifiant de compte et un nouveau mot de passe.

 

La Cour d’appel retenait, quant à elle, que Monsieur J n’avait pas été gravement négligeant quand l’identité de son interlocutrice qui prétendait être non pas sa conseillère bancaire mais l’assistante de celle-ci, l’objet de l’appel qui tendait à réenregistrer des bénéficiaires de virement, ce qui pouvait pourtant se faire sans intervention d’un employé de la banque et ne présentait, au surplus, aucune urgence dans la mesure où Monsieur J n’aurait plus accès à son compte en ligne pendant plusieurs jours.

 

L’attaque informatique et la suppression de bénéficiaires de virement

 

Et, les explications qui lui avaient été fournies suivant lesquelles l’attaque informatique dont il aurait été victime avait pu être déjouée par la suppression des bénéficiaires de virement qui lui fallait réenregistrer avant que l’accès en ligne à son compte soit bloqué et qu’un nouvel identifiant et un nouveau mot de passe lui soient adressés par voie postale, constituaient les indices permettant à un utilisateur normalement attentif de suspecter une fraude.

 

La banque allant même jusqu’à soutenir que, même de bonne foi, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par les opérations de paiement non-autorisé si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas cette approche-là.

 

En effet, elle précise dans cette jurisprudence qu’elle rejette le pourvoi de la banque en précisant qu’après avoir exactement énoncé qu’il incombe au prestataire de service de paiement de rapporter la preuve d’une négligence grave de son client, l’arrêt constate que le numéro d’appel apparaissait sur le numéro de portable de Monsieur J et s’était affiché comme étant celui de Madame Y, sa conseillère de la banque, et retient qu’il croyait être en relation avec une salariée de la banque lors du réenregistrement et de la nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement sur son compte qu’il connaissait et qu’il a cru valider l’opération litigieuse sur son application dont la banque a assuré qu’il s’agissait d’une opération pour sécuriser.

 

Une vigilance diminuée par l’utilisation du spoofing

 

Il ajoute que le mode opératoire par l’utilisation du spoofing a mis Monsieur J en confiance et a diminué sa vigilance inférieure à un appel téléphonique émanant prétendument de sa banque pour lui faire croire au piratage de son compte à celle d’une personne réceptionnant un courrier, laquelle aurait pu disposer d’avantages de temps pour s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse.

 

De ses constatations et appréciations, la Cour d’appel a pu en déduire que la négligence grave de Monsieur J n’était pas caractérisée et c’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’établissement bancaire, ce qui vient confirmer l’indemnisation totale de Monsieur J, victime de ce spoofing et de cette escroquerie par téléphone.

 

Il convient quand même de rappeler que bon nombre de dispositions sont venues protéger le consommateur et une règlementation stricte est venue encadrer les opérations par carte, par virement et par prélèvement, notamment pour protéger au mieux le payeur.

 

Ainsi, des directives du Parlement Européen et de l’Union Européenne ont été mises en place le 13 novembre 2007 ainsi que le 25 novembre 2015.

 

Ces dispositions ont été transposées en droit Français.

 

Les dispositions protectrices du Code Monétaire et financier

 

Ainsi, l’article L 133-24 du Code monétaire et financier prévoit dans son alinéa premier qu’en présence d’une telle opération non autorisée, il revient au payeur de le signaler à son prestataire de service de paiement.

 

Ce professionnel se verra alors dans l’obligation de rembourser le payeur conformément à l’article L 133-18 du Code monétaire et financier et ce, dans un bref délai, à charge pour l’établissement bancaire de rétablir ainsi le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération non-autorisée n’avait pas eu lieu.

 

Une importante limite existe cependant en la matière puisque l’article L 133-19 4 du Code monétaire et financier précise qu’en matière d’opération de paiement par carte, par virement ou par prélèvement, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non-autorisé si elles résultent des agissements frauduleux de sa part ou si ce même payeur n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L 133-16 et L 133-17 du Code monétaire et financier.

 

L’obligation du titulaire du compte de préserver la sécurité de ses données bancaires

 

Il convient de comprendre cette disposition comme l’obligation qui pèse sur le payeur de préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisée mais aussi d’en informer sans tarder son prestataire et son établissement bancaire de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non-autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.

 

Or, la question qui se pose dans bon nombre de jurisprudences est de savoir comment comprendre la notion de négligence grave au sens de l’article L 133-19 4 du Code monétaire et financier.

 

Or, dans cette affaire, immanquablement Monsieur J avait été contacté par une personne qui, effectivement par ce biais de spoofing, s’est fait passer par un conseiller bancaire mais sur la base d’informations confidentielles ou avec un numéro d’appel qui apparaissait sur le téléphone de Monsieur J s’affichant comme étant celui de sa conseillère.

 

La victime de spoofing non responsable d’une négligence grave

 

De telle sorte que l’intéressé se croit être en relation avec une salariée de la banque lors du réenregistrement et de la nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement, de telle sorte que cette personne, immanquablement mal intentionnée, bénéficie d’informations confidentielles qui ne pouvaient qu’amener Monsieur J à être mis en confiance, voir en tout cas, diminuer sa vigilance.

