Cession de créance et retrait litigieux, quand et combien ?

Droit au retrait litigieux, ou comment la caution doit contester le droit au fond du créancier d’une créance qui a été cédée, cession de créance d’une parmi tant d’autre, alors que le cessionnaire se garde bien d’individualiser la créance afin d’empêcher dans la pratique, le recours au retrait litigieux,

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en avril dernier relatif la question spécifique de la cession de créance et du retrait litigieux.

 

Il convient de rappeler que le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession de créance, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu’au cours de l’instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

 

Il est alors question de retrait litigieux,

 

Il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1699 du Code Civil « celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ».

 

C’est sur ce fondement juridique qu’est abordé la question de la contestation de la créance initiale pour permettre le retrait litigieux.

 

Cet arrêt aborde deux problématiques particulières,

 

La première est relative à a date à retenir pour la cession de créance,

 

La deuxième est relative à l’individualisation de la créance en tant que telle,

 

Ces deux problématiques abordées ne répondent qu’à une seule question : dans quelles mesures ou sous quelles conditions effectuer ce retrait litigieux,

 

Dans cette affaire, rendue sur renvoi de cassation, les faits remontent à 1987.

 

En effet, par acte du 30 juillet 1987, la banque a consenti à M. et Mme X. deux prêts garantis par l’engagement de caution d’une mutuelle,

 

Les débiteurs principaux s’étant montrés défaillants, la banque le 16 septembre 1998, les avait assignés en paiement ainsi que la caution,

 

Le 19 février 1999, la banque avait cédé à la société M CREANCES un portefeuille de créances incluant celle née des prêts consentis à M. et Mme X.

 

Dans cette affaire la Mutuelle opposait à la société M CREANCES son droit au retrait litigieux au motif pris qu’en sa qualité de caution, elle avait vocation à pallier la carence du débiteur principal et que par conséquence, elle était parfaitement en droit de lui opposer son droit au retrait litigieux.

 

La société M CREANCES s’opposait aux prétentions de la mutuelle sur la base de deux motifs de contestations,

 

Le premier était relatif à l’incapacité d’individualisation de la créance dans la mesure où la cession de créances emportait un portefeuille de cession de créances,

 

Par ailleurs, elle considérait que le droit à céder de la caution n’avait pas fait l’objet de contestations de la part de la caution.

 

La société M CREANCES opposait en outre que la cession portant sur un portefeuille de 391 créances incluant celle née des prêts consentis aux époux X pour un prix global d’une valeur de 21 723 984 euros, de telle sorte qu’en pratique le retrait litigieux était impossible,

 

Bien plus, la société M CREANCES se refusait de communiquer la liste,

 

Cependant, dans le cadre de la procédure en question, la société M Créances avait malgré tout remis l’acte authentique des 23 et 24 mai 2000 dans lequel l’acte de cession de portefeuille de créances comportait bien la liste exacte de l’ensemble des créances cédées, rendues anonymes, à l’exception de celle des époux X, bien visible,

 

La question se posait alors de savoir comment calculer le cout de la cession en litige, pour pouvoir exercer le retrait litigieux,

 

Afin de résoudre cette problématique, la Mutuelle envisage un système de calcul adapté, faute d’éléments de réponse de la part du cessionnaire,

 

La Mutuelle se positionne à la date de cession, date à laquelle la dette des époux X représentait un montant de 59 777,39 euros, alors que la totalité des créances cédées représentait un montant total de 84 475 036,77 euros, soit une valeur bien supérieur au prix d’achat fixé dans l’acte de cession à la somme de 21 723 984,95 euros,

 

Comme quoi, même l’argent se monnaye à vil prix,

 

Au détriment du débiteur…..,

 

La Mutuelle résiste en rappelant que le seul fait que la cession ait été faite pour un prix global, qui n’est pas calculé créance par créance mais qui résulte, d’une approche globale du portefeuille cédé, n’est pas en soit de nature à écarter l’application de l’article 1699 du code civil alors que les créances sont individualisées dans la copie authentique de l’acte de cession ;

 

A bien y comprendre, rien ne s’opposerait à ce que le prix de cession, ne comprenant que des créances soient appréhendé sur la base d’un pourcentage du montant total de celles-ci alors que l’acte de cession ne comporte aucune précision ou règle de calcul applicable au prix de cession des créances cédées.

 

Dès lors la Mutuelle considère qu’il pouvait être admis que si le retrait litigieux ne pouvait être ordonné qu’en échange du paiement du prix réel de cession et non d’une somme forfaitaire, en l’espèce force était de constater que l’ensemble des créances cédées d’un montant théorique de 84 475 036,77 euros a été racheté pour la somme de 21 723 984,95 euros soit 25,71 % des créances référencées.

 

Cette argumentation fait « mouche », car ce prorata n’est pas contesté par la société M CREANCES.

 

C’est donc à bon droit que la Mutuelle considère que la créance cédée par référence au montant de sa dette par rapport à l’ensemble des créances cédées et au prix total de la cession, sur une base de 25,71 % de la créance initiale d’un montant de 59 777,39 euros, représenterait une somme proratisée sur cette même base de 15 368,76 euros les conditions du retrait litigieux étaient remplies.

 

Il importe de préciser que dans le cadre de cette argumentation, la société M CREANCES n’a proposé aucune autre évaluation du prix réel de la créance avec les frais et loyaux coûts que celle proposée par la mutuelle.

 

Des lors, tout laisserait à penser que les conditions du retrait litigieux seraient remplies en présence d’une créance litigieuse et que l’économie de la cession résultant de l’acte produit dans son intégralité rendrait possible la détermination du prix réel correspondant à la cession litigieuse.

 

Pour autant, la Mutuelle n’en reste pas là et reproche également à la société M CREANCES sa résistance à communiquer l’information au motif qu’elle s’opposait au retrait litigieux.

 

Dès lors, la mutuelle est bien fondée à solliciter des dommages et intérêts équivalente à perte de la chance d’effectuer son droit de retrait litigieux en s’opposant à la communication de l’acte de cession de créances pendant presque 10 ans.

 

Cette argumentation est intéressante car elle permet de contester la réticence parfaitement scandaleuse, mais tellement fréquente, que peuvent avoir certains établissements bancaires à communiquer des informations importantes et non négligeables afin de justement permettre au débiteur ou la caution d’exercer son droit au retrait litigieux,

 

La deuxième problématique qui se pose est de savoir à quelle stade la créance était litigieuse,

 

En effet, la société M CREANCES considère que tant bien même la Mutuelle a été appelée en cause dans le cadre d’un contentieux à l’encontre des débiteurs principaux en sa qualité de caution, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas contesté le bien fondé de cette créance.

 

La société M CREANCES considère que si la mutuelle, en sa qualité de caution défenderesse à l’instance en paiement engagée par le créancier, a la faculté d’exercer son droit de retrait, encore faut-il qu’à la date de la cession de la créance, objet du litige, il existait une contestation sur la créance afin que celle-ci soit litigieuse au sens de l’article 1700 du code civil.

 

Elle rappelle que la créance objet du litige a été cédée le 19 février 1999 avec un portefeuille de 391 créances incluant celle née des prêts consentis aux époux X la cession étant signifiée à la mutuelle le 25 octobre 1999 ;

 

Les époux X et la mutuelle en sa qualité de caution, ont été assignés en paiement par l’établissement bancaire par exploit d’huissier en date du 16 septembre 1998 après que la mutuelle avait manifesté, suite à deux mises en demeure en date du 9 mars 1995 de payer le solde des prêts impayés, et par deux courriers datés d’avril et juillet 1995, sa contestation en soulevant que son consentement à l’acte de cautionnement a été vicié par les fausses déclarations des époux X et par le défaut de diligence et de sérieux de l’analyse effectuée par les services de la banque lors de la constitution du dossier, constitutifs de dol.

 

Il ressort des circonstances de la cause que par courrier adressé à la banque le 10 juillet 1998 en réponse à la mise en demeure de payer en date du 4 juin 1998, la mutuelle avait réitéré sa position et son refus de payer et sa contestation sur l’existence même du droit de la caisse.

 

Tant bien même la mutuelle n’avait formalisé que par conclusions en date du 6 mai 1999, sa contestation à l’action en paiement de la caisse, il n’en demeure pas moins que l’assignation en paiement qui lui a été délivrée le 16 septembre 1998 était en droit d’exercer le retrait litigieux de la créance cédée.

 

Sur ce point la Cour de Cassation rend une décision regrettable puisqu’elle considère que la créance cédée n’avait fait l’objet, dans le cadre de l’instance engagée par la banque à l’encontre des débiteurs principaux et de leur caution, d’aucune contestation sur le fond antérieurement à la cession, ce dont il résulte que les conditions du retrait litigieux n’étaient pas réunies,

 

De telle sorte que la caution n’avait donc pas été privée de la possibilité de l’exercer rappelant le principe selon lequel le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu’au cours de l’instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

 

Cette jurisprudence est décidemment regrettable car en considérant qu’il n’y a pas eu de contestations elle expose la responsabilité de l’avocat à charge des intérêts de la Mutuelle, alors que celle-ci n’a eu de cesse faire part de son désaccord.

 

Telle décision mets immanquablement à mal l’ensemble des correspondances adressées par la caution qui n’a eu de cesse de manifester son désaccord quant au paiement des créances réclamées.

 

A mon sens, cette interprétation stricte sert le créancier bénéficiaire d’une cession de créances sur la base d’une créance cédée par l’établissement bancaire au détriment du débiteur et de sa caution alors même que ces derniers n’ont eu de cesse de contester les prétentions de la société M CREANCES.

 

Cette jurisprudence demeure intéressante car elle rappelle au débiteur ou bien encore à la caution que le droit à contestation ne se présume pas en tant que tel,

 

Il appartient à ces derniers de contester, sans relâche, les prétentions du créancier, encore plus lorsque la créance est cédée et que le cessionnaire se garde bien de révéler le cout de le cession en litige, ne serait-ce que pour empêcher le débiteur ou la caution de recourir à son droit au retrait litigieux,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Vente en viager, entre avantages et inconvénients,

Quels sont les avantages et inconvénients d’une vente en viager, tant au regard du vendeur, autrement appelé le crédirentier qu’au regard de l’acheteur, le débirentier ? Entre nullité de la vente d’une part, et résiliation de la vente d’autre part,

Il convient de s’intéresser au cas de la vente immobilière en viager, dite vente en viager, dans laquelle l’acquéreur appelé débirentier a vocation à payer une soulte d’entrée mais également et surtout une rente périodique jusqu’ au décès du vendeur appelé crédirentier

 

La vente en viager est une bonne opportunité de transmission du patrimoine avec une rente mensuelle qui permet notamment à des personnes âgées de disposer d’un complément de retraite non négligeable

 

Le décès du vendeur va mettre fin au paiement de cette rente, le débirentier devenant alors pleinement propriétaire.

 

Cependant cette vente en viager crée deux difficultés majeures tantôt du fait du débirentier tantôt du fait du crédirentier.

 

Il n’est pas rare de voir un contentieux naitre de la part des héritiers du crédirentier qui viennent contester le prix de la vente en viager, notamment lorsque la vente en viager s’est faite sur la base d’une petite soulte et que les rentes ‘n’ont pas été réglées dans les temps.

 

Cela donne parfois l’impression aux héritiers de voir le bien bradé et de voir leur succession vidée,

 

Fort heureusement il y a des calculs précis qui viennent déterminer si le bien n’a été pas été vendu à un prix bien inférieur à la valeur du marché et ce en considération de l’aléa découlant de la projection que l’on peut espérer de l’espérance de vie du vendeur.

 

Les modalités de calcul du juste prix de la vente en viager se font en prenant en considération le bouquet mais également en faisant une projection du nombre des rentes.

 

Pour autant, la jurisprudence est précise et rappelle qu’il importe de comparer les revenus du bien immobilier ainsi que des intérêts du capital que le bien peut représenté et que la rente en viager correspond bien à la valorisation qui peut être faite du bien par le biais d’autres revenus.

 

Plus le risque de perte financière est important pour le crédirentier et plus la rente risque d’être remise en question tout comme l’appréciation de l’aléa et du caractère sérieux du prix de vente qui aurait été fixé dans le cadre de cette rente en viager.

 

L’analyse des revenus se fait par une approche in concreto prenant les revenus et charges du bien tels que l’on peut légitimement le définir.

 

Le décès prématuré du vendeur peut être une cause de nullité de la vente en viager.

 

Il convient de préciser que plusieurs articles régissent cette vente particulière et viennent sanctionner le décès prématuré du crédirentier notamment les articles 1974 et 1975 du Code Civil.

 

Tout contrat de rente viagère, créé sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat, ne produit aucun effet,

 

Il en est de même du contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat.

 

Ces dispositions et la jurisprudence que va de pair s’appliquent aussi lorsque la rente viagère est constituée sur plusieurs tètes.

 

La question d’absence d’aléa s’analyse sur la base du décès du dernier crédirentier et ce dans le délais de vingt jours ce qui peut sembler malgré tout extrêmement court.

 

La contestation de la vente en viager à l’encontre crédirentier est relative parfois à la mauvaise fixation du bouquet et de la rente mensuelle qui peut être fixée sur un taux bien inférieur à ce qu’on peut légitiment espérer.

 

En effet, la jurisprudence vient sanctionner la vente en viager lorsque la rente viagère est bien trop faible voire dérisoire.

 

Il faut procéder à des vérifications précises du prix dans l’acte de vente établit par le notaire qui doit clairement déterminer la valeur du bouquet qui s’entend comme une somme d’argent immédiatement exigible ainsi que le solde du prix de vente en viager déduit en rente viagère jusqu’à l’hypothèse du décès du ou des crédirentiers.

 

Se porte également une réflexion sur la notion de consentement du crédirentier dans le cadre de cette vente en viager qui est souvent soulevé par les héritiers du crédirentier.

 

Il importe de s’interroger sur l’état de santé mentale du vendeur au moment de la vente.

 

Il faut également vérifier si oui ou non le vendeur avait parfaitement conscience de ce qu’il faisait afin de vérifier la parfaite véracité de son consentement.

 

Il importe de savoir ce qu’il en est lorsque le débirentier décide de ne pas faire face à ses obligations et ne paye plus la rente viagère

 

Cette question est d’autant plus importante qu’il n’est pas rare de constater que la rente viagère est un complément de retraite bien salutaire

 

Il arrive que la vente en viager se fasse suivant plusieurs options dans l’hypothèse d’un viager dit viager occupé avec parfois une majoration de la rente lorsque le bien devient libre.

 

Certaines clauses prévoient également une majoration de la rente au titre des obligations de soins qui vont de pair.

 

L’ensemble de ces éléments sont donc à prendre en considération et sont déterminants sur le fait que le débirentier doit bel et bien régler ses échéances car en cas d’impayés, cela plonge le crédirentier en grande difficulté financière.

 

Il convient de rappeler que les actions en paiement des arrérages sont assujettis à une prescription de 5 ans, chaque rente impayée faisant partir à nouveau un nouveau délai de prescription.

 

Dès lors, se pose la question de la résiliation du contrat de vente en viager dans l’hypothèse où notamment le débirentier ne paye plus la rente viagère.

 

Il importe de vérifier si oui ou non est prévue dans le contrat de vente en viager, une clause résolutoire expresse et non équivoque qui vient à procéder à la résolution de la vente en viager en cas de non paiement des rentes et ce suivant un commandement de payer visant la clause résolutoire qui pourrait être signifié par voie d’huissiers et qui permettrait dès lors de mettre fin à la vente.

 

La loi prévoit par ailleurs dans son article 1978 du Code Civil que « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise point celui en faveur de qui elle est constituée à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné … »

Le crédirentier est en droit d’exiger le paiement des rentes impayées soit par voie d’assignation devant le juge des référés soit par voie d’assignation au fond devant le Tribunal de Grande Instance,

 

Il peut lorsqu’un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue dans l’acte notarié a été signifié demander la résiliation de la vente aux torts exclusifs du débirentier.

 

Il convient d’être attentif aux effets de la résolution de la vente en viager car dans la mesure ou la condition résolutoire a vocation à procéder à la révocation de l’obligation, il est bien évident que l’ensemble des parties sont remises en l’état de la situation comme si l’obligation n’avait jamais existée.

 

Or, cela suppose le remboursement du bouquet et des rentes perçues par le crédirentier.

 

Fort heureusement, le crédirentier n’est pas démuni sur ce point car il peut dans un premier temps prévoir dans le contrat de vente en viager qu’en cas de résolution, le crédirentier conservera l’ensemble des arrérages perçus, bouquet compris.

 

Il peut également prévoir une clause pénale permettant la conservation du bouquet dans son contrat et il peut demander de toute façon à ce que le Juge atténue les effets de la résolution en accordant des dommages et intérêts au crédirentier sur la base d’un montant au moins équivalent à ce qu’il a déjà perçu jusqu’à ce jour.

 

Cela entrainerai une compensation entre sa dette de restitution et la créance de dommages et intérêts que viendrait réclamer au débirentier indélicat qui n’a pas cru bon faire face à ses obligations.

 

Dès lors, immanquablement la vente en viager offre des avantages tant au crédirentier qu’au débirentier qui trouve intérêt à acquérir un patrimoine à moindre coût.

 

La vente en viager peut également présenter des inconvénients car d’un coté, il n’est pas rare de voir les héritiers du crédirentier remettre en question la vente en viager et il n’est pas rare non plus de voir que le crédirentier rencontre bon nombre de difficultés lorsque le débirentier ne fait plus face à ses obligations et ne règle plus les rentes.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Rejet de chèque, information préalable et responsabilité

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en juin 2017 qui vient aborder la question spécifique du rejet de chèque, du rejet de plusieurs chèques établis par une société qui s’est retrouvée par la suite en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.

 

Il vient aborder la question de l’information préalable que doit adresser la banque au titulaire du compte.

 

Et ce, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un professionnel,

 

La banque est en effet tenue, préalablement au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, de prévenir son client afin que celui-ci soit en mesure de ré créditer le compte et d’éviter toutes difficultés bancaires et financières.

 

Il convient de rappeler que l’article L131-73 du Code Monétaire et Financier prévoit que :

 

« Le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client ».

 

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder deux points précis.

 

Tout d’abord, il aborde la question de la responsabilité de la banque qui a manqué à son obligation d’information préalable en cas de rejet de chèque et vient aborder en second lieu la question de l’indemnisation et du préjudice qui aurait été subi en l’état de la faute commise par la banque.

 

Mais surtout cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il aborde la question du préjudice pour la société commerciale.

 

Dans cette affaire, la société VE a conclu une convention d’ouverture de compte courant avec l’établissement bancaire avec une autorisation de découvert.

 

En mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision,

 

Or, aprés avoir été mise en redressement judiciaire, la société VE a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et pour défaut d’information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante.

 

La société VE ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 mai 2008, la SCP X, a été désignée en qualité de liquidateur, puis est intervenue à l’instance es qualité.

 

La société VE faisait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation de bonne foi en rejetant, sans aucune information préalable pourtant prévue par l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, plusieurs dizaines de chèques et en mettant ainsi fin au découvert autorisé.

 

La question était de savoir si la banque avait remplie ses obligations,

 

La banque en semblait persuadée,

 

Pour autant, il n’en est strictement rien.

 

C’est dans ces circonstances que la société VE a entendu engager la responsabilité de l’établissement bancaire,

 

Elle lui reproche surtout d’avoir adressé des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés.

 

A ce sujet, il est bien évident qu’il y a matière à distinguer un particulier d’une société ou d’un commerçant qui peut émettre un certain nombres de chèques pour lesquelles il a besoin d’un soutien de l’établissement bancaire qui en qualité de partenaire privilégié de son activité a vocation à lui apporter toutes les réponses utiles

 

Plus particulièrement en l’informant des chèques en question.

 

Il est bien évident que le nombre de chèques émis par un professionnel a vocation à représenter un volume bien plus important qu’un simple particulier,

 

Le 6 mars 2006, la banque avait informé la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement d’un chèque »

 

Pour autant, cette lettre n’identifie pas le chèque en cause, et par la suite, aucun avertissement n’a été adressé par la banque pour les 32 chèques rejetés le 10 mars 2006 et le 29 mai 2006,

 

La banque avait alors indiqué à la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement des chèques venant d’être présentés et elle a mis fin à la convention de compte.

 

Sur le terrain factuel, il ressort clairement que la banque s’était bien gardée d’apporter quelques précisions sur les chèques en question.

 

In fine, cette jurisprudence est satisfaisante,

 

Elle consacre clairement la responsabilité de la banque pour avoir manqué à son obligation d’information préalable du titulaire du compte fut il un client professionnel.

 

Pour autant, la réponse à la première question en appelle forcément une deuxième,

 

En effet, le vrai débat concerne l’indemnisation du préjudice subi.

 

Sur cette question spécifique, la Cour de Cassation est beaucoup plus sévère,

 

Elle sanctionne la Cour d’Appel qui a condamné la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte,

 

Alors qu’après avoir énoncé que les dispositions de l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoient une information de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, elle a retenu que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés à sa cliente qui est fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause ;

 

Pour autant, sur la question spécifique de l’indemnisation du préjudice né du rejet de chèque indu, la Haute Cour ne partage pas l’avis de la Cour d’Appel.

 

En effet, la Cour d’appel avait indemnisé l’entreprise à hauteur du solde débiteur du compte,

 

Mais la Cour de Cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque,

 

De telle sorte que la cour d’appel aurait violé le texte susvisé.

 

Concernant le préjudice, la Cour de Cassation considère que le préjudice ne peut-être fixé à hauteur du découvert du seul débiteur du compte puisque la véritable problématique était relative au rejet des chèques mais surtout à la capacité qu’avait l’entreprise à couvrir le compte bancaire pour pouvoir faire face aux chèques rejetés en question.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation est un peu sévère,

 

Elle considère qu’il y a matière à réflexion sur la réparation du préjudice subi car la Cour d’Appel aurait du rechercher si le paiement des chèques litigieux par la banque n’aurait pas porté lé débit du compte de sa cliente au-delà du découvert autorisé.

 

La véritable question est de savoir si celle-ci aurait été en mesure de faire face à ses obligations et donc de payer les créances en question.

 

Dès lors c’est à juste titre que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel ne pouvait confondre le solde débiteur du compte et le préjudice subi par l’entreprise qui ne peut s’entendre que comme la perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

La question du préjudice est à mon sens un sujet important car retenir la faute de l’établissement bancaire est une chose et quantifier le préjudice à sa juste mesure en est une autre,

 

Pourtant le sujet de l’indemnisation et de la quantification du préjudice est extrêmement important.

 

Plus particulièrement en liquidation judiciaire afin de désintéresser les créanciers admis au sein de la procédure collective,

 

La décision est quand même à saluer dans son ensemble et ce pour deux raisons, même s’il y a de quoi « rester sur sa faim »,

 

Il est vrai qu’elle vient clairement caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire

 

Il est tout aussi vrai qu’elle vient apporter certaines précisions sur la question de l’indemnisation.

Cependant, à mon sens, le raisonnement est incomplet,

 

Il est bien évident que l’établissement bancaire en l’état des impayés a clôturé le compte et donc généré une cotation près de la Banque de France qui a donné une « mauvaise image » de l’entreprise VE et dès lors celle-ci s’est immanquablement retrouvée handicapée,

 

Cette situation était génératrice de perte de confiance absolue de ses partenaires économiques.

 

Sur ce point, il est bien évident que le préjudice ne peut se cantonner à la seule perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

Car il ne faut pas oublier que passé l’étape des chèques rejetés, la banque a clôturé le compte bancaire de l’entreprise et l’a affligé d’une « cotation bancaire » désastreuse pour la confiance financière que la société VE souhaitait entretenir avec ses partenaires économiques,

 

Dès lors, le préjudice doit être regardé dans un champ indemnitaire bien plus large,

 

Cette jurisprudence, qui pouvait sembler réductrice sur la question indemnitaire peut sembler incomplète, et pourrait, par une analyse plus extensive, permettre de faire supporter l’intégralité du passif de la procédure collective par l’établissement bancaire qui a eu un comportement abusif et non conforme à la Loi et à la jurisprudence en vigueur.

Responsabilité de la Banque et lettres de change payées sauf désaccord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en octobre 2017 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui vient aborder la question de la convention de compte liant un entrepreneur et l’établissement bancaire lorsqu’une lettre de change, ou des lettres de change, sont présentées sur le compte,

 

Dans cette affaire, pour les besoins de son activité professionnelles, Monsieur E, entrepreneur en bâtiment avait signé plusieurs conventions de compte auprès de l’établissement bancaire prévoyant une facilité de trésorerie pour un montant 20 000 euros qui ne pouvait normalement pas être dépassés.

 

Au cours du mois d’octobre 2012, la société R avait présenté à l’établissement bancaire deux lettres de change tirées par Monsieur E.

 

Ces lettres de change arrivant à échéance fin octobre 2012 étaient d’un montant respectif de 35 000,00 euros et de 46 201,97 euros soit un montant total de 81 201,97 euros.

 

Ces lettres de change ont été débitées le 22 octobre 2012 alors que le compte présentait déjà un solde débiteur de près de 40 000 euros.

 

Or, ce débit d’effet de commerce a eu comme conséquence de passer le compte bancaire en question en débit largement supérieur au débit découvert autorisé.

 

Suite à cela, la banque a adressé un courrier recommandé le 7 décembre 2012 visant un préavis non motivé de 60 jours.

 

Par courrier en date du 8 janvier 2013, Monsieur E était informé que son entreprise était cotée H8 par la BANQUE DE France, cette cotation correspondant aux entreprises menacées compte tenu des incidents de paiement déclarés.

 

Monsieur E assigné en responsabilité la banque devant le tribunal de grande instance, estimant que la banque avait commis une faute en payant les effets de commerce, autrement dit les lettres de change, alors que le solde de son compte était insuffisant.

 

Monsieur E soutenait que l’établissement bancaire avait engagé sa responsabilité en payant les deux effets de commerce litigieux sans avoir, au préalable, vérifié que le compte bancaire présentait une provision suffisante, et sans avoir alerté clairement et en temps utile son client.

 

Cette faute a pour effet d’obérer la situation bancaire et financière et d’aggraver sa cotation Banque de France, à une période où l’activité économique avait diminué, s’agissant d’une période hivernale peu propice à la réalisation de chantiers.

 

Dès lors Monsieur E était bien fondé à considérer que le préjudice causé par ce comportement fautif dépassait l’enjeu des lettes de changes car cela impactait les perspectives de développement et de chiffre d’affaires de l’entreprise.

 

Pour autant, la banque affirme qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a payé les deux effets de commerce litigieux, dans le respect de la convention “de paiement sauf désaccord” conclue avec Monsieur E,

 

Dans le cadre de la procédure, elle précise avoir adressé le 15 octobre 2012 à Monsieur E un relevé des lettres de change qui seraient payées le 22 octobre suivant, si aucune instruction inverse n’était donnée par Monsieur E,

 

La banque explique que le règlement des deux effets de commerce est intervenu, comme prévu, le 22 octobre 2012, son client ne s’y étant pas opposé.

 

Pour autant, le banquier domiciliataire est le mandataire de son client s’agissant du règlement des effets de commerce, autrement dit lettres de change, qu’il ne peut ainsi payer ces effets que lorsqu’il en a reçu l’ordre de son client, cet ordre pouvant être ponctuel ou permanent.

 

Or, la convention de compte comporte une clause intitulée « Convention de paiement de lettres de change sauf désaccord » dans laquelle Monsieur E donne mandat à la banque, qui l’accepte, de régler sans autre avis tous les effets de commerce, quel que soit leur montant, domiciliés aux caisses de la banque, en faveur de tiers en France par le débit du compte de référence désigné ci-dessus, ou de l’un des autres comptes courants désignés ci-après.

 

Il résulte de cette clause que la banque a reçu un ordre permanent de payer les lettres de change domiciliées dans ses caisses.

 

La question était alors de savoir si le délai prévu dans le contrat était respecté et si cette clause n’était pas abusive en générant un risque pour l’entrepreneur de ne pas répondre dans le délai imparti tant celui-ci est cours.

 

La banque se retranche derrière le fait que les conditions générales prévoient expressément que sur ordre formel du client, banque fait parvenir au client quelques jours avant l’échéance, un relevé d’effets à payer, que le client retourne à la banque au plus tard le dernier jour avant la date de paiement, avec ses instructions de paiement de tout ou partie des effets mentionnés.

 

Pour éviter au client de devoir donner systématiquement ses instructions pour le paiement des effets, une convention dite de « paiement sauf désaccord » peut être conclue par ailleurs; cette convention prévoit que le client ne donne aucune instruction lorsqu’il est d’accord pour le paiement, la banque ne rejetant les effets présentés au paiement qu’à la demande expresse du client en temps utile.

 

La vraie question était de savoir si la lettre avait été envoyée dans un temps conforme aux dispositions contractuelles et si ce temps était suffisant pour permettre à Monsieur E de répliquer dans des délais raisonnables.

 

La banque indique sue ce relevé date du 15 octobre 2012, soit de sept jours avant la date prévue pour le règlement des deux lettres de change.

 

Monsieur E soutenait que la banque n’apportait aucune preuve de l’envoi de la lettre en tant que tel.

 

Que le délai d’expédition laissait une marge de deux à trois jours de réception du courrier, la banque n’ayant pas envoyé la lettre par affranchissement prioritaire.

 

Que par ailleurs, dans l’hypothèse où Monsieur E ne suivait pas son courrier au jour le jour ou étant en déplacement, il est bien évident que le délai était trop court.

 

Pour autant, la Cour d’Appel brille par une certaine intransigeance sur la question des lettres de change et fait une application stricte du contrat au profit de la banque,

 

En effet, la Cour considère que l’envoi de ce relevé sept jours avant la date de paiement prévue n’est pas fautif dans la mesure où, d’une part, ce délai, même bref, permet au tiré de s’opposer en temps utile au paiement, ou au passage des lettres de change, et où, d’autre part, les conventions rappelées ci-dessus ne fixe aucun délai minimum.

 

La Cour d’Appel ne répond pas à l’argumentation de Monsieur E sur les conditions d’acheminement de la lettre ou sur le justificatif de son envoi.

 

Il est donc regrettable que la Cour considère que c’est à bon droit que la banque a payé les deux lettres de change litigieuses contrairement à la convention qui avait été signée et alors même qu’une deuxième difficulté se posait relative à la responsabilité de la banque sur la gestion du compte débiteur.

 

Il convient de rappeler qu’au moment du paiement des lettres de change le compte de Monsieur E était largement débiteur puisqu’il dépassait de plus de 20 000 euros la facilité de caisse.

 

Sur ce, la banque fait passer les lettres de change en augmentant de près de 80 000 euros le découvert en question, ce qui à mon sens caractérise la responsabilité de cette dernière qui aurait du se cantonner au seul découvert autorisé.

 

En conséquence, la Cour se fourvoie en considérant que le simple fait que le compte de Monsieur E ait présenté, au moment du paiement des lettres de change, un solde débiteur dépassant le découvert autorisé, n’était pas, en l’espèce, une anomalie de nature à imposer à la banque d’alerter plus particulièrement son client et de refuser ce paiement dans la mesure où, d’une part, il appartenait à Monsieur E de surveiller le solde de son compte et de s’opposer, le cas échéant, au paiement des lettres de change par prélèvement sur le compte bancaire litigieux, et où d’autre part, la banque avait déjà, par le passé, accepté que le découvert autorisé soit dépassé.

 

Que ces dépassements exceptionnels de découvert, prévus dans la convention de facilité de trésorerie, étaient par la suite réduits par Monsieur E par le dépôt de fonds sur le compte bancaire de telle sorte que compte tenu de ce fonctionnement, la banque a pu légitimement penser qu’il en serait de même lorsqu’elle a payé les deux lettres de change litigieuses et n’a commis aucune faute en procédant à leur règlement.

 

Il peut quand même sembler curieux de constater qu’il est donné force juridique à une pratique qui n’est pas règlementée par la convention de compte et qui vient largement dépasser la facilité de caisse pourtant déjà autorisée à titre exceptionnel.

 

Il est tout aussi curieux que constater que sur le sujet de la lettre de change, la Cour d’Appel fait une application stricte du contrat alors qu’inversement, sur la question de la responsabilité de la banque, celle-ci se réfère non plus au contrat mais à la pratique bancaire.

 

Cette analyse contractuelle à géométrie variable peut sembler parfaitement contestable,

 

Monsieur E reproche également à la banque au titre de la rupture des concours financiers.

 

En effet Monsieur E soutenait que la banque avait manqué à ses obligations légales en ne motivant pas la rupture de ses concours financiers et en ne répondant pas aux demandes faites par son client, ou par le conseil de ce dernier, portant sur les raisons de cette rupture.

 

En réponse la banque a fait valoir qu’elle a rompu ses concours financiers à durée indéterminée en respectant les dispositions de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier et que, contrairement à ce que prétend l’appelant, ce dernier ne lui a jamais demandé de préciser les raisons de cette rupture.

 

La Cour d’Appel considère qu’il résulte de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier, le préavis de rupture doit être notifié par la banque par écrit à son client mais qu’en revanche il n’est pas nécessaire d’y indiquer le motif de la rupture, une demande devant être émise par le client pour obtenir une telle justification.

 

Or la Cour ne prend pas en considération le fait que Monsieur E avait manifesté son mécontentement et avait donc par là même sollicité de la banque les raisons de cette rupture ce à quoi elle n’a jamais répondu.

 

Cet arrêt est particulièrement sévère et parfaitement critiquable puisqu’il donne raison à la banque sur tous les points et ce sur la base d’une analyse contractuelle à géométrie variable,

 

Concernant le paiement des lettres de change sauf désaccord, la Cour se réfère à une application stricte du contrat,

 

Lorsqu’il est question du dépassement des facilités de caisse, la Cour se réfère à la pratique bancaire,

La Cour considère enfin que la banque n’a pas à justifier une rupture de concours bancaire dès lors que le préavis de 60 jours a été respecté.

 

Mais surtout, la Cour ne semble pas sensible à la question de la matérialité d’un délai utile pour permettre à l’entrepreneur de donner son désaccord sur les lettres de change,

 

Il appartient donc au chef d’entreprise d’être particulièrement vigilant quant au sort des lettres de change afin d’anticiper toute difficulté avec ces fournisseurs, et surtout avec sa banque,

 

Saisie immobilière ou lorsque le créancier oublie de conclure sur la prescription

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en droit de la saisie immobilière de juin 2017 qui vient aborder une fois de plus les difficultés récurrentes que peut avoir le débiteur afin de préserver ses droits et se défendre dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

 

Cet arrêt rappelle en tant que besoin la rigueur propre à l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution propre à la saisie immobilière qui rappelle qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte.

 

Cet arrêt est intéressant car une fois n’est pas coutume c’est au créancier que l’on vient opposer cette irrecevabilité et non pas au débiteur.

 

Cet arrêt vient aborder différentes réponses à deux questions majeures fréquentes en droit de la saisie immobilière,

 

La première question est relative à la question de la prescription qui découle de l’article L 137-2 du Code de la Consommation applicable en droit de la saisie immobilière,

 

Pour autant, la question demeure de savoir si le droit français est applicable alors que le prêt a été conclu en devises étrangères, ou bien, lorsque le prêt a été contracté à l’étranger.

 

La deuxième question était tout aussi intéressante puisqu’il s’agissait de savoir si la banque était obligée de répliquer aux conclusions adverses relatives justement à la question de la prescription ou si elle pouvait se dispenser de le faire.

 

Les faits sont les suivants.

 

La banque avait par commandement de payer délivré le 5 décembre 2014 sollicité le recouvrement d’une créance de 1.105.086,18 euros.

Le juge de l’orientation avait ordonné la vente aux enchères publiques du bien, fixé la date d’adjudication et ses modalités préalables ainsi que la taxation des frais de poursuite.

 

Pour autant, il n’en demeurait pas moins que devant le juge de l’orientation, le débiteur saisi avait contesté le bien fondé de la saisie et avait opposé à l’établissement bancaire la prescription de sa saisie immobilière,

 

Or, la banque n’avait pas pris soin, devant le juge de l’orientation, de répliquer sur cette question pourtant importante.

 

Ce n’est finalement qu’en cause d’appel, devant la Cour, que la banque soutenait que le contrat de prêt, qui liait contractuellement les parties, se soumettait expressément au droit suisse,

 

A bien y comprendre la banque, c’est le droit suisse qui serait applicable pour déterminer la Loi qui règlementerait l’obligation du contrat, qui définirait sa prescription, la durée et le point de départ de celle-ci, les causes de suspension et d’interruption,

 

En cause d’appel, la banque soutenait, finalement, que la charge de la preuve quant au droit applicable pesait sur les épaules de Monsieur X auquel incombait la charge de la preuve,

 

Dès lors, ce serait à Monsieur X de démontrer que rien ne faisait obstacle à l’application des dispositions de l’article L.137-2 du Code de la Consommation qui aurait vocation à s’appliquer au détriment du droit suisse.

 

La banque soutenait que la prescription n’était pas une prescription abrégée, mais quinquennale, conformément au droit suisse par application des articles 127, 128, 135 du code des obligations (suisse) et qu’il résultait des pièces versées aux débats, qui n’étaient pas contestées, que le 3 septembre 2009, la banque prononçait la déchéance du terme en réclamant paiement d’une somme totale de 824.680 CHF dont le décompte joint fait apparaître que l’échéance impayée la plus ancienne est celle du 10 mars 2009.

 

Dès lors, le commandement de payer valant saisie immobilière ayant été délivré en vertu de la copie exécutoire de l’acte notarié du 5 décembre 2014, la prescription quinquennale, prévue par le droit suisse, était donc acquise.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et écarte l’application du droit suisse,

 

Elle considère qu’il résulte des articles 3 et 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle;

 

Par voie de conséquence, en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation français soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu, ensemble les articles 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 3 et 5 de la Convention de Rome en date du 19 juin 1980.

 

La Cour de cassation précise encore que les dispositions protectrices du consommateur sont d’application impérative pour le juge français,

 

De telle sorte qu’en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code français de la Consommation soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu l’article 3 du Code Civil et l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dans sa rédaction applicable aux faits.

 

Par voie de conséquence, la Cour de Cassation a une approche attractive salutaire des dispositions protectrices de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation puisqu’elle privilégie et protège le consommateur français.

 

Ceci répond donc à la première question,

 

La deuxième question était de savoir si la banque pouvait considérer qu’elle avait toujours raison à telle point qu’il ne lui était pas forcément nécessaire de se défendre devant le Juge de l’orientation et de se réserver cette prérogative en cas de difficulté devant la Cour,

 

De prime abord, et même si l’arrêt analysé n’est pas très clair sur cette question sur le calendrier précis des échanges qu’ont pu avoir Monsieur X et la banque, il est bien évident que la banque n’a pas cru bon répliquer devant le Juge de l’Orientation sur cette problématique de prescription et semble finalement vouloir s’en défendre devant la Cour d’Appel.

 

Pour autant, la Cour de Cassation constate que la banque n’avait pas devant le juge de l’orientation soulevé ses moyens de défense, savoir, ni l’irrecevabilité de l’exception invoquée par le débiteur et tirée de la prescription applicable en droit suisse, ni l’interruption de celle-ci par l’acte de saisine du tribunal de première instance du canton de Genève, de telle sorte que la créance était bel et bien prescrite.

 

La Cour d’Appel avait quant à elle fait droit à la demande et avait validé la procédure de saisie immobilière et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

 

La Cour d’appel retenait en effet : « d’une part que le fait pour le créancier poursuivant, qui a délivré l’assignation à l’audience d’orientation aux fins de vente forcée à défaut de vente amiable, de n’avoir pas répondu aux contestations formées par la partie saisie, ne vaut pas renonciation à ses demandes initiales, et que la reprise par le créancier poursuivant de ses demandes initiales, qui avaient toutes été soumises à l’audience d’orientation par l’assignation, est donc recevable, d’autre part, que l’exception tirée de la prescription invoquée par le débiteur devait être rejetée »,

 

Pour autant, cet arrêt de la Cour d’Appel était critiquable et contraire aux dispositions de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

La Haute Juridiction ne s’y trompe pas,

 

Elle considère qu’en examinant les moyens produits devant la Cour d’appel par la banque, qui n’avait cependant pas conclu au moment de l’audience d’orientation du juge de l’exécution, la Cour d’appel, qui a omis de relever d’office l’irrecevabilité des contestations nouvelles du créancier poursuivant, a manifestement méconnu l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

Fort heureusement, la Cour de Cassation rappelle que la procédure doit être équitable et respecter l’égalité des armes entre le créancier poursuivant et le débiteur saisi,

 

Dès lors, en considérant que la banque était recevable à présenter pour la première fois des moyens qui n’avaient pas été exposés au moment de l’audience d’orientation du Juge de l’Exécution tandis que le débiteur saisi n’était plus autorisé à présenter la moindre contestation nouvelle devant la Cour d’Appel en application de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la Cour d’Appel a méconnu le principe de l’égalité des armes et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

On ne peut que saluer cet attendu de principe qui rappelle les principes fondamentaux du droit au procès équitable, et casse finalement la décision de la Cour d’appel,

 

En effet, la Cour d’appel semblait plus encline à satisfaire les droits financiers de l’établissement bancaire que de préserver les principes inhérents à la procédure de saisie immobilière pourtant très rigoureuse, et les droits de propriété inhérents au débiteur,

 

La remarque peut sembler sévère,

 

Pour autant, il ne faut pas oublier que dans pareil cas, rien ne dis si l’établissement bancaire a cru bon procéder à la réalisation du bien immobilier sur la base de l’arrêt de la Cour d’appel, exécutoire nonobstant le pourvoi en cassation,

 

Sur ce point l’arrêt commenté reste muet,

 

En tout état de cause, cette décision est salutaire,

 

Elle consacre le caractère attractif et protecteur du droit de la consommation d’application impérative, et rappelle surtout à l’établissement bancaire que rien n’est jamais acquis par avance,

 

De là à ce quelle considère qu’elle ne peut pas vendre le bien immobilier de son débiteur avant de l’avoir tué…., il n’y a qu’un pas,

 

Pas, que le conseil du débiteur ne doit pas laisser franchir.

 

Médiation et saisie immobilière, lorsqu’une mauvaise saisie vaut mieux qu’un bon accord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en ce mois de juin 2017 qui vient aborder le cas particulier d’une saisie immobilière qui se fait alors qu’une médiation est en cours entre l’établissement bancaire et son débiteur, et ce, conformément au contrat de prêt qu’il prévoit.

Dans cette affaire, la banque avait engagé à l’encontre de M. et Madame X une procédure de saisie immobilière,

Un jugement d’orientation avait été rendu le 9 juin 2015 constatant la régularité de la procédure et autorisant la vente amiable du bien puisque de prime abord, à bien y comprendre, les consorts X avaient mis le bien en vente afin de faire face à leurs obligations bancaires, nonobstant procédure et médiation,

La particularité de cette affaire est qu’effectivement la clause prévue dans le contrat de prêt permettait une médiation préalablement à toute présentation d’une demande en justice.

Pour autant, la Cour de Cassation, dans sa rigueur habituelle, considère qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut en l’absence de stipulations expresses en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée.

Dans cette affaire, les consorts X faisaient fait grief à l’arrêt confirmatif de considérer la demande de la banque recevable.

La Cour de Cassation considère que la procédure de médiation à la lecture du contrat n’était qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux.

Madame X a formé pourvoi contrat l’arrêt confirmatif au motif pris qu’elle considérait que dans la mesure où une procédure de médiation était envisagée et quand bien même ne serait qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux, il n’en demeurait pas moins que dans l’hypothèse où la procédure de la médiation était engagée, les parties devaient alors s’y plier et s’abstenir de recourir au juge tant que la médiation était en cours.

Dès lors, pour madame X c’est à tort que la banque a cru bon envisager une procédure de saisie immobilière alors qu’une mesure de médiation était envisagée et que la patience dont l’établissement bancaire aurait pu faire preuve ne pouvait en aucun cas lui nuire puisque le créancier était de toute façon garanti par une hypothèque judiciaire.

Ceci d’autant plus que la procédure de médiation était encadrée dans des délais raisonnables de près de deux mois,

Par ailleurs, l’article L 316-1 du Code Monétaire et Financier dispose expressément que la saisie du médiateur suspend la prescription.

Par voie de conséquence, les consorts X considéraient que la banque avait eu un comportement abusif en envisageant une saisie immobilière.

Inversement, la banque s’en défend puisqu’elle soutient que les pouvoirs du médiateur demeurent en revanche circonscrits, qu’il bénéficie surtout d’un pouvoir de recommandation et les parties peuvent par conséquent ne pas adhérer à leurs recommandations et peuvent par la suite saisir le Juge.

Dès lors, la saisine du médiateur ne constituerait pas un obstacle sérieux à une action en justice, et donc à une saisie immobilière,

La Cour de Cassation semble sensible à cette argumentation,

Bien plus, elle considère que si la banque peut accepter de différer l’introduction du recours judicaire à l’encontre de son client dès lors que le médiateur a été préalablement saisi, il n’en demeure pas moins que ceci n’est qu’une faculté que la banque a la liberté de lever comme bon lui semble afin de poursuivre le débiteur si besoin est.

C’est ce que d’ailleurs les faits démontrent,

La banque n’a absolument pas patienté.

Cet arrêt mérite attention car s’il est bien évident, si tout laisse à penser qu’effectivement, à la lueur des dispositions de l’article L 111-7 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions qui disposent que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, le texte rappelle quand même que l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

L’article L 121-2 du même Code dispose, quant à lui, que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Madame X envisageait sur cette base juridique la condamnation de la banque au motif pris que ces démarches pouvaient être vécues par le débiteur comme des démarches particulièrement agressives alors même qu’une médiation, contractuellement prévue dans le contrat de prêt, avait été mise en œuvre par les débiteurs.

Dès lors, il est bien évident que si les dispositions de l’article L 111-7 n’empêchent pas le créancier de saisir le Juge de l’Orientation alors même qu’une médiation est envisagée, il n’en demeure pas moins que celle-ci pouvait être tout considérée comme abusive au motif que cela pouvait infléchir la médiation,

Ou à tout le moins déstabiliser suffisamment les débiteurs pour faire avorter la médiation,

L’attitude de la banque était particulièrement critiquable,

Ceci d’autant plus qu’il ressort des circonstances de la cause que le médiateur lui même a affirmé que le dossier était encore à l’étude et que la proposition de médiation n’avait pu être finalisée au motif que le dossier n’était pas complet, le médiateur ayant relancé à moult reprises l’établissement bancaire qui n’avait pas daigné apporter de réponses au médiateur,

Immanquablement, la banque s’est refusée à une médiation pourtant contractuellement prévue dans le cadre d’un contrat d’adhésion qu’elle a elle-même établi.

Il est dés lors particulièrement regrettable de constater que la Cour de Cassation ne retienne pas la responsabilité de l’établissement bancaire et considère qu’il n’y a pas matière à caractère abusif de la procédure de saisie immobilière en jugeant que la Cour d’Appel a pu retenir par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et que la demanderesse ne justifiait pas le caractère abusif de cette procédure.

Pourtant, il peut sembler largement critiquable de constater que la banque se sert de son contrat pour soutenir la déchéance du terme et envisager une saisie immobilière et se garde bien de faire face à ses propres obligations contractuelles pour dénier une médiation pourtant contractuellement prévue et pouvant potentiellement aider l’emprunteur,

Cette utilisation à géométrie variable des termes du contrat à son seul profit mériterait pourtant sanction,

La banque montre par là même sa mauvaise foi absolue.

Non seulement l’établissement bancaire ne patiente pas la phase de médiation pour saisir le débiteur, mais bien plus fait volontairement obstacle à ladite médiation en se refusant de collaborer,

Pour autant, il ne faut pas désespérer,

In fine, dans un univers sans solution juridique par nature acquise au profit de l’emprunteur il appartient à ce dernier, malgré tout, et en toutes circonstances, de faire preuve de pugnacité sans faille dans la défense de ses intérêts, et soulever, une fois de plus, l’ensemble des moyens de droit et de fait à sa portée contre l’établissement bancaire,

Laurent Latapie Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael,

Prêt professionnel et TEG contesté à une décimale

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en mai 2017 qui vient aborder la question spécifique de la contestation du taux effectif global et du taux d’intérêt erroné dans la cadre d’un contrat de prêt professionnel.

 

Dans cette affaire, une société commerciale avait assigné une banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du TEG mentionné dans deux contrats de prêt professionnel.

 

Dans le cadre de son pourvoi elle faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l’article R 313-1 du Code de la Consommation tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global, pour lequel elle réclamait la substitution du taux conventionnel au seul taux légal, ce qui peut représenter un impact économique non négligeable sur la totalité des deux prêts,

 

Malheureusement la Cour de Cassation rejette le pourvoi et relève que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 l’an mentionné dans le contrat de prêt professionnel et le produit du taux de période non contesté par le manque d’échéance de remboursement dans l’année à 5,743 % étaient donc inférieurs à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de la Consommation, de telle sort que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel et contrat de prêt.

 

Pour autant, cette jurisprudence relative au prêt professionnel est intéressante à plus d’un titre,

 

Dans le cadre d’une analyse a contrario de cette décision, il n’échappera pas, au lecteur attentif, que la Haute juridiction confirme que même dans le cadre d’un contrat de prêt professionnel l’emprunteur, fut-ce t’il professionnel ou commerçant, demeure bien fondé à assigner la banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du Taux effectif global mentionné dans le contrat du prêt en question.

 

Dans cette affaire l’établissement bancaire B a consenti, les 23 mai et 24 septembre 2007, à la société J deux prêts professionnels,

 

Cette même société J a assigné l’établissement bancaire par acte du 18 septembre 2012, soit dans le délai de 5 ans suivant la classique prescription quinquennale qui est souvent opposée par la banque au demandeur.

 

Dans son assignation, la société J sollicitait la nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global mentionné dans les deux contrats de prêt professionnel.

 

Or, dans le cadre de son pourvoi, la société J fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de rejeter ses demandes tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global annoncé dans son contrat de prêt professionnel et à voir substitué à compter de la date de ce prêt le taux d’intérêt légal au taux conventionnel.

 

En effet, elle considère que l’article R 313-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction issue du Décret n°2002928 du 10 juin 2002 applicable en la cause, dispose que le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire utilisée pour calculer le taux effectif global et calculer le cas échéant avec une précision de moyenne décimale a pour objet, non pas d’édicter une marge d’erreur admissible mais de déterminer le degré de précision dans l’expression dudit taux et les modalités d’application d’un chiffre arrondi.

 

De telle sorte que ni l’établissement bancaire, ni finalement la Cour d’appel, ne pouvait exciper, pour un prêt professionnel, des dispositions de cet article R 313-1 du Code de la Consommation caractérisant un seuil de tolérance d’une décimale alors même que la banque croyait bon opposer à la société J le fait que l’erreur de taux inférieur à une décimale entrainait une absence d’effet de l’erreur en tant que telle.

 

La société J précise, dans le cadre de son pourvoi, que le prêt professionnel entre dans la catégorie des prêts mentionnés au 3 de l’article L 311-3 du Code de la Consommation de telle sorte qu’il résulte des dites dispositions qu’il suffisait que taux effectif global applicable dans la cause est un taux annuel proportionnel au taux de période à terme échu exprimé pour son unité monétaire et lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire.

 

Le rapport ainsi calculé le cas échéant avec une précision d’au moins une décimale.

 

A ce sujet, la Cour de cassation rappelle qu’en présence d’un prêt, et d’un prêt professionnel, les parties peuvent s’accorder sur le calcul de l’intérêt conventionnel à savoir le taux de rémunération sur la base d’une année bancaire de 360 jours comme elles l’ont fait en l’espèce ainsi qu’en atteste l’article 2 des Conditions Générales du contrat litigieux qui stipule dans les conditions financières que le prêt donnera lieu au profit de la banque à des intérêts calculés sur le montant utilisé au taux indiqué dans les conditions particulières du présent acte sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.

 

Pour autant, nonobstant l’éventuelle erreur inférieure à une décimale la société J rappelle qu’aux termes des dispositions légales règlementaires la banque devait calculer dans le contrat de prêt professionnel le taux effectif global sur la base d’une année civile de 365 jours.

 

Dès lors elle fait observer à la Cour que si au sein du contrat de prêt professionnel  le TEG est calculé sur la base d’une année bancaire de 365 jours, il apparaît inconcevable que l’établissement bancaire puisse à la fois présenter un calcul d’intérêt annuel sur la base d’une année de 360 jours alors qu’il justifie dans le même temps d’un taux effectif global calculé sur une base de 365 ou 366 jours.

 

La société J considère, quant à elle, que le seuil de tolérance d’une décimale visé dans l’article R 313-1 du Code de la Consommation ne porte que sur le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire et non sur le résultat du taux effectif global en tant que tel de telle sorte qu’elle serait bien fondé à obtenir la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la Cour ne partage pas cet avis et considère qu’en tout état de cause que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 % l’an mentionné dans le contrat de prêt est le produit du taux de période non contesté par le nombre d’échange de remboursement dans l’année de 5,143 % est inférieur à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de a Consommation de telle sorte que cet à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel du contrat de prêt.

 

De telle sorte que le moyen de la société J n’est pas fondé,

 

Le pourvoi est rejeté,

 

Pour autant, cette décision est intéressante à plusieurs égards.

 

En premier lieu, elle rappelle, en tant que de besoin, que les prêts professionnels entrent dans la catégorie des prêts mentionnés dans le code de la consommation,

 

En effet, l’article L311-3 du Code de la Consommation a vocation à imposer à l’établissement bancaire une justification des modalités de calcul du taux effectif global nonobstant la décimale près visée par l’article R 313-1 du Code de la Consommation.

 

Le deuxième point intéressant est qu’il convient de rappeler à l’emprunteur, fusse-t-il commercial ou professionnel que celui-ci à l’obligation de rapporter la preuve que le taux effectif global est erroné.

 

Cela peut sembler, sur un terrain purement économique et humain, curieux car s’il y a bien un professionnel de la finance en mesure de justifier des modalités de calcul du TEG c’est bel et bien la banque,

 

Pour autant, l’établissement bancaire se garde bien de justifier du bien fondé de son TEG, étant rappelé qu’au égard aux règles de procédure civile qui s’imposent, c’est au demandeur de démontrer une erreur dans le taux effectif global.

 

Cette erreur doit être démontrée sur un terrain juridique , cela va sans dire, mais également sur un terrain mathématique et l’on ne peut que recommander au demandeur qui souhaite assigner la banque en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels au titre d’une erreur dans le taux effectif global de rapporter la preuve mathématique et de faire réaliser une analyse pour pouvoir rapporter la preuve sur un terrain purement concret et factuel.

 

Enfin, il est malgré tout regrettable que la Cour de Cassation ne distingue absolument pas la question relative à l’obligation qu’a l’établissement bancaire de calculer le taux effectif global sur une base de 365 jours alors qu’in fine il apparaît clairement que les taux de périodes sont calculés sur une base d’une année bancaire de 360 jours.

 

Pourtant, il apparait logique que dans la même lignée le calcul des intérêts annuels se fasse sur la même base.

 

Dès lors il peut sembler curieux que d’un côté celle-ci valide un taux effectif global à 365 jours et ne fasse pas de difficulté à ce que l’année bancaire soit finalement calculée à 360 jours dès lors qu’il n’y a pas une erreur de plus d’un décimale sur le taux effectif global in fine.

 

Pour autant, cette décision attire l’attention en ce qu’elle confirme l’opportunité que doivent avoir les emprunteurs professionnels et commerciaux quant à leur leur faculté d’assigner la banque en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels, à condition que cette erreur du taux effectif global soit à la fois démontrée et à la fois supérieure à une décimale pour pouvoir espérer obtenir gain de cause.

 

SCI et délai de contestation du taux effectif global

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’année 2017 relatif à la question spécifique du taux effectif global d’un prêt bancaire, vaste sujet qui fait couler beaucoup d’encre,

 

Tant le sujet est d’actualité et amène à remettre en question l’ordre bancaire établi,

 

Tant on peut s’étonner du fossé parfois ressenti par les praticiens entre les principes visés dans la jurisprudence de la Cour de Cassation et les décisions rendues par les juridictions de première instance qui opposent parfois une interprétation et une appréciation souveraine des juges du fond qui ont tendance à considérer que le taux effectif global est nécessairement juste.

 

Ce que d’aucuns emprunteurs pourraient considérer se heurter à une véritable présomption de TEG juste s’explique procéduralement par le fait qu’en sa qualité de demandeur à la nullité de la clause de stipulation des intérêts du prêt, c’est à lui de rapporter la preuve de l’erreur,

 

Cela peut cependant être mal compris notamment par l’emprunteur en difficulté financière qu’il soit personne physique, simple particulier, profane et non averti, ou qu’il soit une société civile familiale dont l’état d’ignorance financière est parfois tout aussi important,

 

Par voie de conséquence, la démonstration peut être effectuée par une analyse actuarielle ou bien encore par une expertise judiciaire, laquelle n’est pas nécessairement acquise de plaine droit, et la pratique montre que bon nombre de juridictions ne ressentent pas le besoin de recourir à l’intervention d’un sachant impartial,

Or, dans pareil cas, faute d’expertise judiciaire, il n’est pas rare de constater que les juges du fond se satisfassent finalement assez facilement des explications « techniques » de l’établissement bancaire,

Pour autant, l’enjeu, et la lourde sanction attachée à ce contentieux, alimentent inlassablement le contentieux en la matière,

 

En effet, l’annulation de l’ensemble des intérêts conventionnels, passés, présents et futurs, représentent un enjeu économique majeur,

 

Les deux axes majeurs récurrents de contestation du TEG consistent en premier lieu à vérifier l’ensemble des frais et accessoires intégrés dans le taux effectif global, et en deuxième lieu à vérifier si les intérêts annuels ont été déterminés non pas sur une base habituelle de 360 jours par an, mais bel et bien sur une base de 365 ou 366 jours par an,

 

Il convient de rappeler que les dispositions légales imposent à l’établissement bancaire de justifier de la justesse de son taux effectif global et des modalités de calcul y afférents lesquels sont clairement définis par l’article L 313-1 du code de la consommation et R313-1 du même code.

 

Pour autant, avant de procéder aux contestations et vérifications relatives aux modalités d’établissement du taux effectif global, le demandeur doit d’abord passer le cap de la recevabilité,

 

En effet, la contestation du taux effectif global repose avant toute chose dans l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, ledit contentieux en nullité étant prescriptible par 5 ans,

 

Pour autant, ce délai de 5 ans semble en décalage avec des prêts bancaires, des prêts immobiliers, dont l’erreur peut apparaître bien après le délai de 5 ans,

 

C’est bien souvent lorsque, victime des hasards malheureux de la vie, l’emprunteur en difficulté financière ne pouvant plus faire face à ses obligations, se retrouve destinataire d’une déchéance du terme et d’un décompte de créance « enrichi » d’un grand nombre de frais et d’intérêts divers et variés qui laisse à penser à l’emprunteur que celui-ci s’est épuisé pendant des années à payer des échéances d’un prêt qui demeure du sur la base d’une somme tout aussi importante.

 

Dans pareil cas, il peut sembler parfaitement légitime que le débiteur s’intéresse finalement aux modalités d’octroi de son prêt et au taux contractuel,

 

Pour autant, il n’est pas rare que plusieurs années se soient écoulées entre la mise en place du prêt et la demande du débiteur en annulation de la clause de stipulation d’intérêts,

 

La banque, toujours réfractaire à aborder ce délicat sujet, n’hésite alors pas à faire état de la prescription quinquennale afin de se décharger de toutes formes d’obligations.

 

La question qui se pose alors est de savoir si la prescription quinquennale démarre au jour de la signature de l’offre de prêt ou au jour de la révélation de l’erreur.

 

La jurisprudence a évolué sur cette question puisque elle a considéré que le délai de prescription ne courrait pas forcément à compter de la signature de l’acte mais pouvait également courir au moment de la révélation de l’erreur.

 

Cette question a été consacrée par une jurisprudence du 11 juin 2009 dans laquelle la Cour de Cassation considère qu’en cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non professionnel, la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagée par celui-ci en raison d’une erreur affectant le taux effectif global, court, de même que l’exception de nullité d’une telle stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d’exécution, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur,

 

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur.

 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence a d’ailleurs rappelé ce principe par un arrêt de décembre 2011, qui est intéressant, puisqu’il considère qu’eu égard à la complexité du calcul du taux effectif global, l’erreur ne pouvait être constatée par la simple lecture des conventions.

 

Il convient de rappeler que la complexité des opérations notamment en présence d’un crédit à taux variable, ne permet pas au simple particulier de voir ou de constater une ou plusieurs erreurs dans le taux effectif global.

 

En effet, les modalités de calcul sont particulièrement complexes et ne peuvent valablement être contestées en son temps par l’emprunteur qui n’avait pas à suspecter le caractère erroné du taux effectif global et qu’il n’était pas en mesure de constater l’erreur par le seul examen des conventions.

 

Toutefois, ces dernières années la jurisprudence s’est très sérieusement durcie et a dissocié emprunteur particulier et emprunteur professionnel et plus particulièrement emprunteur personne morale, notamment les SCI.

 

Ainsi, l’emprunteur personne physique particulier et simple consommateur avait le droit de considérer que le point de départ démarrait non pas tant à la signature de l’acte mais bel et bien au jour de la révélation de l’erreur,

 

Mais inversement, l’opportunité de décaler la prescription était fermée à toutes les personnes morales et donc les SCI, fut-ce t’elles familiales, ce qui est particulièrement regrettable.

 

Pour autant, cette jurisprudence de 2017 semble inverser la tendance ce qui est salutaire.

 

Dans cette affaire, la SCI avait demandé un prêt à la un établissement bancaire qui lui a notifié un accord de financement définissant les caractéristiques générales d’un prêt à long terme et indiquant qu’une régularisation de l’acte de prêt devait intervenir par acte notarié.

 

Cet accord avait été accepté le 24 février 2005 par la SCI et l’acte authentique réitératif de prêt étant finalement conclu le 31 mars 2005.

 

Par la suite, la SCI a souhaité engager une action aux fins de nullité de la stipulation du taux effectif global au motif pris que l’établissement bancaire n’aurait pas pris en compte les frais de garantie.

 

Cette assignation est signifiée le 15 mars 2010, dans la quelle la SCI sollicitait bien sur l’annulation de la clause de stipulation des intérêts et réclamait ainsi le remboursement de l’ensemble des intérêts perçus en sus du passage de l’échéancier au seul intérêt au taux légal.

 

La Cour d’Appel déclare irrecevable l’action de la SCI au motif pris que la prescription était acquise à la date à laquelle elle a été engagée, l’arrêt retenant que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels engagée par la SCI, qui a souscrit un prêt pour les besoins de son activité, est la date à laquelle l’offre de la banque a été acceptée par la SCI

 

Ce qui constitue la date de contrat de prêt et donc le point de départ de la prescription quinquennale,

 

La Cour de Cassation, qui a pourtant opté pour un durcissement des droits des SCI, particulièrement en 2016, semble revenir sur sa position et semble changer son fusil d’épaule,

 

En effet, elle considère dans cette jurisprudence qu’en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription se situe au jour ou l’emprunteur a connu ou aurait du connaitre l’erreur affectant celui-ci, la Cour d’Appel, qui a retenu comme point de départ de cette prescription la date d’un document ne constatant aucun taux effectif global a violé les textes susvisés.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient permettre aux SCI, qui sont d’ailleurs bien souvent des SCI familiales, de bénéficier de ce décalage de prescription, tant il est vrai que ce n’est que bien souvent en cas d’incident de paiement ou en cas de difficulté que les décomptes apparaissent et que l’erreur dans le taux effectif global peut se dévoiler aux yeux de l’emprunteur.

 

Dès lors, la SCI est donc bien fondée à envisager l’annulation de la clause de stipulation des intérêts même dans un temps éloigné de l’acte de prêt car désormais elle peut considérer que le point de départ de la prescription démarre au jour de la révélation de l’erreur,

 

L’arrêt est satisfaisant sur cette question,

Pour autant, il n’échappera pas au lecteur attentif que la Cour de Cassation a considéré que ce décalage de prescription pouvait également être évoquée par une SCI qui aurait souscrit un prêt pour les besoins de son activité professionnelle.

 

Deux bémols cependant,

 

En effet, si cet arrêt édicte désormais qu’il a matière à prendre comme point de départ de la prescription quinquenale le jour de la révélation de l’erreur, il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence offre des limites importantes sur deux points précis.

 

Le 1er point est qu’il faut, pour bien comprendre l’arrêt de la Cour, que l’offre de prêt ne comprenne pas de taux effectif global, car tel était le cas en l’espèce,

 

En 2ème point, il n’échappera pas que l’assignation dans cette affaire a été signifiée le 15 mars 2010 afin de contester un acte authentique qui a été établi le 31 mars 2005.

 

Qu’en serait il si l’offre de prêt intégrait un taux effectif global quand bien même celui-ci serait erroné et si l’action faite par le débiteur, SCI, serait diligentée après le délai de 5 ans de la réitération de l’acte chez le notaire ?

 

Tout laisse donc à penser que la Cour de Cassation n’est pas allée au bout de son raisonnement et n’a fait qu’entrouvrir une porte qui peut malheureusement être rapidement refermée.

 

Pour autant, si d’aucun y verrait une bouteille à moitié vide, il convient d’y voir à mon sens une bouteille à moitié pleine,

 

En effet, il était que ce recul des droits des SCI initiée en 2016 finisse enfin, au profit d’une approche plus protectrice des droits des emprunteurs, qui peuvent emprunter par le biais de SCI familiales pour des raisons successorales ou familiales, et qui ont par là même un comportement bien éloigné d’un vrai professionnel,

 

Par voie de conséquence, la SCI demeure bien fondée à bénéficier de dispositions propres au code de la consommation et réclamer la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

A force de solliciter le bénéfice des dispositions du code de la consommation, certaines SCI vont finir par opposer à l’établissement bancaire cette prescription biennale tant redoutée par cette dernière,

Appel d’une Saisie immobilière, défaillance du débiteur ou impatience du créancier

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Basse Terre en février 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la délicate question de l’appel d’une saisie immobilière,

 

Et plus particulièrement de la faculté qu’a le débiteur défaillant en première instance, de faire appel d’une décision rendue par le juge de l’orientation en son absence,

 

Alors qu’un récent décret vient mettre fin à l’effet dévolutif de l’appel dans le cadre des procédures de référé, tout laisse à penser qu’il y a un véritable recul du droit au procés équitable et à l’accès au juge, tant ce principe d’effet dévolutif de l’appel est malmené en droit de la saisie immobilière, alors que les enjeux immobiliers, patrimoniaux et financiers sont immenses,

 

D’aucuns y verront, dans le cadre d’un appel d’une saisie immobilière, un moyen procédural efficace d’alléger la charge de travail des magistrats,

 

D’autres le vivront comme une atteinte majeure aux droits de la défense, au procès équitable, et finalement, à l’accès au juge tout simplement, plus particulièrement en cas d’appel d’une saisie immobilière,

 

Or, droit de la saisie immobilière faisant, si le débiteur n’intervient pas devant le juge de l’orientation, il est très sérieusement mis en difficulté si, in fine, il décide de faire appel d’une saisie immobilière, pour soulever des moyens de défense, en fait, en droit, en hésitant pas à soulever plusieurs moyens d’irrecevabilités permettant d’annuler la procédure de saisie immobilière tout entière,

 

Cette faculté de faire appel d’une saisie immobilière est à mon sens particulièrement importante car elle permet au débiteur de faire valoir ses droits en rappelant bien que le droit de la saisie immobilière demeure par nature attentatoire au bien immobilier de l’emprunteur défaillant et par là même au droit de propriété pourtant constitutionnellement consacré.

 

Ainsi, on ne peut que déplorer cette absence d’effet dévolutif de l’appel d’une saisie immobilière en cas de recours contre la décision du juge de l’orientation,

 

Cela est d’autant plus dommageable que dans le cas d’espèce, la banque, nonobstant l’appel d’une saisie immobilière engagé par le débiteur qui souhaitait soulever des moyens notamment de prescription, a quand même pris soin de ne pas renvoyer l’audience d’adjudication et a fait adjugé le bien aux enchères publiques.

 

En effet, dans cette affaires les consorts S avaient conclu à Pointe à Pitre le 11 février 2005, un prêt avec une banque aux fins de financer l’acquisition d’un bien immobilier et ce pour prés de 207 000 euros.

 

Ce prêt avait l’objet d’échéances régulières qui n’avaient pas fait l’objet d’incidents particuliers mais par acte notarié de février 2007, les mêmes consorts S avaient conclu avec la même banque, un 2ème prêt de 77 000 euros.

 

Les deux actes de prêt précisaient bien que le préteur pouvait se prévaloir d’une exigibilité immédiate de la totalité de la créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur en cas de non paiement du prêt.

 

C’est que la banque a formalisé le 15 mai 2009 en mettant en demeure les emprunteurs de régler les échéances impayées et en prononçant la déchéance du terme.

 

Pour autant, ce n’est que par acte d’huissier en date du 9 juin 2016 que la banque en question a fait délivrer aux consorts S un commandement de payer valant saisie immobilière afin de voir ce bien vendu.

 

Pour ensuite se faire signifier à une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation,

 

Malheureusement, il ressort des circonstances de la cause qu’en l’état des difficultés propres aux consorts S, ces derniers n’ont pas comparu et le juge de l’orientation a constaté qu’à l’audience d’orientation, le créancier poursuivant maintenait sa demande tendant à ordonner la vente forcée de l’immeuble, fixer l’audience à laquelle aurait lieu la vente aux enchères, déterminer les modalités de visite de l’immeuble, er arrêter le montant de la créance.

 

Dans la mesure où les consorts S n’ont pas comparu, le juge a considéré qu’au terme de l’article 472 du Code de Procédure Civile si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulier, recevable et bien fondée.

 

Le juge a considéré qu’au terme de l’article 311 -2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière ».

 

C’est en l’état des deux actes notariés revêtus de la formule exécutoire, du décompte de la créance et sur la base de la déchéance du terme contractuellement prévue et prononcée par le prêteur, que le juge de l’orientation a jugé que le créancier était bien muni d’un titre exécutoire que la créance était exigible et que le bien était saisissable.

 

Il ordonne la vente aux enchères publiques du bien saisi à l’audience du 15 juin 2016 et fixe la mise à prix à hauteur de 140 000 euros.

 

Cependant, après mure réflexion, les débiteurs saisis ont souhaités frapper appel de la décision, appel d’une saisie immobilière, notamment au motif de la prescription de l’action.

 

En effet, ces derniers considèrent que dans la mesure où la déchéance du terme est intervenue en mai 2009 et que la saisie immobilière n’a été engagée quant à elle que le 9 juin 2016, ils étaient parfaitement fondés à soutenir la prescription biennale consacrée par l’article L137-2 du Code de la consommation, et par une jurisprudence clairement acquise.

 

Deux particularités dans cette affaire.

 

La première est relative à la procédure de saisie immobilière et la deuxième est relative au fait que la banque n’a pas cru bon patienter la procédure d’appel et a procédé à la vente du bien par un jugement d’adjudication rendu le 15 décembre 2016.

 

En effet, classiquement, lorsque le jugement d’orientation est frappé d’appel, et nonobstant l’issue « probable » de l’appel d’une saisie immobilière en question, l’audience de criée fait l’objet d’un renvoi, afin de procéder à l’adjudication avec entre les mains une décision rendue par la Cour d’appel,

 

Pour autant, le juge d’adjudication prend acte de l’acte de l’appel d’une saisie immobilière et pour autant considère qu’au visa de l’article L311-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qu’« A moins qu’il en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d’un avocat. »

 

Par cette motivation, le juge de l’adjudication rejette ce qu’il considère être une demande incidente, au motif pris que cette prétendue demande incidente n’aurait pas été formalisée par dépôt de conclusions au greffe,

Qu’importe l’appel d’une saisie immobilière,

 

Or, il ne s’agissait pas tant de formaliser une demande incidente mais bel et bien de solliciter un renvoi en l’état de l’appel d’une saisie immobilière en cours dont le juge ne pouvait ignorer l’existence.

 

La banque poursuit donc sa vente et le bien est adjugé à hauteur de 186 000 euros, soit bien en dessous de la créance bancaire et bien en dessous de ce que pourrait valoir le bien selon les débiteurs.

 

Il est vrai qu’en ces temps de rigueur économique et de marché immobilier encore fragile, les adjudications ne brillent pas par des élans d’enchères portées « endiablées, les biens étant bien souvent adjugés à des valeurs inférieures à ce que pourrait estimer le débiteur dans le cadre d’une vente immobilière sereine,

Devant la Cour d’appel, l’établissement bancaire ne manque pas de contester l’argumentation du débiteur attachée à la prescription de la procédure de saisie,

 

La banque rappelle que la déchéance du terme est intervenue le 15 mai 2009, et qu’une première saisie immobilière a été engagée.

 

En effet, sur la base de cette déchéance du terme, une première saisie immobilière avait été engagée suivant commandement du 20 janvier 2010, publiée en mars 2010, soit seulement quelques mois après la déchéance du terme, et force est de constater que dans le cadre de cette procédure, les consorts S avaient usé de tous les moyens juridiques et judiciaires pour s’y opposer.

 

Ainsi, ces derniers avaient pris soin de se défendre et un jugement d’orientation avait été rendu le 14 octobre 2010 frappé d’appel car ils avaient été déboutés de leurs prétentions.

 

La Cour d’Appel de Basse Terre a le 14 février 2011 également débouté les consorts S de leurs prétentions et le 1er jugement d’adjudication avait eu lieu le 12 mai 2011.

 

L’immeuble objet de la présente procédure avait été une première fois adjugé à Monsieur C pour le prix de 180 200 euros.

 

Cependant, Monsieur C n’ayant pas réglé le prix d’adjudication, ni les frais, une procédure de réitération des enchères avait été engagée à son encontre.

 

La vente sur réitération des enchères avait alors été fixée au 12 mai 2012.

 

Aucun acquéreur ne s’étant présenté, le juge avait refusé la demande de renvoi de l’adjudication formulée par la banque et avait prononcé la caducité du commandement.

 

La banque, contestant cette décision avait alors fait appel et par un arrêt en date du 17 juin 2013, la Cour d’Appel de Basse Terre avait infirmé le jugement en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant le Juge de l’Exécution pour fixation d’une nouvelle date de vente sur réitération des enchères.

 

C’est ainsi que par jugement du 20 février 2014, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Pointe à Pitre avait ordonnée une nouvelle vente forcée avec une mise à prix de 80 000 euros en prorogeant les effets du commandement de payer valant saisie.

 

Appel avait été interjeté de cette décision et par arrêt de la Cour d’Appel de Basse Terre du 14 novembre 2014, celle-ci confirmait le jugement du Juge de l’Exécution.

 

Pour autant, les consorts S ont alors soulevé par conclusions en date du 25 mars 2015 un nouvel incident de péremption du commandement.

 

En effet, la banque avait prorogé le commandement le 27 février 2014, sur la base d’une décision du 20 février 2014 ordonnant la prorogation des effets du commandement aux fins de publication, mais en raison d’une erreur des services de la publicité foncière, le dépôt n’a été pris en compte que le 6 mars 2014.

 

En conséquence, le juge de l’orientation n’a pu que constater la péremption du commandement publié le 2 et 26 mars 2010.

 

Deux thèses s’affrontaient alors, en suite de cette « épopée judiciaire »,

 

Les consorts S considéraient que l’ensemble de la procédure qui avait été initiée entre le 20 janvier 2010 et le 16 juillet 2015 ne pouvait être interruptif de prescription au motif pris que le Juge de l’Exécution avait constaté la péremption du commandement publié en mars 2010.

 

A l’inverse, l’établissement bancaire considérait que la prescription ne pouvait nullement acquise en l’état de la prescription d’un commandement de payer.

 

Pour autant, les débiteurs ne se contentent pas de cette seule argumentation et soulèvent également bon nombre de moyens de droit récurrents en matière de saisie immobilière, et outre la question de la prescription, il soulevaient des questions de validité de la signification du commandement de payer par voie d’huissiers notamment afin de vérifier que la signature était la bonne.

 

Sont également contestés les éléments relatifs à la validité de l’assignation à comparaitre, des moyens relatifs aux obligations contractuelles de la banque, tout comme la demande d’annulation de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la banque se garde bien d’entrer en discussion sur ces différents points et se cantonne à soutenir l’irrecevabilité de l’appel, au visa de l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui stipule : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte ».

 

Dans la mesure où les consorts S ont été régulièrement assignés mais non pas comparus en première instance, la banque considère qu’ils ne sont plus recevables à formuler des contestations de fond ou de forme sur la procédure antérieure à l’audience d’orientation.

 

Pour autant, les consorts S tentent de s’affranchir de cette cause d’irrecevabilité en appel d’une saisie immobilière au motif qu’il appartenait au juge de première instance de vérifier si les conditions des articles L 331-2, L 331-4 et L 331-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution étaient réunies.

 

Cette argumentation était subtile car elle permettait de pallier l’irrecevabilité d’office en appel d’une saisie immobilière, alors même qu’il appartient quand même au juge de vérifier si oui ou non la créance était prescrite.

 

Faute pour le juge de le faire et de se satisfaire d’un simple commandement de payer valant saisie, la débiteur s’estimait bien fondé à contester le jugement, ce qui fait que c’est l’analyse du juge faite après l’audience d’orientation qui pouvait dès lors être contestée.

 

Palliant ainsi l’absence d’effet dévolutif de l’appel de la décision du juge de l’orientation…,

 

Pour autant, cette faculté de contestation de l’absence de vérification du juge de l’orientation est rejetée car la Cour d’Appel de Basse Terre,

 

La Cour considère que le débiteur n’est pas recevable à formuler pour la première fois devant la Cour d’Appel, en appel d’une saisie immobilière, des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites du créancier, car il n’a pas comparu à l’audience d’orientation alors qu’il a été régulièrement assigné.

 

La Cour d’Appel considère que l’appel d’une saisie immobilière n’est pas manifestement abusif mais qu’en tout état de cause, les consorts S sont irrecevables.

 

Ils sont donc déboutés de l’ensemble de leurs contestations,

 

Ce raisonnement juridique vient malheureusement clore le débat,

 

Il ressort surtout de cet arrêt que la Cour d’Appel ne s’intéresse même pas à la question de la prescription et ne tranche pas la difficulté qui aurait pu laisser à penser qu’en l’état des éléments fournis par la banque, la première procédure de saisie immobilière était oui ou non prescrite.

 

La Cour considère qu’il n’y a même pas matière à répondre à cette question et que dans la mesure où ces arguments sont soulevés pour la première fois en cause d’appel d’une saisie immobilière, il y a donc lieu de les déclarer comme étant parfaitement irrecevables.

 

Cette rigueur juridique interpelle forcément,

 

Pour quelles raisons, le débiteur ne pourrait il pas évoquer devant la Cour d’Appel des nouveaux moyens de fait et droit dans la mesure où il n’a pu le faire en première instance, alors que dans tous les autres contentieux, l’effet dévolutif permet justement de le faire ?

 

Cela est contestable,

 

D’autant plus quant on connaît les calendriers spécifiques en pareille matière,
En effet, sous l’ancien régime du droit de la saisie immobilière, avant la réforme de 2006, les audiences du juge de l’orientation ne pouvaient faire l’objet de renvoi en tant que tel,

Désormais la procédure est plus « souple » sur ce point en première instance,

 

Pour autant, la procédure devant la Cour d’appel demeure strictement encadrée,

 

En effet, la procédure devant la Cour d’Appel est faite sur la base d’une assignation à jour fixe, laquelle est très souvent fixée dans des délais courts, sinon dans les deux mois de l’appel,

 

Dans pareil carcan procédural, il n’y a pas lieu de craindre que l’effet dévolutif de l’appel d’une saisie immobilière vienne engluer la saisie immobilière dans une procédure sans fin.

 

Une telle rigueur est salutaire pour l’établissement bancaire,

 

En effet, il ne faut pas oublier que l’établissement bancaire, qui semble avoir pressenti la décision de la Cour d’Appel rendu sur la base de l’article R311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, et qui semble s’être « irritée » de cette nouvelle tentative de contestation du débiteur, n’a pas hésité à solliciter la vente aux enchères du bien immobilier du débiteur sans attendre la décision de la Cour,

 

Cela est regrettable car il est bien évident que l’adjudication en tant que telle n’est pas contestable et l’effet translatif de propriété est de toute façon acquis dès le jugement d’adjudication.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour d’Appel de Basse Terre considérait que la créance était prescrite et que l’établissement bancaire ne pouvait procéder à une saisie immobilière, dans la mesure où le jugement d’adjudication entraine un effet translatif de propriété quasi immédiat au profit de l’acquéreur, la banque ne pourrait pas rendre le bien au débiteur qui dans tous les cas perdrait sa maison.

 

Le débiteur pourrait s’exprimer seulement sur le terrain indemnitaire en engageant la responsabilité de la banque dans une nouvelle procédure qui viendrait exposer le débiteur à une précarité certaine le temps de la procédure.

 

Par voie de conséquence, il est regrettable, voire téméraire, que l’établissement bancaire ait cru bon vendre alors même que la Cour d’Appel ne s’était pas encore exprimée.

Ce que n’avait d’ailleurs pas manqué de remarquer Madame la Présidente à l’audience,

 

En tout état de cause, l’adage suivant lequel rien n’est gagné d’avance est de vigueur en droit de la saisie immobilière,

 

Le débiteur saisi, doit se défendre, tant dans une première saisie immobilière que dans la deuxième, et ce, à chaque fois, des l’audience d’orientation, sans attendre un appel d’une saisie immobilière jugé irrecevable, à tel point que le banquier, guère impressionné, n’hésite même plus à renvoyer la vente et fait adjuger le bien,