Vente en viager, incendie et liquidation judiciaire

Cas d’école d’une vente en viager, lorsque le crédirentier engage une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Parcours procédural semé d’embuches, surtout lorsque le bien immobilier a subi un incendie et que le débirentier se retrouve en liquidation judiciaire.

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Caen en ce début d’année 2018 qui vient aborder la problématique d’une vente en viager dans laquelle le credirentier a engagé une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire alors même que le bien avait fait l’objet d’un incendie et que le débiteur était en liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, par acte authentique du 8 février 2012, Monsieur H né en 1950 célibataire et sans enfant propriétaire de son bien avait cédé, par le biais d’une vente en viager, à Monsieur P un ensemble immobilier comprenant une maison d’habitation, dépendances et jardin sous forme viagère, le vendeur se réservant la jouissance de l’usufruit sa vie durant et l’acquéreur devant s’acquitter d’une rente annuelle de 12 640,81 euros sans qu’il soit prévu une somme immédiatement exigible et plus connue sous le nom de « bouquet ».

Seule la rente annuelle était due.

A la suite d’un signalement auprès du Procureur de la République faisant état d’abus de faiblesse sur la personne du vendeur, le Juge des tutelles a été saisi aux fins d’ouverture d’une mesure de protection à l’égard de Monsieur H.

Par jugement en date du 28 avril 2014, le Juge des tutelles de Caen a placé Monsieur H sous curatelle renforcée désignant une association tutélaire en qualité de curateur.

L’association s’est aperçue que Monsieur P n’effectuait aucun versement postérieurement à celui effectué à la signature de l’acte qui devait correspondre de prime abord à la première annuité.

Pour cette dernière, il y avait matière à remettre en question cette vente en viager,

C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le 29 décembre 2015 à Monsieur P débirentier lui enjoignant de payer dans le délai d’un mois la somme de 17 882,57 euros au titre de la rente viagère, de remettre en état les dépendances et les meubles qui avaient été détruits entre temps par un incendie.

Par acte d’huissier en date du 8 mars 2016, l’association a fait assigner Monsieur P devant le Tribunal d’Instance pour :

Un premier jugement a été rendu le 27 juin 2016 assorti de l’exécution provisoire,

Cependant ce n’était pas la la seule procédure,

En effet, par jugement du 8 juillet 2016, le Tribunal de Grande Instance de Caen a prononcé la résolution du plan d’apurement du passif de Monsieur P et une procédure de liquidation judiciaire en fixant la date de cessation des paiements au 10 mars 2016.

Le mandataire liquidateur qui a été désigné a immédiatement fait appel du jugement querellé concernant cette problématique de vente en viager.

Or, par la suite, la procédure collective a évolué puisque par ordonnance de référé du 7 février 2017, le Premier Président de la Cour d’Appel a suspendu l’exécution provisoire attachée au jugement du 27 juin 2016.

Par arrêt du 27 avril 2017, la Cour d’Appel de Caen a infirmé le jugement du 8 juillet 2016 et dit « n’y avoir lieu à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de Monsieur P. »

Or, dans cette affaire, concernant la remise en question de la vente en viager, la problématique tournait autour de 3 axes.

Premièrement, l’appel du mandataire liquidateur était-il recevable puisque c’est lui qui avait engagé l’appel et non pas Monsieur B ?

Deuxièment, la clause résolutoire de cette vente en viager était elle acquise ?

Troisiemement, y avait-il matière à ordonner la remise en état ?

Concernant l’appel de la liquidation judiciaire, il importe de préciser que concernant la régularité de la procédure, la Cour d’Appel relève qu’il est constant que Monsieur P n’était pas encore placé en liquidation judiciaire lorsque le jugement du 27 juin 2016 a été rendu mais lorsque l’appel a été interjeté le 19 aout 2016, Monsieur P était alors bel et bien en liquidation judiciaire.

Seul le liquidateur pouvait effectivement régulariser l’appel.

Il convient de rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, le débiteur est en effet déssaisi par la décision prononçant la liquidation judiciaire de telle sorte que c’est le liquidateur qui exerce tous les droits et actions concernant son patrimoine durant toute la durée de la procédure.

Il en va de même concernant les problématiques liées à une vente en viager,

Dans le cadre de cette procédure, concernant la question de l’acquisition de la clause résolutoire, Monsieur P s’est d’abord contenté d’affirmer qu’il rencontrait des difficultés économiques et avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à un plan d’apurement du passif et que de difficultés complémentaires l’avaient empêché de faire face aux annuités du plan mais également au versement de la rente annuelle.

Monsieur P précisait que la réformation du jugement l’ayant placé en liquidation judiciaire lui permettrait d’apurer sa dette envers Monsieur H et il s’estimait être débiteur malheureux et de bonne foi.

Il ajoutait avoir toujours eu l’intention de remettre les lieux en l’état.

Il n’en demeure pas moins que la Cour d’Appel a une approche particulièrement sévère,

Dans un premier temps elle souligne qu’il résulte des pièces produites que la rente viagère à la charge de Monsieur P n’a plus été payée depuis le mois d’août 2014 alors même que ce paiement constitue l’obligation principale de l’appelant.

Puis, elle souligne que le délai imparti par le commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au contrat qui avait été délivré le 29 décembre 2015 était largement expiré lorsque Monsieur H a saisi le Tribunal de Grande Instance en demande de résolution de la vente.

Dès lors, pour la Cour, il convenait d’appliquer la clause qui précisait « qu’à défaut de paiement à son exacte échéance, d’un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera de plein droit et sans mise à demeure préalable, purement et simplement résolue sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause.

Dans ce cas toutes les sommes perçues par le vendeur (bouquets et les arrérages de rente) seront de plein droit définitivement acquises au crédirentier sans recours ni répétition de la part de l’acquéreur défaillant à titre de dommages intérêts et d’indemnités forfaitairement fixés. »

Enfin, concernant la problématique relative à l’incendie, la Cour retient qu’il est établi et incontesté que les lieux objets de la vente ont été sinistrés par un incendie qui a endommagé gravement le garage, l’ancienne charretterie, les écuries ce qui a valu à Monsieur P de recevoir de son assureur une indemnisation substantielle de près de 147 000 euros qu’il a toutefois omis de consacrer à la remise en état qui s’imposait, malgré la sommation délivrée le 27 décembre 2015.

La Cour d’Appel ne répond pas vraiment sur la problématique de l’incendie puisqu’elle ne fait que trancher la difficulté relative au fait que la vente en viager aurait été litigieuse au motif pris de l’absence totale de bouquet qui découlerait d’un état de vulnérabilité.

Dès lors, s’il y avait bel et bien vulnérabilité il y avait donc vice du consentement et dans ce cas, il fallait plutôt que de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente en viager envisager sa nullité.

A mon sens, cela aurait été plus efficace.

Cette décision mérite malgré tout réflexion car la problématique de l’injonction de remise en état des dépendances n’est absolument pas abordée par la Cour,

En effet, celle-ci ne fait que reprendre les faits sans réellement réflechir à l’impact que cela pourrait avoir sur la nullité ou la résolution de cette vente en viager et savoir si oui ou non cela devait finalement peser sur les épaules du crédirentier ou du débirentier.

Enfin, c’est omettre l’impact de la procédure collective qui a malgré tout un sens,

En effet, la question se pose malgré tout de savoir si en l’état de la liquidation judiciaire, la demande en résolution du contrat se heurterait pas valablement aux effets automatiques de ladite liquidation.

En effet, dans la mesure où il y a l’ouverture d’une liquidation judiciaire pour lequel est attaché le principe d’interdiction des poursuites, cela devrait mettre suffisamment à mal l’idée même d’une demande de constatation de résolution du contrat par application d’une clause résolutoire.

Une jurisprudence dominante considère qu’à partir du moment où la clause a produit ses effets avant le jugement d’ouverture, il est possible pour le Juge de constater la résolution de plein droit nonobstant l’ouverture de la procédure collective.

Sauf que dans l’hypothèse où appel a été interjeté la décision n’est pas définitive et par voie de conséquences, la Cour d’Appel n’aurait plus rien à constater.

Il importe d’ailleurs de préciser que cette solution a déjà été appliquée dans le cadre quasi identique d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de vente en viager.

En effet, bon nombre de juridictions considèrent que le jeu de la clause résolutoire doit être écarté tant que la résolution n’a pas été constatée par une décision de justice à la date d’ouverture de la procédure collective.

La Cour de Cassation a consacré plusieurs fois cette thèse notamment par un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 18 septembre 2012.

De prime abord, dans notre affaire, cela ne serait pas possible car la créance est apparue alors que Monsieur P était déjà en plan de redressement,

Bien plus, s’il est vrai que la liquidation judiciaire a été prononcée, celle-ci a très rapidement fait l’objet d’une rétractation par la Cour de telle sorte que l’arrêt des poursuites individuelles lié à l’ouverture de la procédure collective n’aurait de toute façon plus de sens.

Pour autant, cette jurisprudence étudiée est interressante puisqu’elle vient aborder cette  problématique spécifique quant à la question de l’acquisition de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective nonobstant le fait que la décision ne serait pas définitive.

Cela permettait à Monsieur P de garder la propriété du bien,

Cette solution serait également rassurante pour les créanciers car il est bien évident que si Monsieur P, qui est en plan de redressement, se heurte à des difficultés de paiement et ne peux plus tenir son plan, il sera alors placé en liquidation judiciaire et l’actif ne serait alors plus garanti.