 

De telle sorte que c’est donc à bon droit que la Cour de cassation, à la lueur des dispositions des articles L 133-24 et L 133-18 du Code monétaire et financier, a condamné la banque à rembourser Monsieur J des sommes qui ont été indûment perçues de son compte bancaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Saisie immobilière et la convocation du débiteur à l’audience d’adjudication

Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, un jugement d’adjudication est contesté à la fois par le débiteur saisi et à la fois par le fonds commun de titrisation intervenant à la place de la banque suite à une cession de créance. Dans quelles conditions un recours contre un jugement d’adjudication est possible ? Le débiteur doit-il être dument convoqué à l’audience d’adjudication ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue ce 08 février 2024 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, N°21-1870223 qui précise que :

 

« Commet un excès de pouvoir le Juge de l’exécution qui prononce l’adjudication du bien saisi sans s’être assuré que le débiteur a bien été appelé à l’audience d’adjudication. »

 

Ce qui fait que, immanquablement, les jugements de report d’adjudication devront faire l’objet d’une signification et il devra bien sûr en être justifié dans le dossier de la procédure, ce qui est, à mon sens, également un argument de défense pour le débiteur qui doit immanquablement être convoqué, au besoin, par voie de signification devant le Juge de l’adjudication pour manifester au besoin ses derniers moyens de contestation.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et selon jugement rendu par le Juge de l’adjudication du Tribunal judiciaire de Béthune le 25 mars 2020 rendu en dernier ressort sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la banque à l’encontre de Monsieur T, le bien saisi avait été adjugé à Monsieur I.

 

Monsieur T s’est pourvu en cassation soutenant que le mémoire déposé par le fonds commun de titrisation, au terme duquel celui-ci indique venir aux droits de la banque à la suite d’une cession de créance, est irrecevable dès lors que cette cession, qui ne lui a pas été signifiée conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code civil lui est inopposable.

 

Cependant, il ressort de l’acte de cession produit que celui-ci est soumis aux dispositions des articles L 214-169 à L 214-175 du Code monétaire et financier.

 

Les conditions d’acquisition ou de cession de créance

 

Selon l’article L 214-169, l’acquisition ou la cession de créance par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et les supports sont fixés par décret ou par tout autre mode d’acquisition de cession de transfert de droits Français ou étrangers par dérogation à l’alinéa précédent.

 

Les cessions de créances qui ont la forme d’instruments financiers s’effectuent conformément aux règles spécifiques applicables au transfert de ces instruments.

 

Le cas échéant, l’organisme peut souscrire directement à l’émission de ces instruments lorsqu’elle est réalisée par voie de bordereau mentionné au premier de l’article L 214-169, l’acquisition ou la cession de créance prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise quelle que soit la date de naissance d’échéance ou d’exigibilité des créances sans qu’il ne soit besoin d’autre formalité et ce, quelle que soit la Loi applicable aux créances à la Loi de Pays de résidence du débiteur.

 

L’opposabilité de l’acte de cession de créance au débiteur saisi

 

De telle sorte que, la Cour rappelle en tant que de besoin qu’il en résulte que l’acte de cession de créance n’avait pas, pour être opposable à Monsieur T, à lui être signifié.

 

Pour autant, Monsieur T venait également soulever d’autres moyens.

 

En effet, ce dernier soulevait que, selon l’article 615 alinéa 2 du Code de procédure civile, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, le pourvoi formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’Instance.

 

Ainsi, l’adjudicataire au profit duquel le bien saisi a été adjugé est partie au jugement d’adjudication dont il résulte que tout pourvoi formé contre cette décision doit être dirigé contre celui-ci et l’ensemble des autres parties.

 

Or, après avoir formé un premier pourvoi, N°21-18.702 à l’encontre de la banque, créancier poursuivant, et d’une autre banque et du Trésor public, créanciers inscrits, en a formé un second, N°23-10.075, à l’encontre de Monsieur I en sa qualité d’adjudicataire.

 

Le fonds commun de titrisation soutient que le premier pourvoi est irrecevable, faute d’avoir été dirigé contre l’adjudicataire, et que le second, qui ne l’a été que contre ce dernier, ne régularise pas la procédure.

 

Un pourvoi au contradictoire de l’adjudicataire ?

 

Cependant, la régularité affectant le pourvoi N°21-18.702, qui n’a pas été formé contre l’ensemble des parties au jugement d’adjudication, a été régularisé en application de l’article 126 du Code de procédure civile par le pourvoi N°23-10.075 dirigé contre l’adjudicataire.

 

Le pourvoi est dès lors recevable de ce chef.

 

Enfin, le fonds commun de titrisation et la banque soutenaient que le pourvoi était irrecevable en l’absence d’excès de pouvoir.

 

En effet, il résulte des articles 606, 607 et 608 du Code de procédure civile et de l’article R 322-60 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution que le jugement d’adjudication ne statuant sur aucune contestation n’est susceptible d’aucun recours sauf excès de pouvoir.

 

C’est sur ce point que la jurisprudence mérite également un intérêt tout particulier.

 

Le recours contre le jugement d’adjudication en cas d’excès de pouvoir

 

En effet, Monsieur T, débiteur saisi, faisait griefs au jugement de procéder à l’adjudication de son bien immobilier alors que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

 

De telle sorte que constituer un excès de pouvoir, le fait pour un Juge de statuer sans que le débiteur saisi ait été entendu ou appelé.

