Responsabilité du mandataire liquidateur et prescription de l’action, quel point de départ ?

laurent latapie avocat reportage 2025
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Un chef d’entreprise d’une SCI en liquidation judiciaire souhaite engager la responsabilité du mandataire liquidateur. Il lui reproche une perte de chance de présenter un plan de redressement, puis dans le cadre de la liquidation judiciaire finalement prononcée d’avoir mal réalisé les actifs de la SCI. Quel est le point de départ de cette action en responsabilité contre le mandataire liquidateur ? Le jour du fait générateur de la faute commise ou le jour de la clôture qui détermine l’étendue du préjudice ? Le mandataire liquidateur peut-il inversement demander l’allocation de dommages et intérêts contre le débiteur au motif pris de ce que cette action en responsabilité contre le mandataire liquidateur serait abusive ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 13 février 2025, N°RG 23/15934, qui vient aborder le cas spécifique d’une action en responsabilité faite par un débiteur en liquidation judicaire contre son mandataire liquidateur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la SCI L était propriétaire d’un immeuble à Marseille élevé de deux étages sur rez-de-chaussée avec galetas.

 

Par jugement en date du 08 février 2011, saisi par l’assignation d’un créancier, le Tribunal de Grande Instance de Marseille avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de ladite SCI L dont le gérant était Monsieur V.

 

Par jugement en date du 13 septembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé par la suite la liquidation judiciaire de la SCI L et désigné Maître A es-qualité de mandataire liquidateur.

 

Saisi par requête du liquidateur judiciaire en date du 11 octobre 2012 aux fins de vente du bien immobilier de la SCI L avec une mise à prix de 100 000.00 € et faculté de baisse de moitié en cas de carence d’enchères sur 50 000.00 €, le Juge commissaire a, par ordonnance en date du 15 janvier 2013, autorisé ladite vente par adjudication.

 

C’est dans ces circonstances que, par acte en date du 25 janvier 2013, Monsieur V, dirigeant de la SCI L, a interjeté appel de la décision.

 

Par ordonnance en date du 22 octobre 2013, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel d’Aix en Provence avait constaté la caducité de l’appel formé par Monsieur V à l’encontre de la décision déférée pour défaut de conclusions dans le délai requis.

 

Une responsabilité du mandataire liquidateur en cas d’adjudication ?

 

Puis, par jugement d’adjudication en date du 30 janvier 2014, l’immeuble a été adjugé pour la somme de 121 000.00 €, outre 1 059.72 € au titre des loyers perçus pendant la période.

 

Le passif de la SCI L a été intégralement réglé et c’est dans ces circonstances que, selon jugement en date du 24 mars 2015, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif.

 

Puis, selon ordonnance en date du 01er octobre 2015, le Juge commissaire a approuvé le compte-rendu de fin de mission établi par le mandataire liquidateur, Maître A, es-qualité.

 

L’assignation en responsabilité du mandataire par le débiteur

 

Or, par acte extrajudiciaire signifié le 18 juillet 2019, Monsieur V a assigné Maître A à titre personnel devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes aux fins de voir déclarer Maître A responsable pour ne pas avoir présenté un plan de redressement de la SCI L et condamner Maître A à payer à Monsieur V la somme de 50 000.00 € pour perte de chance de présenter un plan de redressement mais également et surtout de condamner Maître A à payer à Monsieur V la somme de 250 000.00 € au titre de dommages et intérêts sur la dévalorisation immobilière, outre 244 800.00 € au titre de la perte de revenus locatifs à ce jour, outre la somme de 612 000.00 € au titre de la perte de chance de bénéficier des revenus locatifs à venir.

 

C’est dans ces circonstances que, par jugement en date du 17 novembre 2023, le Tribunal judiciaire de Tarascon a déclaré prescrite l’action initiée par Monsieur V à l’encontre de Maître A, déclaré irrecevable l’ensemble des demandes de Monsieur V et, condamné ce dernier aux dépens, outre un article 700 de 3 000.00 €.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur V a interjeté appel de la décision le 27 décembre 2023 en maintenant ses demandes à l’encontre du mandataire judiciaire.

 

En effet, à l’appui de ses demandes, Monsieur V soutenait que Maître A avait commis deux fautes.

 

En effet, il reprochait au mandataire judiciaire de ne pas l’avoir accompagné dans le cadre du redressement judiciaire afin d’envisager sérieusement un plan de redressement viable qui aurait permis de payer le passif et de conserver le bien.

 

La responsabilité du mandataire judiciaire et la perte de chance de présenter un plan de redressement

 

Il reproche aussi au mandataire liquidateur de ne pas avoir procédé à une réalisation de l’actif maximisé en se contentant d’envisager une vente aux enchères sur la base d’une mise à prix fixée forfaitairement sans qu’aucune hypothèse de vente à l’amiable et d’expertise ait été envisagée.

 

Monsieur V faisait valoir à hauteur de Cour que l’immeuble loué en son entier pouvait générer un revenu locatif de près de 2 550.00 € par mois et que le bien avait été estimé le 07 avril 2010 entre 390 000.00 €, fourchette basse, et 400 000.00 €, fourchette haute.

 

Monsieur V soutient que le préjudice découlant de la réalisation des actifs est en lien direct avec l’insuffisance des actifs de la liquidation judiciaire, lequel ne peut être déterminé qu’au moment où l’ensemble des opérations liquidatives sont clôturées et en tire pour conséquence que c’est la clôture pour extinction du passif qui fait partir le délai de prescription de l’action en responsabilité contre le mandataire liquidateur puisque c’est le point de départ de la caractérisation du préjudice en question.

 

Un point de départ de l’action en responsabilité collé au jour de la clôture ?

 

Pour autant, le mandataire liquidateur ne partage pas son analyse puisqu’il rappelle que Monsieur V est un tiers et que son action est dès lors soumise à la prescription de l’article 2224 du Code civil et est comme telle prescrite dès lors que,

 

S’agissant du premier grief, Monsieur V ne pouvait ignorer que la SCI L dont il était le gérant ne pouvait bénéficier d’un plan de redressement par les faits du jugement qui l’a déclaré en liquidation judiciaire, soit, à compter du 13 septembre 2011,

 

La responsabilité du mandataire liquidateur lors des opérations de réalisation des actifs

 

S’agissant du second grief, Maître A, mandataire liquidateur, soutient que Monsieur V a connu le 30 janvier 2014 lors de la vente aux enchères du bien le fait que son immeuble ne pourrait être vendu à un prix supérieur, de telle sorte que son action qui a été introduite le 10 juillet 2019 était prescrite.

 

Le mandataire liquidateur faisant valoir que Monsieur V n’a pas qualité à agir dans la mesure où il ne justifie pas de la valeur de l’immeuble et le mandataire liquidateur soutient avoir rempli son obligation de moyen.

 

Il conteste toute faute, fait valoir l’absence de collaboration de la SCI L à la procédure ainsi que la dissimulation de son bien immobilier par la SCI, outre le détournement de loyers de l’immeuble qu’aurait encaissé directement Monsieur V.

 

L’absence de collaboration du dirigeant et le détournement des loyers encaissés par ce dernier

 

Il rappelle enfin qu’il n’avait pas reçu pour mission d’assister la débitrice dans l’élaboration d’un plan de redressement et avait pour mission principale la préservation des droits des créanciers.

 

Le mandataire liquidateur allant même jusqu’à soutenir que l’action formée par Monsieur V est abusive et lui a causé un préjudice moral et personnel faisant valoir l’absence de collaboration de Monsieur V et sa dissimulation de l’immeuble de la SCI, outre l’encaissement des loyers directement entre ses mains nonobstant les effets de la procédure collective proprement dite.

 

La Cour d’appel rejoint l’analyse du mandataire liquidateur sur la problématique de la prescription et semble, par ce biais-là, purger toute réflexion de fond sur l’éventuelle faute commise par le mandataire liquidateur.

 

Le point de départ de la responsabilité du mandataire attaché à la faute commise

 

En effet, sur les mérites de l’appel, la Cour d’appel rappelle en tant que de besoin que, en vertu de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles immobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits qui permettent de l’exercer.

 

La prescription d’une action en responsabilité court non pas du jour du fait générateur de la faute mais de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle ce dommage a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en a pas eu précédemment connaissance.

 

Le fait générateur de la faute, point de départ de l’action en responsabilité du mandataire

 

Ainsi, la prescription de l’action en responsabilité du mandataire liquidateur court ainsi à compter de la manifestation de dommages à celui qui s’en prévaut pour demander indemnisations.

 

Monsieur V soutient que le mandataire liquidateur a commis deux fautes à l’origine des dommages qu’il invoque.

 

En premier lieu, il fait grief à Maître A de ne l’avoir pas accompagné dans le cadre du redressement judiciaire afin d’envisager un plan de redressement viable qui aurait permis de payer le passif et de conserver le bien.

 

Or, Monsieur V a eu connaissance du dommage résultant de l’absence du plan de redressement lorsque le Tribunal de Grande Instance a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire le 13 juin 2011.

 

En second lieu, Monsieur V a fait grief à Maître A, es-qualité de liquidateur judiciaire, de n’avoir pas réalisé l’actif de la SCI en son montant maximal.

 

Or, Monsieur V a eu connaissance du dommage résultant de la faute alléguée lors de l’audience de vente aux enchères publiques du bien de la SCI pour un montant de 121 000.00 € le 30 janvier 2014.

 

Or, Monsieur V a assigné Maître A en responsabilité le 10 juillet 2019, à défaut pour Monsieur V d’avoir introduit son action dans le délai de cinq ans suivant la date du 13 juin 2011 s’agissant du premier grief allégué et suivant la date du 30 janvier 2014 s’agissant du second grief allégué, Monsieur V est prescrit en son action et il convient de confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Tarascon en toutes ses dispositions.

 

La demande de dommages et intérêts sollicitée par le mandataire liquidateur contre son débiteur

 

Concernant la problématique des demandes de dommages et intérêts formulées par le mandataire liquidateur, la Cour rappelle que l’article 1240 du Code civil dispose que :

 

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

 

Le demandeur à l’action en responsabilité doit démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

 

Or, Maître A soutient que l’action de Monsieur V est abusive et qu’elle lui cause un préjudice moral et personnel sans cependant le démontrer.

 

Étant observé que l’obstruction de la procédure collective qu’il reproche à Monsieur V ne relève pas d’une indemnisation d’un préjudice du liquidateur qu’il soit moral, personnel ou professionnel.

 

De telle sorte que la Cour déboute Maître A de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

 

L’action en responsabilité contre le mandataire liquidateur par le débiteur, jugée abusive ?

 

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient une fois de plus aborder la problématique de la responsabilité du mandataire liquidateur qui peut assez facilement engager sa responsabilité puisque le dirigeant de la SCI en question venait lui reprocher, à la fois une absence d’accompagnement sérieux dans le cadre de la présentation d’un plan et, à la fois des conditions de réalisation des actifs catastrophiques puisque le mandataire liquidateur semble avoir poussé le bien à la vente aux enchères publiques sans avoir même réalisé une expertise judiciaire pour déterminer à tout le moins la fixation d’un prix de vente aux enchères publiques qui aurait peut-être permis d’obtenir une réalisation dans les meilleures conditions possibles car effectivement malheureusement, à bien des égards, si le mandataire judiciaire peut choisir de préférer une vente aux enchères publiques au détriment d’une vente amiable afin de s’assurer que le bien soit vendu au juste prix et que sa responsabilité ne se voit pas engagée, il n’en demeure pas moins que celui-ci peut quand même voir sa responsabilité engagée s’il n’a pas tout mis en œuvre pour réaliser l’actif dans les meilleures conditions possibles.

 

Le reproche qui pourrait être fait à Monsieur V finalement dans cette affaire est d’avoir peut-être tardé à réfléchir à cette action en responsabilité pour laquelle il se retrouve finalement prescrit alors que, malgré tout, la réflexion qui consiste à considérer que le préjudice ne peut être caractérisé finalement qu’à la clôture de la liquidation judiciaire, tantôt parce que l’ensemble des créanciers n’ont pas été désintéressés, tantôt parce que le débiteur ne récupère pas le bonni qui aurait pu lui revenir et qu’il espérait avoir pour lui permettre de rebondir et de repartir dans les meilleures conditions possibles.

 

Or, la Cour d’appel ne retient pas cette approche et considère que, dans la mesure où le débiteur a été informé en sa qualité de gérant de la SCI des différents obstacles qu’il a rencontré et qu’il vient finalement reprocher bien plus tard au mandataire liquidateur, ce dernier a donc bel et bien eu connaissance de ces éléments et donc des fautes qu’il souhaitait caractériser à l’encontre du mandataire liquidateur.

 

De telle sorte que ce dernier se retrouve finalement prescrit bien que, à mon sens, la réflexion de la responsabilité du mandataire liquidateur trouve véritablement son expression lorsque la clôture survient et que les comptes sont enfin faits entre actif et passif dans le cadre de la réalisation des opérations de liquidation judiciaire.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Bail commercial, redressement judiciaire et loyers postérieurs impayés

Quelle procédure peut engager le bailleur d’un bail commercial sous le coup d’un redressement judiciaire alors que les loyers impayés sont postérieurs ? Est-il tenu d’en informer le mandataire judiciaire ? Celui-ci n’engagerait pas sa responsabilité s’il cédait le fonds de commerce en ignorant jusqu’à l’existence de l’acquisition de la clause résolutoire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en fin d’année 2017 qui vient aborder les facultés du bailleur pour obtenir la résiliation du bail commercial alors que le redressement judiciaire a été prononcé, qu’une période d’observation est en cours, qu’un mandataire judiciaire en charge de la vérification des créances a été désigné et que surtout l’exploitant commercial en redressement judiciaire ne paye plus ses loyers postérieurs.

 

Dans cette affaire, le 6 août 2004, la société B a consenti à la société C un bail commercial sur des locaux lui appartenant.

 

La société C a été mise en redressement judiciaire le 27 avril 2007, Maître Y étant désigné mandataire judiciaire.

 

Or, postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur se retrouve à ne plus payer les loyers du bail commercial,

 

En effet, le locataire n’a pas réglé les loyers dus pour les mois d’avril et de mai 2008, soit postérieurement au redressement judiciaire,

 

Tout d’ailleurs laisse à penser que le non paiement de ces loyers postérieurs est intervenu postérieurement à l’acceptation du plan de redressement puisque la période d’observation maximale pour une entreprise en redressement judiciaire sauf demande de poursuites d’activités exceptionnelle à la seule demande du Procureur de la République est d’un an,

 

C’est dans ces circonstances que la société B, le bailleur, a fait délivrer à sa locataire, le 20 mai 2008, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial,

 

Or, pendant ce temps la, et par jugement en date du 23 mai 2008, la société C, le débiteur, a été mise en liquidation judiciaire, Maître Y étant désigné liquidateur,

 

Fort de la liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire envisage et organise la cession du fonds de commerce exploité dans les locaux loués incluant la cession du bail commercial, dite cession autorisée par décision du juge commissaire au profit de la société T.

 

Il importe de préciser que la vente du fonds de commerce est intervenue le 2 octobre 2008.

 

Pour autant le commandement de payer du 20 mai 2008 visant la clause résolutoire avait produit ses effets faute de paiement dans le mois de sa délivrance.

 

Dès lors le bailleur considérait que le bail commercial consenti à la société C, désormais cédé à la société LT était résilié.

 

La société B a alors assigné Maître Y.ès qualité et la société T devant le Tribunal pour que soit constatée la résiliation du bail commercial et que qu’il soit ordonné l’expulsion de tout chef à ce titre.

 

Tout lecteur attentif comprendra bien à ce stade qu’une telle décision de justice serait lourde de conséquences quant à la cession qui a eu lieu,

 

Le liquidateur judiciaire se défend et prétend que l’action en résiliation du bail commercial engagée par la société B était irrecevable, et ce au visa de l’article L. 641-12, alinéa 4 du Code de Commerce,

 

En effet, dans sa rédaction applicable au litige ce texte précise que le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d’ouverture de la procédure qui l’a précédé et doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.

 

Il est original de remarquer que le mandataire liquidateur et le débiteur rappelaient que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de trois mois pour la simple et bonne raison que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 23 mai 2008, alors que la société bailleresse avait, par actes des 10 et 25 mars 2010, saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire de telle sorte que cette action n’aurait pas été introduite dans le délai de trois mois et serait donc par là même irrecevable.

 

Pourtant, le calendrier s’impose,

 

Sauf à ce que le mandataire judiciaire confonde la signification du commandement de payer visant le clause résolutoire et l’assignation aux fins de voir constaté l’acquisition de la clause résolutoire,

 

Bien plus, le mandataire liquidateur reprochait au bailleur de ne pas avoir procédé à la notification du commandement de payer au mandataire judiciaire alors que la société n’était qu’en redressement judiciaire.

 

La Cour de Cassation de s’y trompe pas et vient apporter une réponse claire et précise sur ce point puisqu’elle considère que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C, de telle sorte que l’action est résiliation du bail commercial intentée plus de trois mois après le jugement d’ouverture conformément aux dispositions de l’l’article L. 622-14, 2° du code de commerce est recevable.

 

Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de confondre commandement de payer et assignation,

 

Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’aucune disposition légale n’impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du preneur,

 

De telle sorte que la Cour constate bien que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C de telle sorte que le commandement de payer signifié à la seule gérante de cette société au cours de la période d’observation produit ses effets.

 

Dès lors, le bailleur créancier de loyers postérieurs est parfaitement en droit de procéder à la signification d’un commandement de payer entre les mains du débiteur sans nécessairement le notifier au mandataire judiciaire (il en aurait été autrement si un administrateur avait été désigné).

 

Bien plus encore, dans la mesure où le bailleur n’est pas obligé de le notifier, il peut donc obtenir la résiliation du bail commercial sans même que le mandataire judiciaire ou commissaire au plan soit avisé.

 

Il appartient au débiteur d’être parfaitement transparent avec son mandataire liquidateur car dans cette affaire, le débiteur a semble-t-il imaginé cacher l’information à ce dernier qui a, dans le cadre de la liquidation judiciaire, vendu le fonds.

 

L’acquisition de la clause résolutoire est lourde de conséquence,

 

En effet, il est bien évident que l’acquéreur risque fort de se retourner en responsabilité contre le mandataire judiciaire qui a cédé un fonds de commerce reposant sur un bail commercial dont la clause résolutoire est acquise.

 

Dès lors, passée l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le bailleur peut procéder à la signification d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial au titre de paiement de loyers postérieurs sans forcément être tenu de procéder à la notification entre les mains du mandataire judiciaire.

 

S’il est vrai qu’il est toujours de bon aloi de le prévenir, il n’en demeure pas moins que le bailleur n’est pas tenu par ces formalités auprès du mandataire judiciaire,

 

Cela amène également à réfléchir à une autre problématique,

 

Dans l’hypothèse d’un plan de redressement qui serait obtenu et comprenant la désignation d’un commissaire à l’exécution du plan la question serait non pas tant de savoir si le bailleur doit notifier ou signifier entre ses mains le commandement de payer visant la clause résolutoire au titre du non paiement de loyers postérieurs à l’acceptation du plan de redressement judiciaire, mais de savoir si le bailleur serait tenu, lorsqu’il lance une assignation en référé pour demander au Juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire de la faire signifier au commissaire à l’exécution du plan dans la mesure ou le fonds de commerce a fait l’objet d’une déclaration d’inaliénabilité.

 

En effet, il convient de rappeler que le bailleur est tenu de faire signifier son assignation à l’ensemble des créanciers inscrits.

 

S’il ne le fait pas à l’encontre du commissaire à l’exécution du plan au motif que ce dernier est le garant de l’inaliénabilité de l’actif visé dans le cadre du plan de redressement, cela serait il un motif d’irrevabilité de son action ?

 

Je ne le pense pas car il est bien évident que la décision suivant laquelle le Tribunal de Commerce prononce l’inaliénabilité du fonds de commerce et la publication n’entrainent pas une obligation du bailleur de signifier l’assignation pour la simple et bonne raison que la déclaration d’inaliénabilité sert surtout à préserver les créanciers afin d’éviter une vente intempestive de l’actif du débiteur qui le ferait dans le dos du commissaire à l’exécution du plan et au détriment des créanciers.

 

A mon sens, cette clause d’inaliénabilité ne peut permettre de préserver l’actif ou d’être un obstacle à la résiliation du bail commercial si les loyers postérieurs ne sont pas réglés.

 

En tout état de cause, la question est de savoir si le commissaire à l’exécution du plan est appelé dans la cause ce dernier pourrait-il empêcher la résiliation du bail alors qu’il n’a vocation qu’à être le garant du paiement des créanciers antérieurs sans avoir de pouvoir légal stricto sensu contre toutes créances postérieures à l’acceptation du plan ?

 

Dès lors, force est de constater que le sort du bail commercial, en présence de loyers postérieurs au redressement impayés, peut être tranché sans que le mandataire judiciaire soit appelé en cause, ce qui doit amener le mandataire judiciaire a procéder à quelques vérifications d’usage sans quoi, il engagerait sa responsabilité, plus particulièrement si ce dernier a eu la bonne idée de vendre le fonds sur la base d’un bail commercial résilié,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr