Qu’en est-il de la retranscription sur l’état civil français d’une gestation pour autrui conçue en Californie, USA ? Qu’en est-il de la reconnaissance du lien de filiation du parent d’intention ? Évolution de la jurisprudence favorable étendue au parent d’intention homosexuel.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en décembre dernier et qui vient aborder la question spécifique de la gestation pour autrui aux États Unis d’Amérique, et surtout de la retranscription sur l’état civil français de la reconnaissance de paternité de l’enfant.

 

Quels sont les faits ?

 

En effet, dans cette affaire, un couple d’homosexuels dont l’un est de nationalité française et l’autre de nationalité belge, a eu recours à une gestation pour enfant en Californie.

 

L’un des deux hommes est donneur de sperme tandis que le second a également l’intention d’être père.

 

A l’issue de la gestation pour autrui, deux enfants naissent en Californie et puisque cela est licite aux Etats-Unis, l’état civil californien reconnaît le lien de filiation du donneur de sperme comme étant le père et de son conjoint comme étant le parent d’intention des deux enfants.

 

Qu’en est-il du retour en France ?

 

Tout naturellement, ces derniers rentrent en France et sollicitent la retranscription sur l’état civil français du lien de filiation des deux hommes à l’égard des deux enfants sur les actes de naissance et ces derniers s’opposent à un refus de retranscription par les services de l’état civil de Nantes.

 

Il convient de rappeler que la gestation pour autrui est officiellement condamnée en France depuis une jurisprudence de la Cour de Cassation Assemblée Plénière du 31 mai 1991 qui avait rappelé, au travers du principe d’indisponibilité du corps humain, que la gestation pour autrui était illicite en France.

 

La Cour de cassation avait alors précisé dans un attendu de principe retentissant, que la convention par laquelle une femme s’engage puisse être à titre gratuit à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner ensuite à sa naissance, contrevient tant au principe de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes.

 

La Cour de cassation affirmant par la même que toute convention de gestation pour autrui était alors frappée de nullité et surtout, outre la nullité de la convention, la Cour de cassation considérait que tous les effets pouvant être liés de près ou de loin à la gestation pour autrui ne pouvait produire quelque effet que ce soit en France au regard de la filiation.

 

Dès lors, la Cour de cassation interdisait toute forme de rattachement juridique de l’enfant à ses parents, tant à travers des tentatives de retranscription sur l’état civil qu’également par le biais de l’adoption notamment de l’adoption plénière.

 

Réforme législative de l’article 16-7 du Code civil

 

Le législateur est venu légiférer par la suite, à travers la loi bioéthique de 1994 et au travers du nouvel article 16-7 du Code Civil qui dispose que toute convention portant sur la procréation de la gestation pour le compte d’autrui est nulle.

 

Pour autant il est vrai que, petit à petit, fort de ce principe de nullité de la gestation pour autrui, la jurisprudence est revenue petit à petit sur ce principe et a commencé à reconnaître la filiation tantôt paternelle, notamment à l’égard du donneur de sperme mais également à l’égard du parent d’intention.

 

En effet, dès 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt Mennesson contre France, avait condamné la France pour avoir refusé la retranscription de la filiation paternelle reposant sur une réalité purement biologique puisque celui-ci était le donneur de sperme.

 

Puis, fort de cette jurisprudence de la CEDH, avait dans deux arrêts rendus le 3 juillet 2015 en assemblée plénière, la Cour de cassation est revenue sur sa position du 31 mai 1991 et a considéré que la retranscription du père biologique à l’état civil français d’un acte de naissance établi en l’exécution d’une décision étrangère au motif que l’acte de naissance n’était ni régulier ni falsifié et que les faits déclarés correspondaient à la réalité était donc parfaitement licite.

 

Revirement jurisprudentiel de 2015 et retranscription sur l’état civil français

 

La retranscription sur l’état civil français était donc admise parce que l’acte de naissance de l’enfant dressé à l’étranger correspondait à une réalité biologique puisque le père était bel et bien le géniteur de l’enfant et le donneur de sperme.

 

Dans une précédente jurisprudence du 4 août 2019, la Cour de cassation autorisait également le parent d’intention, la mère en l’occurrence à reconnaître le lien de filiation maternelle, à autoriser la retranscription et ce au motif pris de l’atteinte au droit et au respect de la vie privée des enfants par ce refus de retranscription sur les registres d’état civil de leur acte de naissance établi à l’étranger.

 

Finalement, en octobre 2019 la Cour de cassation finit donc par reconnaître le lien de filiation maternelle de la mère d’intention et permettre également la reconnaissance du parent d’intention homosexuel comme pouvant bénéficier d’une retranscription sur l’état civil des deux parents pour les deux enfants.

 

Reconnaissance du lien de filiation du parent d’intention homosexuel

 

Le recours à une gestation pour autrui à l’étranger n’empêche pas de reconnaître le lien de filiation, non seulement en terme biologique mais aussi en parent d’intention dès lors que les actes d’État civil à l’étranger sont conformes à la réalité et qu’importe qu’il s’agisse d’un père et d’une mère ou de deux pères ou encore de deux mères.

 

Cette jurisprudence est intéressante car non seulement elle répond à l’évolution jurisprudence liée à la gestation pour autrui d’un enfant licite à l’étranger mais également en France et pour lequel les deux parents peuvent maintenant être parents biologiques et parents d’intention hétérosexuels ou homosexuels et peuvent désormais procéder la retranscription du lien de filiation sur les registres d’État civil français.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

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