 

Qu’en procédant à l’adjudication du bien immobilier de Monsieur T, non comparant, sans que celui-ci n’ait été appelé à l’audience, le Juge de l’exécution a commis un excès de pouvoir et a violé l’article 14 du Code de procédure civile.

 

Une adjudication sans la présence du débiteur dûment convoqué

 

La Cour de cassation souligne en réponse, apporte quelques précisions, et vient préciser au visa de l’article 14 du Code de procédure civile qu’il résulte de ce texte que constituer un excès de pouvoir, le fait pour un Juge de statuer sans qu’une partie n’ait été entendue ou dûment appelée.

 

Ainsi, en prononçant l’adjudication du bien saisi alors qu’il ne résulte ni du jugement ni du dossier de procédure que le débiteur saisi avait été appelé à l’audience d’adjudication, le Juge de l’exécution a commis un excès de pouvoir et a violé le texte susvisé, amenant la Haute juridiction à casser et à annuler en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2021 par le Juge de l’adjudication du Tribunal judiciaire de Béthune.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, elle rappelle qu’immanquablement la cession de créance n’a pas à être signifiée au débiteur saisi qui est tiers à la cession de créance.

 

Ce qui est à rappeler puisque bon nombre de débiteurs considèrent que la cession de créance aurait dû leur être signifié.

 

Concernant la problématique du pourvoi, lorsque celui-ci est fait avec une partie manquante, la Cour de cassation rappelle, et ça aussi c’est un point important, que le pourvoyant a la possibilité de régulariser sa procédure, ce qui est, à mon sens, un élément important.

 

Enfin et surtout, immanquablement, cette jurisprudence est liée aux conditions dans lesquelles l’adjudication doit se dérouler et force est de constater qu’il est reproché au Juge de l’adjudication de ne pas s’être assuré que le débiteur a bien été appelé à l’audience d’adjudication.

 

Ce qui a un impact évident puisque force est de constater que les jugements de report d’adjudication devront, à l’avenir, faire l’objet d’une signification et il devra en être justifié dans le dossier de procédure et, à défaut, le débiteur pourra éventuellement le contester.

 

Ce qui est, à mon sens, un élément important.

 

Il convient de même suite à cette jurisprudence de s’intéresser à une chronique qui avait été faite par Maître Christian LAPORTE, avocat à la Cour, qui avait fait l’objet d’une publication à la semaine juridique, édition générale, N°22, ce 03 juin 2024, qui vient aborder les hypothèses de la recevabilité exceptionnelle du pourvoi en cas d’excès de pouvoir.

 

La recevabilité exceptionnelle du pourvoi en cas d’excès de pouvoir

 

Cette jurisprudence, comme il le souligne dans sa chronique fort pertinente, rappelle qu’il est acquis conforme à une jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’excès de pouvoir du Juge de l’exécution permet d’admettre la recevabilité du pourvoi en cassation contre le jugement d’adjudication qui n’a tranché aucune contestation.

 

Qu’en effet, rappelons pour la bonne forme que les dispositions de l’article R 322-60 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution offrent l’opportunité d’un appel du jugement d’adjudication qui n’est recevable que si une contestation a été émise, il doit être alors formé dans un délai de quinze jours de la notification.

 

À défaut, c’est le pourvoi de cassation qui s’impose en cas d’excès de pouvoir et mon Cher Confrère, Maître Christian LAPORTE, vient, dans sa chronique, aborder plusieurs points relatifs à la problématique d’aide juridictionnelle.

 

En effet, ce dernier rappelle en tant que de besoin que :

 

« Commet un excès de pouvoir le Juge de l’exécution qui ordonne dans le jugement d’adjudication la vente forcée du bien saisi sans s’être assuré de la décision du bureau de l’aide juridictionnelle et du nom de l’avocat désigné à ce titre alors qu’il en avait été informé par courrier de la demande faite par le saisi. »

 

Cour de cassation,

2ème Chambre civile,

24 juin 2010,

N°08-19.974

 

Maître LAPORTE précisant également que la Cour de cassation a :

 

« Jugé qu’en procédant à la vente forcée sans attendre la décision du bureau de l’aide juridictionnelle alors que la demande de l’aide juridictionnelle avait été faite avant l’audience d’adjudication, le Juge de l’exécution avait commis un excès de pouvoir. »

 

Cour de cassation,

2ème Chambre civile,

23 février 2017,

N°16-10.910

 

Cette jurisprudence, ainsi que l’étude qui en a été faite par mon excellent Confrère, Maître Christian LAPORTE, est intéressante puisqu’elle vient préciser que des voies de recours, même au stade de l’adjudication, peuvent être envisagées, tantôt par la voie de l’appel en cas de contestation qui aurait été tranchée, tantôt à titre exceptionnel en cas d’excès de pouvoir, bien que la jurisprudence soit limitante en la matière.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Saisie immobilière et nullité du commandement de payer

laurent latapie avocat saisie et commandement 2025

Un débiteur faisant l’objet d’une saisie immobilière souhaite contester le commandement de payer valant saisie immobilière qui vient de lui être signifié. Peut-il le contester dans les 8 jours de la signification ou attendre d’être assigné devant le juge de l’orientation ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation ce 21 novembre 2024, N°22-12.499, qui rappelle que le Juge de l’exécution ayant été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt qui déclare la demande irrecevable se trouve également que justifié.

 

En effet, il n’est pas rare, lorsque le débiteur saisi reçoit un commandement de payer valant saisie immobilière lui faisant commandement de payer sous huit jours la créance, que celui-ci souhaite saisir le Juge de l’exécution immobilier pour contester ce commandement de payer sans attendre la procédure de saisie immobilière et la traditionnelle assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation.

 

Or, cette jurisprudence rappelle en tant que de besoin que celle-ci ne saurait être efficace, au contraire, la Cour de cassation venant préciser que celle-ci étant effectivement irrecevable par la force des choses.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait fait délivrer à la SCI J le 09 juin 2020 un commandement de payer aux fins de saisie vente, puis, le 22 juillet 2020 un commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Le 09 septembre 2020, sans attendre l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation, la société J avait assigné la banque devant le Juge de l’exécution afin de voir annuler ce commandement.

 

Puis, tout naturellement, car cela est une mécanique malheureusement implacable, le 12 novembre 2020 la banque a assigné la société J à une audience d’orientation devant le Juge de l’exécution du même Tribunal aux fins de vente forcée des biens immobiliers saisis.

 

Et finalement, par jugement du 26 janvier 2021 statuant sur l’assignation du 09 septembre 2020, le Juge de l’exécution avait déclaré irrecevable la demande d’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Une demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable ?

 

C’est dans ces circonstances que la société J faisait grief à la Cour d’appel de déclarer sa demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevable alors que, selon elle, la demande d’annulation du commandement de saisie immobilière formée par le débiteur avant qu’il ne soit assigné à l’audience d’orientation est rattachée à la compétence générale du Juge de l’exécution et ne se rattache à la procédure de saisie immobilière qu’une fois cette assignation délivrée par le créancier.

 

Qu’en énonçant pour déclarer irrecevable la demande de la société J tendant à l’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière que toute demande relative à la procédure de saisie immobilière doit être formée dans les conditions prévues aux dispositions procédurales spécifiques à cette procédure, c’est-à-dire, conformément à l’article R 311-1 du Code de procédure civile d’exécution et que la société J devait saisir le Juge de la saisie immobilière et non le Juge de l’exécution sur la procédure de droits communs, peu importe que le débiteur ait saisi le Juge de l’exécution d’une contestation du commandement de payer valant saisie immobilière avant que le créancier saisissant ne le fasse assigner en vente forcée.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas l’analyse de la société J et vient rappeler quelques principes de base en saisie immobilière tant celle-ci fait l’objet d’une rigueur que le débiteur ne comprend pas toujours aisément.

 

La compétence du juge de l’exécution immobilière

 

Il convient de rappeler que, selon l’article L 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge de l’exécution connait de l’application des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution dans les conditions prévues par l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

 

Selon l’article L 213-6 alinéa 1 et 3 du Code de l’organisation judiciaire, le Juge de l’exécution connait de manière exclusive des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée même si elle porte sur le fond du droit à moins qu’elle n’échappe à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire et sous la même réserve de la procédure de saisie immobilière des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celles-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elle porte sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.

 

Selon l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, la procédure en saisie immobilière est régie par les dispositions de livre 3 relatif à cette procédure et par celles qui ne lui sont pas contraire du livre premier de ce Code.

 

Selon l’article R 321-1 du même Code, la procédure d’exécution est engagée par la signification du débiteur ou au tiers détenteur d’un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant.

 

Aux termes de l’article R 321-6 du même Code, le commandement de payer valant saisie est publié aux fichiers immobiliers dans un délai de deux mois à compter de sa signification.

 

Selon l’article R 322-4 du même Code, dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaitre devant le Juge de l’exécution à une audience d’orientation.

 

Le pouvoir de vérification du juge de l’éxécution

 

Selon l’article R 322-15 du même Code, à l’audience d’orientation, le Juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L 311-2, L311-4 et L311-6 du Code des procédures civiles d’exécution sont réunies, statut sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

 

Selon l’article R 311-5 du même Code, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

 

Un commandement de payer valant saisie inexorablement suivie d’une assignation

 

Pour la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de saisie immobilière engagée par la délivrance d’un commandement de payer valant saisie se poursuit par l’assignation délivrée au débiteur par le créancier à une audience d’orientation au cours de laquelle le Juge de l’exécution connait, sauf exception, de l’ensemble des contestations qui s’élèvent à l’occasion de la procédure et des demandes nées de cette procédure ou si rapportant directement.

 

Le juge d’orientation, entre vente amiable et vente aux enchères publiques

 

Il en découle dès lors que, or les cas prévus par la Loi telle la demande de vente amiable de l’immeuble saisi prévu à l’article R 322-20 du Code des procédures civiles d’exécution, les contestations et demandes précitées ne peuvent être formées par le débiteur à peine d’irrecevabilité qu’à l’audience d’orientation à laquelle ce dernier a été assigné à comparaitre selon les formes prescrites à l’article R 311-6 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

La décision déclarant irrecevable les contestations et demandes formées par le débiteur avant l’expiration du délai imparti au créancier pour assigner à l’audience d’orientation, qui n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée ne saurait faire échec à l’examen de ces contestations et demande si elles étaient à nouveau formées lors de l’audience d’orientation.

 

Pour la Cour de cassation, une telle règle ne méconnait pas le droit du débiteur garanti par l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause sera entendue équitablement publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal indépendant et impartial.

 

L’inévitable assignation devant le juge d’orientation dans les 4 mois du commandement

 

En premier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur devant, en application des articles R 321-6 et R 322-4 des Codes des procédures civiles d’exécution, être assigné à une audience d’orientation dans le délai maximum de quatre mois suivant la signification du commandement de payer valant saisie, l’examen des contestations et demandes qu’il entend former est seulement différé dans cette limite de temps jusqu’à l’audience d’orientation.

 

En deuxième lieu, s’il n’a pas été assigné à une audience d’orientation à l’expiration de ce délai, le débiteur a la faculté de saisir le Juge de l’exécution de contestations de demandes formées conformément aux dispositions de l’article R 121-11 du Code des procédures civiles d’exécution par assignation délivrée au créancier poursuivant ainsi qu’aux créanciers inscrits, la procédure suivie devant le Juge de l’exécution obéissant, en application de l’article R 311-1 du Code des procédures civiles d’exécution, aux dispositions des articles R 311-2 et suivant du même Code.

 

En dernier lieu, la Cour de cassation souligne que le débiteur demeure recevable dans les cas prévus par la Loi à saisir le Juge de l’exécution de demandes, telle la vente amiable de l’immeuble saisi avant la signification de l’assignation à comparaitre à l’audience d’orientation.

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que le Juge de l’exécution aura été saisi prématurément d’une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n’ait été assigné à l’audience d’orientation, l’arrêt de la Cour d’appel déclarant sa demande irrecevable se trouvant alors légalement justifié.

 

Un débiteur saisi en droit de se défendre devant le juge de l’orientation

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient rappeler que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la procédure qui est strictement organisée, amène le débiteur à ne pas oublier de faire valoir ses droits en contestant les prétentions de l’établissement bancaire, cependant, celui-ci doit le faire dans des formes précises et ne peut pas le faire quand bon lui semble.

 

Il ne peut donc prématurément saisir le Juge de l’exécution dès lors que celui-ci reçoit le commandement de payer valant saisie immobilière alors qu’il sera par la suite de toute façon saisi devant le Juge de l’orientation qui a justement plénitude de compétences pour pouvoir trancher tous les litiges liés à cette saisie immobilière mais il est vrai que certains débiteurs impatients croient bon avoir le besoin de saisir le Juge de l’exécution dès la signification de ce commandement de payer valant la saisie immobilière, ceci d’autant plus que ledit commandement de payer valant saisie immobilière précise et rappelle en tant que de besoin que ces derniers ont huit jours pour payer la cause du commandement, sans quoi, la procédure de saisie immobilière sera lancée.

 

Ce qui peut déstabiliser cette mention légale prévue dans le commandement de payer valant saisie immobilière peut tromper le débiteur saisi qui croit bon pouvoir saisir le Juge de l’exécution immédiatement, or, ce n’est absolument pas le cas, celui-ci a l’obligation d’attendre la signification de l’assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour pouvoir faire valoir ses droits.

 

Les moyens de contestation de la saisie immobilière à la portée du débiteur

 

À ce moment-là, il sera par contre très important pour le débiteur saisi de faire valoir ses droits et de soulever tous les moyens de contestation qui lui paraissent les plus pertinents.

 

Étant précisé que ces derniers sont nombreux finalement à portée de main pour le débiteur saisi pour pouvoir préserver son bien immobilier.

 

Celui-ci a la possibilité effectivement de contester les conditions dans lesquelles le commandement de payer a été signifié, il peut également contester les conditions dans lesquelles la déchéance du terme du prêt immobilier a été également prononcée.

 

Ce qui fait qu’un certain nombre de moyens sont à sa portée pour faire valoir ses droits et tenter de sauver ce qui est bien souvent sa résidence principale.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Saisie immobilière et l’importance de la description juridique du bien saisi

Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, la question se pose de savoir ce que doit comprendre le procès-verbal de description établi par l’huissier de justice ? La description doit-elle se limiter à la composition et la superficie ou doit-elle aussi comprendre la situation juridique du bien ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, première Chambre civile, ce 26 juin 2024, N°23-13.236, et qui rappelle que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la description des lieux effectuée dès la signification du commandement de payer valant saisie immobilière doit s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien et doit dès lors inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, les consorts K, pour financer l’acquisition de diverses parcelles, avaient contracté un prêt auprès d’une banque garanti par une description de privilège de prêteur de deniers d’hypothèque conventionnelle.

 

Les consorts K, ayant rencontré des difficultés économiques, ont cessé de régler les échéances du prêt et la banque a procédé à la déchéance du terme et a envisagé le recouvrement forcé de sa créance en engageant une procédure de saisie immobilière des parcelles en question et c’est dans ces circonstances qu’elle a délivré un commandement de payer valant saisie le 14 avril 2008.

 

Une déchéance du terme, point de départ de la saisie immobilière

 

Le 05 mai 2008, soit dans la même foulée de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, Maître B, huissier de justice, a donc dressé à la demande du créancier saisissant le procès-verbal descriptif des parcelles visé au commandement de payer valant saisie.

 

La nullité du commandement de payer valant saisie immobilière

 

Le 16 novembre 2011, à la demande d’un acquéreur, un jugement a prononcé la nullité du commandement de payer, délivré le 14 avril 2008 ainsi que de tous les actes de procédure subséquent au motif pris que les parcelles saisies comportaient un bâtiment construit pour partie sur une parcelle non-saisie.

 

C’est dans ces circonstances que, le 22 février 2019, la banque considérant que son propre avocat intervenant pour lancer la procédure de saisie immobilière et l’huissier de justice ont commis des fautes et ont conduit l’annulation de la procédure de saisie immobilière et les a donc assignés en responsabilité et en indemnisation.

 

L’action en responsabilité de la banque contre son propre avocat et son propre huissier de justice

 

Or, l’huissier de justice s’est donc pourvu en cassation et faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de déclarer qu’il a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la banque et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts alors que, selon l’huissier instrumentaire dont la responsabilité était recherchée,

 

Quant à la question de la responsabilité de l’huissier de justice concernant la description des lieux la Cour d’appel considérait que la description des lieux telle que visée par l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution ne s’entend pas seulement de leur composition et superficie mais également de la situation juridique du bien qui doit faire l’objet d’une présentation rigoureuse dans la mesure où ce procès-verbal est annexé au cahier des conditions de vente et qui ne doit ainsi comporter aucune inexactitude de nature à affecter la contenance du bien saisi.

 

Tandis que ce texte ne prévoit pas que soit inclus au procès-verbal de description un état de la situation juridique du bien, de telle sort que, pour l’huissier, la Cour d’appel avait violé par fausse interprétation de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

 

Il convient de reprendre le texte de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution qui a dit :

 

« Le procès-verbal de description comprend :

 

1° La description des lieux, leur composition et leur superficie ;

 

2° L’indication des conditions d’occupation et l’identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ;

 

3° Le cas échéant, le nom et l’adresse du syndic de copropriété ;

 

4° Tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant. »

 

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rappelle que, selon l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de description comprend notamment la description des lieux par leur composition et leur superficie et tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Quel contenu dans le procès-verbal de description ?

 

C’est donc, pour la Haute juridiction, à bon droit que la Cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait, dès lors, inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle en tant que de besoin que l’avocat intervenant, tout comme le commissaire de justice intervenant, pour l’établissement bancaire peut engager sa responsabilité lorsque finalement le débiteur ou un éventuel acquéreur arrive à faire prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et faisant ainsi tomber toute la procédure de saisie immobilière subséquente mais elle vient également rappeler que le procès-verbal de description du bien saisi doit bien sûr comprendre la description des lieux, leur composition et leur superficie, ainsi que tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.

 

Cette description des lieux devant s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien.

 

Cette obligation est à mon sens car elle est également utile et utilisable par le débiteur saisi qui peut également contester les conditions dans lesquelles ce procès-verbal de description du bien saisi peut être contesté.

 

À bon entendeur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Sauvegarde ou redressement judiciaire pour stopper une saisie immobilière ? 

laurent latapie avocat reportage 2025

Une société civile immobilière poursuivi par sa banque en saisie immobilière décide de se placer en sauvegarde de justice pour sauver son bien immobilier. Est-ce efficace ? un redressement judiciaire ne serait-il pas plus judicieux ? est-il possible de cumuler sauvegarde et redressement judiciaire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en septembre dernier, 2ème chambre civile, 14 septembre 2023, N°21-19.459 et qui vient aborder la problématique de la date à prendre en considération pour établir la date de cessation des paiements alors qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été signifié.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait consenti, par deux actes notariés des 21 janvier 2014 et 03 octobre 2016 deux prêts à une société I.

 

Après lui avoir adressé plusieurs mises en demeure, la banque a notifié à la société I par lettre du 10 avril 2019 la déchéance du terme des prêts, puis, lui a délivré par acte du 20 septembre 2019 deux commandements de payer valant saisie immobilière.

 

Par jugement du 17 décembre 2019, le Tribunal judiciaire a, sur requête déposée par ladite société I, ouvert une procédure de sauvegarde à son profit désignant Maître H administrateur judiciaire et Maître G mandataire judiciaire.

 

Pour autant, la banque a formé tierce opposition à ce jugement faisant valoir que la société était en état de cessation des paiements.

 

Une tierce opposition pour contester la procédure de sauvegarde


Par jugement en date du 22 septembre 2020, le Tribunal a déclaré la déchéance du terme non acquise et confirmé le jugement du 17 décembre 2019.

 

C’est ainsi que le pourvoi se présentait devant la haute juridiction.

 

À hauteur de Cour de cassation, la société I faisait grief à la Cour d’appel d’avoir reçu la banque en sa tierce opposition, d’avoir rejeté ses demandes de sursis à statuer et de dire que la société I était en état de cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice.

 

De telle sorte qu’il y avait lieu d’ordonner la rétractation du jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire rendu par le Tribunal judiciaire, d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire et de fixer la date de cessation des paiements au 29 septembre 2019.

 

Étant rappelé que cette date correspondait au jour de la signification des commandements de payer valant saisie immobilière.

 

Une cessation des paiements consacrée au jour du commandement de payer

 

Selon la société I, la cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

 

Un créancier doit, pour procéder à une saisie immobilière, être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

 

De telle sorte que, selon la société I, le fait pour le débiteur de ne pas contester un commandement de payer valant saisie avant d’être assigné par son créancier devant le Juge de l’exécution ne vaut pas reconnaissance de sa part de l’exigibilité de sa créance et ne le prive pas du droit de la contester par la suite.

 

Ainsi, pour la société I, la Cour d’appel ne pouvait déclarer qu’elle était déjà en cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice et d’ordonner par la même la rétractation du jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire pour la placer finalement en redressement judiciaire.

 

Sauvegarde ou redressement judiciaire, que choisir ?

 

La société I considérait que le seul fait d’être destinataire d’une signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière ne sous-tendait pas la reconnaissance de l’exigibilité de la créance qui était par ailleurs contestée par ladite société dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

 

De telle sorte que le commandement de payer valant saisie immobilière ne pouvait valoir reconnaissance de l’exigibilité de la créance et pas plus ne permettait de caractériser l’état de cessation des paiements de l’entreprise.

 

Selon la société I, la cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.


De telle sorte qu’un créancier doit, pour procéder à une saisie immobilière, être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide exigible.

 

De telle sorte que le défaut de paiement par le débiteur dans les huit jours de la signification d’un commandement de payer valant saisie a pour seul effet de permettre la poursuite de la procédure à la fin de la vente de l’immeuble et l’assignation du débiteur à comparaitre devant le Juge de l’orientation mais que, pour autant, cela ne permettait pas de considérer que la société I était en état de cessation des paiements lorsqu’elle a sollicité son placement sous sauvegarde de justice et qu’il n’y avait donc pas lieu d’ordonner la rétractation dudit jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire pour la replacer en redressement judiciaire.

 

La Cour de cassation ne partage pas son analyse et ce, au visa de l’article L 620-1 et suivants du Code du commerce.

 

La Cour de cassation rappelle qu’il est ainsi une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionnée à l’article L 622-2 du Code du commerce qui, sans être en cessation des paiements, justifie des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter aux termes du deuxième, les contrats légalement formés tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faits.

 

Il résulte du dernier de ces textes que seul le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur.

 

Une créance certaine, liquide et exigible pur enclencher une saisie immobilière

 

Pour la Haute juridiction, pour rétracter le jugement du 17 décembre 2019 et ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société, la Cour d’appel a retenu que les commandements de payer valant saisie immobilière n’ont été contestés par la société ni dans leurs principes, ni dans leurs montants et qui n’est pas non plus justifié de la régularisation de ces commandements dans le délai imparti de huit jours, rendant ainsi ces sommes exigibles.

 

Pour la Haute juridiction, il y a lieu d’en déduire, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner la validité des mises en demeure du 08 janvier 2019 et du 22 février 2019 ainsi que l’exigibilité de la créance à ces dates, comme l’invite à le faire les parties en cause, la société I était, à l’expiration de ce délai, en état de cessation des paiements puisque se trouvant dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et ce, dès le 29 septembre 2019, soit, bien antérieurement à la saisine du Tribunal.

 

Une créance exigible justifiant un redressement judiciaire ?

 

Dès lors, la Cour de cassation souligne que, en se déterminant ainsi alors que la délivrance sur le fondement d’un acte de prêt notarié d’un commandement de payer valant saisie immobilière n’a pas pour effet de déroger aux stipulations du contrat relatives à l’exigibilité de la créance dont le recouvrement est poursuivi.

 

Pour la Haute juridiction, la Cour d’appel, qui n’a pas vérifié si au jour du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde les sommes réclamées par la banque au titre de chacun des prêts étaient devenues exigibles conformément aux stipulations contractuelles, n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

La Cour de cassation cassant et annulant ainsi l’arrêt en litige et renvoyant les parties devant une autre Cour d’appel.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, celle-ci a clairement un impact.

 

Lorsqu’un créancier entend voir prononcer l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, cela suppose que soit caractérisé l’état de cessation des paiements de ce débiteur.

 

La condition tenant ainsi à l’exigibilité n’est pas considérée comme rempli par le seul fait du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Cette diligence procédurale n’affecte pas en elle-même l’exigibilité de la créance telle qu’elle résulte du contrat ayant donné naissance à la créance invoquée.

 

Le créancier est en conséquence tenu de se référer aux stipulations contractuelles sur ce point s’il entend voir reconnaitre l’état de cessation des paiements.

 

Pour autant, si cette jurisprudence a un impact pour le créancier tel que cela vient d’être présenté, il n’en demeure pas moins que cela a surtout un impact pour le débiteur, à plus d’un titre d’ailleurs.

 

Comment arrêter une procédure de saisie immobilière ?

 

Premièrement, il est vrai que lorsque le débiteur est une société et non pas une personne physique et qu’il se retrouve du coup exclu des dispositions du Code de la consommation, l’une des solutions « barrage » dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière alors que celui-ci est acculé vers une adjudication aux conséquences pouvant être parfois dramatiques et voyant tous ses moyens de fait et de droit rejetés puisque ce dernier n’a pas vocation à bénéficier des dispositions avantageuses du Code de la consommation, il est vrai que le Droit de l’entreprise en difficulté devient une porte de sortie honorable et une solution de repli efficace.

 

En effet, l’arrêt des poursuites individuelles attachées au principe même de l’ouverture d’une procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ont pas mal d’avantages puisqu’elles permettent, premièrement, de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles, deuxièmement, il convient de rappeler que cet arrêt des poursuites individuelles peut être enclenché jusqu’au jour de l’audience d’adjudication, ce qui fait que cela offre quand même sur le terrain calendaire une certaine marge de manœuvre et une certaine maniabilité intelligente.

 

Cela permet également d’envisager de présenter en suite un plan.

 

La présentation d’un plan de redressement pour sauver le bien immobilier saisi

 

La distinction entre la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire est d’importance puisque, selon les textes, la sauvegarde est ouverte au débiteur qui n’est pas en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours.

 

Alors qu’en redressement judiciaire, la cessation des paiements est actée qu’importe que les quarante-cinq jours soient acquis, pas encore acquis ou acquis depuis bien longtemps.

 

Or, il est bien évident que lorsque le débiteur se place en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire alors que la déchéance du terme a été prononcée, alors que ce dernier a été destinataire de mises en demeure, lui et les cautions par ailleurs, personnes physiques membres de la société civile immobilière, et alors qu’une assignation à comparaitre a été rendue devant le Juge de l’orientation et que parfois même un jugement d’orientation a été rendu, puis, un arrêt de la Cour d’appel confirmatif a été rendu et que nous sommes à rien de l’audience d’adjudication et que le débiteur se précipite devant la Chambre des procédures collectives pour obtenir une ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la question de savoir s’il est pertinent de se placer en sauvegarde ou en redressement judiciaire peut avoir tout son sens.

 

Preuve en est d’ailleurs, la société I s’était placée en sauvegarde et le créancier saisissant, établissement bancaire, avait cru bon immédiatement faire une tierce opposition afin de contester l’idée-même d’une procédure de sauvegarde.

 

Quelle différence entre sauvegarde et redressement judiciaire ?

 

Dès lors, il est vrai que, dans la mesure où les quarante-cinq jours de cessation des paiements peuvent effectivement être écoulés depuis la mise en demeure prononçant la déchéance du terme depuis la signification du commandement de payer, il peut effectivement sembler délicat de se placer en sauvegarde de justice et que le redressement judiciaire semble être plus approprié à la cessation des paiements actée depuis un certain temps.

 

Pour autant, la procédure de sauvegarde offre des avantages importants.

 

Le premier des avantages est qu’elle permet de présenter un plan de sauvegarde et, en cas de difficulté dans l’exécution de ce plan de sauvegarde, de se placer par la suite en redressement judiciaire, puis, de présenter un nouveau plan de redressement.

 

Un cumul entre sauvegarde et redressement judiciaire : 2 fois 10 ans ?

 

Ce qui permettrait, pour le débiteur avec une créance importante, de ne pas se retrouver bloqué dans un calendrier de paiement sur dix ans mais pourrait à ce moment-là imaginer « tirer sur la corde » pour présenter d’abord une sauvegarde judiciaire, puis, un plan de sauvegarde sur dix ans, puis, une année de redressement judiciaire et encore dix ans de redressement judiciaire derrière car, à l’inverse, en cas de redressement judiciaire, la mécanique est différente.

 

Si le plan de redressement est obtenu et qu’il n’est pas respecté par la suite, il n’y a aucune autre alternative que la liquidation judiciaire.

 

Pour autant, cette problématique de date de cessation des paiements peut amener certaines Chambres des procédures collectives à refuser d’ouvrir une procédure de sauvegarde.

 

Or, lorsque le calendrier est extrêmement court entre l’obtention d’une date d’audience devant la Chambre des procédures collectives avec un jugement parfois réclamé sur le siège afin de l’intégrer dans le calendrier très spécifique de la saisie immobilière avec une audience d’adjudication arrivant à grands pas, le choix de la procédure peut être déterminant car si la Chambre des procédures collectives vous refuse une procédure de sauvegarde et considère que vous n’avez pas vocation à être placé en sauvegarde judiciaire, vous pouvez vous retrouver hors procédure collective et donc assujetti à une adjudication catastrophique.

 

C’est ainsi l’enseignement que vient nous apporter cette jurisprudence.

 

Faut-il contester l’exigibilité de la créance en saisie immobilière ?

 

Le deuxième enseignement est d’importance aussi puisqu’il rappelle et il découle notamment d’un élan jurisprudentiel de plus en plus marqué que, tant bien même le créancier bénéficie d’un titre exécutoire qui découle notamment de la clause du titre exécutoire dans l’acte authentique du prêt et d’une correspondance prononçant la déchéance du terme, il n’en demeure pas moins que, tant bien même nous serions devant le Juge de l’exécution immobilier, ou tant bien même nous serions, par la suite, devant la Chambre des procédures collectives, il n’en demeure pas moins que le débat relatif à la déchéance du terme et au caractère exigible de la créance peut être développé et soutenu à n’importe quel moment, amenant ainsi les Juges à s’interroger sur le caractère d’exigibilité de la créance.

 

Ce qui pourrait amener le débiteur à réaborder cette problématique d’exigibilité et notamment, en l’état des jurisprudences récentes de la Cour de justice de l’Union Européenne et de toutes celles relatives à la problématique de la validité de la déchéance du terme, se positionner en remettant en question une déchéance du terme qui pourrait sembler être acquise et, du coup, indiscutable par le créancier saisissant.

 

Dès lors, force est de constater que les moyens de contestation perdurent et qu’ils peuvent finalement être soulevés à plusieurs titres devant plusieurs Juges à plusieurs stades de la procédure, tantôt de saisie immobilière, tantôt de procédure collective en sauvegarde ou en redressement judiciaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr