Vente en viager, incendie et liquidation judiciaire

Cas d’école d’une vente en viager, lorsque le crédirentier engage une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Parcours procédural semé d’embuches, surtout lorsque le bien immobilier a subi un incendie et que le débirentier se retrouve en liquidation judiciaire.

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Caen en ce début d’année 2018 qui vient aborder la problématique d’une vente en viager dans laquelle le credirentier a engagé une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire alors même que le bien avait fait l’objet d’un incendie et que le débiteur était en liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, par acte authentique du 8 février 2012, Monsieur H né en 1950 célibataire et sans enfant propriétaire de son bien avait cédé, par le biais d’une vente en viager, à Monsieur P un ensemble immobilier comprenant une maison d’habitation, dépendances et jardin sous forme viagère, le vendeur se réservant la jouissance de l’usufruit sa vie durant et l’acquéreur devant s’acquitter d’une rente annuelle de 12 640,81 euros sans qu’il soit prévu une somme immédiatement exigible et plus connue sous le nom de « bouquet ».

Seule la rente annuelle était due.

A la suite d’un signalement auprès du Procureur de la République faisant état d’abus de faiblesse sur la personne du vendeur, le Juge des tutelles a été saisi aux fins d’ouverture d’une mesure de protection à l’égard de Monsieur H.

Par jugement en date du 28 avril 2014, le Juge des tutelles de Caen a placé Monsieur H sous curatelle renforcée désignant une association tutélaire en qualité de curateur.

L’association s’est aperçue que Monsieur P n’effectuait aucun versement postérieurement à celui effectué à la signature de l’acte qui devait correspondre de prime abord à la première annuité.

Pour cette dernière, il y avait matière à remettre en question cette vente en viager,

C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le 29 décembre 2015 à Monsieur P débirentier lui enjoignant de payer dans le délai d’un mois la somme de 17 882,57 euros au titre de la rente viagère, de remettre en état les dépendances et les meubles qui avaient été détruits entre temps par un incendie.

Par acte d’huissier en date du 8 mars 2016, l’association a fait assigner Monsieur P devant le Tribunal d’Instance pour :

Un premier jugement a été rendu le 27 juin 2016 assorti de l’exécution provisoire,

Cependant ce n’était pas la la seule procédure,

En effet, par jugement du 8 juillet 2016, le Tribunal de Grande Instance de Caen a prononcé la résolution du plan d’apurement du passif de Monsieur P et une procédure de liquidation judiciaire en fixant la date de cessation des paiements au 10 mars 2016.

Le mandataire liquidateur qui a été désigné a immédiatement fait appel du jugement querellé concernant cette problématique de vente en viager.

Or, par la suite, la procédure collective a évolué puisque par ordonnance de référé du 7 février 2017, le Premier Président de la Cour d’Appel a suspendu l’exécution provisoire attachée au jugement du 27 juin 2016.

Par arrêt du 27 avril 2017, la Cour d’Appel de Caen a infirmé le jugement du 8 juillet 2016 et dit « n’y avoir lieu à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de Monsieur P. »

Or, dans cette affaire, concernant la remise en question de la vente en viager, la problématique tournait autour de 3 axes.

Premièrement, l’appel du mandataire liquidateur était-il recevable puisque c’est lui qui avait engagé l’appel et non pas Monsieur B ?

Deuxièment, la clause résolutoire de cette vente en viager était elle acquise ?

Troisiemement, y avait-il matière à ordonner la remise en état ?

Concernant l’appel de la liquidation judiciaire, il importe de préciser que concernant la régularité de la procédure, la Cour d’Appel relève qu’il est constant que Monsieur P n’était pas encore placé en liquidation judiciaire lorsque le jugement du 27 juin 2016 a été rendu mais lorsque l’appel a été interjeté le 19 aout 2016, Monsieur P était alors bel et bien en liquidation judiciaire.

Seul le liquidateur pouvait effectivement régulariser l’appel.

Il convient de rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, le débiteur est en effet déssaisi par la décision prononçant la liquidation judiciaire de telle sorte que c’est le liquidateur qui exerce tous les droits et actions concernant son patrimoine durant toute la durée de la procédure.

Il en va de même concernant les problématiques liées à une vente en viager,

Dans le cadre de cette procédure, concernant la question de l’acquisition de la clause résolutoire, Monsieur P s’est d’abord contenté d’affirmer qu’il rencontrait des difficultés économiques et avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à un plan d’apurement du passif et que de difficultés complémentaires l’avaient empêché de faire face aux annuités du plan mais également au versement de la rente annuelle.

Monsieur P précisait que la réformation du jugement l’ayant placé en liquidation judiciaire lui permettrait d’apurer sa dette envers Monsieur H et il s’estimait être débiteur malheureux et de bonne foi.

Il ajoutait avoir toujours eu l’intention de remettre les lieux en l’état.

Il n’en demeure pas moins que la Cour d’Appel a une approche particulièrement sévère,

Dans un premier temps elle souligne qu’il résulte des pièces produites que la rente viagère à la charge de Monsieur P n’a plus été payée depuis le mois d’août 2014 alors même que ce paiement constitue l’obligation principale de l’appelant.

Puis, elle souligne que le délai imparti par le commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au contrat qui avait été délivré le 29 décembre 2015 était largement expiré lorsque Monsieur H a saisi le Tribunal de Grande Instance en demande de résolution de la vente.

Dès lors, pour la Cour, il convenait d’appliquer la clause qui précisait « qu’à défaut de paiement à son exacte échéance, d’un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera de plein droit et sans mise à demeure préalable, purement et simplement résolue sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause.

Dans ce cas toutes les sommes perçues par le vendeur (bouquets et les arrérages de rente) seront de plein droit définitivement acquises au crédirentier sans recours ni répétition de la part de l’acquéreur défaillant à titre de dommages intérêts et d’indemnités forfaitairement fixés. »

Enfin, concernant la problématique relative à l’incendie, la Cour retient qu’il est établi et incontesté que les lieux objets de la vente ont été sinistrés par un incendie qui a endommagé gravement le garage, l’ancienne charretterie, les écuries ce qui a valu à Monsieur P de recevoir de son assureur une indemnisation substantielle de près de 147 000 euros qu’il a toutefois omis de consacrer à la remise en état qui s’imposait, malgré la sommation délivrée le 27 décembre 2015.

La Cour d’Appel ne répond pas vraiment sur la problématique de l’incendie puisqu’elle ne fait que trancher la difficulté relative au fait que la vente en viager aurait été litigieuse au motif pris de l’absence totale de bouquet qui découlerait d’un état de vulnérabilité.

Dès lors, s’il y avait bel et bien vulnérabilité il y avait donc vice du consentement et dans ce cas, il fallait plutôt que de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente en viager envisager sa nullité.

A mon sens, cela aurait été plus efficace.

Cette décision mérite malgré tout réflexion car la problématique de l’injonction de remise en état des dépendances n’est absolument pas abordée par la Cour,

En effet, celle-ci ne fait que reprendre les faits sans réellement réflechir à l’impact que cela pourrait avoir sur la nullité ou la résolution de cette vente en viager et savoir si oui ou non cela devait finalement peser sur les épaules du crédirentier ou du débirentier.

Enfin, c’est omettre l’impact de la procédure collective qui a malgré tout un sens,

En effet, la question se pose malgré tout de savoir si en l’état de la liquidation judiciaire, la demande en résolution du contrat se heurterait pas valablement aux effets automatiques de ladite liquidation.

En effet, dans la mesure où il y a l’ouverture d’une liquidation judiciaire pour lequel est attaché le principe d’interdiction des poursuites, cela devrait mettre suffisamment à mal l’idée même d’une demande de constatation de résolution du contrat par application d’une clause résolutoire.

Une jurisprudence dominante considère qu’à partir du moment où la clause a produit ses effets avant le jugement d’ouverture, il est possible pour le Juge de constater la résolution de plein droit nonobstant l’ouverture de la procédure collective.

Sauf que dans l’hypothèse où appel a été interjeté la décision n’est pas définitive et par voie de conséquences, la Cour d’Appel n’aurait plus rien à constater.

Il importe d’ailleurs de préciser que cette solution a déjà été appliquée dans le cadre quasi identique d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de vente en viager.

En effet, bon nombre de juridictions considèrent que le jeu de la clause résolutoire doit être écarté tant que la résolution n’a pas été constatée par une décision de justice à la date d’ouverture de la procédure collective.

La Cour de Cassation a consacré plusieurs fois cette thèse notamment par un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 18 septembre 2012.

De prime abord, dans notre affaire, cela ne serait pas possible car la créance est apparue alors que Monsieur P était déjà en plan de redressement,

Bien plus, s’il est vrai que la liquidation judiciaire a été prononcée, celle-ci a très rapidement fait l’objet d’une rétractation par la Cour de telle sorte que l’arrêt des poursuites individuelles lié à l’ouverture de la procédure collective n’aurait de toute façon plus de sens.

Pour autant, cette jurisprudence étudiée est interressante puisqu’elle vient aborder cette  problématique spécifique quant à la question de l’acquisition de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective nonobstant le fait que la décision ne serait pas définitive.

Cela permettait à Monsieur P de garder la propriété du bien,

Cette solution serait également rassurante pour les créanciers car il est bien évident que si Monsieur P, qui est en plan de redressement, se heurte à des difficultés de paiement et ne peux plus tenir son plan, il sera alors placé en liquidation judiciaire et l’actif ne serait alors plus garanti.

Vente en viager, ou pas.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Contradiction entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété

Un copropriétaire souhaite transformer un local d’habitation situé au 2ème étage d’un immeuble en local professionnel en y apposant sa plaque. Le syndic peut-il s’y opposer, même si le règlement de copropriété ne prévoit rien à ce sujet, au motif pris que l’état descriptif de division, qui a une valeur contractuelle, est beaucoup plus restrictif sur cette question ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation du mois de juillet 2017 et qui vient aborder la problématique spécifique de la contradiction pouvant exister au sein d’une copropriété entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété en tant que tel.

 

En effet, dans cette affaire la question se pose plus particulièrement de déterminer la force juridique de l’état descriptif de division lorsque d’une part, il s’est vu conférer valeur contractuelle et lorsque, d’autre part, ces mentions ne sont pas nécessairement en contradiction avec les stipulations du règlement de copropriété,

 

La Haute Juridiction reconnait donc que lorsque les parties lui ont donné une telle nature contractuelle celle-ci doit recevoir sa pleine application.

 

Dans cette affaire la société P, propriétaire d’un lot composé d’un appartement situé au 2ème étage d’un immeuble en copropriété a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision d’Assemblée Générale lui ayant refusé l’autorisation d’apposer des plaques professionnelles.

 

Dans cette même procédure le Syndicat des Copropriétaires sollicitait, quant à lui, qu’il soit constaté qu’en vertu du règlement de copropriété les locaux situés au 2ème étage ainsi qu’aux étages supérieurs ne pouvaient être occupés à titre professionnel.

 

Or, une contradiction était clairement constatée dans la procédure entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété lequel n’imposait aucune restriction particulière pour le copropriétaire de transformer, au besoin, ses locaux.

 

Ceci, d’autant plus que si le Syndicat des Copropriétaires venait opposer la force de l’état descriptif de division il n’en demeurait pas moins que le règlement de copropriété stipulait clairement que l’immeuble était destiné à un usage professionnel, de bureaux commerciaux et d’habitations en ce qui concerne les locaux situés aux étages et aux combles,

 

De telle sorte qu’au sens des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, rien n’empêchait le propriétaire des lots d’en jouir et d’y apposer une plaque professionnelle.

 

Le copropriétaire, la société P, considérait que le règlement de copropriété ne pouvait pas imposer de restriction aux droits des copropriétaires et que ces derniers avaient le droit d’user librement des parties privatives comprises en son lot, qu’importe ce que pouvait préciser l’état descriptif de division,

 

Ceci d’autant plus que rien, au sens du règlement de copropriété, n’y interdisait d’y apposer une plaque professionnelle.

 

Pour autant, le syndicat des copropriétaires tenait une position juridique différente,

 

L’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que : « l’état descriptif de division dont chaque propriétaire avait connaissance et accepté les termes avait la même valeur contractuelle que le règlement lui-même ».

 

L’état descriptif de division détermine l’affectation particulière de chaque lot dépendant d’un groupe de bâtiments que son propriétaire s’oblige à respecter.

 

Qu’il s’en suit que les copropriétaires de la copropriété ont entendu conférer, par des dispositions spéciales du règlement de copropriété, une valeur contractuelle à l’état descriptif de division et à l’affectation des lots déterminés par cet état.

 

La société P considérait, quant à elle, que le règlement de copropriété ne pouvait imposer aucune restriction à l’endroit des copropriétaires en dehors de celle qui serait justifiée par la destination de l’immeuble tel qu’il est défini aux actes par ses caractères et ses situations.

 

Que dès lors, elle considérait que les lots situés dans les étages de la résidence ne pouvaient avoir usage professionnel au prétexte que l’état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété le décrivait comme des appartements.

 

Ladite société considérait que ce moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires était inopérant dès lors qu’elle constatait que le règlement de copropriété stipulait clairement que l’immeuble était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d’habitations en ce qui concernent les locaux situés aux étages et combles.

 

De telle sorte qu’au sens des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, ces derniers étaient bien fondés à transformer ces lots en locaux professionnels.

 

La société P était d’autant plus à même de soutenir cela qu’elle considérait que chaque copropriétaire était en droit d’user librement des parties privatives comprises de leur lots à la seule condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

 

Qu’importe l’état descriptif de division,

 

Pour autant la Cour de Cassation ne partage pas cet avis.

 

En premier lieu, elle rappelle que le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle à l’état descriptif de division de telle sorte que l’état descriptif de division affectait les locaux situés au dessus du premier étage et à une destination exclusive d’habitation.

 

Que l’état descriptif de division n’est pas en contradiction avec les stipulations du règlement selon lesquelles l’immeuble « était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d’habitation en ce qui concernait les locaux situés aux étages et combles dès lors que les dispositions de l’état descriptif de division étaient plus précises en ce qu’elles portaient sur chaque lot alors que la destination énoncée au règlement était de matière générale et distinguaient les étages au delà du premier.

 

A bien y comprendre, la société P ne peut obtenir de ce que ces locaux situés au 2ème étage ainsi qu’aux étages supérieurs ne soient occupés à titre professionnel.

 

Cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle la force de l’état descriptif de division, lequel vient compléter le règlement de copropriété surtout lorsque le règlement de copropriété a, justement, conféré une valeur contractuelle à l’état descriptif de division afin d’affecter les lots de manière bien précise.

 

La Cour de Cassation a bel et bien considéré que l’état descriptif de division auquel le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle affectait sans contradiction avec la destination de l’immeuble les lots situés au dessus du 1er étage de l’immeuble en copropriété à une destination exclusive d’habitation.

 

De telle sorte qu’en vertu de ce règlement et de l’état descriptif de division ayant valeur contractuelle, les locaux situés aux étages supérieurs ne pouvaient être occupés à titre professionnel.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Sort du navire abandonné pour récupérer espace et créance

Quid du sort du navire abandonné sur un chantier portuaire ? Quelles sont les actions possibles pour le professionnel qui souhaite récupérer l’espace pris et le règlement de sa créance de réparation et, ou, de gardiennage,

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à la problématique du cas d’un navire abandonné par un propriétaire sur certains chantiers portuaires, qu’il s’agisse de navire de plaisance, bateaux, catamarans…,

 

Cela crée des difficultés importantes pour les exploitants qui se retrouvent avec un navire abandonné ou plusieurs navires abandonnés sur leurs chantiers maritimes, et qui viennent surcharger leur chantier maritime et parasiter leur activité.

 

Le professionnel a alors le sentiment de se retrouver avec un navire abandonné dans son parc,

 

Il arrive souvent que le propriétaire du navire abandonné disparaisse, aléas de la vie faisant, et laisse le navire entre les mains d’un professionnel.

 

La procédure est strictement réglementée concernant le navire abandonné et sur la base de textes fort anciens.

 

Il convient donc de présenter une requête au Tribunal afin de se faire autoriser à vendre le navire abandonné.

 

Il faut tantôt envisager la vente tantôt la destruction du navire abandonné afin de récupérer sa créance pour dettes non recouvrées.

 

Le professionnel, ou son conseil, présente une requête devant Tribunal d’Instance ou le Tribunal de Grande Instance dont dépend son domicile afin que le navire soit déclaré navire abandonné.

 

Peut se poser une problématique de compétence juridictionnelle lorsque la valeur de l’objet est inférieur à 10 000 euros mais que la créance a dépassé la somme de 10 000 euros.

 

C’est l’abandon de la chose qui est génératrice de la saisine du juge et c’est la valeur du navire abandonné qui va déterminer la compétence du Tribunal.

 

Aucune forme particulière n’est requise pour la requête bien qu’elle doit mentionner les éléments suivants :

 

  • La date de réception du navire désormais navire abandonné par le professionnel ce qui permet de déterminer le point de départ de la réclamation

 

  • La désignation de l’objet permettant de l’identifier clairement

 

  • Le prix réclamé par le professionnel ou une estimation du navire abandonné par une société professionnelle

 

  • Le nom du propriétaire et lieu où se trouve le navire abandonné,

 

Concernant le propriétaire du navire abandonné, il importe de préciser que celui-ci a vocation à être contacté et entendu par le Juge pour avis,

 

Fort de la décision rendue par le Président du Tribunal d’instance, le professionnel peut enfin organiser avec son huissier instrumentaire la vente ou la destruction du navire abandonné,

 

Dès lors, cette procédure qui est peu connue permet à un professionnel de vendre un navire abandonné par son client afin de récupérer son espace au sein de son chantier maritime ainsi que sa créance de réparation et de gardiennage,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Espaces verts d’un lotissement et cession au profit de la Commune pour construire,

Est-ce qu’un colloti peut s’opposer à la désaffectation et au déclassement des terrains d’ espaces verts d’un lotissement par la commune pour ensuite vendre ladite parcelle pour un nouveau programme immobilier ?
Article :
Il convient de s’intéresser à la problématique du sort des espaces verts dans un lotissement lorsque la commune souhaite l’acquérir, procéder à sa désaffectation et son déclassement pour ensuite le revendre à un promoteur,
Dans cette affaire, un coloti avait acquis un bien immobilier dans un lotissement en 2003,
En 2006, son voisin entretient un morceau d’ espaces verts contigu, y plante des arbustes et finalement clôture ladite parcelle d’espace,
Informé de la situation le maire de la Commune intervient et obtient du voisin en question le retrait de la clôture,
Cependant, ces espaces verts contigu intéresse finalement la Commune qui envisage la vente des espaces vers du lotissement,
En 2012, est affiché sur la parcelle en question un panneau de « déclaration préalable de division avant de construire ».
Préalablement à cela, la Commune a pris soin de déclarer privé ladite parcelle pour accomplir cette formalité,
S’en suit en 2013 une enquête publique pour déclasser les espaces verts,
Mais un avis négatif est rendu par le commissaire enquêteur,
L’affaire ne s’arrête pas là,
En 2014, une nouvelle enquête publique est lancée concernant la modification du PLU,
La question de la vente desdits espaces verts revient à l’ordre du jour, et le commissaire enquêteur préconise alors la désaffectation et le déclassement des terrains d’ espaces verts avant toute vente.
Or, il convient de rappeler que les espaces verts doivent rester des lieux de promenade et de passage,

La question qui se pose est de savoir si un colloti peut s’opposer à la désaffectation et le déclassement des terrains d’espaces verts par la commune pour ensuite vendre ladite parcelle pour un nouveau programme immobilier ?

Pour répondre à cette question, il convient de revenir sur la notion d’ espaces verts,

La notion d’ espaces verts est apparue à la suite de la forte croissance de l’urbanisation.

Ainsi il est apparu comme plus que nécessaire de disposer d’espaces libres de constructions.

On peut définir, en urbanisme, les espaces verts comme tout espace d’agrément végétalisé (engazonné, arboré, éventuellement planté de fleurs et d’arbres et buissons d’ornement, et souvent garni de pièces d’eau et cheminements).

Un espace aménagé en parking ne peut donc pas être considéré comme un espace vert.

Même après une rétrocession, une commune ne peut vendre des espaces verts de lotissements.

Ces espaces bien qu’intégrés dans le patrimoine d’une commune suite à la demande du lotisseur ou de l’ASL, appartiennent au domaine public communal, qui est imprescriptible et inaliénable.

Seuls les biens appartenant à son domaine privé, ce que ne sont pas les espaces verts de lotissements, peuvent être cédé, vendus.

Dans l’hypothèse où la commune souhaiterait vendre ces espaces verts, elle devra entamer une procédure de désaffectation et de déclassement qui nécessite l’accord de l’unanimité des colotis.

Ce sont en effet des espaces verts de lotissements qui ont été cédés à la commune (à titre gratuit ou à l’euro symbolique) et non des terrains libres de droits.

La procédure d’expropriation permet ainsi à une commune d’éteindre les droits dont disposent toujours les colotis sur leurs espaces verts.

La procédure de désaffectation est la suivante:

– délibération du Conseil Municipal décidant la désaffectation,

– purge du délai de deux mois de recours,

– Les services municipaux vont ensuite cesser d’entretenir le terrain concerné,

– S’en suivra la pose de rubalise et le constat d’un policier municipal de la désaffectation actant que les espaces verts ne sont plus utilisés. En effet, au préalable à toute désaffectation, l’administration doit vérifier que ce bien n’est plus affecté à un service public ni à l’usage direct du public.

– Il y aura ensuite une nouvelle délibération en Conseil municipal actant la désaffectation et prononçant le déclassement du domaine public. Là encore, il faudra attendre la purge de deux mois de recours des administrés et du contrôle de légalité. Les administrés s’opposant à ce projet devront former un recours gracieux à l’encontre de la décision du Conseil Municipal.

– Ensuite seulement une division parcellaire sera effectuée par géomètre sur la base de l’emprise déclassée.

Le seul moyen de contourner la nécessaire unanimité des colotis pour la désaffectation serait d’entamer une procédure d’expropriation qui elle aussi est très encadré et doit répondre à une exigence de nécessité pour l’intérêt général.

Dans cette affaire, les espaces verts semblent bel et bien utilisés par le public et semblent régulièrement entretenus,

Dès lors, il est difficilement envisageable en l’état de justifier de la désaffectation des espaces verts concernés,

Si la commune continuait malgré tout dans cet voie, il conviendra d’attaquer chacune des délibérations prises en conseil municipal et dans le cas d’une expropriation, il conviendra de faire un recours contre l’enquête publique dans les 2 mois de sa transmission au contrôle de légalite.

Le recours gracieux motivé doit être fait à l’encontre de l’enquête publique ainsi que de la décision du conseil municipal afin d’obtenir leurs annulations.

Dans l’hypothèse où la municipalité ne répondrait pas favorablement audit recours gracieux, il conviendra de formaliser un recours contentieux devant le tribunal Administratif compétent.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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Habitation légère de loisir et résiliation du bail

Un bailleur peut-il obtenir la résiliation du contrat de location de terrain nu au motif pris que son locataire a procédé à des agrandissements ou extensions de son habitation légère de loisir contraires au droit de l’urbanisme ?

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en ce début de mois mars 2018 qui vient aborder la problématique du respect par le locataire des règles d’urbanisme concernant l’implantation d’une habitation légère de loisir, dont la surface plancher est supérieur à 35m2,

 

La vraie question étant par ailleurs de savoir si le bailleur peut reprocher à son locataire, propriétaire de son habitation légère de loisir, de ne pas avoir respecté les règles urbanistiques et obtenir la résiliation du bail, aux torts du locataire ?

 

Dans cette affaire et par acte en date de 1982, Monsieur B était devenu titulaire d’un bail emphytéotique d’un terrain situé dans le Var, non loin de Saint-Tropez, lequel était découpé en 100 lots de sous locations, sur lesquels étaient installés par chaque locataire et sur chaque lot une habitation légère de loisir,

 

Par acte notarié du 21 juin 2004, Monsieur B avait consenti à Madame S un bail expirant le 1er janvier 2040, ledit bail stipulait sous le titre « destination » que le bien ne pouvait être utilisé que pour l’implantation d’une habitation légère de loisir.

 

Le bail contenait une clause résolutoire qui prévoyait « à défaut de paiement d’un seul terme d’une redevance à son échéance ou en cas de non respect des charges et conditions des présentes, quinze jours après une mise en demeure par pli recommandé avec accusé de réception restée infructueuse ou par suite d’inexécution d’une seule des clauses et conditions du droit d’occupation et de celles du règlement intérieur ci annexé, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur après de mise en demeure de payer ou d’exécuter la condition en souffrance ».

 

Par acte notarié du 4 janvier 2006 Madame S avait cédé son droit au bail à Monsieur R, le bailleur étant intervenu à l’acte.

 

L’acte de cession prévoyait :que le bailleur, Monsieur B, intervenait à l’acte,

 

Ledit acte rappelant que le bien loué ne pourra être utilisé que pour l’implantation d’une seule habitation légère de loisir d’une superficie maximum de 35m2 et d’un modèle agrée par Monsieur B.

 

Toutefois, il ressort des circonstances de la cause que le locataire en question avait procédé à des extensions importantes de son habitation légère de loisir,

 

En effet, le bailleur s’est retrouvé à reprocher à Monsieur R d’avoir fait agrandir son chalet au-delà de la superficie autorisée, et ce, en violation des clauses visées dans l’acte de cession.

 

Par commandement d’huissier en date du 6 décembre 2012, Monsieur B a délivré à Monsieur R une injonction d’enlever l’extension sur l’habitation légère de loisir et l’abri de jardin puisque la surface de l’habitation légère de loisir était supérieure à 35m2 en violation des stipulations du bail.

 

Le commandement visait la clause résolutoire stipulée dans le bail.

 

Une procédure devant le Juge des référés avait été engagée et par ordonnance du 15 mai 2013, le Juge des référés avait dit n’y avoir lieu à référé aux motifs que la question de savoir si la clause résolutoire stipulée dans le bail du 21 janvier 2004 pouvait être invoquée à l’appui d’un manquement à une obligation convenue ultérieurement en 2006 alors que l’habitation légère de loisir édifiée soulevait une question qu’il n’appartient pas au Juge des référés, Juge de l’évidence, de trancher.

 

Monsieur B, bailleur, a alors assigné Monsieur R devant le Tribunal de Grande Instance de Draguignan aux fins de voir constater la résiliation du bail et la remise en état des lieux.

 

Si le Tribunal de Grande Instance a fait droit à la demande du bailleur, la Cour d’Appel a infirmé le jugement.

 

La question qui se posait était de savoir si le bailleur était en droit d’opposer à son locataire le non respect des dispositions urbanistiques concernant son habitation légère de loisir ?

 

Il convient de rappeler qu’en application des dispositions R 421-9 du Code de l’Urbanisme, l’implantation d’habitation légère de loisir dont la surface de plancher doit faire l’objet d’une déclaration préalable de telle sorte que le bailleur serait en droit d’exiger du preneur qu’il respecte la réglementation en vigueur, peu important que les dispositions législatives ou réglementaires impératives ne soient pas expressément rappelées dans le bail.

 

La Cour d’Appel retient que l’obligation de déclaration préalable n’étant pas contractuelle, il n’appartenait qu’à l’administration de se prévaloir de cette disposition.

 

Cette décision est discutable,

 

Ceci d’autant plus que Monsieur S s’était engagé dans l’acte de cession du droit au bail, à respecter une superficie maximale de 35m2 pour l’implantation de son habitation légère de loisir et qu’il avait manqué à cette obligation, de telle sorte que le bail pouvait être résilié et que le bailleur pouvait s’en prévaloir.

 

Dès lors, l’implantation d’une habitation légère de loisir de plus de 35 m2 dans un parc résidentiel de loisirs ne saurait être admise et serait soumise à déclaration préalable en application de l’article R 421-9 du Code de l’Urbanisme.

 

Il n’en demeure cependant pas moins que, cette obligation n’est pas contractuelle, il n’appartiendrait qu’aux autorités administratives de se prévaloir de cette disposition,

 

Sauf pour Monsieur B, bailleur, à prouver que l’administration aurait exigé du bailleur principal, sous peine de sanction, la réduction ou la démolition de cette construction soumise à simple déclaration.

 

Malheureusement la Cour de cassation demeure rigide en pareille matière,

 

La Cour de Cassation considère que l’obligation de déclaration préalable n’avait aucune portée contractuelle de telle sorte que le bailleur ne peut donc pas l’évoquer,

 

Et encore moins solliciter la résiliation du bail,

 

Cela est d’autant plus regrettable que la Cour va remettre en question les analyses faites par le constat d’huissier puisqu’elle considère que cela n’emporte pas démonstration de ce que la superficie de 35m2 de l’habitation légère de loisir serait dépassée de telle sorte que seule l’intervention d’un géomètre expert aurait permis de caractériser le dépassement de ladite superficie.

 

La Cour considère que s’il s’avère que ce bail qui lie les parties et les obligations qui en découlent à peine de clause résolutoire, ne contient aucune exigence au regard de la superficie maximum de l’habitation légère de loisir que le locataire était autorisé à implanter.

 

De telle sorte que la résiliation ne saurait être encourue,

 

Tant au stade de la procédure de référé que devant le Tribunal de Grande Instance statuant au fond,

 

Cet arrêt est intéressant,

 

Il rappelle que le bailleur n’est malheureusement pas forcément à même d’imposer à ses locataires de respecter des règles, sinon de bonne conduite, à tout le moins des dispositions d’ordre public et de droit urbanistique,

 

A mon sens, la rédaction des contrats de baux est indispensable, afin de permettre à la fois au locataire de respecter les normes urbanistiques en matière d’habitation légère de loisir, et à la fois au locataire de sanctionner contractuellement le locataire indélicat en obtenant la résiliation du bail, aux torts dudit locataire cela va sans dire,

 

A bon entendeur…..

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Elargissement d’une servitude de passage existante

Un propriétaire, jouissant depuis 35 ans d’une servitude de passage, peut-il contraindre son voisin, propriétaire du fonds servant d’élargir le chemin, celui-ci n’étant plus suffisamment large ?

 

La question est posée par un propriétaire d’un terrain, avec villa, enclavé qui jouit depuis plus de 35 ans d’une servitude de passage sur un chemin, dont une bonne partie a comme seule largeur est moins de deux mètres ce qui empêche un véhicule, de gabarit « normal », de passer,

 

Evolution de la taille des automobiles faisant, ce dernier ne peut plus accéder à sa propriété et s’inquiète par ailleurs de ce qu’aucun véhicule de secours ne pourrait arriver jusqu’à lui et lui prêter assistance si besoin était, ce qui altère très sérieusement la servitude de passage en question

 

La question se pose alors de savoir si, nonobstant le fait que le chemin est « en l’état » depuis 35 ans, le propriétaire enclavé peut contraindre son voisin, propriétaire du fonds servant d’élargir le chemin

 

Le propriétaire en question souhaite savoir s’il est possible de contraindre le propriétaire du lot servant de déplacer l’un des murs afin d’élargir la servitude de passage et permettre désormais à tout véhicule de passer sans encombre.

 

Il convient de rappeler que l’article 682 du Code civil prévoit que :

 

« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner ».

 

Dans le cas d’espèce, le propriétaire n’est pas totalement enclavé mais son accès est indéniablement insuffisant, ce qui altère sérieusement la servitude de passage, fut-elle déjà existante,

 

En effet, outre l’aspect non pratique du chemin, il serait bon de relever également les risques pour la sécurité des habitants de la maison, l’accès aux véhicules de secours étant impossible avec une largeur de 1.95/2m.

 

Malgré le fait que le propriétaire en question se soit accommodé de cette largeur de chemin pendant 35 ans ne lui ôte pas le droit à avoir un accès suffisant jusqu’à son domicile car le désenclavement est imprescriptible et la servitude de passage modifiable.

A tout moment un propriétaire peut saisir le Tribunal d’instance dont il dépend pour obtenir un élargissement du passage.

La jurisprudence est claire en la matière comme le rappelle notamment une décision de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, 14-25.089, en indiquant que « l’accès par un véhicule automobile correspond à l’usage normal d‘un fonds destiné à l’habitation ».

 

Cette extension doit toutefois être justifiée par la nécessité et non par simple commodité.

 

Et elle donne lieu à une indemnité au titre de l’aggravation de la servitude de passage.

 

La règle veut que l’on prenne du côté où le trajet est le plus court et à l’endroit le moins dommageable, comme le rappelle d’ailleurs l’article 683 du Code civil,

 

Celui qui a besoin du droit de passage est titulaire d’un droit légal.

 

Il peut donc, en théorie, choisir le tracé le plus court et l’imposer au voisin sans passer par le juge ou par un notaire.

 

Mais dans la pratique, c’est plus compliqué.

 

En effet, un passage entraîne toujours un trouble de jouissance et bien souvent des dommages qu’il n’est pas toujours facile d’évaluer seul.

 

Mieux vaut établir une convention écrite devant notaire et fixer à l’amiable l’indemnisation.

 

Faute d’accord sur le tracé ou les indemnités, il faut porter la demande en Justice,

 

Le juge sera alors à même de désigner un géomètre par voie judiciaire, qui déterminera alors, dans le respect des intérêts de chacun où se situera la servitude de passage et quelle indemnité il convient de fixer.

L’entretien du passage incombe à son utilisateur, comme le précise l’article 697 du Code civil,

Mais si le propriétaire du terrain en a lui aussi l’usage, il convient alors de partager les frais d’entretien.

L’accès au passage doit toujours rester libre.

Dans ce cas, le propriétaire doit mettre en demeure la Commune ainsi que les propriétaires des fonds entourant le chemin communal afin de trouver un accord d’élargissement.

Dans l’hypothèse (fort probable) où aucun accord ne serait trouvé, il lui appartient de saisir le Tribunal afin d’obtenir cet accès suffisant.

Dans tous les cas, le propriétaire en question demeure bien fondé à solliciter la mise en place de cette servitude de passage dans la mesure ou, pour l’heure le passage est très largement suffisant,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Accessibilité des établissements recevant du public

Question de l’ accessibilité des établissements recevant du public, entre démarches urbanistiques, demande d’autorisation de travaux en mairie, dépôt d’un dossier d’Agenda d’Accessibilité Programmé, demande de dérogation, et enfin, saisine de la sous-commission départementale d’accessibilité.

Il convient de s’intéresser à la problématique de l’ accessibilité des établissements recevant du public, au profit des personnes en situation de handicap. Quelles sont les démarches urbanistiques qui doivent être entreprises par l’établissement ?

La loi du 11 février 2005 est l’une des principales lois sur les droits des personnes handicapées, depuis la loi de 1975 et abordant la question spécifique de l’ accessibilité des établissements recevant du Public,

Les normes d’ accessibilité doivent permettre à toutes personnes en situation de handicaps temporaires ou définitifs de circuler avec la plus grande autonomie possible, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements et les prestations, de se repérer et de communiquer.

Mais l’accessibilité des établissements recevant du public ne concerne pas seulement les grandes surfaces ou ensemble commerciaux.

Tous les locaux doivent être accessibles aux personnes handicapés.

Les conditions d’accès et d’accessibilité aux établissements doivent être les mêmes que pour les personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente.

L’accessibilité de ces établissements et de leurs abords concerne :

  • les cheminements extérieurs ;
  • le stationnement des véhicules ;
  • les conditions d’accès et d’accueil dans les bâtiments ;
  • les circulations horizontales et verticales à l’intérieur des bâtiments ;
  • les locaux intérieurs et les sanitaires ouverts au public ;
  • les portes, les sas intérieurs et les sorties ;
  • les revêtements des sols et des parois ;
  • les équipements et mobiliers intérieurs et extérieurs susceptibles d’y être installés (dispositifs d’éclairage et d’information des usagers, par exemple).

Plusieurs cas de figures peuvent se présenter pour l’établissement :

  • Votre local est accessible : Pas de problème donc en terme d’accessibilité, il suffira de déposer une autorisation de travaux en mairie pour l’aménagement du local commercial.

 

  • Votre local n’est pas inaccessible, il faut alors le rendre accessible : il vous appartient de déposer un dossier d’Agenda d’Accessibilité Programmé, autrement appelé dossier d’Ad’Ap, en y indiquant quelles sont les mesures d’accessibilité que vous allez mettre en œuvre dans un délai de 3 ans pour la mise en conformité de votre commerce.

 

  • Votre local n’est pas accessible et ne peut être mise aux normes, il conviendra alors de déposer une demande de dérogation auprès de la commune afin d’éviter toute verbalisation ultérieure.

La décision sera rendue par la sous-commission départementale d’accessibilité.

Il est donc important que l’établissement formalise les démarches nécéssaires,

Mon cabinet peut naturellement vous assister dans vos démarches d’accessibilité des établissements recevant du public, au profit des personnes en situation de handicap, auprés du service de l’urbanisme de votre commune, qu’il s’agisse de demande d’autorisation de travaux en mairie, de dépôt d’un dossier d’Agenda d’Accessibilité Programmé, ou bien encore d’une demande de dérogation, et enfin, pour vous accompagner de la saisine de la sous-commission départementale d’accessibilité.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Vente en viager, entre avantages et inconvénients,

Quels sont les avantages et inconvénients d’une vente en viager, tant au regard du vendeur, autrement appelé le crédirentier qu’au regard de l’acheteur, le débirentier ? Entre nullité de la vente d’une part, et résiliation de la vente d’autre part,

Il convient de s’intéresser au cas de la vente immobilière en viager, dite vente en viager, dans laquelle l’acquéreur appelé débirentier a vocation à payer une soulte d’entrée mais également et surtout une rente périodique jusqu’ au décès du vendeur appelé crédirentier

 

La vente en viager est une bonne opportunité de transmission du patrimoine avec une rente mensuelle qui permet notamment à des personnes âgées de disposer d’un complément de retraite non négligeable

 

Le décès du vendeur va mettre fin au paiement de cette rente, le débirentier devenant alors pleinement propriétaire.

 

Cependant cette vente en viager crée deux difficultés majeures tantôt du fait du débirentier tantôt du fait du crédirentier.

 

Il n’est pas rare de voir un contentieux naitre de la part des héritiers du crédirentier qui viennent contester le prix de la vente en viager, notamment lorsque la vente en viager s’est faite sur la base d’une petite soulte et que les rentes ‘n’ont pas été réglées dans les temps.

 

Cela donne parfois l’impression aux héritiers de voir le bien bradé et de voir leur succession vidée,

 

Fort heureusement il y a des calculs précis qui viennent déterminer si le bien n’a été pas été vendu à un prix bien inférieur à la valeur du marché et ce en considération de l’aléa découlant de la projection que l’on peut espérer de l’espérance de vie du vendeur.

 

Les modalités de calcul du juste prix de la vente en viager se font en prenant en considération le bouquet mais également en faisant une projection du nombre des rentes.

 

Pour autant, la jurisprudence est précise et rappelle qu’il importe de comparer les revenus du bien immobilier ainsi que des intérêts du capital que le bien peut représenté et que la rente en viager correspond bien à la valorisation qui peut être faite du bien par le biais d’autres revenus.

 

Plus le risque de perte financière est important pour le crédirentier et plus la rente risque d’être remise en question tout comme l’appréciation de l’aléa et du caractère sérieux du prix de vente qui aurait été fixé dans le cadre de cette rente en viager.

 

L’analyse des revenus se fait par une approche in concreto prenant les revenus et charges du bien tels que l’on peut légitimement le définir.

 

Le décès prématuré du vendeur peut être une cause de nullité de la vente en viager.

 

Il convient de préciser que plusieurs articles régissent cette vente particulière et viennent sanctionner le décès prématuré du crédirentier notamment les articles 1974 et 1975 du Code Civil.

 

Tout contrat de rente viagère, créé sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat, ne produit aucun effet,

 

Il en est de même du contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat.

 

Ces dispositions et la jurisprudence que va de pair s’appliquent aussi lorsque la rente viagère est constituée sur plusieurs tètes.

 

La question d’absence d’aléa s’analyse sur la base du décès du dernier crédirentier et ce dans le délais de vingt jours ce qui peut sembler malgré tout extrêmement court.

 

La contestation de la vente en viager à l’encontre crédirentier est relative parfois à la mauvaise fixation du bouquet et de la rente mensuelle qui peut être fixée sur un taux bien inférieur à ce qu’on peut légitiment espérer.

 

En effet, la jurisprudence vient sanctionner la vente en viager lorsque la rente viagère est bien trop faible voire dérisoire.

 

Il faut procéder à des vérifications précises du prix dans l’acte de vente établit par le notaire qui doit clairement déterminer la valeur du bouquet qui s’entend comme une somme d’argent immédiatement exigible ainsi que le solde du prix de vente en viager déduit en rente viagère jusqu’à l’hypothèse du décès du ou des crédirentiers.

 

Se porte également une réflexion sur la notion de consentement du crédirentier dans le cadre de cette vente en viager qui est souvent soulevé par les héritiers du crédirentier.

 

Il importe de s’interroger sur l’état de santé mentale du vendeur au moment de la vente.

 

Il faut également vérifier si oui ou non le vendeur avait parfaitement conscience de ce qu’il faisait afin de vérifier la parfaite véracité de son consentement.

 

Il importe de savoir ce qu’il en est lorsque le débirentier décide de ne pas faire face à ses obligations et ne paye plus la rente viagère

 

Cette question est d’autant plus importante qu’il n’est pas rare de constater que la rente viagère est un complément de retraite bien salutaire

 

Il arrive que la vente en viager se fasse suivant plusieurs options dans l’hypothèse d’un viager dit viager occupé avec parfois une majoration de la rente lorsque le bien devient libre.

 

Certaines clauses prévoient également une majoration de la rente au titre des obligations de soins qui vont de pair.

 

L’ensemble de ces éléments sont donc à prendre en considération et sont déterminants sur le fait que le débirentier doit bel et bien régler ses échéances car en cas d’impayés, cela plonge le crédirentier en grande difficulté financière.

 

Il convient de rappeler que les actions en paiement des arrérages sont assujettis à une prescription de 5 ans, chaque rente impayée faisant partir à nouveau un nouveau délai de prescription.

 

Dès lors, se pose la question de la résiliation du contrat de vente en viager dans l’hypothèse où notamment le débirentier ne paye plus la rente viagère.

 

Il importe de vérifier si oui ou non est prévue dans le contrat de vente en viager, une clause résolutoire expresse et non équivoque qui vient à procéder à la résolution de la vente en viager en cas de non paiement des rentes et ce suivant un commandement de payer visant la clause résolutoire qui pourrait être signifié par voie d’huissiers et qui permettrait dès lors de mettre fin à la vente.

 

La loi prévoit par ailleurs dans son article 1978 du Code Civil que « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise point celui en faveur de qui elle est constituée à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné … »

Le crédirentier est en droit d’exiger le paiement des rentes impayées soit par voie d’assignation devant le juge des référés soit par voie d’assignation au fond devant le Tribunal de Grande Instance,

 

Il peut lorsqu’un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue dans l’acte notarié a été signifié demander la résiliation de la vente aux torts exclusifs du débirentier.

 

Il convient d’être attentif aux effets de la résolution de la vente en viager car dans la mesure ou la condition résolutoire a vocation à procéder à la révocation de l’obligation, il est bien évident que l’ensemble des parties sont remises en l’état de la situation comme si l’obligation n’avait jamais existée.

 

Or, cela suppose le remboursement du bouquet et des rentes perçues par le crédirentier.

 

Fort heureusement, le crédirentier n’est pas démuni sur ce point car il peut dans un premier temps prévoir dans le contrat de vente en viager qu’en cas de résolution, le crédirentier conservera l’ensemble des arrérages perçus, bouquet compris.

 

Il peut également prévoir une clause pénale permettant la conservation du bouquet dans son contrat et il peut demander de toute façon à ce que le Juge atténue les effets de la résolution en accordant des dommages et intérêts au crédirentier sur la base d’un montant au moins équivalent à ce qu’il a déjà perçu jusqu’à ce jour.

 

Cela entrainerai une compensation entre sa dette de restitution et la créance de dommages et intérêts que viendrait réclamer au débirentier indélicat qui n’a pas cru bon faire face à ses obligations.

 

Dès lors, immanquablement la vente en viager offre des avantages tant au crédirentier qu’au débirentier qui trouve intérêt à acquérir un patrimoine à moindre coût.

 

La vente en viager peut également présenter des inconvénients car d’un coté, il n’est pas rare de voir les héritiers du crédirentier remettre en question la vente en viager et il n’est pas rare non plus de voir que le crédirentier rencontre bon nombre de difficultés lorsque le débirentier ne fait plus face à ses obligations et ne règle plus les rentes.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Construction d’une piscine en zone classée espace boisé classé – EBC

Il convient de s’intéresser au cas particulier du propriétaire d’un terrain sur lequel est édifié un bien immobilier, et qui a fait l’objet d’un classement en zone classée espace boisé classé dite zone EBC,

 

En effet, ce dernier rencontre une difficulté puisque suite à l’édification de sa maison, la zone dans lequel il se trouve a été classée en espace boisé classé, l’empêchant par la même de construire une piscine sur son terrain,

 

Il convient tout d’abord de définir ce qu’est un espace boisé classé (EBC).

L’article L 130-1 alinéa 1 indique que « les plans locaux d’urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements ».

 

En France, en application de l’article L113-1 du Code de l’urbanisme, les plans locaux d’urbanisme, autrement appelé PLU, peuvent classer en espace boisé classé (EBC) les bois, forêts, parcs, arbres isolés, haies et plantations d’alignement comme espaces boisés à conserver, à protéger ou à créer (EBC).

 

Un espace peut donc être classé de manière à le protéger avant même qu’il ne soit boisé et favoriser ainsi les plantations sylvicoles.

Il devient alors un espace boisé classé (EBC)

 

La décision de création d’un espace boisé classé (EBC) est normalement facultative, mais ce n’est pas le cas pour les communes soumises à la Loi Littoral, qui s’exprime largement sur le bord méditerranéen et varois, et pour lesquelles l’article L121-27 du Code de l’urbanisme dispose que le plan local d’urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l’article L113-1 du même code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

 

Cette faculté de création d’un espace boisé classé (EBC) peut mettre en difficulté le propriétaire d’un terrain tant bien même celui-ci aurait déjà édifié un immeuble,

 

En effet, la décision de classement d’un espace boisé classé (EBC) n’est pas subordonnée à l’existence préalable d’un boisement, puisque la loi prévoit la possibilité de classer des terrains destinés à la création d’un boisement.

 

De plus, depuis la réforme opérée par la « loi paysage » du 8 janvier 1993, la protection peut concerner un arbre isolé.

 

La jurisprudence a ainsi confirmé la légalité de la création d’un classement en espace boisé classé (EBC) envue de la réalisation d’une coulée verte entre deux zones urbanisées ou afin de contribuer à l’isolement acoustique d’une route bruyante,

 

À l’inverse, le Tribunal administratif peut annuler un classement espace boisé classé (EBC) qui lui paraît injustifié.

 

Pour autant, si la création d’un espace boisé classé (EBC) peut être faite à l’occasion d’une création d’un plan local d’urbanisme ou bien encore d’un plan d’occupation des sols, il n’en demeure pas moins que sa révision ou sa modification, sa réduction ou la suppression d’un espace boisé classé (EBC) ne peut être faite que dans le cadre de la procédure lourde de révision ou de révision simplifiée du document d’urbanisme ou de sa mise en compatibilité avec un projet.

 

Enfin, il importe de rappeler que le classement en espace boisé classé (EBC) ne s’accompagne d’aucune indemnité pour le propriétaire, en application du principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme posé par l’article L105-1 du Code de l’urbanisme,

 

Pour autant, cela devrait-il être un obstacle à la création et à la pose d’une piscine a coté de la maison déjà existante ?

 

Or, rien n’empêche le propriétaire en question de déposer une déclaration préalable à la réalisation d’une piscine,

 

En effet, à plusieurs reprises le Conseil d’Etat a estimé que la qualité médiocre de végétations et d’espèces d’arbres sur une parcelle partiellement urbanisée (Conseil d’Etat, déc. 1986 ; conseil d’état, juillet 1996,), voire l’absence totale de boisement sur un terrain (Conseil d’Etat, déc. 1984, conseil d’état, janv. 1999) ne faisait pas obstacle à un classement en EBC.

 

Si l’article L 130-1 alinéa 2 du Code de l’Urbanisme est très clair sur la question en disposant que « le classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements », le droit jurisprudentiel apporte quelques nuances quant à l’interdiction totale des constructions dans un Espace Boisé Classé.

 

En effet, il a été admis qu’un changement d’affectation n’était pas obligatoirement incompatible avec la présence d’un espace boisé classé (EBC) sur une parcelle.

 

Le Conseil d’Etat a même jugé en mars 2010 que, pour refuser une autorisation de travaux, l’autorité administrative ne doit pas se baser uniquement sur le fait que le terrain est classé en EBC mais doit apprécier si la construction ou les travaux projetés sont de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements, sous peine de commettre une erreur de droit,

 

Selon la jurisprudence, certains travaux sont totalement incompatibles avec le classement d’un terrain en espace boisé classé (EBC), comme par exemple la construction d’une habitation (Conseil d’Etat, juillet 1994) ou encore la création d’une rampe d’accès à un parking public du fait de sa dimension (Conseil d’Etat, janvier 1984).

 

D’autres, en revanche, n’ont pas été jugés comme incompatible.

 

Ce fut le cas dans un jugement de la Cour Administrative d’Appel de Paris qui a estimé que la création d’une voie longue de 66 mètres et large de 4 mètres, traversant un espace boisé classé (EBC)le long d’une limite séparative en vue de rejoindre le seul accès direct du terrain à une voie publique, ne nécessitant ni abattage, ni coupe d’arbre (CAA Paris, mai 2003),

Par voie de conséquence, et fort des jurisprudences évoquées, rien n’empêcherait les propriétaires d’une parcelle, située en zone urbaine et est dépourvu de boisement justifiant de son classement en EBC de déposer une déclaration préalable aux fins d’ajouter une piscine à l’immeuble déjà existant,

 

Il appartiendrait alors audit propriétaire de démontrer, à la lueur des plans présentés dans la déclaration, que le changement d’affectation du terrain par la création d’une piscine ne compromet en rien la conservation, la protection ou la création de boisement, aucune végétation et arbres n’étant supprimés.

 

Il serait alors judicieux qu’un état des lieux précis des boisements existant sur la parcelle, avec notice explicative et photos et schéma d’implantation, permette à l’autorité administrative que vous êtes de vérifier la compatibilité du projet avec l’espace boisé classé.