Vente en viager, ou pas.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Responsabilité du gérant et liquidation judiciaire après une conciliation

Un mandataire liquidateur, qui avait été préalabalment désigné conciliateur afin de sauver l’entreprise, est il en droit d’engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs alors que l’article L812-8 du Code du commerce prévoit une incompatibilité sur ce point ? le mandataire liqudiateur peut il reprocher au gérant des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective ?

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu en novembre qui vient aborder la spécificité de la faute du gérant pour laquelle le mandataire ne manque pas de le poursuivre en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Il convient de savoir si la responsabilité du gérant peut être exposée pour des fautes commises postérieurement au jugement d’ouverture ou pour des fautes antérieures.

La société S était dirigée par Madame X.

Celle-ci avait bénéficié d’une procédure de conciliation et Maître Y mandataire judiciaire avait été désigné en qualité de conciliateur.

Le 8 octobre 2007, la société S avait été placée en redressement judiciaire, Maître Y étant désigné comme mandataire judiciaire et le 5 février 2008, la société S avait été placée en liquidation judiciaire, Maitre Y étant désigné liquidateur.

C’est dans ces circonstances que ce dernier, alors qu’il n’avait eu de cesse d’accompagner Madame X a décidé de l’assigner aux fins d’engager sa responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Or, dans cette affaire, Madame X a été condamnée sur la base de fautes de gestion postérieures à l’ouverture de la procédure collective.

Ce qui n’est pas commun,

Pour autant, la question demeure, est ce valable et juridiquement possible ?

La Cour de Cassation n’a pas manqué de casser l’arrêt et de rappeler la mécanique spécifique de la faute de gestion en droit de l’entreprise en difficulté.

La responsabilité du gérant ne peut être caractérisée de la sorte,

La Cour d’Appel d’Aix en Provence qui a été sanctionnée par la Haute juridiction considérait que la gérante n’avait pas déposé de déclaration de résultat pour la période de 2007 à 2008,

Que par ailleurs, la Cour d’appel considérait également que la responsabilité du gérant découlait d’une absence totale d’arrété de chantier sur plusieurs chantiers qui avaient été purement et simplement abandonnée par la gérante, et ce, après l’ouverture de la procédure collective.

Ces éléments sont générateurs de fautes de gestion,

Mais dans le cadre du droit de l’entreprise en difficulté, la responsabilité du gérant ne pouvait être abordée que sur la base de fautes de gestion antérieures.

Il est vrai que l’article L. 651-2 du Code de Commerce qui aborde la problématique de la faute de gestion ne précise pas la période de ladite faute de telle sorte qu’on ne saurait savoir si le mandataire judiciaire pourrait venir reprocher une faute de gestion qu’elle soit antérieure ou postérieure.

Pour autant,  il convient de rappeler la philosophie du droit de l’entreprise en difficulté et notamment la rigueur des textes antérieurs qui ont clairement rappelés que, sous le régime ancien, seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement de l’ouverture de la procédure collective était génératrice de responsabilité du gérant en cas de fautes.

Il convient de préciser que le débiteur n’avait pas manqué de contester l’initiative du mandataire liquidateur qui souhaiter engager la responsabilité du gérant.

En effet, le débiteur était parfaitement fondé à venir rappeler que Maître Y avait été désigné en qualité de conciliateur et l’avait assisté pour faire face à ses difficultés économiques,

Dès lors, il était particulièrement spécieux de venir par la suite lui reprocher des fautes qu’il avait pu appréhender dans un rapport de confiance absolue.

Il convient de rappeler que Maître Y désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du président du Tribunal de Commerce en date du 22 décembre 2006, avait été, par la suite, désigné en qualité de mandataire judiciaire par jugement du même tribunal en date du 8 octobre 2007 soit moins d’un an avant la fin de sa mission de conciliateur, en méconnaissance des dispositions de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Il est vrai que l’incompatibilité édictée par l’article L 812-8 du Code de Commerce n’est pas une incompatibilité absolue puisqu’elle n’impose que l’écoulement d’un délai d’un an entre l’exercice des fonctions de conciliateur et celles de mandataire judiciaire lorsqu’il s’agit de la même entreprise.

La Cour de Cassation considère qu’elle n’est assortie d’aucune sanction légale et n’entraîne donc pas ipso facto la nullité de la désignation du mandataire et des actes accomplis par ce dernier dans l’exercice de sa mission.

Il ne serait donc pas possible de solliciter la nullité de l’action en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actif sur cette base,

Le conciliateur pourrait donc être désigné mandataire judiciaire en parfaite violation de la loi et la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas de sanctions suffisantes pour l’en empêcher.

La Cour de Cassation est assez sévere tout comme le mandataire puisque ces derniers viennent exciper qu’il appartient au dirigeant de rapporter la preuve que les éléments de fait articulés par Maître Y à l’appui de son action en comblement du passif, ont pu être recueillis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de mandataire judiciaire puis de liquidateur, e

Or, Pour la Haute juridiction, il n’est pas démontré ni même allégué par Madame X  que la présentation de ces griefs aurait été permise ou facilitée par l’exercice antérieur d’un mandat de conciliateur .

A mon sens, c’est inverser la charge de la preuve et violer l’esprit de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Par ailleurs, le mandataire judiciiare ne manque pas d’imagination et vient retenir entre 5 et 6 fautes à l’encontre du dirigeant.

Le liquidateur reproche tout d’abord à Mme X  d’avoir omis d’effectuer la déclaration de cessation de la société dans le délai légal et d’avoir poursuivi, au cours de l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, une activité déficitaire à l’origine de l’aggravation du passif.

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis puisque la H aute juridiction considère que cette situation d’endettement est insuffisante à caractériser un état de cessation des paiements en l’absence d’éléments d’information sur les éventuels moratoires consentis par les créanciers et sur les actifs disponibles et sur les concours financiers dont disposait la société à cette date.

Ceci d’autant plus que la gérante avait pris soin de mettre des moratoires en place,

Bien plus, elle n’avait pas manqué de solliciter la désignation d’un conciliateur qui avait rendu son premier rapport en mai 2007 dans lequel il  concluait à la possibilité de parvenir à un moratoire sur trois ans.

Cette réponse de la Cour de cassation permet mieux d’appréhender l’incompatbilité de L 812-8 du Code de Commerce puisqu’on peut quand même trouver curieux de voir le conciliateur en 2007 préciser qu’il est favorable à un moratoire sur trois ans, puis de changer son fusil d’épaule en liquidation judiciaire et venir engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs au motif qu’il n’était pas en mesure de faire face à son passif.

Maître Y reproche en second lieu à Mme X, le défaut de tenue d’une comptabilité régulière  car aucun bilan ni compte de résultat relatif à l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 n’ont été, selon lui, établis ou remis par le gérant,

La Cour de Cassation considère que l’entreprise faisait un chiffre d’affaires de plus de 2 000 000 euros avec près de 13 salariés, de telle sorte que l’absence de comptabilité fiable privait le dirigeant et le mandataire d’un outil de gestion indispensable et des éléments nécessaires à l’appréciation de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation.

Ceci constituant une absence de visibilité ayant contribué à la création d’un passif complémentaire.

Le mandataire vient encore reprocher à Mme X  une défaillance dans le suivi de la bonne marche de l’entreprise et indique que le listing établi par le cabinet d’expertise comptable F désigné à cette fin par le juge commissaire révèle un nombre important de clients douteux et de litiges ou procès en cours.

Concernant les chantiers de l’entreprise, l’existence de malfaçons, inachèvements, non conformités, sont soulevés par différents clients qui entendent s’opposer au paiement des soldes réclamés par le liquidateur.

Comme le retient la Cour de Cassation, plusieurs chantiers ont été abandonnés après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire sans qu’aucun arrêté de chantier ne soit dressé,

Cette absence de rigueur dans le suivi de l’exécution des travaux et l’absence de diligences nécessaires à leur mise en paiement est à l’origine de l’impossibilité pour l’entreprise de recouvrer une partie de ses créances et a contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire.

Qu’il est enfin reproché à Mme X  un usage des biens et du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, des frais de voyage et de réception engagés pour un montant de 20.585 €,alors même que Mme X  n’est pas en mesure de s’expliquer sur le rapport entre l’engagement de ces frais et l’objet social de sa société.

Enfin, Madame X n’a pas manqué de souscrire en 2004 et 2005 des contrats de crédit bail pour trois véhicules de direction Mercedes Classe C dont deux véhicules coupé sport, attribués à Mme X… et à son associé, en plus du financement des différents véhicules alors que l’entreprise rencontrait des difficulté.

S’il est vrai que les fautes de gestion sont multiples,il appartient à la Cour de Cassation de faire la part des choses pour caractériser la responsabilité du gérant,

Elle rappelle que lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif sont retenues, chacune d’elles doit être légalement justifiée; que seules des fautes de gestion commises antérieurement à l’ouverture de la procédure collective peuvent être imputées au dirigeant poursuivi en comblement de l’insuffisance de l’actif.

Tel est donc l’apport de cet arrêt qui vient mettre en exergue deux points.

Premierement au titre des fautes de gestion, les juges du fond ne peuvent pas prendre en considération des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective et deuxiemement l’arrêt vient s’interroger sur la compatibilité de la désignation d’un mandataire judiciaire alors qu’il était précedement désigné en qualité de conciliateur.

Il est regrettable que la Cour de Cassation considère que l’incompatibilité édictée par loi n’est pas génératrice de sanctions en tant que telle ce qui permet au mandataire liquidateur de faire ce que bon lui semble et notamment d’engager la responsabilité du gérant.

Que pour autant, sur cette problématique particulière, il n’ échappera pas au lecteur attentif que si sous sa casquette de conciliateur celui-ci semble croire à un sauvetage de l’entreprise avec un moratoire sur trois ans, il change complétement son fusil d’épaule lorsqu’il devient mandataire liquidateur en venant chercher la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Fort heureusement, le gérant a bon nombre de moyens de droit et de fait à sa disposition pour contrer les prétentions du mandataire liquidateur,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Saisie pénale immobilière et liquidation judiciaire, qu’en est il ?

Dans l‘hypothèse ou le bien immobilier d’un débiteur en liquidation judiciaire fait l’objet d’une saisie pénale immobilière au « nez et à la barbe » du mandataire liquidateur, celui-ci peut il malgré tout s’opposer à cette saisie pénale et vendre le bien en suivant la procédure propre au droit de l’entreprise en difficulté ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser par un arrêt rendu par la Cour de Cassation en novembre 2017 qui vient aborder la problématique du mariage juridique subtil existant entre le droit de la saisie pénale immobilière et le droit des entreprises en difficulté,

 

En effet, existe t’il une compatibilité juridique suffisante permettant de lier les phases de liquidation judiciaire qui entrainent le dessaisissement des actifs du débiteur au profit du liquidateur judiciaire et le droit de la saisie pénale immobilière qui permet la saisie immobilière du bien par l’Etat en suite d’une décision de justice pénale ?

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation considère que le Tribunal de Commerce, juridiction naturelle du droit de l’entreprise en difficulté, et la Cour d’Appel en sa suite, n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière, ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du Juge d’instruction,

 

Bien plus, la haute juridiction affirme de même suite que les juridictions commerciales ne sont pas plus compétentes pour rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière,

 

Et ce, tant bien même le propriétaire du bien est en liquidation judiciaire et dessaisi au profit du mandataire liquidateur.

 

La haute juridiction marque l’opposition entre deux séries de dispositions précises, à savoir d’un coté les articles 706-144 et suivants du Code de Procédure Pénale qui viennent réglementer le droit de la saisie pénale immobilière, avec de l’autre coté, les dispositions des articles L. 622-21 et L. 641-9 du Code de Commerce, qui règlement la réalisation des actifs appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire.

 

Il convient de revenir sur les faits de l’espèce,

 

Dans cette affaire, Monsieur B a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 6 avril 2009.

 

Par requête du 17 février 2015, son liquidateur, la SCP P, a demandé au juge-commissaire d’ordonner la vente aux enchères d’immeubles appartenant au débiteur.

 

Le juge-commissaire a rejeté la demande en constatant que les biens immobiliers dont la vente était requise faisaient l’objet d’une saisie pénale immobilière, en vertu d’une ordonnance d’un juge d’instruction du 2 octobre 2014 (soit près de 5 ans après le prononcé de la liquidation judiciaire),

 

De telle sorte que pour le juge commissaire, les biens immobiliers du débiteur étaient indisponibles.

 

Le liquidateur a engagé un pourvoi contre l’arrêt confirmatif en venant soutenir deux éléments majeurs, à savoir :

 

  • Que par application de l’article L. 622-21 du Code de Commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute voie d’exécution forcée et qu’en rejetant la requête du mandataire liquidateur sollicitant l’autorisation de vendre les immeubles du débiteur en liquidation judiciaire par voie de saisie immobilière au motif qu’une saisie pénale immobilière était intervenue postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a violé l’article L. 622-21 du code de commerce ;

 

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis et vient rappeler que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale dispose que « Nul ne peut valablement disposer des biens saisis dans le cadre d’une procédure pénale hors les cas prévus aux articles 47-5 et 99-2 et au présent chapitre et que, à compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu’à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale immobilière suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien objet de la saisie pénale ».

 

  • Que la procédure était irrégulière car quand bien même la saisie pénale immobilière aurait été régulièrement notifiée au débiteur le 6 octobre 2014, la notification de cette saisie pénale immobilière aurait du être faite au mandataire liquidateur et que l’irrégularité de la dénonciation d’une saisie pénale immobilière aux organes de la procédure collective entraîne la caducité de la mesure d’exécution

 

  • Que la saisie pénale immobilière en tant que telle emportait également mesures conservatoires.

 

Pour autant la Cour de Cassation ne retient aucun de ces trois arguments,

 

Ce qui est regrettable,

 

La Haute Juridiction retient que par application de l’article l’article 706-144 du Code de Procédure Pénale, lorsque la saisie pénale immobilière a été ordonnée par un juge d’instruction, ce dernier est seul compétent pour statuer sur son exécution,

 

Ainsi, selon l’article 706-150 du même code, l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la saisie pénale immobilière d’un immeuble doit être notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction,

 

Qu’après avoir énoncé que l’article 706-145 du Code de Procédure Pénale interdit tout acte de disposition sur un bien saisi dans le cadre d’une procédure pénale, hors les exceptions qu’il prévoit, l’arrêt retient exactement que le liquidateur, s’il entend contester la validité ou l’opposabilité à la procédure collective de la saisie pénale immobilière, doit exercer tout recours devant la juridiction pénale compétente,

 

Ainsi, il en résulte que le juge-commissaire et la cour d’appel statuant à sa suite n’ont pas compétence pour se prononcer sur la validité de la saisie pénale immobilière,

 

Ni sur la régularité des notifications de l’ordonnance du juge d’instruction l’ayant instituée,

 

De telle sorte que les juridictions saisies ne pouvaient que rejeter la requête du liquidateur tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques de biens rendus indisponibles par la saisie pénale immobilière, la cour d’appel a légalement justifié sa décision,

 

Cet arrêt est intéressant car il laisse à penser que la saisie pénale immobilière l’emporte sur les effets spécifiques du droit des entreprises en difficulté, puisqu’à bien y comprendre, le mandataire liquidateur ne peut réaliser un actif qui a fait l’objet d’une saisie pénale immobilière tant bien même celle-ci serait intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

 

Cependant, deux questions se posent.

 

La première est que rien n’empêcherait donc le mandataire liquidateur de contester la validité de la saisie pénale immobilière qui ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, de saisir le Juge d’instruction et pourrait encore récupérer l’actif immobilier au profit de la procédure collective.

 

La seconde question est de savoir si les créanciers n’auraient pas vocation à se retourner contre le mandataire liquidateur pour engager sa responsabilité en ayant laissé s’échapper le bien immobilier, gage des créanciers,

 

Ceci d’autant plus que dans cette liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur n’a engagé une requête aux fins de réalisation des actifs du débiteur qu’en 2015, soit plus de 6 ans après le prononcé d’une liquidation judiciaire ouverte en 2009, ce qui n’est pas rien,

 

Il est vrai que le droit de la saisie pénale immobilière est un droit spécifique,

 

Pour autant, les moyens de défense du propriétaire, fut-ce t’il en liquidation judiciaire ou non, a de nombreux moyens juridiques à sa disposition pour s’opposer à la saisie pénale immobilière proprement dite,

 

A bon entendeur….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

 

Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de propriété du matériel d’un créancier et à la restitution au motif pris que la clause de réserve de propriété ne serait pas ostensible, que son avis n’a pas été demandé et qu’il y aurait de surcroit un risque de dégradation des actifs ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre dernier qui vient aborder la problématique propre à la revendication de propriété dans le cadre de la procédure collective et dans lequel l’arrêt en question apporte des réponses précises.

 

En premier lieu, dans cette jurisprudence, la Cour rappelle qu’à la lecture de l’article R 624-13 alinéa 1er du Code du Commerce, ledit article n’exige pas qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par le liquidateur.

 

En deuxième lieu, la Cour considère également qu’une action en revendication de propriété est bien fondée dès lors que la clause de réserve de propriété a été acceptée au plus au moment de la livraison et que le bien identifiable peut-être démonté sans risque de dégradation pour le débiteur.

 

En effet, la particularité de cette affaire est qu’effectivement, le matériel revendiqué était attaché à un plancher en béton.

 

A ce sujet, la Cour considère que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé,

 

Que son démontage nécessitait qu’en éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice,

 

De telle sorte que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel en a souverainement déduit que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage au sens de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Dans cette affaire la société M avait été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 avril 2010, Maître Y ayant été désigné administrateur.

 

La procédure a été, par la suite, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2010.

 

La société E, fournisseur de matériel de tuyauterie avait déclaré à la procédure une créance de 32 227 euros et formé, dans le même temps, une demande de revendication de propriété de matériel afin de récupérer son matériel.

 

Dans le cadre de la procédure en question c’est le dirigeant qui, en qualité de représentant de la société débitrice, venait contester l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait fait droit à la demande du créancier et venait solliciter le rejet des prétentions de la société E qui avait revendiqué et obtenu le matériel en question.

 

Il considérait notamment que si le créancier récupérait cet actif il le réaliserait à son seul profit et viendrait désintéresser en tout ou en partie sa seule créance au détriment des autres créances de la procédure collective,

 

Cette revendication de propriété de matériel vient clairement impacter le désintéressement des créanciers assujettis à un ordre précis de paiement strictement réglementé dans le cadre de la procédure collective entre créanciers privilégiés, rang des privilèges, et créanciers chirographaires,

 

Cela peut avoir une importance pour le dirigeant, caution par ailleurs, qui préfèrerait bénéficier du paiement des créances suivant le rang légal, notamment au profit de l’établissement bancaire pour lequel il serait caution,

 

Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a imaginé contester cette revendication de propriété car il est bien évident que l’actif revendiqué en question avait vocation à désintéresser d’abord le créancier revendiquant alors que l’actif aurait pu être réalisé par les organes de la procédure collective et désintéresser en premier lieu les créanciers privilégiés.

 

Le débiteur vient contester la procédure de revendication de propriété sur la base de trois axes précis.

 

En premier lieu, il contestait avoir accepté la clause de revendication de propriété de matériel lors de la formation du contrat de telle sorte qu’elle n’était pas opposable dans le cadre de la procédure collective.

 

En deuxième lieu, le dirigeant considère que suivant l’interprétation qu’il fait des articles L624-9 et R624-13 du Code du Commerce, la demande de revendication de propriété doit être adressée à l’administrateur judiciaire et en cas de liquidation judiciaire au mandataire liquidateur, de telle sorte que cela n’enlevait rien au fait qu’il appartenait au créancier revendiquant d’adresser également la demande de revendication entres mains du débiteur, même en liquidation judiciaire,

 

Le dirigeant reproche au revendiquant de ne pas avoir respecter la procédure applicable en matière de revendication de propriété en adressant sa demande tantôt au représentant des créanciers puis à l’administrateur puis au liquidateur mais en se refusant de l’adresser au débiteur à titre personnel, de telle sorte que cela rendrait sa demande irrégulière.

 

Le dirigeant considère également que le matériel et les meubles ne pouvaient être démontés car cela génère un démontage risqué et risque d’occasionner des dégradations, ce qui impacterait la réalisation de l’actif en tant que tel si le créancier avait vocation effectivement à obtenir la restitution du matériel livré.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage absolument pas cet avis.

 

En effet, à la lecture de l’article L124-16 alinéa 2 du Code de Commerce, la clause de réserve de propriété devait avoir été convenue par les parties et notamment avoir été acceptée par l’acheteur au moment de la livraison, même tacitement mais à la condition que son attention ait été suffisamment attirée sur l’existence de la clause,

 

Ce qui impose, est-il besoin de le rappeler, que cette clause de réserve de propriété ait été ostensible isolée des autres conditions contractuelles et parfaitement visible.

 

Or, dans les faits, la clause apparaissait dans les devis et dans la facturation ainsi que sur le bon de livraison pour lequel le débiteur avait signé avec la mention « bon pour accord ».

 

Tout laissait donc à penser que le dirigeant l’avait clairement et expressément acceptée.

 

La Haute Juridiction considère en effet que la clause de réserve de propriété figurait bien sur les devis, sur les factures d’acomptes des 16 novembre 2005 et 30 janvier 2006 ainsi que sur celle du 23 mars 2006 émise avant la livraison pour le règlement du solde,

 

Par ailleurs, les deux factures d’acompte ont été payées sans observations de la part du représentant de la société débitrice qui a également apposé sur le bon de livraison la mention «  bon pour accord » de telle sorte qu’il apparaissait évident que la société débitrice avait accepté la clause de réserve de propriété dans un écrouit établi au plus tard au moment de la livraison .

 

La demande en revendication de propriété de matériel impose une lecture attentive de l’article L124-9 et de l’article R624-13 du Code du Commerce qui rappellent que la demande en revendication de propriété ou en restitution doit être exercée dans un délai de trois mois en étant adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’administrateur ou à défaut au débiteur avec copie au mandataire judiciaire,

 

Aux termes de l’article L624-17 du Code du Commerce, l’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande de revendication de propriété.

 

Pour autant, l’article L6247-13 alinéa 1er du Code du Commerce n’exige pas que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par un liquidateur.

 

Enfin et surtout, la dernière question posée à la Cour est relative au démontage et à la séparation demandée du matériel par rapport à la dalle béton.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation précise que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a, en ayant relevé que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé de telle sorte que son démontage ne nécessité qu’une éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice de telle sorte que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage tel et ce, dans le parfait respect de l’esprit de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Que c’est salutaire puisque la Haute Juridiction rappelle en tant que de besoin que les conditions de revendication de prospérité en rappelant bien dans quelle mesure le créancier doit faire apparaitre sa clause de réserve de propriété au sein de ces devis, factures et bons de livraison.

 

Elle rappelle également que dans le cadre de la procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, s’il souhaite procéder à une demande de revendication de propriété de matériel et au besoin en cas de liquidation, une restitution de matériel doit respecter la procédure et doit adresser aux organes de la procédure dans un délai de trois mois les demandes en question et ce de manière distincte à la déclaration de créance qui en est faite,

 

De même il doit vérifier à chaque fois si le matériel revendiqué est clairement identifiable et dissociable des autres actifs de la liquidation judiciaire pour pouvoir justement récupérer sans difficulté ou en tout cas sans créer quelques préjudices que ce soient à la liquidation judiciaire.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Dessaisissement du débiteur en cas de reprise de liquidation judiciaire

Qu’en est il du dessaisissement du débiteur en cas de reprise d’une liquidation judiciaire initialement clôturée pour insuffisance d’actif ? Que peux faire la banque en cas d’impayés sur un prêt le temps de la reprise ? le débiteur peut-il opposer ce dessaisissement à l’établissement bancaire ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en mars dernier qui vient aborder la problématique des effets d’une reprise de liquidation judiciaire sur le dessaisissement général du débiteur alors que celle-ci avait été initialement clôturée pour insuffisances d’actifs.

L’arrêt est intéressant car il précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée,

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau le dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation ;

Ceci est d’autant plus important qu’il n’est pas rare de constater que certaines reprises de liquidation judiciaire interviennent parfois plusieurs années après la clôture de la liquidation judiciaire initiale, alors même que les débiteurs ont refait leur vie,

Ceci est d’autant plus salutaire qu’il n’est pas rare de voir certaines procédures collectives s’inscrire dans la longueur.

Voire de se rouvrir ou de reprendre plusieurs années après au motif d’un actif qui aurait été oublié,

En effet, celles-ci s’accompagnent dans un premier temps de la réalisation des actifs et dans un deuxième temps du désintéressement des créanciers à travers un état de collocation qui vient impacter le débiteur qui se trouve un liquidation judiciaire pendant un certain temps.

Cela empêche le débiteur de contracter, de créer une nouvelle société ou de reprendre une nouvelle activité.

Dans cette affaire Monsieur Y exerçait l’activité de négoce de vins et spiritueux immatriculé au registre du commerce pour cette acticité le 24 février 1986.

Par jugement du 12 juin 1987, Monsieur Y a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et par un jugement du 24 juin 1998, le même tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Dite liquidation judiciaire entrainant le dessaisissement général du débiteur,

Par jugement du 26 janvier 2000 le tribunal de commerce a clôturé les opérations de liquidation judiciaire.

Cependant, par jugement du 7 octobre 2003, la réouverture des opérations de liquidation judiciaire a été ordonnée au motif pris que certains actifs n’avaient pas été réalisés convenablement.

La difficulté rencontrée est que Monsieur Y avait contracté un prêt en 2004, soit le temps de la liquidation judiciaire et s’était trouvé défaillant de telle sorte que la banque l’avait poursuivi en paiement,

La banque avait obtenu sa condamnation au paiement de la somme de 7 733,47 euros dont 7 683,47 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,635% à compter du 14 décembre 2011, date de la déchéance du terme, et la somme de 50 euros au taux légal à compter de cette même date ;

Or le débiteur contestait cette condamnation en paiement puisqu’il considérait que le prêt avait été contracté alors même qu’il était encore en liquidation judiciaire et qu’il faisait l’objet d’un dessaisissement,

Il se fondait notamment sur l’article L 641-du Code de Commerce qui précise: « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée ; les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. »

La procédure de liquidation judiciaire emporte donc dessaisissement du débiteur, dessaisissement général du débiteur, qui ne peut durant cette procédure contracter de nouveaux emprunts

Le débiteur considérait que le prêt ne pouvait être que nul et que la banque ne pouvait donc pas le poursuivre en paiement, celui-ci faisant l’objet d’un dessaisissement,

La réouverture de la liquidation judiciaire est strictement prévue par les dispositions de l’article 643-13 du Code de Commerce qui précise :

« Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. S’il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.

La reprise de la procédure produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs du débiteur que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ». 

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau dessaisissement général du débiteur, qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation

Le dessaisissement n’est pas total et le débiteur de trouve donc libre de contracter au besoin de nouveaux engagements bancaires.

Malheureusement dans le cas d’espèce, le débiteur a rencontré de nouvelles difficultés économiques et s’est trouvé poursuivi par la banque.

Ce dernier a essayé d’opposer le dessaisissement mais cela n’a pas trompé la Cour de Cassation qui précise que si la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif, cet effet est limité à la saisie et la réalisation des actifs et à l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée.

Cet arrêt est important car la pratique montre bien qu’il n’est pas rare de constater que la reprise de la liquidation judiciaire, amène souvent l’ensemble des partenaires du débiteur, établissement bancaire compris à tirer tous les effets d’une liquidation judiciaire avec un dessaisissement général qui amène le débiteur à subir dans le cadre de cette reprise la clôture des comptes du débiteur et parfois même à subir la déchéance du terme de l’ensemble des prêts.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Bail commercial, redressement judiciaire et loyers postérieurs impayés

Quelle procédure peut engager le bailleur d’un bail commercial sous le coup d’un redressement judiciaire alors que les loyers impayés sont postérieurs ? Est-il tenu d’en informer le mandataire judiciaire ? Celui-ci n’engagerait pas sa responsabilité s’il cédait le fonds de commerce en ignorant jusqu’à l’existence de l’acquisition de la clause résolutoire ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en fin d’année 2017 qui vient aborder les facultés du bailleur pour obtenir la résiliation du bail commercial alors que le redressement judiciaire a été prononcé, qu’une période d’observation est en cours, qu’un mandataire judiciaire en charge de la vérification des créances a été désigné et que surtout l’exploitant commercial en redressement judiciaire ne paye plus ses loyers postérieurs.

 

Dans cette affaire, le 6 août 2004, la société B a consenti à la société C un bail commercial sur des locaux lui appartenant.

 

La société C a été mise en redressement judiciaire le 27 avril 2007, Maître Y étant désigné mandataire judiciaire.

 

Or, postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur se retrouve à ne plus payer les loyers du bail commercial,

 

En effet, le locataire n’a pas réglé les loyers dus pour les mois d’avril et de mai 2008, soit postérieurement au redressement judiciaire,

 

Tout d’ailleurs laisse à penser que le non paiement de ces loyers postérieurs est intervenu postérieurement à l’acceptation du plan de redressement puisque la période d’observation maximale pour une entreprise en redressement judiciaire sauf demande de poursuites d’activités exceptionnelle à la seule demande du Procureur de la République est d’un an,

 

C’est dans ces circonstances que la société B, le bailleur, a fait délivrer à sa locataire, le 20 mai 2008, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial,

 

Or, pendant ce temps la, et par jugement en date du 23 mai 2008, la société C, le débiteur, a été mise en liquidation judiciaire, Maître Y étant désigné liquidateur,

 

Fort de la liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire envisage et organise la cession du fonds de commerce exploité dans les locaux loués incluant la cession du bail commercial, dite cession autorisée par décision du juge commissaire au profit de la société T.

 

Il importe de préciser que la vente du fonds de commerce est intervenue le 2 octobre 2008.

 

Pour autant le commandement de payer du 20 mai 2008 visant la clause résolutoire avait produit ses effets faute de paiement dans le mois de sa délivrance.

 

Dès lors le bailleur considérait que le bail commercial consenti à la société C, désormais cédé à la société LT était résilié.

 

La société B a alors assigné Maître Y.ès qualité et la société T devant le Tribunal pour que soit constatée la résiliation du bail commercial et que qu’il soit ordonné l’expulsion de tout chef à ce titre.

 

Tout lecteur attentif comprendra bien à ce stade qu’une telle décision de justice serait lourde de conséquences quant à la cession qui a eu lieu,

 

Le liquidateur judiciaire se défend et prétend que l’action en résiliation du bail commercial engagée par la société B était irrecevable, et ce au visa de l’article L. 641-12, alinéa 4 du Code de Commerce,

 

En effet, dans sa rédaction applicable au litige ce texte précise que le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d’ouverture de la procédure qui l’a précédé et doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.

 

Il est original de remarquer que le mandataire liquidateur et le débiteur rappelaient que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de trois mois pour la simple et bonne raison que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 23 mai 2008, alors que la société bailleresse avait, par actes des 10 et 25 mars 2010, saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire de telle sorte que cette action n’aurait pas été introduite dans le délai de trois mois et serait donc par là même irrecevable.

 

Pourtant, le calendrier s’impose,

 

Sauf à ce que le mandataire judiciaire confonde la signification du commandement de payer visant le clause résolutoire et l’assignation aux fins de voir constaté l’acquisition de la clause résolutoire,

 

Bien plus, le mandataire liquidateur reprochait au bailleur de ne pas avoir procédé à la notification du commandement de payer au mandataire judiciaire alors que la société n’était qu’en redressement judiciaire.

 

La Cour de Cassation de s’y trompe pas et vient apporter une réponse claire et précise sur ce point puisqu’elle considère que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C, de telle sorte que l’action est résiliation du bail commercial intentée plus de trois mois après le jugement d’ouverture conformément aux dispositions de l’l’article L. 622-14, 2° du code de commerce est recevable.

 

Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de confondre commandement de payer et assignation,

 

Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’aucune disposition légale n’impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du preneur,

 

De telle sorte que la Cour constate bien que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C de telle sorte que le commandement de payer signifié à la seule gérante de cette société au cours de la période d’observation produit ses effets.

 

Dès lors, le bailleur créancier de loyers postérieurs est parfaitement en droit de procéder à la signification d’un commandement de payer entre les mains du débiteur sans nécessairement le notifier au mandataire judiciaire (il en aurait été autrement si un administrateur avait été désigné).

 

Bien plus encore, dans la mesure où le bailleur n’est pas obligé de le notifier, il peut donc obtenir la résiliation du bail commercial sans même que le mandataire judiciaire ou commissaire au plan soit avisé.

 

Il appartient au débiteur d’être parfaitement transparent avec son mandataire liquidateur car dans cette affaire, le débiteur a semble-t-il imaginé cacher l’information à ce dernier qui a, dans le cadre de la liquidation judiciaire, vendu le fonds.

 

L’acquisition de la clause résolutoire est lourde de conséquence,

 

En effet, il est bien évident que l’acquéreur risque fort de se retourner en responsabilité contre le mandataire judiciaire qui a cédé un fonds de commerce reposant sur un bail commercial dont la clause résolutoire est acquise.

 

Dès lors, passée l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le bailleur peut procéder à la signification d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial au titre de paiement de loyers postérieurs sans forcément être tenu de procéder à la notification entre les mains du mandataire judiciaire.

 

S’il est vrai qu’il est toujours de bon aloi de le prévenir, il n’en demeure pas moins que le bailleur n’est pas tenu par ces formalités auprès du mandataire judiciaire,

 

Cela amène également à réfléchir à une autre problématique,

 

Dans l’hypothèse d’un plan de redressement qui serait obtenu et comprenant la désignation d’un commissaire à l’exécution du plan la question serait non pas tant de savoir si le bailleur doit notifier ou signifier entre ses mains le commandement de payer visant la clause résolutoire au titre du non paiement de loyers postérieurs à l’acceptation du plan de redressement judiciaire, mais de savoir si le bailleur serait tenu, lorsqu’il lance une assignation en référé pour demander au Juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire de la faire signifier au commissaire à l’exécution du plan dans la mesure ou le fonds de commerce a fait l’objet d’une déclaration d’inaliénabilité.

 

En effet, il convient de rappeler que le bailleur est tenu de faire signifier son assignation à l’ensemble des créanciers inscrits.

 

S’il ne le fait pas à l’encontre du commissaire à l’exécution du plan au motif que ce dernier est le garant de l’inaliénabilité de l’actif visé dans le cadre du plan de redressement, cela serait il un motif d’irrevabilité de son action ?

 

Je ne le pense pas car il est bien évident que la décision suivant laquelle le Tribunal de Commerce prononce l’inaliénabilité du fonds de commerce et la publication n’entrainent pas une obligation du bailleur de signifier l’assignation pour la simple et bonne raison que la déclaration d’inaliénabilité sert surtout à préserver les créanciers afin d’éviter une vente intempestive de l’actif du débiteur qui le ferait dans le dos du commissaire à l’exécution du plan et au détriment des créanciers.

 

A mon sens, cette clause d’inaliénabilité ne peut permettre de préserver l’actif ou d’être un obstacle à la résiliation du bail commercial si les loyers postérieurs ne sont pas réglés.

 

En tout état de cause, la question est de savoir si le commissaire à l’exécution du plan est appelé dans la cause ce dernier pourrait-il empêcher la résiliation du bail alors qu’il n’a vocation qu’à être le garant du paiement des créanciers antérieurs sans avoir de pouvoir légal stricto sensu contre toutes créances postérieures à l’acceptation du plan ?

 

Dès lors, force est de constater que le sort du bail commercial, en présence de loyers postérieurs au redressement impayés, peut être tranché sans que le mandataire judiciaire soit appelé en cause, ce qui doit amener le mandataire judiciaire a procéder à quelques vérifications d’usage sans quoi, il engagerait sa responsabilité, plus particulièrement si ce dernier a eu la bonne idée de vendre le fonds sur la base d’un bail commercial résilié,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Insaisissabilité et droit de poursuite post-clôture pour insuffisance d’actif

Un créancier non-professionnel peut il saisir un bien immobilier après une clôture pour insuffisance d’actif alors que le bien immobilier du débiteur n’a pas été réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire en l’état d’une déclaration d’ insaisissabilité ?

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déclaration d’ insaisissabilité et vient préciser si le créancier non-professionnel à un droit de poursuite à l’encontre du débiteur.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle nous enseigne que la déclaration d’ insaisissabilité est inopposable au créancier qui dispose dès lors d’un droit de poursuite quand bien même la procédure serait clôturée pour insuffisances d’actifs.

 

Il convient de rappeler que la déclaration d’ insaisissabilité est une innovation majeure qui a été mise en place par une loi du 1er aout 2003 afin que l’entrepreneur puisse rendre insalissable son patrimoine personnel créant ainsi l’article L 526 -1 du Code de Commerce.

 

Cet article a été modifié le 6 aout 2015 par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » qui précise désormais que la résidence principale est de droit insaisissable.

 

Cet article précise ainsi:

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Cette jurisprudence précise que créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble,

De telle sorte qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance.

Dans cette affaire, par un acte notarié du 30 décembre 2010, Monsieur X, le débiteur avait déclaré sa résidence principale insaisissable, avant d’être mis en liquidation judiciaire le 9 décembre 2011.

La banque, qui avait consenti au débiteur un prêt pour en faire l’acquisition, l’a assigné aux fins de voir juger que, détenant une créance antérieure à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elle était en droit de poursuivre le recouvrement de cette créance seulement sur l’immeuble insaisissable et que l’arrêt à intervenir vaudrait titre exécutoire contre le débiteur.

Pour autant le contrat de prêt datait du 24 novembre 2009 et de la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble constituant la résidence principale de Monsieur X était daté du 30 décembre 2010.

Dès lors, les droits de la banque n’étaient pas nés postérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité à l’occasion de l’activité professionnelle de Monsieur X et le créancier était en droit de considérer, qu’en application de l’article L. 526-11 du code de commerce, la déclaration d’insaisissabilité lui était inopposable

Pour autant la question était de savoir si dans le cadre de la liquidation judiciaire qui avait été clôturée pour insuffisance d’actifs, le créancier avait le droit de poursuivre, à nouveau, le débiteur, nonobstant l’effet de purge et s’il pouvait saisir le bien.

Il ressort que la liquidation judiciaire de Monsieur X avait été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 29 janvier 2014,

Or, en application de l’article L. 643-11 du code de commerce, « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ».

De telle sorte que ce texte pouvait laisser à penser à Monsieur X que la banque ne pouvait reprendre un droit de poursuite à son encontre et ne pouvait procéder à la réalisation de son actif.

Pour autant, et contre toute attente, l’arrêt considère que la banque est en droit de poursuivre la saisie du bien quand bien sa créance n’avait pas été vérifiée.

La Cour de Cassation ne donne pas force à l’article l’article L. 643-11 du code de commerce,

En effet, elle considère que dès lors que la créance est née antérieurement à la publication d’une déclaration d’insaisissabilité d’un bien de son débiteur, le créancier ne peut se voir opposer cette déclaration et a donc le droit de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien, nonobstant l’éventuelle ouverture ultérieure d’une liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur ou la clôture pour insuffisance d’actifs qui s’en suivrait.

Cet arrêt est intéressant car il rappelle que le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur cet immeuble, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas déjà un, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence de sa créance et son exigibilité

Cependant, cela crée de nouvelles problématiques, auquel l’arrêt ne répond d’ailleurs pas,

En effet, la problématique de l’obligation d’obtenir un titre exécutoire, et ce, après clôture de la liquidation judiciaire, est de rester dans les délais de prescription,

En effet, nous sommes en présence d’un prêt bancaire immobilier personnel donc assujetti à une prescription biennale de deux ans qui peut être opposée à l’établissement bancaire.

Ceci est d’autant plus vrai que nous sommes en présence d’un prêt de 2009, d’une déclaration d’insaisissabilité de 2010, d’une liquidation judiciaire et d’un jugement de clôture pour insuffisances d’actifs en date du 29 janvier 2014.

Ce n’est qu’après cela que la banque a cru bon assigner le débiteur.

A mon sens, la prescription biennale est parfaitement opposable au créancier et la question qui peut se poser est de savoir à quelle date celle-ci a vocation à courir.

De prime abord à compter de la déchéance du terme et à défaut à partir du moment de la liquidation judiciaire et la question est de savoir si la liquidation judiciaire a un effet suspensif.

Or, tout laisse à penser que la prescription a vocation à être suspendue ou interrompue jusqu’à ce que la créance soit admise au passif.

Dans la mesure où celle-ci ne l’a jamais été, à mon sens le point de départ le point de départ de la prescription serait le jour de la liquidation judiciaire et passé deux ans, il y aurait matière à opposer la prescription à l’établissement bancaire qui ne pourrait pas saisir le bien quand bien cette jurisprudence novatrice laisserait à penser qu’il peut le faire.

Par voie de conséquence, encore et toujours le débiteur peut résister aux attaques de ses créanciers,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Liquidation judiciaire et licitation-partage font-ils bon ménage ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale en septembre 2017 et qui vient aborder la question difficile du mariage difficile entre liquidation judiciaire et licitation partage,

Cette hypothèse spécifique n’est malheureusement pas que simple hypothèse d’école,

Il convient de rappeler que le mandataire liquidateur a vocation à procéder à la réalisation des actifs de son débiteur,

Lorsque celui-ci est copropriétaire indivis, le mandataire liquidateur a vocation à réaliser les droits immobiliers indivis de son débiteur,

Il doit alors le faire par voie de licitation partage,

Dans cette affaire, Monsieur X avait été mis en liquidation judiciaire par jugement en date du 9 février 2010.

Celui-ci était propriétaire indivis avec sa mère et sa sœur.

C’est dans ces circonstances que le liquidateur, qui a pour mission de réaliser l’ensemble des actifs a assigné les consorts X en partage et licitation de l’immeuble au visa des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

Pour autant les consorts X mère et fille, jusqu’alors absents, ont formé opposition à l’arrêt qui a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et de partage.

Les consorts X, mère et fille, affirmaient que le maintien dans l’indivision pour une durée de 5 ans renouvelables était fondé dès lors que la licitation de l’immeuble aurait pour effet de les priver de leur habitation,

Elles soulignaient notamment que la mère était veuve et qu’elle avait résidé sans discontinuer dans cette maison depuis le décès de son époux et qu’elle était âgée de 79 ans.

Elles soutenaient qu’il convenait de préserver son droit acquis à l’attribution préférentiel tel que défini à l’article 831-2 du Code Civil.

Enfin, elle précisait qu’elle avait une créance au titre de la conservation du bien indivis qui devra être payée par prélèvement sur l’actif avant le partage, de telle sorte que la licitation ne pouvait permettre de désintéresser les créanciers de la procédure collective,

Dans pareille hypothèse, ces dernières laissaient à penser qu’in fine, le mandataire liquidateur n’avait pas d’intérêt à poursuivre le partage,

Le mandataire liquidateur ne partageait naturellement pas cette approche,

Il considérait que les dispositions du code civil relatives au maintien dans l’indivision, à l’attribution préférentielle et aux modalités du partage n’étaient pas applicables lorsque le bien concerné était soumis à une vente forcée intervenant en exécution des dispositions spéciales, d’ordre public, relatives à la procédure collective,

Comme de rien, la Cour d’appel fait droit à cette argumentation,

Or, la Cour de Cassation donne un tout autre regard sur cette affaire en considérant que ce n’est pas le droit des entreprises en difficulté qui doit prédominer mais les dispositions propres à la licitation partage des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

En effet elle considère qu’en statuant ainsi, alors que la licitation de l’immeuble indivis, qui était l’une des opérations de liquidation et partage de l’indivision préexistante au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de M. Stéphane X…, échappait aux règles applicables en matière de réalisation des actifs de la procédure collective et ne pouvait être ordonnée qu’après examen des demandes formées par Mme Josiane X… tendant au maintien dans l’indivision et à l’attribution préférentielle de l’immeuble, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cet arrêt qui avait d’ailleurs un renvoi devant la même Cour d’Appel autrement composé, offre une opportunité aux Co indivisaires de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers.

La jurisprudence abonde dans ce sens et par ailleurs votre serviteur a également abordé ce sujet dans le cadre de sa thèse « Le soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 »UFR Nice 2010.

Cette décision est intéressante car elle permet de rappeler aux Co-indivisaires lorsqu’un d’entre eux est en liquidation judiciaire, que les autres co-indivisaires peuvent, dans le cadre d’une action en liquidation partage, opposer au mandataire judiciaire une demande de maintien en indivision et à défaut une attribution préférentielle du bien avec une éventuelle compensation avec une créance pré existante au titre de la conservation du bien indivis.

Cette créance doit être prélevée sur l’actif avant le partage de telle sorte que cette stratégie permet non seulement de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers mais également de laisser à penser que la licitation partage ne permettant pas de désintéresser les créanciers de la procédure collective, le mandataire liquidateur n’aurait pas d’intérêt à procéder par voie de licitation.

Rejet de chèque, information préalable et responsabilité

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en juin 2017 qui vient aborder la question spécifique du rejet de chèque, du rejet de plusieurs chèques établis par une société qui s’est retrouvée par la suite en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.

 

Il vient aborder la question de l’information préalable que doit adresser la banque au titulaire du compte.

 

Et ce, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un professionnel,

 

La banque est en effet tenue, préalablement au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, de prévenir son client afin que celui-ci soit en mesure de ré créditer le compte et d’éviter toutes difficultés bancaires et financières.

 

Il convient de rappeler que l’article L131-73 du Code Monétaire et Financier prévoit que :

 

« Le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client ».

 

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder deux points précis.

 

Tout d’abord, il aborde la question de la responsabilité de la banque qui a manqué à son obligation d’information préalable en cas de rejet de chèque et vient aborder en second lieu la question de l’indemnisation et du préjudice qui aurait été subi en l’état de la faute commise par la banque.

 

Mais surtout cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il aborde la question du préjudice pour la société commerciale.

 

Dans cette affaire, la société VE a conclu une convention d’ouverture de compte courant avec l’établissement bancaire avec une autorisation de découvert.

 

En mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision,

 

Or, aprés avoir été mise en redressement judiciaire, la société VE a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et pour défaut d’information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante.

 

La société VE ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 mai 2008, la SCP X, a été désignée en qualité de liquidateur, puis est intervenue à l’instance es qualité.

 

La société VE faisait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation de bonne foi en rejetant, sans aucune information préalable pourtant prévue par l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, plusieurs dizaines de chèques et en mettant ainsi fin au découvert autorisé.

 

La question était de savoir si la banque avait remplie ses obligations,

 

La banque en semblait persuadée,

 

Pour autant, il n’en est strictement rien.

 

C’est dans ces circonstances que la société VE a entendu engager la responsabilité de l’établissement bancaire,

 

Elle lui reproche surtout d’avoir adressé des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés.

 

A ce sujet, il est bien évident qu’il y a matière à distinguer un particulier d’une société ou d’un commerçant qui peut émettre un certain nombres de chèques pour lesquelles il a besoin d’un soutien de l’établissement bancaire qui en qualité de partenaire privilégié de son activité a vocation à lui apporter toutes les réponses utiles

 

Plus particulièrement en l’informant des chèques en question.

 

Il est bien évident que le nombre de chèques émis par un professionnel a vocation à représenter un volume bien plus important qu’un simple particulier,

 

Le 6 mars 2006, la banque avait informé la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement d’un chèque »

 

Pour autant, cette lettre n’identifie pas le chèque en cause, et par la suite, aucun avertissement n’a été adressé par la banque pour les 32 chèques rejetés le 10 mars 2006 et le 29 mai 2006,

 

La banque avait alors indiqué à la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement des chèques venant d’être présentés et elle a mis fin à la convention de compte.

 

Sur le terrain factuel, il ressort clairement que la banque s’était bien gardée d’apporter quelques précisions sur les chèques en question.

 

In fine, cette jurisprudence est satisfaisante,

 

Elle consacre clairement la responsabilité de la banque pour avoir manqué à son obligation d’information préalable du titulaire du compte fut il un client professionnel.

 

Pour autant, la réponse à la première question en appelle forcément une deuxième,

 

En effet, le vrai débat concerne l’indemnisation du préjudice subi.

 

Sur cette question spécifique, la Cour de Cassation est beaucoup plus sévère,

 

Elle sanctionne la Cour d’Appel qui a condamné la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte,

 

Alors qu’après avoir énoncé que les dispositions de l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoient une information de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, elle a retenu que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés à sa cliente qui est fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause ;

 

Pour autant, sur la question spécifique de l’indemnisation du préjudice né du rejet de chèque indu, la Haute Cour ne partage pas l’avis de la Cour d’Appel.

 

En effet, la Cour d’appel avait indemnisé l’entreprise à hauteur du solde débiteur du compte,

 

Mais la Cour de Cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque,

 

De telle sorte que la cour d’appel aurait violé le texte susvisé.

 

Concernant le préjudice, la Cour de Cassation considère que le préjudice ne peut-être fixé à hauteur du découvert du seul débiteur du compte puisque la véritable problématique était relative au rejet des chèques mais surtout à la capacité qu’avait l’entreprise à couvrir le compte bancaire pour pouvoir faire face aux chèques rejetés en question.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation est un peu sévère,

 

Elle considère qu’il y a matière à réflexion sur la réparation du préjudice subi car la Cour d’Appel aurait du rechercher si le paiement des chèques litigieux par la banque n’aurait pas porté lé débit du compte de sa cliente au-delà du découvert autorisé.

 

La véritable question est de savoir si celle-ci aurait été en mesure de faire face à ses obligations et donc de payer les créances en question.

 

Dès lors c’est à juste titre que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel ne pouvait confondre le solde débiteur du compte et le préjudice subi par l’entreprise qui ne peut s’entendre que comme la perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

La question du préjudice est à mon sens un sujet important car retenir la faute de l’établissement bancaire est une chose et quantifier le préjudice à sa juste mesure en est une autre,

 

Pourtant le sujet de l’indemnisation et de la quantification du préjudice est extrêmement important.

 

Plus particulièrement en liquidation judiciaire afin de désintéresser les créanciers admis au sein de la procédure collective,

 

La décision est quand même à saluer dans son ensemble et ce pour deux raisons, même s’il y a de quoi « rester sur sa faim »,

 

Il est vrai qu’elle vient clairement caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire

 

Il est tout aussi vrai qu’elle vient apporter certaines précisions sur la question de l’indemnisation.

Cependant, à mon sens, le raisonnement est incomplet,

 

Il est bien évident que l’établissement bancaire en l’état des impayés a clôturé le compte et donc généré une cotation près de la Banque de France qui a donné une « mauvaise image » de l’entreprise VE et dès lors celle-ci s’est immanquablement retrouvée handicapée,

 

Cette situation était génératrice de perte de confiance absolue de ses partenaires économiques.

 

Sur ce point, il est bien évident que le préjudice ne peut se cantonner à la seule perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

Car il ne faut pas oublier que passé l’étape des chèques rejetés, la banque a clôturé le compte bancaire de l’entreprise et l’a affligé d’une « cotation bancaire » désastreuse pour la confiance financière que la société VE souhaitait entretenir avec ses partenaires économiques,

 

Dès lors, le préjudice doit être regardé dans un champ indemnitaire bien plus large,

 

Cette jurisprudence, qui pouvait sembler réductrice sur la question indemnitaire peut sembler incomplète, et pourrait, par une analyse plus extensive, permettre de faire supporter l’intégralité du passif de la procédure collective par l’établissement bancaire qui a eu un comportement abusif et non conforme à la Loi et à la jurisprudence en vigueur.

Ruine du fonds et faute du liquidateur du locataire gérant,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles en mars 2017 qui vient aborder la question spécifique du sort des salariés lorsque le locataire gérant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et que le mandataire liquidateur croit bon transférer lesdits salariés au propriétaire du bail commercial au titre de la solidarité légale, suivant qu’il y ait ou non ruine du fonds,

 

En effet, dès lors que le locataire gérant est en liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire a l’obligation de licencier les salariés ce qu’il fait en général dès le prononcé de la liquidation judiciaire, comme la Loi lui impose de le faire,

 

Dans cette affaire, le 2 décembre 2003, le Tribunal de Commerce de Nanterre a arrêté un plan de continuation au profit de deux sociétés pour une durée de 10 ans suite à l’ouverture de procédures collectives intervenues respectivement les 25 mars et 1er avril 2003.

 

Dans ce cadre, la société D avait repris les deux sociétés en redressement judiciaire, en mars 2006.

 

Pour autant en juin 2007, la société D avait procédé à la location gérance de son fonds de commerce d’étalonnage numérique et d’effets spéciaux au profit d’une autre société, la société B,

 

Les contrats de travail des salariés attachés à ces activités, en ce compris le contrat de travail de Monsieur C ont donc été transférés au sein de la société B, en application de l’article L.1224-1 du Code du Travail.

 

Les contrats étaient repris aux mêmes conditions de travail, de rémunération et d’ancienneté mais étaient désormais régis par la convention collective des entreprises techniques au service de la création et événements.

 

Or, par jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société B, mettant ainsi fin au plan de continuation établi le 2 décembre 2003 et a fixé la date de cessation des paiements au 29 novembre 2011.

 

Ce même jugement de liquidation judiciaire prévoyait cependant le maintien de l’activité pour une durée d’un mois afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

A défaut de solution de reprise, la fermeture définitive de l’établissement est intervenue le 20 décembre 2011.

 

Par courrier du 22 décembre 2011, la société D, propriétaire du fonds, a informé le mandataire liquidateur, qu’elle résiliait, à compter du 31 décembre 2011, la location gérance qu’elle avait consentie à la société.

 

Or, par courrier du 2 janvier 2012, le mandataire liquidateur de la société B, a informé Monsieur C du transfert de son contrat de travail à la société D à compter du 30 décembre 2011.

 

Pour autant, c’était également sans compter les difficultés économiques de la société D qui se retrouvant sans rentes et sans revenus locatifs issus du contrat de location gérance, et qui entend soutenir la ruine du fonds,

 

Ainsi, et par jugement du 12 janvier 2012, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société D sur résolution du plan de redressement établi le 2 décembre 2003 et fixé la date de cessation des paiements au 5 décembre 2011.

 

Il a autorisé la poursuite, pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 31 janvier 2012, de l’activité de la société afin d’envisager une cession de l’entreprise.

 

In fine, la cession de l’entreprise a eu lieu et par jugement du 3 février 2012, le Tribunal de Commerce à:

 

  •  ordonné la cession des actifs

 

  • ordonné, conformément aux dispositions de l’article 1224-1 du Code du Travail, le transfert de 12 contrats de travail des salariés rattachés au service de l’étalonnage numérique

 

  • autorisé le licenciement de 11 autres salariés, dont le poste occupé par Monsieur C

 

C est dans ces circonstances que le liquidateur judiciaire, a notifié le 28 février 2012 aux salariés dont Monsieur C leur licenciement pour motif économique.

 

Une grande partie des indemnités ont alors été pris en charge par les AGS.

 

Pour autant, contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, monsieur C a saisi le Conseil de Prud’hommes, pour voir déclarer illicite le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D, et ce, nonobstant le fait qu’in fine les deux entreprises ont toutes les deux fait l’objet d’une liquidation judiciaire,

 

Dès lors la question posée à la Cour d’Appel était de savoir si oui ou non, le transfert du contrat de travail était valable, ou si inverse il y avait ruine du fonds,

 

Cette validité du transfert du contrat de travail était notamment contesté par la société D, propriétaire du fonds, qui considérait que le mandataire judiciaire avait non seulement manqué à ses obligations mais avait également et surtout provoqué la ruine du fonds.

 

Il convient de rappeler que tout changement d’employeur suppose pour le salarié la rupture du contrat de travail qui le liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec la nouvelle entreprise.

 

Néanmoins, au terme de l’article L1224-1 du Code du Travail:

 

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

 

Pour qu’il y ait transfert des contrats de travail, l’entreprise doit donc passer d’une personne juridique à une autre, peu important la forme de l’opération, l’entreprise devant simplement se poursuivre sous une direction nouvelle et constituer une entité économique autonome.

 

L’entité économique transférée doit conserver son identité et poursuivre son activité, celle-ci se définissant comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.

 

Ces règles s’appliquent également lorsqu’un fonds de commerce fait l’objet d’une location-gérance et lorsque, en fin de location-gérance, le fonds retourne à son propriétaire, quelle que soit le motif de la modification de la situation juridique de l’employeur dès lors que la situation visée correspondait à un transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

 

La règle du transfert des contrats de travail ne porte pas atteinte au droit de licenciement dont dispose le nouvel employeur après la modification, sauf collusion frauduleuse entre les deux employeurs.

 

Ainsi, le propriétaire-bailleur du fonds est tenu de reprendre les contrats de travail alors même qu’il a été lui même mis en redressement judiciaire postérieurement à la mise en location-gérance.

 

Ce qui est d’ailleurs le cas d’espèce puisque dans cette affaire, la société D avait également été placée en liquidation judiciaire,

Sauf en cas de ruine du fonds,

 

Néanmoins, le retour du fonds dans le patrimoine de l’entreprise cédante n’est valable que s’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et si le fonds de commerce était encore exploitable, peu important que cette dernière ait ensuite cessé son activité.

 

Le seul motif de l’existence d’une procédure collective et même le prononcé de la liquidation judiciaire à l’encontre du locataire-gérant ne suffit pas à faire présumer que le bailleur ne peut pas en poursuivre l’exploitation, et il appartient aux salariés qui invoquent l’illégalité du transfert de leur contrat de travail de démontrer qu’il y a eu, à cette date, ruine du fonds,

 

Lorsque l’activité est inexploitable, ou lorsqu’il y a ruine du fonds, lors de la résiliation du contrat de location-gérance, les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du Travail ne trouvent pas à s’appliquer et le transfert chez le propriétaire du fonds des contrats de travail des salariés attachés à l’activité en cause ne peut se faire sans leur accord express préalable.

 

Monsieur C estimait que le transfert de son contrat de travail de la société B vers la société D à la suite de la résiliation de la location gérance était illicite au motif qu’il y avait eu ruine du fonds, qu’il n’y avait pas eu de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité aurait été poursuivie chez le repreneur.

 

Il indiquait qu’il n’y a pas eu de reprise, par la société D, de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation.

 

Ce que soutenait d’ailleurs aussi la société D,

 

Dès lors, faute de justifier d’un transfert légal du contrat de travail ou de son accord pour accepter un changement d’employeur, l’application des dispositions de l’article L1224-1 du Code du Travail est illicite.

 

De ce fait, son contrat de travail ne pouvant pas être rompu par la société D mais par la société B, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et son indemnisation doit être mise à la charge de la société B.

 

Le mandataire judiciaire de la société B quant à lui ne partage pas cet avis et considère que le transfert du contrat de travail avait eu lieu conformément aux dispositions légales.

 

Pour autant l’arrêt mérite une attention particulière quant aux raisons qui auraient empêché le transfert du contrat de travail,

 

Le salarié considérait que le transfert des contrats de travail à la suite de la résiliation d’une location gérance nécessitait le transfert des matériels indispensables à la poursuite de l’activité chez le nouvel employeur,

 

Or, selon lui, tel n’était pas le cas,

 

Les pièces versées aux débats par Monsieur C permettent de constater que, dans le cadre de la procédure de liquidation de la société B, certains matériels attachés à l’activité avaient été mis en vente à la demande du mandataire liquidateur dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, à l’instar de plusieurs machines,

 

Or, la particularité de cette argumentation était de considérer que non seulement il y avait ruine du fonds mais que surtout que celle-ci avait été générée par les diligences propres du mandataire liquidateur dans le cadre des opérations de réalisation des actifs propres à toute liquidation judiciaire.

 

Cette argumentation est retenue par la juridiction du deuxième degré,

 

En effet, la Cour d’Appel de Versailles relève à juste titre que le mandataire liquidateur a participé à la ruine du fonds et c’est en cela que la jurisprudence est intéressante.

 

En effet, non seulement il est clairement acquis que la ruine du fonds est caractérisée mais surtout qu’in fine, c’est le mandataire liquidateur qui en est à l’origine et qui expose par là même sa responsabilité.

 

La Cour retient que si, comme le souligne le mandataire liquidateur, le jugement du tribunal de commerce du 12 janvier 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société D a autorisé la poursuite d’activité jusqu’au 31 janvier 2012, cela ne signifie pas qu’elle ait été réellement poursuivie, les éléments précédemment rappelés démontrant le contraire.

 

D’ailleurs, le jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal de Commerce de Nanterre, autorisant la cession des actifs de la société D à une société tierce, ne fait pas mention du rachat des matériels spécifiquement liés à l’activité en question, la reprise d’éléments corporels et incorporels pour 90.000,00 euros apparaissant liée à l’activité étalonnage pour laquelle 8 salariés étaient repris.

 

Alors que la proposition de reprise de la société tierce pour l’activité étalonnage mentionne l’existence d’une annexe comportant une liste des actifs repris, établie par un commissaire priseur.

 

Or non seulement le mandataire liquidateur ne verse pas au débat ce document.

 

Mais surtout il ne saurait nier que les moyens corporels et/ou incorporels nécessaires à la poursuite de l’exploitation de l’activité en question, n’ont pas été transférés à la société D.

 

Et pour cause, c’est lui qui, en qualité de mandataire liquidateur de la société B a procédé à la réalisation des actifs mobiliers en saisissant le juge commissaire à cette fin et en faisant désigner un huissier de justice ou un commissaire priseur afin de procéder à la vente aux enchères publiques de l’ensemble des actifs,

 

C’est encore sans compter les diligences propres au mandataire liquidateur consistant à résilier l’ensemble des contrats de location, ce qui freine

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation d’une location gérance, il importe surtout que le transfert du matériel indispensable à la poursuite de l’activité du nouvel employeur soit effectué.

 

Cette jurisprudence est très claire.

 

Dans la mesure où le mandataire liquidateur a procédé à la vente des actifs, non seulement, le transfert du fonds n’est pas caractérisé clairement mais surtout tout laisse à penser que le fonds est en ruine et ce de par le fait du mandataire liquidateur.

 

Toutefois, une problématique se pose, car s’il y a tout lieu d’imaginer que le transfert du fonds n’a pas été réalisé convenablement ce serait au mandataire liquidateur de prouver qu’il a fourni l’ensemble des actifs et éléments attachés au fonds de commerce,

 

Or, dans le cas d’espèce, il ne fournit aucun inventaire ni aucun justificatif,

 

Dès lors, tout laisserait à penser que la ruine du fonds est caractérisée,

 

Pour autant, c’est au propriétaire du fonds de commerce ruiné de rapporter la preuve de cette ruine.

 

Il est bien évident que cela constitue une véritable difficulté sur le terrain probatoire car si le mandataire judiciaire se refuse à communiquer les éléments de transfert, le bailleur ruiné sera d’autant plus en peine de démontrer que la ruine est caractérisée.

 

Pour autant, immanquablement cette jurisprudence est intéressante et salutaire car elle démontre bien que dans la mesure où le mandataire liquidateur procède au transfert des contrats de travail suite à la résiliation du contrat de location gérance, il importe surtout que le transfert de l’ensemble des éléments corporels et incorporels indispensables à la poursuite de l’activité du bailleur soit correctement effectué sans quoi la ruine du fonds est non seulement caractérisée mais semble incontestablement causée par le mandataire liquidateur.

 

A ce que ce dernier engage sa responsabilité personnelle et professionnelle, il n’y a à mon sens qu’un pas à franchir que le bailleur ou le salarié ne doit pas écarter et que la jurisprudence ne manquera pas de développer.